Ancrée dans la croyance populaire à cause d'un quiproquo, les études venues confirmer cette théorie présentent en fait des biais méthodologiques et ont été très soutenues par le lobby viticole. Un seul verre par jour suffit à augmenter la probabilité de problèmes de santé. Aujourd'hui, même si la consommation d'alcool baisse de manière constante depuis les années 1960, 1 Français sur 5 boit plus que les recommandations officielles.
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00:00 Alors que nous sommes en plein défi de janvier, le mois sans alcool, Santé publique France publie demain des données sur la consommation des Français, Margot.
00:07 Et on a une idée, une idée reçue sur le verre de vin rouge par jour.
00:13 Il tient bon.
00:14 Bon pour la santé ou pas ?
00:16 Il faut revenir sur l'origine de cette croyance qui est la croyance la plus répandue en matière de consommation d'alcool.
00:22 Et ça remonte aux années 70 où des chercheurs se sont intéressés au fait qu'en France, il y avait moins de maladies cardiovasculaires, notamment moins de décès par infarctus que dans d'autres pays d'Europe,
00:32 alors même qu'on mangeait plus de graisse animale et qu'on fumait autant.
00:35 Pourquoi cette interrogation ?
00:39 Au début des années 90, il y a un médecin, Serge Renaud, qui est fils de Vigneron, et Michel Delorge-Rille, qui est cardiologue,
00:44 qui développe l'idée que ça pourrait être lié au 2 à 3 verres de vin rouge par jour qui auraient un effet protecteur grâce à leur anti-oxydant.
00:51 C'est ce qui baptise le paradoxe français.
00:53 L'année d'après, l'un des chercheurs va sur le plateau de la chaîne américaine CBS pour développer sa théorie.
00:59 Il a beau employer le conditionnel, la mise en scène est à l'américaine grandiose.
01:03 Donc on oublie un peu que c'est à prendre avec des pincettes.
01:06 Résultat, l'année d'après, aux États-Unis, les ventes de vin rouge augmentent de 39%.
01:10 On est en 92.
01:11 Il s'en suit un article dans la revue The Lancet où les auteurs continuent avec prudence.
01:16 Ce paradoxe peut être attribuable en partie à une forte consommation de vin.
01:20 Il rappelle évidemment que l'alimentation des Français ne se limite pas au vin et qu'il y a peut-être d'autres facteurs à prendre en compte.
01:24 Toujours est-il que l'idée est lancée et que le lobby alcoolier et le lobby du vin notamment va surfer dessus volontiers jusqu'à deux coups d'arrêt.
01:32 Il y a une grande méta-analyse, vous savez c'est une revue de la littérature déjà publiée en 2006,
01:37 qui montre que les études qui ont été faites ont beaucoup de biais méthodologiques,
01:42 notamment que le groupe contrôle, le groupe témoin qu'on considère comme les abstinents,
01:46 en fait c'était parfois des anciens buveurs qui ont dû arrêter pour des raisons de santé ou des gens qui consomment occasionnellement.
01:52 Donc ce n'était pas vraiment un groupe contrôle parfait.
01:54 Et puis il y a une grande étude aussi publiée en 2018 dans The Lancet,
01:57 28 millions de personnes dans 195 pays pendant 25 ans, 1800 chercheurs, bref du costaud, qui arrivent à trois conclusions.
02:04 Un seul verre par jour, ça suffit à augmenter le risque de développer des problèmes de santé.
02:09 Qu'il n'existe pas d'effet protecteur à faible dose contrairement à ce que l'on pouvait penser
02:13 et que l'augmentation des risques est faible à partir d'un verre mais qu'après ça augmente bien davantage.
02:18 Donc ce que tu veux dire c'est que Santé publique France regrette que cette idée perdure.
02:23 Tous les chercheurs, même les chercheurs à l'origine de cette idée,
02:28 en fait ils ont vraiment essayé de prouver scientifiquement,
02:31 donc ils expliquaient cette idée par le fait qu'en laboratoire ils avaient constaté
02:37 qu'il y avait moins d'agrégation des plaquettes au niveau du sang,
02:40 alors que ça pouvait faire moins de caillots grâce au polyphénol, c'est une substance qu'il y a dans le vin rouge.
