État de santé - Santé mentale : quand les athlètes vont mal

  • il y a 8 mois
Si les médecins sont unanimes pour recommander le sport et ses bienfaits sur la santé, dans le sport professionnel, de nombreux athlètes ont récemment lancé l'alerte sur leurs dépressions et burn out. En cause : une pratique trop intense, à des conditions difficiles trop souvent axées sur la performance qui négligent l'aspect humain. A l'approche des Jeux Olympiques, de nombreux experts, psychologues du sport, médecins, athlètes, alertent sur la nécessité de mieux prendre en considération la santé mentale des sportifs. Ces problèmes ne touchent pas que les athlètes de haut niveau. Le culte de la performance sportive, véhiculé par les réseaux sociaux, pousse de nombreux sportifs à se dépasser. 10% d'entre eux souffriraient de « bigorexie », une addiction au sport pratiqué de manière intense. Alors, trop de sport est-il nocif ? Comment concilier une pratique sportive intense sans mettre en danger la santé mentale de ceux qui l'exercent ? Santé mentale : quand les athlètes vont mal, c'est le thème de ce numéro d'Etat de Santé.

La santé figure au premier rang des préoccupations des Français et au coeur de tous les grands débats politiques et sociétaux.
L'organisation des soins, le service public hospitalier, mais aussi le mal de dos, les allergies, la bioéthique ou encore la nutrition... Sur LCP-Assemblée nationale, Elizabeth Martichoux explore chaque mois un thème de santé publique.
Entre reportages, interviews de professionnels de santé, de personnalités politiques mais aussi de patients, ce rendez-vous aborde tous les maux d'une problématique de santé, ses enjeux, les avancées et les nouveaux défis pour mieux vivre demain !

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Transcript
00:00 (Musique)
00:02 LCP Assemblée Nationale, en partenariat avec MGEN,
00:05 première mutuelle des agents du service public, présente État de Santé.
00:09 (Musique)
00:12 (Musique)
00:39 Depuis quelques années, les sportifs de haut niveau
00:42 commencent à lancer l'alerte.
00:44 Leur santé mentale est mise à rude épreuve.
00:47 On a la croyance commune que les sportifs de haut niveau,
00:51 en fait, on est des machines, des machines à résultats,
00:54 des machines physiques, des machines mentales.
00:57 La recherche de la performance sportive pousse les athlètes à se dépasser
01:01 et certains finissent par développer des comportements à risque,
01:04 comme des addictions.
01:06 J'ai été beaucoup en surentraînement à m'épuiser, finalement,
01:13 m'épuiser tant physiquement que mentalement.
01:16 La parole se libère autour des difficultés psychologiques,
01:19 mais le soutien proposé aux sportifs n'est pas encore à la hauteur.
01:23 Voilà, je dirais, un psychologue par équipe,
01:26 ça serait une bonne base de sécurité psychologique pour tous.
01:33 (Musique)
01:35 Alors, comment améliorer l'accompagnement des sportifs ?
01:39 Santé mentale, quand les athlètes vont mal,
01:42 c'est le thème de ce numéro d'État de santé.
01:46 (Musique)
01:50 Bonjour à tous et bienvenue dans État de santé.
01:52 C'est un sacré paradoxe, ce sont des immenses champions,
01:55 des très, très grands sportifs.
01:56 Forcément, ils sont très, très, très en forme
01:58 et pourtant, ils peuvent tomber en dépression.
02:01 Il y a un exemple qui est très connu en France,
02:03 c'est Camille Lacour, par exemple, le nageur.
02:04 Bonjour à vous, Guillaume Toucoulet, merci beaucoup d'être avec nous.
02:07 Vous êtes un de ces grands champions.
02:09 Vous êtes champion de tir à l'arc.
02:11 Ce que je propose, c'est qu'on regarde tout de suite votre parcours.
02:14 (Musique)
02:19 Guillaume Toucoulet est numéro 1 et recordman mondial de tir à l'arc en e-sport.
