• il y a 11 mois
Jade Grandin de l’Eprevier, correspondante de l’Opinion à Bruxelles, fait le point sur l’aide militaire européenne accordée à l’Ukraine et sur les difficultés rencontrées par les Etats membres pour la mener à bien

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00:00 Certains pays ont pu dire qu'ils envoyaient beaucoup de matériaux militaires,
00:04 mais en fait, il pouvait s'agir de vieux matériels.
00:06 En caricaturant, on pourrait dire des vieux chars soviétiques,
00:09 par exemple, envoyés par des pays à l'est de l'Europe.
00:11 La France est un des pays alliés de l'Ukraine,
00:18 à qui il est reproché d'envoyer le moins d'armes et de munitions.
00:21 Sur la base d'un bilan qui est fait par le Kiel Institute,
00:27 c'est un institut basé à Berlin
00:30 et qui regarde, depuis le début de la guerre en Ukraine,
00:32 combien de soutien militaire a été promis
00:35 par les différents pays de l'Union européenne ou hors de l'Union européenne.
00:39 Or, selon ce comptage,
00:42 depuis le début de la guerre et jusqu'à octobre dernier,
00:45 la France est un des pays qui a envoyé le moins de soutien militaire en volume,
00:48 puisqu'on serait à moins d'un milliard d'euros, seulement 500 millions d'euros d'aide.
00:53 Alors que pour des pays comme l'Allemagne, par exemple,
00:55 qui est un des plus gros donateurs,
00:57 on atteindrait 17 milliards d'euros de promesses de dons militaires.
01:01 Et si on regarde en pourcentage du PIB,
01:03 c'est-à-dire par rapport à sa richesse nationale,
01:05 combien de soutien militaire chaque pays envoie,
01:08 la France est aussi en bas du classement.
01:10 Et cette fois, ce sont des plus petits pays comme les États-Baltes,
01:13 donc Estonie, Lituanie, par exemple,
01:15 qui envoient le plus par rapport à leur PIB d'aide militaire.
01:19 Ils seraient à en gros 1,4 % de leur PIB en aide militaire envoyée à l'Ukraine.
01:25 Et ces critiques se font de plus en plus vives,
01:27 parce qu'on voit bien qu'il y a un doute sur le prolongement de l'aide américaine.
01:32 Donc on sait que les Européens vont devoir faire plus pour l'Ukraine.
01:35 Et chacun commence à se renvoyer un peu les responsabilités.
01:38 Ce qui s'est passé la semaine dernière,
01:40 c'est que le chancelier allemand Olaf Scholz a tapé du poing sur la table
01:43 en disant qu'il voulait voir combien chaque pays envoyait
01:46 et qu'on regarde exactement qui fait quoi,
01:48 parce que lui, il s'est engagé à ce que l'Allemagne dépense beaucoup.
01:51 Et donc il a demandé à la Commission européenne de faire un bilan détaillé
01:55 de ce que chaque pays envoie vraiment à l'Ukraine.
01:58 Ce bilan, on devrait l'avoir à la fin du mois de janvier.
02:02 Ce qu'il faut aussi noter, c'est que les autorités françaises
02:05 démentent cette idée que la France serait le pays qui en fait le moins.
02:08 Ce jeudi matin, sur France Inter,
02:10 le ministre de la Défense et des Armées, Sébastien Lecornu,
02:14 a dit que c'était faux, qu'il ne fallait pas regarder les chiffres de l'institut Kiel,
02:18 parce que ce ne sont que des promesses.
02:19 Et les promesses diffèrent de ce que les gens font dans les faits.
02:22 Par exemple, l'Allemagne a promis beaucoup,
02:24 mais en ce moment, elle a des contraintes budgétaires,
02:26 donc on n'est pas sûr qu'elle va vraiment faire tout ce qu'elle a promis.
02:29 Et l'autre nuance qu'il faut apporter, et qu'a rappelé Sébastien Lecornu,
02:33 c'est que certains pays ont pu dire qu'ils envoyaient beaucoup de matériaux militaires,
02:37 mais en fait, il pouvait s'agir de vieux matériels,
02:39 en caricaturant, on pourrait dire, des vieux chars soviétiques,
02:42 par exemple, envoyés par des pays à l'est de l'Europe,
02:44 alors que la France se tarpe d'envoyer du matériel de haute qualité, du matériel neuf.
02:49 Les États membres ont été pris au dépourvu, bien sûr,
02:52 par l'invasion de la Russie en Ukraine.
02:55 Et ce qu'il faut rappeler, si on fait un pas en arrière,
02:57 c'est que les États membres avaient beaucoup baissé leurs dépenses militaires,
03:02 parce que depuis la fin de la guerre froide,
03:05 il y avait ce qu'on appelle les dividendes de la paix,
03:07 c'est-à-dire qu'on pensait que les États-Unis seraient le gendarme du monde.
