De Gaulle et Macron : deux façons différentes d'envisager la Ve République ?

  • il y a 7 mois

Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari et ses invités débattent des visions différentes du général de Gaulle et de Macron d'envisager la Ve République, et si celle-ci est mise en péril aujourd'hui.
Retrouvez "Punchline" sur : http://www.europe1.fr/emissions/punchline
Transcript
00:00 C News et Europe 1.
00:02 Punchline, 18h-19h, Laurence Ferrari sur C News et Europe 1.
00:09 18h38 en direct dans Punchline sur C News et sur Europe 1.
00:16 Jean-Luc Barré nous a rejoint.
00:17 - Bonsoir, M. Barré. - Bonsoir.
00:19 Je suis toujours aussi fan de votre livre,
00:20 "Une vie de go, l'homme de personne",
00:23 1890-1944, aux éditions Grasset.
00:26 Un monument, je vous l'ai déjà dit,
00:28 ravi de vous accueillir à nouveau dans cette semaine
00:29 où on a entendu le président de la République
00:31 prendre longuement la parole.
00:33 Le général le faisait aussi.
00:35 Il l'a fait peut-être même plus souvent qu'Emmanuel Macron,
00:38 avec un système qui était un peu différent
00:39 parce que les questions étaient connues à l'avance.
00:41 Est-ce que vous nous avez rappelé ?
00:42 Oui, les questions étaient connues à l'avance,
00:45 mais il n'y avait pas d'interdit sur les questions.
00:47 Il y a même eu des questions sur comment tenez-vous mon général,
00:50 enfin des questions qui l'amenaient à parler, y compris de la mort, éventuellement.
00:54 Donc il n'y avait pas d'interdit,
00:56 mais il y avait une organisation bien particulière
00:58 qui faisait que d'abord, il y avait...
01:00 On venait, en fait, des conférences de presse,
01:02 on venait pour entendre cet exposé magistral
01:04 que de Gaulle faisait,
01:05 non pas sur l'infertilité,
01:07 non pas sur le port d'un costume à l'école...
01:10 - Ou du nombre de patients par médecin, par confrontation.
01:13 - C'était les grandes orientations,
01:15 économiques, sociales, étrangères, etc.
01:18 Et c'était d'ailleurs...
01:19 Et on voyait, d'abord, ces conférences de presse
01:21 étaient apprises par cœur,
01:22 enfin les réponses étaient apprises par cœur.
01:24 Il avait cette habitude depuis longtemps,
01:25 et ses cours à l'école de guerre,
01:27 il n'y avait pas de papier, il y avait quelques notes.
01:30 Et donc c'était...
01:31 C'est d'où l'origine de ces exposés magistraux,
01:33 parce qu'on peut les...
01:34 Aujourd'hui, quand on les relit,
01:35 ce sont des véritables textes,
01:37 mais où il posait les problèmes fondamentaux.
01:38 - Alors, et aussi où il exposait sa vision de la France.
01:41 On va l'écouter, c'était en 1965,
01:42 ce n'était pas une conférence de presse,
01:44 c'était une interview.
01:46 Voilà l'idée que se faisait le général Gaulle de notre pays,
01:49 une vision qu'on n'a peut-être pas très bien entendue
01:51 mardi soir à l'Élysée.
01:52 - Vous me parlez de l'idée que je me fais de la France,
01:57 ça n'est pas un sujet nouveau.
01:59 Il est tout à fait vrai,
02:01 je dirais que c'est ma raison d'être,
02:03 il est tout à fait vrai
02:05 que depuis toujours et aujourd'hui,
02:08 je me fais en effet de la France une certaine idée.
02:11 Je veux dire par là qu'à mon sens,
02:14 elle est quelque chose
02:16 de très grand,
02:18 de très particulier.
02:20 C'est du reste, je le pense, ressenti par le monde entier.
02:25 Il y a même là quelque chose d'extraordinaire.
02:29 Dans nos malheurs, on s'en aperçoit tout de suite.
02:33 Et quand nous sommes heureux, prospères, glorieux et forts,
02:38 on s'en aperçoit aussi
02:40 dans la mesure où les gens nous regardent avec envie.