02:25 Ayant perdu l'usage de son bras gauche suite à un accident de moto,
02:29 il tire avec la bouche à l'aide d'une languette en cuir fixée sur la corde.
02:34 Guillaume Toucoulet est un passionné de sport depuis toujours.
02:37 Il pratiquait déjà la Viron à haut niveau avant son accident.
02:41 Puis, il revient à la compétition à peine un an après,
02:44 en équipe de France en e-sport en 2013.
02:48 En 2017, il découvre le tir à l'arc par hasard,
02:51 un sport qui devient rapidement une passion.
02:54 En 6 ans à peine, il est numéro 1 mondial et enchaîne les titres et les médailles.
03:00 Sensibilisé aux problématiques de santé mentale tout au long de sa carrière,
03:04 il intervient régulièrement dans les écoles.
03:07 (Musique)
03:12 Donc, on a compris, Guillaume Toucoulet, vous êtes un grand champion.
03:15 Merci d'être avec nous, parce que vous préparez les Jeux paralympiques.
03:18 Donc, c'est un paradoxe, effectivement.
03:21 Le sport, ça maintient en forme, mais ça blesse aussi physiquement.
03:24 Il y a des grands sportifs blessés.
03:26 Et puis, ça peut atteindre la santé mentale.
03:29 Vous, vous avez été parfois déstabilisé au point d'être empêché dans votre activité ou pas ?
03:35 Oui, bien sûr. Dans la vie d'un sportif de haut niveau, même dans le sport en club,
03:40 on est souvent impacté par ça, bien sûr.
03:42 Souvent impacté par ça ?
03:44 C'est quelque chose dont vous parlez avec vos collègues ?
03:47 Non, pas trop, parce que c'est un peu une marque de faiblesse, on va dire.
03:52 La santé mentale des sportifs, c'est vrai que, alors, pour le coup, vous êtes là pour en témoigner.
03:57 On en parle de plus en plus.
04:00 Il y a des exemples, effectivement, qui ont 1000 sujets sur la table.
04:04 Regardez.
04:05 (Musique)
04:08 En 2021, deux athlètes superstars ont conduit à lever le tabou de la santé mentale dans le sport de haut niveau.
04:15 La plus emblématique, c'est la gymnaste Simone Biles.
04:18 Quatre fois médaillée d'or à Rio, elle arrive grande favorite aux JO de Tokyo.
04:23 Mais en pleine finale du concours général par équipe, elle quitte soudainement la compétition
04:28 pour prendre soin de sa santé mentale.
04:30 Et met sa carrière entre parenthèses pendant deux ans.
04:34 Deux semaines plus tôt, à Roland-Garros, la championne de tennis Naomi Osaka déclare forfait
04:39 en refusant de se présenter aux conférences de presse.
04:43 Dans la foulée, elle révèle souffrir de dépression depuis 2018.
04:48 Depuis, de nombreux autres athlètes ont suivi, en mettant ouvertement des mots sur la dépression dont ils souffrent.
04:55 Le nageur Michael Phelps et en France, les scrimeuses Isaora Tibus,
04:59 le footballeur Paul Pogba ou encore le nageur Camille Lacour.
05:04 D'ailleurs, une enquête menée par l'association Comité éthique et sport révèle que sur 1200 sportifs,
05:10 80% ont déjà ressenti de la tristesse ou un manque de confiance.
05:15 Ainsi, parler de ces difficultés dans le sport est de moins en moins vu comme une faiblesse.
05:20 L'exemple de Simone Biles et Naomi Osaka montre que cela peut même être une force.
05:25 Toutes deux ont repris le chemin de la compétition avec quatre nouvelles médailles d'or
05:30 et une d'argent pour Simone Biles au dernier mondiaux de gymnastique.
05:38 Guillaume Tocoulet, quand on est un sportif de haut niveau, c'est très très dur parce qu'il a fallu se battre comme des chiens.