02:44 Sauf qu'après l'idée a été démontée mais le lobby de l'alcool et le lobby viticole a été tel
02:49 qu'on a réussi à faire perdurer cette idée.
02:51 D'ailleurs il y a eu une campagne pendant assez longtemps en France qui disait
02:54 "un verre ça va, trois verres bonjour les dégâts".
02:56 Oui, ça c'est générationnel.
02:58 Là c'est vraiment une campagne de prévention parce que la dernière campagne qu'il y a eu sur l'alcool,
03:02 vous savez ça avait fait jaser les addictologues, c'est une campagne à destination des jeunes
03:06 qui est parue fin septembre avec comme slogan "c'est la base",
03:10 boire de l'eau avant c'est la base, raccompagner un copain, appeler direct les secours
03:13 si ton pote est en bad c'est la base.
03:15 Sauf que les addictologues sont un peu étranglés en voyant cette campagne
03:18 parce qu'on est dans une campagne de réduction des risques mais pas vraiment de prévention.
03:21 On boit beaucoup aujourd'hui ou pas ?
03:22 On boit encore, on boit moins, on boit moins au quotidien.
03:25 Depuis les années 60 ça baisse de façon constante mais comme on part de très haut,
03:30 ça reste à un niveau élevé puisque la France c'est le sixième pays au niveau des 34 pays de l'OCDE
03:37 à être le plus consommateur d'alcool.
03:39 On voit que la consommation moyenne par jour, vous le voyez, c'est 2,7 verres de boisson alcoolisée par jour.
03:44 11,7 litres par personne et par an pour les personnes de plus de 15 ans donc on part de haut.
03:50 Mais si on parle de santé publique pure, ça voudrait dire qu'il ne faut plus boire du tout ?
03:54 Après c'est la réduction des risques, le plaisir.
03:59 Mais la règle c'est quoi ? C'est au moins un jour off ?
04:01 C'est pas plus de 2 verres par jour, pas tous les jours et pas plus de 10 verres par semaine.
04:06 Donc ça c'est les repères de consommation.
04:08 On a un français sur cinq en gros qui est au-delà des repères.
04:11 Ça a un peu baissé depuis 2020 mais ça reste encore assez élevé.
04:16 Donc il faut savoir allier plaisir et manoeuvre.
04:18 Est-ce que vous respectez ces recommandations les amis ?
04:20 Bon matinale vous êtes obligés !
04:22 Moi je vais m'échapper mais vous ?
04:26 Un petit peu de vin, une bière par jour c'est moins pire qu'un verre de vin ?
04:30 C'est le même alcool, on peut voir grâce à Julien Navarro les différents repères.
04:35 L'alcool reste de l'alcool, l'éthanol reste de l'éthanol.
04:37 Boire plus de bière que de vin.
04:39 Une pinte c'est plus qu'un verre de vin.
04:41 Mais une petite...
04:42 Entre 10 bières et 10 whisky.
04:44 Tu vois regarde, un verre de vin c'est égal à un verre de pastis.
04:48 Une coupe de champagne.
04:50 Le dosage va rien changer ?
04:52 10 cl de vin c'est l'équivalent d'un demi de bière.
04:57 Mais sur l'organisme...
04:59 C'est ça vraiment aussi qu'il faut avoir à l'idée.
05:03 En réalité ça va vite.
05:05 10 verres par semaine ?
05:06 Bah ouais.
05:07 Non mais c'est une soirée le vendredi, une soirée le samedi.
05:09 Un petit apéro le dimanche.
05:11 Non mais très sincèrement autour de la table vous allez à une soirée,
05:13 vous faites 2-3 verres à minima.
05:16 Donc on est déjà à 6.
05:18 Bon bah voilà, il ne faut pas une autre soirée dans la semaine.
05:20 Un autre vrai phénomène c'est le binge drinking.
05:22 L'alcoolisation rapide.
05:24 Et ça c'était le but justement de la campagne de septembre dernier,
05:29 s'attaquer à ce phénomène parce que ça peut donner lieu au-delà des problèmes de santé,
05:33 à des accidents de la route, à d'autres drames que l'on connaît.
05:37 Et ça pour le coup, si ça a tendance à baisser chez les jeunes hommes,
05:41 ça augmente chez les femmes de plus de 35 ans.