02:44 C'est vrai, la France est une chose,
02:49 à mes yeux,
02:51 très considérable,
02:53 très valable.
02:55 Et elle doit avoir dans le monde,
02:59 quel qu'il soit, à toute époque,
03:01 naturellement d'après les circonstances,
03:04 elle doit avoir un rôle à elle.
03:07 Il faut que la France joue son rôle, c'est exact.
03:10 Et pour qu'elle joue son rôle,
03:12 il faut qu'elle soit la France.
03:14 Il faut qu'elle soit la France.
03:16 C'est pas "il faut qu'elle reste la France".
03:18 C'est ça, c'est tout le changement est là.
03:20 C'est quelque chose d'essentiel,
03:22 c'est l'essence d'un pays, l'âme d'une nation.
03:25 Et c'est pas "qu'elle reste la France",
03:27 ça veut dire quoi ?
03:29 Ça veut dire qu'elle a l'obligation de rester
03:31 pour qu'elle soit...
03:32 - Qu'elle décline, surtout.
03:34 - Il y a une vision à la fois politique,
03:37 philosophique, sentimentale, presque littéraire,
03:40 de la France, et en tout cas très personnelle.
03:42 C'est ce qui manque manifestement
03:44 au président de la République actuelle
03:46 et un certain nombre de ses prédécesseurs,
03:48 c'est d'être habité par l'idée de la France.
03:50 Et ce qui est très intéressant dans cet extrait,
03:53 c'est que c'est pas une idée de la France hexagonale,
03:56 comme on essaie souvent de nous la vendre,
03:58 ou une France frontalière, une France protectionniste.
04:01 C'est la France, le rayonnement de la France,
04:03 la culture de la France dans le monde.
04:04 Il avait compris une chose essentielle,
04:06 c'est que la France n'était jamais autant la France
04:08 que quand au Liban, en Amérique du Sud, au Vietnam,
04:12 elle faisait un sang de Savoie.
04:13 C'est tout ça qui a été d'ailleurs, au passage, perdu.
04:15 - Eugénie Bassier, FIGARO.
04:17 On vit depuis la seconde élection d'Emmanuel Macron
04:20 une forme de crise politique permanente.
04:22 Et je m'interroge sur la responsabilité des institutions
04:25 créées par le général de Gaulle, de la Ve République,
04:27 dans cette espèce d'effet de crise démocratique que nous vivons.
04:31 Est-ce qu'il n'a pas créé des institutions
04:33 qui certes étaient taillées à sa mesure,
04:35 qui étaient faites pour lui,
04:37 mais qui, dans les mains de ses successeurs,
04:40 ont été gâchées ?
04:42 Et on dit souvent, il faut revenir à l'esprit de la Ve,
04:44 mais qu'est-ce que des institutions
04:46 survivraient par leur esprit ?
04:47 Puisque le propre des institutions, c'est justement de faire un cadre
04:49 qui survive au-delà des personnes qui l'utilisent.
04:52 Et je m'interroge sur la faiblesse, en fait,
04:55 de ces institutions aujourd'hui,
04:57 quand on voit, effectivement, l'hyper-présidentialisation
05:00 qu'elles provoquent.
05:02 - Jean-Luc Marais.
05:03 - Non, moi je pense une chose, c'est que les institutions,
05:05 on ne va pas les bricoler en fonction de la médiocrité des gouvernants.
05:08 S'il y a des gouvernements médiocres,
05:10 vous allez faire des institutions médiocres.
05:13 On va dire, au moins là, c'est adapté.
05:15 C'est des institutions qui sont le fruit d'une longue histoire.
05:17 Au fond, on a des institutions qui sont à la fois
05:20 une sorte de république monarchique.
05:22 Parce que c'est une sorte de synthèse de deux histoires.
05:25 On a connu d'autres institutions.
05:27 Mais qu'est-ce qu'il y a comme substitut ?
05:29 C'est ou la Vème, ou c'est le retour, une sorte de IVème,
05:31 d'ailleurs, vers lequel on est en train de revenir.
05:33 Regardez les dégâts déjà que provoque
05:35 le fait de ne pas avoir de majorité stable à l'Assemblée.