05:45 C'est hyper compétitif par définition.
05:48 Ça, ça peut faire mal quand même dans la tête, non ?
05:51 Ça peut faire mal, ça peut ronger, oui, effectivement.
05:54 Après, tout dépend de comment on pratique le sport et quelles sont nos propres motivations.
05:58 Et quand vous êtes dans un club, ça c'est quelque chose qui est un peu désamorcé par les coachs.
06:02 Ils vous en parlent, ils essayent de faire en sorte que ça ne se produise pas
06:06 ou finalement non, chacun se débrouille comme il peut avec ça ?
06:10 Non, chacun se débrouille un peu comme il peut avec ses armes.
06:14 Et puis, il y a toujours des petites préférences dans des clubs, même à petit niveau.
06:19 Donc, je pense qu'on est aussi habitués à ça.
06:22 Mais petit à petit, au fur et à mesure, ça peut ronger.
06:26 Le mental d'un sportif, c'est quand même particulier parce que vous, vous m'avez dit que vous étiez rongé par le doute
06:31 avant, pendant l'entraînement, etc. et puis au moment de la compétition.
06:35 C'est ça.
06:36 C'est à dire ?
06:37 Je suis quelqu'un qui doute beaucoup et le doute me permet de progresser en entraînement.
06:42 C'est-à-dire que je remets pas mal de choses en question,
06:45 mais est-ce que je suis sûr que ce que je fais c'est bien ou est-ce que je suis sûr que je suis sur la bonne voie ?
06:49 Donc ça, c'est quelque chose de…
06:51 Mais ce n'est pas un doute paralysant ?
06:52 Ce n'est pas un doute paralysant, c'est un doute qui me permet de progresser.
06:55 Par contre, quand je suis en compétition, je ne doute plus.
06:58 Il n'y a plus de place au doute quand on est en compète.
07:00 Ah oui ? On n'y pense plus ?
07:01 Moi non, personnellement, moi non.
07:03 Alors, tout le monde n'a pas cette force que vous avez, Guillaume Toucoulet.
07:07 Alexia Leperon est allée à l'INSEP pour voir comment le sujet de la santé mentale est pris au sérieux,
07:13 est pris en charge et on va entendre des témoignages, vous allez voir, passionnants.
07:17 A tout de suite.
07:18 INSEP, à Paris.
07:24 Le lieu d'entraînement de nombreux futurs grands champions olympiques.
07:28 Dans l'un des couloirs, les visages de la gloire sportive nationale.
07:32 Champion multimédaillé, visage triomphant, mais aussi une souffrance qui, elle, ne s'affiche pas.
07:40 Élise Anker est l'une des rares personnes à savoir la décrypter.
07:45 Car psychologue à l'INSEP, son travail consiste à s'assurer du bon équilibre psychique de ces sportifs de haut niveau.
07:52 On peut intervenir en amont, en prévention, pour éviter d'arriver sur des problématiques lourdes
08:01 qui auraient pu être gérées différemment, évitées, adaptées en fonction du parcours de chacun.
08:10 Je dirais qu'un psychologue par équipe, ce serait une bonne base de sécurité psychologique pour tous.
08:20 Exemple ici, dans le pôle judo de l'établissement.
08:29 Madeleine Malonga est une judocate qui a enchaîné les médailles.
08:33 Double championne d'Europe, championne du monde, médaillée d'argent aux Jeux olympiques.
08:39 À première vue, une réussite sportive sans nuages.
08:43 Mais moralement, la réalité est bien différente.
08:47 On a tendance à se dire, ou du moins à croire qu'on a des périodes difficiles que lorsqu'on a des échecs.
08:55 Mais pas du tout, parfois on peut même avoir des victoires.
08:58 Et ne pas être vraiment prêt à le gérer.
09:02 Moi je sais que ma période post-Olympique, après la victoire de ces deux médailles,
09:09 ça a été aussi difficile à gérer.