05:38 Ça, c'est la IVème République.
05:39 Heureusement que les institutions empêchent
05:41 une sorte d'instabilité supplémentaire.
05:44 Moi, je pense que le problème, ce n'est pas les institutions,
05:46 c'est les hommes qui dirigent.
05:47 Si on appliquait aujourd'hui des institutions,
05:49 telles que les générales de Gaulle les a définies,
05:52 et on les a beaucoup bricolées à travers le temps,
05:54 là aussi, quinquennat, etc.
05:56 Si on respecte ça, c'est-à-dire un président qui préside,
05:59 qui a un domaine régalien.
06:01 C'est l'esprit réservé.
06:02 Si rien n'oblige le président...
06:03 Ce n'est même pas l'esprit, c'est la réalité des institutions.
06:06 Oui, c'est l'esprit.
06:07 Il y a tendance à prendre le plus de place...
06:10 Il y a le seul gouvernement qui gouverne.
06:12 Si il y avait ça...
06:13 Mais on a assisté, il y a quelques jours, avant-hier,
06:16 à la mort, pour moi, en direct du chef du gouvernement.
06:20 Je pense qu'il n'y a plus de chef du gouvernement.
06:21 Du poste de premier ministre.
06:22 Non, ça n'existe plus.
06:23 Au moins, disons-le, mais c'est une réforme institutionnelle
06:26 très dangereuse parce qu'au fond,
06:27 ce qui a agacé tous les adversaires du général de Gaulle,
06:30 c'est une phrase de Malraux qui est très juste,
06:32 au fond, de Gaulle les a empêchés de jouer.
06:35 Avant de Gaulle, on jouait avec tout cela.
06:37 Et évidemment, ça a donné des situations de crise permanente.
06:39 C'est contraignant, c'est rigoureux.
06:41 Les institutions de la Ve,
06:42 mais je ne vois pas quel est le substitut,
06:44 sinon un bricolage supplémentaire.
06:45 Jean-Sébastien, allez-y.
06:49 Oui, je ne pense pas entrer dans une réflexion,
06:51 mais je rejoins ce que dit Eugénie Bastien.
06:53 Malgré tout, c'est très taillé sur la légitimité personnelle
06:56 et historique qu'avait le général de Gaulle.
06:57 Il y a peu de gens qui peuvent se prévaloir
06:59 d'une telle légitimité aujourd'hui.
07:00 Je voulais vous poser une autre question.
07:02 Est-ce qu'il n'y a pas, finalement, un point commun,
07:03 certainement, de vision assez différente de la France,
07:05 entre Emmanuel Macron et le général de Gaulle,
07:07 mais quand même, un point commun,
07:09 à savoir qu'il préfère peut-être la France aux Français,
07:12 sur des mentalités différentes,
07:14 mais on se souvient de la phrase du général de Gaulle
07:16 sur les Français sans défaut,
07:17 et on voit aussi qu'Emmanuel Macron,
07:19 dans sa manière de s'adresser aux Français,
07:20 bien souvent, considère que les élites font tout ce qu'elles peuvent
07:24 et que malheureusement, les Gaullois réfractaires
07:26 empêchent la France d'avancer.
07:28 Écoutez, il y a une différence majeure,
07:29 je pense que de Gaulle l'avait constaté avant-guerre
07:31 et il l'a constaté après,
07:32 la faillite des élites en France, face aux grands événements.
07:35 Donc, il n'y avait pas chez de Gaulle
07:38 la moindre complaisance à l'égard des élites.
07:40 Et il y avait une sorte d'ironie à l'égard des Français,
07:43 parce qu'il les connaissait, qu'il disait toujours
07:45 qu'ils sont très pronds à se diviser, etc.
07:47 Bon, il les avait vus sous Vichy notamment,
07:49 mais fondamentalement, il a un respect du peuple.
07:52 Et d'ailleurs, un des génies, pour moi,
07:55 des institutions de la Ve,
07:56 c'est de préserver ce lien direct entre le président de la République
07:59 et le peuple qui est lié, le président.
08:01 Donc, après, c'est l'art de savoir parler au peuple
08:04 et d'avoir cette espèce de rapport au peuple,
08:06 qu'on l'a ou on ne l'a pas.
08:07 Et quelles que soient les institutions,
08:09 d'ailleurs, ça ne changerait pas.
08:10 Moi, je pense qu'il y a une différence fondamentale.
08:13 De Gaulle est un homme...
08:14 Regardez les déplacements en province qu'il faisait,
08:16 la façon dont il parle au français.
08:18 Vous avez vu cette conférence de presse,
08:20 la simplicité du vocabulaire ?
08:21 Tout le monde peut comprendre exactement ce qu'il dit.
08:23 Il y a quelque chose de charnel dans ce qu'il dit.
08:25 Il est très accessible à tout le monde.
08:26 - Pas les du général, là. - Oui, du général.
08:27 - Pas de Emmanuel Macron. - La conférence de presse...
08:30 - Malheureusement. - Non, mais on a...
08:32 - Malheureusement. - On a vu une conférence de presse.
08:34 Et ça, ça me frappe beaucoup,
08:36 cette façon de parler, de s'adresser aux français,
08:38 leur dire "voilà ce qu'est la France".
08:40 Que l'idée de la France, qu'il s'est faite,
08:43 parfois, ait été...
08:44 Ça a été le cas en 69, ça a été le cas en 68,
08:47 ait été blessée, au fond, par l'attitude des français,
08:50 le vote des français.
08:52 Bon, d'une certaine manière, je pense qu'il le savait.
08:54 Et au fond, la France, pour lui, ne pouvait être réelle
08:55 que quand elle était grande.
08:56 Alors, parfois, la hantise de De Gaulle,
08:58 c'était la médiocrité.
08:59 Et il craignait la médiocrité après lui.
09:02 - Alors, Éric Nelot, je vous vois réfléchir.
09:04 - Moi, j'ai lu que le siège d'Emmanuel Macron
09:07 avait été surélevé de 20 cm,
09:09 de manière à ce que la proportion entre le buste et le...
09:11 son buste et le bureau soient la même que De Gaulle.
09:13 Alors, je vous pose cette question,
09:14 est-ce que De Gaulle, le gaullisme,
09:16 est condamné à être ce genre de totem ?
09:18 Je rappelle cette anecdote, c'est un peu ridicule.
09:21 Ou alors, le gaullisme, en tant que tel,
09:23 pas seulement le symbole et la proportion
09:25 entre un buste et un bureau,
09:26 peut revenir aux affaires ?
09:27 Est-ce que, voilà, c'est une référence obligée,
09:29 mais au fond, une référence un peu légère,
09:31 qui reste au niveau des symboles ?
09:33 - Attendez, vous avez entendu la phrase hallucinante
09:36 qui consiste à dire "on va faire gaullien".
09:38 "On va faire gaullien", mais ça veut dire quoi exactement ?
09:41 - Mais c'est ma question, figurez-vous.
09:42 - Non, mais oui, bien sûr,
09:43 mais vous avez la réponse presque à votre question,
09:44 c'est-à-dire qu'on va faire gaullien dans les...
09:46 dans les... dans des bricoles, dans les objets,
09:48 - Dans la com ! - En fait, dans la com,
09:50 c'est uniquement ça.
09:51 Là où je précise, d'ailleurs, que le général De Gaulle
09:54 était un maître de la communication,
09:55 mais pas la communication qu'on apprend ou qu'on vous apprend.
09:57 - C'est travaillé ?
09:58 - Oui, enfin, vous savez, quand vous arrivez...
10:02 quand on arrive à Londres en 1940,
10:04 on est confronté à une radio,
10:06 et il faut apprendre déjà la communication.
10:07 Et après, c'est un homme de théâtre,
10:09 donc c'est impressionnant la manière
10:10 dont il maîtrisait la télévision en homme de théâtre.
10:12 - Mais en occupant l'écran.
10:14 - Oui, en occupant l'écran.
10:15 - Et avec sa voix.
10:16 - Il avait une espèce de présence physique, de voix,
10:18 qu'il avait déjà exercée dans des conférences qu'il faisait,
10:20 travaillait, oui, incontestablement,
10:23 comme un grand acteur travaille son texte.
10:25 - Bon.