09:11 Ce qui a été difficile à gérer, c'est de retrouver un peu le sens à ma pratique.
09:16 Parce que forcément, je suis partie de chez mes parents à l'âge de 14 ans pour être championne du monde olympique.
09:23 Et du coup, quand on attend cela, après c'est comme être au sommet d'une montagne
09:28 et se rendre compte que c'est juste quelque chose de super, mais rien ne change après ça.
09:36 Une remise en cause d'autant plus difficile à surmonter qu'elle est difficilement avouable.
09:43 Le sport de haut niveau a pour réputation de ne pas s'attarder sur les états d'âme de ses champions.
09:48 Pour ces derniers, se sentir moralement mal est considéré comme une faiblesse.
09:53 Nous dans le judo, ce n'est pas quelque chose dont on parle énormément.
09:57 Parce que nous on a la particularité de faire un sport de combat.
10:01 Je trouve qu'il y a cette croyance un peu de si on montre notre vulnérabilité,
10:07 c'est comme si on montrait notre faiblesse.
10:09 Et moi dans cette période là, j'ai appris vraiment que ma vulnérabilité,
10:13 c'était vraiment une force et pas du tout une faiblesse.
10:18 Pression morale en cas de victoire, mais en cas de défaite, c'est encore pire.
10:23 La semaine dernière, Madeleine a perdu les championnats d'Europe.
10:27 Une déception immense pour elle, mais qu'elle relativise grâce à Élise, la psychologue.
10:34 Comment tu vas Madeleine ?
10:36 Bah écoute ça va. Franchement ça va malgré la déception et cette compétition ratée.
10:42 Franchement ça va. Moi c'est frustrant parce que je me dis punaise, j'ai tellement travaillé.
10:47 J'ai mis toutes les choses en place pour que ça marche et ça marche pas.
10:51 Donc c'est là où il y a la frustration, mais je suis convaincue que ça va marcher à un moment donné.
10:56 On attend beaucoup du sportif et le sportif en fait se met au service des autres.
11:00 Le sportif de haut niveau aime maîtriser les choses, avoir du contrôle sur ce qu'il fait.
11:06 Et toute vulnérabilité peut être vécue comme quelque chose qui peut le fragiliser par rapport à ses adversaires,
11:15 par rapport à ses coéquipiers, par rapport à ses sélectionneurs.
11:19 On a la croyance commune que le sportif de haut niveau, on est des machines, des machines à résultat,
11:26 des machines physiques, des machines mentales.
11:30 Et ça en fait on le cultive en plus depuis notre plus jeune âge.
11:34 On a même cette sensation, je pense qu'on sera quelqu'un, on aura de l'estime de nous-mêmes
11:39 et notre confiance en nous-mêmes que lorsqu'on aura des médailles.
11:42 Et malheureusement c'est très dur d'avoir des médailles.
11:46 Et quand on n'a pas de médailles, on se retrouve un petit peu nue, seule, nulle aussi surtout.
11:55 Et incompris, en fait on ne sait plus réellement comment s'identifier.
12:00 On continue. Ça marche ?
12:02 Ça marche.
12:03 Bonne journée à toi.
12:04 Merci beaucoup.
12:05 Exactement, bonne journée à toi Madame.
12:07 Ça marche toi aussi. Bon courage.
12:09 Merci beaucoup.
12:10 Dans l'accompagnement psychologique des sportifs, l'INSEP fait figure de bon élève.
12:15 Certaines fédérations commencent à suivre son exemple.
12:23 Mais la santé mentale des sportifs est encore trop souvent reléguée au second plan.
12:29 Guillaume Toucoulet, c'est intéressant le témoignage de cette championne de judo.
12:39 Ça lui est arrivé, elle en a parlé, c'est déjà énorme.
12:42 Oui, ce qui est intéressant dans ce qu'elle dit, c'est que même quand on gagne,
12:46 on peut être atteint de dépressions en fait.
12:49 Parce que si c'est son objectif d'être champion olympique ou champion du monde,
12:52 une fois qu'on l'atteint, on se dit "mais qu'est-ce que je vais faire maintenant ?"
12:55 C'est ça, quand on a atteint le sommet, on se dit "mais qu'est-ce qu'on fait maintenant ?"
12:59 Il n'y a plus rien et donc on est complètement désemparé.
13:03 Ça peut arriver chez certains sportifs.
13:05 Et donc l'idée c'est que c'est la descente qui est difficile.
13:07 Redescendre sur terre avec un objectif qui n'existe plus quand on est arrivé à…
13:13 Si ce n'est de le réitérer.
13:15 Si ce n'est de le recommencer.
13:17 Il faudrait pouvoir se préparer à ça.
13:19 Et c'est toujours la même chose. Est-ce qu'il y a des sasses ?
13:22 Est-ce qu'on est accompagné pour ça quand on est dans un club de sport,
13:26 même professionnel, au niveau des Jeux ?
13:29 Alors nous en handisport, on n'est pas dans des grosses structures comme à l'INSEP.
13:33 On évolue chacun de notre côté et puis on se retrouve sur des rassemblements.
13:36 Donc on ne l'évoque pas forcément, même si nos entraîneurs sont sensibles à ça.
13:40 Moi je peux comprendre que certaines personnes partent en dépression,
13:43 par le manque de résultats, parce que c'est le milieu du sport,
13:47 notamment en haut niveau, c'est assez dur.
13:49 Dès qu'on fait des contre-performances, on voit aussi que l'entourage,
13:53 on est un peu moins bien suivi.
13:55 Donc on se dit « mais je suis nul en fait, qu'est-ce qui se passe ? »
13:58 Donc là on peut vraiment rentrer dans cet engrenage-là et avoir du mal à s'en sortir.
14:02 Alors vous, vous êtes assez remarquable parce que vous êtes champion de tir à l'arc,
14:06 avant vous étiez dans l'Aviron, et à un moment vous n'avez pas été sélectionné
14:10 justement pour les Jeux, et là vous avez eu un coup quand même.
14:13 Ah oui, ça a été très dur, je ne l'ai pas compris.
14:15 Vous trouviez injuste de ne pas être sélectionné.
14:17 Et comment vous vous avez fait alors, face à ce revers ?
14:20 Je n'ai pas pu reprendre Aviron à cause de ça justement.
14:22 C'est quelque chose qui m'a profondément blessé,
14:25 parce que ça n'était pas partie de mes valeurs sportives.
14:27 Donc j'ai complètement raté.
14:29 Ah oui, ça vous a dégoûté ?
14:30 Oui, ça m'a dégoûté.
14:32 Et donc j'ai quand même continué le sport, j'ai découvert un autre sport,
14:36 et donc on m'a proposé de tirer à l'arc avec la bouche.
14:38 Et en fait je suis très content, parce que c'est un sport que j'ai appris à aimer.
14:41 Alors, mention personnelle, avant cette grosse déception pour les JO,
14:46 vous avez donc eu un accident de moto,
14:48 qui vous a privé de l'usage d'une partie de votre bras.
14:50 Et ce qui est remarquable, c'est que vous êtes tout de suite remonté sur le cheval.
14:54 Tout de suite, c'est par le sport que vous vous êtes dit "je vais m'en sortir".
14:57 C'est ça. En fait, j'ai quasiment jamais déprimé.
15:02 Il m'est arrivé ça, je l'ai très très vite compris.
15:05 Et en fait, pour aller de l'avant, il fallait mettre ça de côté, et puis avancer.
15:10 Ça s'appelle un mental d'acier, une façon un peu commune.
15:13 Vous avez dit, voilà, vous avez retrouvé en tout cas une passion pour le sport grâce au tir à l'arc.