10:26 - Mais je veux dire, vous avez parfaitement raison, en fait.
10:28 Le fond des choses, si on veut revenir au gaullisme,
10:31 un mot d'ailleurs que le général de Gaulle n'aimait pas, je précise,
10:33 donc c'est pas non plus une école de pensée,
10:35 c'est plus des réactions à des événements
10:37 et surtout une vision, une vision des choses.
10:39 Mais si on veut faire cela, revenons aux fondamentaux
10:41 et non pas uniquement aux gadgets.
10:43 - La Constitution, on parle beaucoup de réviser la Constitution,
10:48 de revenir au peuple, de donner la parole au peuple
10:51 par le biais du référendum.
10:53 C'était un usage tout à fait accepté par le général de Gaulle ?
10:57 Au combien ?
10:58 - C'était un exercice naturel,
11:00 ça participait de cette relation au peuple,
11:02 mais elle avait une condition,
11:04 c'est que le président de la République
11:06 tenait compte du résultat du référendum
11:08 et en tenir compte, ça voulait dire remettre en cause son pouvoir.
11:12 C'est vous dire qu'on est loin de ça.
11:14 S'il s'agit de faire des institutions, on l'a déjà vu ça,
11:16 à travers divers...
11:18 - C'est un plébiscite, en fait.
11:20 - Voilà, oui. Non, c'est pas un plébiscite.
11:22 C'est dire "Est-ce que vous avez toujours confiance en moi ?
11:24 Est-ce que je peux aller plus loin dans les réformes ?
11:26 Est-ce que nous sommes d'accord ?"
11:27 Quand il crée les conditions d'une élection présidentielle
11:30 au suffrage universel, il demande son accord.
11:32 Sur l'Algérie, ça a été très utile d'avoir l'accord,
11:34 parce qu'il y avait chez de Gaulle,
11:36 on peut dire les choses telles qu'elles sont,
11:37 une défiance assez spontanée et naturelle à l'égard du Parlement.
11:42 - Et des partis. - Il a respecté le Parlement.
11:44 - Et des partis, Jean-Luc Barré.
11:45 - Et des partis, tout en...
11:47 Et ça, c'est aussi une différence avec Emmanuel Macron et d'autres,
11:50 en faisant en sorte que les partis...
11:51 Il avait conscience d'une chose, lui qui n'était pas un républicain né,
11:54 si je puis dire, que la démocratie fonctionnait à travers un système
11:59 qui, celui... Non pas des partis, mais une règle qui voulait
12:02 qu'il y ait des familles politiques.
12:03 Sans ça, il n'y avait rien.
12:04 Et c'est pour ça que, sous la Résistance, en accord avec Jean Moulin,
12:08 il a rendu aux partis politiques leur place
12:11 au sein du Conseil national de la Résistance.
12:13 Mais il s'est toujours opposé au régime des partis,
12:15 mais sous la Ve, sous de Gaulle, tous les grands partis sont présents,
12:19 le parti socialiste, le parti communiste, le mouvement angoliste, etc.
12:23 Et tous ces grands partis ont disparu,
12:24 et les extrêmes n'occupaient pas la place qu'ils occupent aujourd'hui.
12:26 Donc le danger de faire disparaître les partis,
12:28 c'est de faire monter les extrêmes.
12:30 - Régnaud.
12:31 - Votre livre est paru il y a quelques semaines,
12:33 il connaît un succès tout à fait mérité, selon moi, en tout cas.
12:36 Est-ce que, parmi vos lecteurs, il y en a qui découvrent
12:39 quelque chose de nouveau, d'inattendu, sur de Gaulle,
12:42 par rapport à... C'est une figure historique, évidemment,
12:44 très connue, qui a été examinée sous toutes les coutures,
12:46 mais est-ce que vous avez des retours de vos lecteurs
12:48 qui vous montrent que vous avez éclairé peut-être
12:50 quelque chose de moins connu chez de Gaulle ?
12:52 - Oui, je ne vais pas vous répondre non, naturellement,
12:54 mais je vous dis oui, parce que ce que l'on me dit
12:57 et qui me fait le plus plaisir, c'est qu'on découvre
12:59 l'homme de Gaulle. On découvre derrière l'espèce de totem
13:02 que vous disiez, ou de monstre sacré,
13:04 de personnage quasi intouchable.
13:06 Hier, quelqu'un me disait "mais on voit aussi ses faiblesses,
13:08 on voit aussi sa mélancolie, ses hésitations,
13:11 dont je crois lui avoir rendu une part d'humanité".
13:13 - Sa dépression, même.
13:14 - Oui, sa dépression, et puis je parlais aussi
13:17 de sa vie sentimentale, donc ce n'est pas non plus
13:19 un homme qui était indifférent à ces choses-là.
13:21 Et tout ça nourrit le personnage de de Gaulle.
13:23 Il n'y a pas de de Gaulle sans la mélancolie,
13:25 il n'y a pas de de Gaulle sans les hésitations,
13:27 il n'y a pas de de Gaulle sans l'intransigeance,
13:28 il n'y a pas de de Gaulle sans la vision.
13:29 Mais tout ça fait un tout, et ce qu'on me dit,
13:31 c'est cela en général, c'est qu'on a dépassé au fond
13:33 la légende pour aller vers peut-être plus de vérités
13:36 humaines et historiques.
13:38 - Il n'y a pas, Jean-Luc Barré, de de Gaulle sans autorité non plus.
13:40 - Non.
13:41 - Rien qu'à la voix, rien qu'à la voix, l'autorité est là.
13:43 - Bien sûr.
13:44 - Et ce n'est pas celle d'un acteur.
13:45 - Non, non, non, non, je ne dis pas que tout est joué.
13:48 Je dis simplement que l'autorité, d'abord, il était un militaire,
13:51 mais il avait surtout le sens de l'autorité de l'État.
13:53 Vous savez, chez de Gaulle, c'est jamais l'homme
13:55 qui s'exprime, c'est jamais l'homme de Gaulle,
13:57 c'est le personnage qu'il a créé de Gaulle
13:59 et qui incarne quelque chose.
14:00 Il y a une incarnation, et c'est vrai qu'il a créé
14:02 les institutions pour être, qu'elles soient incarnées.
14:05 Si elles ne le sont pas, ou si elles sont mal incarnées,
14:08 à ce moment-là, effectivement, il y a un problème.
14:10 - Justement, sur l'incarnation, et on parlait de la conférence
14:13 de presse, est-ce qu'il vous revient en mémoire
14:15 une réplique que le général de Gaulle aurait utilisée
14:18 vis-à-vis d'opposants de l'époque qui qualifierait
14:20 Emmanuel Macron aujourd'hui ?
14:21 Qu'est-ce qu'il aurait eu, lui, envie d'en dire ?
14:24 - Oh, sautez-nous, ça, je ne veux pas le faire parler.
14:26 - Non, non, mais pas le faire parler sur Emmanuel Macron.
14:29 - Non, mais je pense que...
14:30 - Il a eu des répliques, il savait aussi avoir des répliques
14:33 extrêmement cinglantes sur ses opposants de l'époque.
14:35 - Oui, mais il avait dit de François Mitterrand,
14:37 il l'appelait "l'arsouille", enfin, c'est pas...
14:39 - Il n'était pas tendre.
14:40 - Il n'était pas tendre à l'égard de ses...
14:41 - Non.
14:42 - Mais "l'arsouille", ce n'était pas forcément une injure, d'ailleurs.
14:44 - C'est pas un compliment.
14:45 - Non, c'est vrai.
14:46 - Il avait des mots très durs, mais il avait aussi un respect
14:49 de ses opposants, le même à l'égard de François Mitterrand,
14:51 par exemple, quand il a su un certain nombre d'affaires,
14:53 il a interdit qu'on s'en serve contre lui parce qu'il pensait
14:55 qu'il avait un destin national.
14:57 Donc, je vais peut-être vous surprendre, je pense que face à un type
15:00 comme Emmanuel Macron, pardon, face à un homme comme Emmanuel Macron,
15:03 pas un président, un homme comme Emmanuel Macron,
15:05 il aurait sans doute apprécié aussi ses qualités.