15:19 Je ne sais pas si ça s'appelle l'adrénaline, mais c'est vrai que le sport, quand on réussit,
15:23 ça procure des satisfactions très fortes, et parfois on tombe dedans, entre guillemets,
15:28 comme on tomberait dans la coke ou dans une drogue, et bien on tombe dans le sport.
15:32 Et on va parler de ça parce que c'est très très important, l'addiction au sport,
15:35 qui touche, bon, les sportifs de haut niveau, ça peut arriver,
15:39 mais beaucoup de sportifs amateurs, c'est le reportage d'Alexia Leperon.
15:44 Depuis son enfance, Nathalie pratique la course à pied à haut niveau.
15:54 Au fil des kilomètres, cette pratique sportive est devenue une addiction pour elle.
15:59 En fin de semaine, si j'étais arrivée à 95 km,
16:05 je ressortais le soir pour aller dépasser les 100 bornes.
16:10 Et quand j'avais éteint les 100 bornes, c'était comme un soulagement.
16:14 Franchement, là, je me dis, comment on peut arriver dans des états comme ça ?
16:19 C'est là où je me dis, ouais, c'est une maladie.
16:22 Exemple actuellement.
16:25 Une grave blessure l'empêche de pratiquer son sport favori.
16:29 Elle s'est donc rabattue sur le vélo aujourd'hui.
16:32 Pourtant, malgré l'effort sportif,
16:35 elle a le sentiment que quelque chose s'est brisé dans sa vie.
16:38 C'est un réel besoin.
16:41 Et il y a un manque, et c'est très très dur à accepter, en fait.
16:47 Avec l'expérience, Nathalie a appris à prendre du recul.
16:51 Désormais, elle accepte plus facilement les mises au repos de son corps,
16:56 car elle a pris conscience que trop de sport est mauvais pour sa santé.
17:00 J'ai été beaucoup en surentraînement, à m'épuiser finalement,
17:06 m'épuiser tant physiquement que mentalement.
17:09 Donc j'ai quand même fait ce qui est très très rare.
17:12 Déjà, j'ai fait six fractures de fatigue,
17:15 deux ruptures du tendon de l'insertion des esclaves jambiers,
17:19 et là j'en suis à ma troisième.
17:21 J'ai poussé mon corps à bout depuis très très jeune.
17:24 Et donc, je pense que là, il me dit clairement stop.
17:29 Si aujourd'hui Nathalie arrive à mieux doser ses entraînements,
17:33 d'autres ont toujours du mal à y renoncer.
17:37 À Nantes, cette jeune femme s'est découverte récemment malade de la pratique du sport.
17:43 Son abus est considéré par les scientifiques comme une addiction,
17:48 au même titre que l'alcool ou les drogues.
17:51 Les mécanismes psychiques à l'œuvre seraient les mêmes.
17:54 Cependant, pour la plupart de ces sportifs assidus,
17:57 cette addiction est difficile à accepter.
18:00 Et quand j'en ai pris conscience,
18:03 ça m'a un peu embêtée de reconnaître que j'arrivais pas à...
18:09 J'avais plus le contrôle en fait.
18:12 Il y a toujours un truc de se dire "merde, je croyais que j'allais gérer,
18:17 et en fait je gère pas beaucoup".
18:20 Je pense comme une personne qui est dépendante à l'alcool ou même au tabac.
18:24 Et c'est clairement une addiction qui est valorisée en fait.
18:29 Vaut mieux faire 10 à 15 heures de sport par semaine,
18:33 plutôt que de passer 10 à 15 heures par semaine à boire de l'alcool ou prendre de la cocaïne.
18:39 Il y a un côté où les gens le valorisent, les gens sont là à dire "mais c'est génial,
18:43 t'as trop de chance d'avoir cette volonté".
18:46 Ouais, mais après les gens voient pas forcément que c'est pas qu'une volonté en fait,
18:50 c'est aussi un besoin.
18:52 Et qu'il y a les mêmes choses en fait, la souffrance,
18:58 la difficulté à contrôler ses comportements.
19:01 Face à ces difficultés, elle a décidé de se faire accompagner,
19:06 en allant chaque semaine au service d'addictologie du CHU de Nantes.
19:11 Le docteur Prétagu, chef du service, s'est spécialisé dans la prise en charge de l'addiction au sport.
19:20 Bonjour.
19:22 Selon lui, cette maladie doit être prise plus au sérieux.
19:26 Le sport est valorisé globalement, et donc on ne repère pas spécifiquement ces problématiques,
19:33 qui pourtant se prend en charge de façon assez... enfin pas simple,
19:39 en tout cas donne des résultats très tôt.
19:42 En tout cas, faire l'autruche ne sert à rien.
19:46 Une addiction peut en cacher d'autres. Il faut donc savoir réagir vite.
19:51 C'est bien souvent d'ailleurs à l'adolescence que les problématiques d'addiction se mettent en place,
19:57 parfois plus tard, mais on peut passer d'une addiction à une autre.
20:02 Donc l'objet peut être l'alimentation pour les troubles alimentaires,
20:05 peut être la drogue pour les toxicomanies, peut être le sport dans d'autres cas.
20:09 Et donc au fil de sa vie, on peut rester sur une même addiction,
20:13 éventuellement la prendre en charge, c'est mieux,
20:15 ou on peut passer d'un objet à un autre, comme c'est le cas souvent dans le sport.
20:20 Certaines études scientifiques montreraient une surreprésentation des sportifs de haut niveau
20:26 dans les différentes catégories d'addiction.
20:28 Être addict au sport serait donc d'autant plus néfaste sur le long terme,
20:33 car il peut arriver de glisser d'une addiction à une autre.
20:41 Guillaume Toccolé, vous, vous avez eu une addiction.
20:43 Ça veut dire quoi ? Vous étiez en manque ?
20:45 Vous vous exerciez tout le temps ? C'était quoi cette addiction ?
20:48 Elle se manifestait comment ?
20:49 C'est ça. Quand j'étais rameur, je ne m'en apercevais pas,
20:54 parce qu'on est toujours dans cette pratique sportive, tout le temps, tout le temps.
20:58 Là où j'en ai vraiment pris conscience, c'est justement quand j'ai arrêté l'aviron,
21:01 où là, je n'avais plus du tout la même dépense énergétique,
21:03 et mon corps me réclamait quelque chose.
21:06 Vous n'étiez pas bien ?
21:07 Je n'étais pas bien.
21:08 Vous trembliez ?
21:09 Je me sentais très vite agacé, je transpirais, je tremblais.
21:12 J'avais des symptômes de manque, tout simplement.
21:15 Je partais courir, je partais faire du vélo pour aller chercher cet endorphin.
21:21 Et là, ça allait mieux ?
21:22 Oui.
21:23 Ça vous calmait ?
21:24 Oui.
21:25 Mais la nuit, y compris la nuit ?
21:26 Oui, je me suis réveillé en pleine nuit, et je partais courir à 2-3 heures du matin.
21:30 J'en ai parlé à mon médecin, qui m'a dit que c'était une maladie que touchent certains sportifs.
21:36 Ah bon, bigorexine ? Je ne connaissais pas, je n'avais jamais entendu.
21:39 Et donc, effectivement, quand j'ai appris à lire cette maladie,
21:44 je me retrouvais beaucoup dans ces symptômes-là.
21:47 J'ai réussi à m'en sortir en réduisant un petit peu l'intensité de mes entraînements.
21:53 Parce qu'on en a tous autour de nous, des joggeurs, par exemple.
21:58 Ils ne se sentent pas bien.
22:00 Ils ne se sentent pas bien le matin, s'ils ne vont pas courir,
22:03 faire leur demi-heure, leur heure de course.
22:05 On se dit, ils sont super quand même, ils courent tous les jours en fait.
22:09 Ils sont addicts ?
22:11 Oui, il y a plusieurs phases.