15:07 Moi, je suis de ceux qui pensent qu'on est en train de rater
15:10 peut-être une des dernières chances, en tout cas pour les années qui viennent,
15:13 d'avoir un homme qui avait beaucoup de qualités pour être
15:16 un très bon président.
15:17 Et qu'est-ce qui lui a manqué, au fond ?
15:19 C'est ce que vous avez très justement souligné hier,
15:21 c'est la vision.
15:22 - La vision.
15:23 - Effectivement, alors ça y est, une chose qui ne s'apprend pas,
15:25 c'est la vision.
15:26 - Absolument.
15:27 - Mais ce qui est intéressant, quand on regarde la vie de De Gaulle,
15:29 c'est que c'est quelqu'un qui a été extrêmement clivant toute sa vie,
15:32 que ce soit vis-à-vis de...
15:33 - Bien sûr.
15:34 - Il a clivé vis-à-vis à l'extrême droite, il a clivé aussi
15:37 une partie de la gauche avec Mai 68, une jeunesse qui est descendue
15:40 dans la rue contre lui, contre ce qu'il représentait.
15:42 Et pourtant, aujourd'hui, il fait quasiment l'unanimité
15:46 dans le paysage politique.
15:48 On est passé d'un homme extrêmement clivant à un personnage quasiment
15:50 consensuel, unanime.
15:52 - C'est peut-être de l'espoir pour Emmanuel Macron dans quelques années.
15:54 - Non, non, c'est plus le malentendu parce que...
15:56 D'abord, De Gaulle était clivant pour des raisons extrêmement...
15:59 Vous savez, c'est la guerre d'Algérie, je ne dis pas que les sujets
16:01 ne sont pas sérieux aujourd'hui.
16:02 Mais enfin, être clivant sur la réforme des retraites, c'est moins grave
16:05 que d'être clivant sur la guerre d'Algérie ou sur des grandes questions
16:08 comme ça, sans parler de...
16:09 - Emmanuel Macron suscite une impériale humaine chez une certaine partie
16:12 de la population.
16:13 - Oui, c'est vrai, mais il y a aussi une forme...
16:15 De Gaulle était lucide là-dessus, une forme assez spontanée,
16:17 une tendance assez naturelle chez les Français à rejeter ce qu'ils ont aimé
16:20 et voire à couper la tête du roi, ça, ils savent faire.
16:23 D'ailleurs, ils l'ont rejeté lui-même.
16:24 Mais clivant, il l'a été.
16:27 Vous avez raison de dire qu'on l'a oublié, et c'est toute l'origine du malentendu.
16:31 Parce qu'être gaulliste aujourd'hui, ça veut dire quelque chose.
16:34 Ça veut dire non seulement une référence au passé, mais une certaine attitude
16:36 par rapport à l'histoire, une certaine vision des choses, quelques principes.
16:40 Voilà.
16:41 Et tout ça, si ça n'est pas là, en effet, on n'est pas...
16:43 Mais on a dépassé ça, parce qu'au fond, c'est la seule référence
16:45 qui nous reste historique.
16:47 Alors, on en use, on en abuse, on pille d'héritage,
16:50 et on ne sait plus ce que l'on dit, au fond.
16:52 Voilà, on en est à faire gaullien.
16:54 Et pour retrouver ses repères, on lit votre livre,
16:56 "De Gaulle, une vie, l'homme de personne", de Jean-Luc Barré.
16:59 Merci beaucoup d'être venu ce soir aux éditions, grâce, bien sûr.
17:02 Merci d'être venu évoquer la mémoire de ce grand homme
17:05 qui nous passionne toujours autant.
17:07 Merci, Jean-Sébastien Ferjour, d'être venu,
17:09 Vinnie Bastille du Figaro et Eric Nolot, mon cher Eric.
17:11 Merci à vous, chers amis auditeurs et téléspectateurs,
17:14 pour votre confiance, tous les jours renouvelée.
17:16 Dans un instant, c'est Céline et Géraud que vous retrouvez
17:18 pour Europe 1 Soir, sur Europe 1.
17:20 Et sur CNews, bien sûr, Christine Kelly vous attend
17:23 avec ses débatteurs pour Face, Celle Info.
17:25 Bonne soirée sur nos deux antennes.

Recommandée