22:13 Je pense que le premier niveau, c'est vraiment le bien-être.
22:16 C'est vrai que quand on se lève le matin, qu'on va courir,
22:18 on a l'impression d'avoir réussi sa journée déjà, avant de la voir commencer.
22:21 Et après, il y a la partie un peu plus addictive, quand on en fait vraiment à fond tous les jours.
22:26 Et là, c'est un peu plus problématique.
22:28 En tout cas, faire attention.
22:29 Si effectivement, on se sent mal, vous, vous aviez les mêmes symptômes que quelqu'un en manque.
22:33 Donc, vous avez la conspiration, des tremblements, il fallait que vous partiez pour vous calmer.
22:38 C'est ça.
22:39 Intéressant. Ça va mieux ?
22:40 Oui, ça va très bien maintenant.
22:43 Comme c'est la règle dans cette émission, on interpelle un député.
22:46 Vous avez voulu poser une question sur la prévention de la santé mentale dans le monde du sport.
22:50 Et c'est Erwan Balanant, député modem du Finistère, qui vous répond.
22:54 Lui-même a été d'ailleurs un athlète de haut niveau dans sa jeunesse.
22:57 Alors, monsieur le député, que proposez-vous en termes de prévention ?
23:01 Moi, je pense que c'est dans le rôle déjà des éducateurs sportifs,
23:05 dès le plus jeune âge, de rappeler à l'enfant, mais aussi aux parents,
23:11 c'est important que le sport, ce n'est pas non plus qu'une histoire de performance.
23:17 C'est une histoire de recherche, de bien se sentir, d'être bien,
23:21 d'un complément d'une activité intellectuelle que l'on a.
23:25 Et donc, c'est important qu'aujourd'hui, que les éducateurs soient formés à un minimum de psychologie.
23:33 Est-ce qu'ils le sont suffisamment ? Je ne suis pas complètement sûr.
23:36 Moi, j'ai eu la chance d'avoir un entraîneur qui se préoccupait de ça.
23:40 Mais je sais que j'ai des camarades qui pouvaient être en souffrance
23:44 parce que leur entraîneur s'occupait de la performance athlétique.
23:48 Mais la performance athlétique, et ça, c'est ce qu'avait compris mon entraîneur,
23:51 elle ne va nulle part si vous n'avez pas une... si vous n'êtes pas bien dans votre tête.
23:57 Guillaume Tocoulet, ce que dit Erwann Balanant, c'est qu'il faudrait
24:05 former les éducateurs sportifs, en parler aux enfants, mais aussi aux parents.
24:11 Ça, c'est intéressant. Que les parents préviennent leurs enfants,
24:15 soient plus attentifs aux risques pour la santé mentale d'une activité de haut niveau.
24:19 C'est une bonne idée ?
24:21 Oui, je trouve que c'est une très bonne idée.
24:23 Mais toujours faut-il être formé à ça.
24:25 Savoir pourquoi l'enfant réagit comme ça, ce n'est pas non plus évident.
24:28 Notamment quand on arrive à l'adolescence, il y a plein de sujets qui perturbent les enfants ou les ados.
24:35 Et du coup, c'est bien d'être formé aussi.
24:37 Et les éducateurs sportifs, pour moi, c'est primordial de les sensibiliser là-dessus.
24:43 Mais bon, j'ai bon espoir que ce soit fait.
24:46 On commence vraiment à en parler de plus en plus.
24:49 Donc j'espère, oui.
24:51 Voilà, il faut en parler. Merci infiniment.
24:53 Je ne sais pas si il vaut vous dire bonne chance.
24:55 En tout cas, on le pense très fort.
24:58 Merci beaucoup, Guillaume Toucoulet, d'avoir été avec nous dans ce numéro d'État de santé.
25:02 Merci à vous.
25:03 (Musique)
25:17 LCP Assemblée Nationale, en partenariat avec MGEN, vous a présenté État de santé.
25:24 ...

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