03:10 Et beaucoup de pays européens avaient baissé leurs dépenses militaires,
03:14 donc quand il a fallu, du jour au lendemain, envoyer beaucoup de soutien à l'Ukraine,
03:18 les États ont vidé leurs propres stocks d'armes et de munitions.
03:22 Et ensuite, la question, ça a été comment on garde déjà ce qui est nécessaire
03:26 pour notre défense à nous, c'est-à-dire on ne peut pas non plus vider tous nos stocks,
03:29 et comment on les re-remplit et comment on produit très vite
03:33 de nouvelles armes et de nouvelles munitions pour les envoyer en Ukraine.
03:35 Donc c'est là qu'il y a eu un effort européen pour dire
03:38 où sont nos capacités, où sont nos ressources,
03:41 où sont nos capacités de production en défense,
03:43 où sont les usines qui peuvent produire de l'armement,
03:45 comment on peut augmenter les capacités de production de ces usines.
03:49 C'est un travail qui a été fait par la Commission européenne,
03:51 mais qui a pris beaucoup de temps.
03:53 Et là, on estime que depuis un an, les capacités de production du continent en munitions
03:59 ont augmenté d'environ 30 %.
04:01 Le problème, c'est qu'il ne suffit pas d'avoir des capacités
04:03 pour que ces munitions soient directement envoyées en Ukraine.
04:06 Récemment, le chef de la Département des Armées européenne,
04:09 Joseph Borrell, a dit que 40 % des munitions qui sont produites sur le territoire européen
04:15 sont envoyées à l'étranger.
04:17 Donc elles ne vont pas en Ukraine, elles vont dans d'autres pays.
04:19 Pourquoi ? Parce que les industriels de l'armement ont encore des commandes
04:22 qui datent d'avant la guerre en Ukraine,
04:24 ou qui sont aussi probablement financièrement plus avantageuses,
04:27 qu'ils continuent d'honorer.
04:29 Donc il y a tout un problème de priorisation de ce que doit faire l'industrie de l'armement.
04:34 Il y a aussi un problème de manque de commandes,
04:36 c'est-à-dire que les industriels reprochent aux États
04:39 de ne pas leur faire de commandes assez à long terme.
04:41 Et puis, il y a eu un problème aussi de savoir à qui on achetait les armes
04:45 pour les envoyer à l'Ukraine.
04:47 Il y a des pays qui disaient qu'on n'a qu'à les acheter à la Corée du Sud,
04:50 par exemple, qui en produit beaucoup, on peut les acheter aux Américains.
04:53 Et d'autres États européens, comme la France, ont dit
04:55 "Non, il faut renforcer notre industrie militaire européenne,
04:58 donc il faut commander uniquement à nos industriels européens".
05:02 Sauf que forcément, ça prend plus de temps
05:04 si les industriels européens sont débordés par les commandes.
05:07 Donc il y a un peu tous ces objectifs conjoints
05:10 qui ont fait que les Européens n'ont pas réussi à atteindre leur objectif
05:14 d'envoyer un million de munitions à l'Ukraine immédiatement.
05:19 On pense qu'on attendra la capacité de production d'un million de munitions au printemps,
05:23 mais là encore, ça ne veut pas dire que toutes ces munitions seront envoyées à l'Ukraine.
05:32 Donc cette année, on pense que les capacités de production
05:35 en armes et munitions du continent vont beaucoup augmenter
05:38 et qu'elles vont atteindre 1,5 million de munitions à la fin de l'année
05:42 et peut-être même 2 millions de munitions d'ici 18 mois.
05:44 Les États membres essayent de mettre les bouchées doubles.
05:46 On a vu beaucoup de promesses récemment de nouvelles armes envoyées à l'Ukraine,
05:51 notamment des promesses faites par Emmanuel Macron très récemment.
05:55 Donc on pense que les États européens vont mettre les bouchées doubles.
05:57 La question, c'est où vont-ils trouver l'argent
06:00 pour accélérer encore leur effort en défense européenne et leur aide à l'Ukraine.
06:04 Et c'est pour ça que ces derniers jours,
06:06 plusieurs responsables politiques européens,
06:08 notamment le commissaire au marché intérieur Thierry Breton,
06:11 ont appelé à faire un nouveau grand emprunt,
06:14 donc une nouvelle dette commune comme pour la Covid,
06:17 mais cette fois pour la défense européenne.
06:19 Parce qu'on voit bien qu'il va y avoir un problème de budget.
06:21 Cette année, on va avoir besoin de mettre encore plus d'argent dans la défense.
06:25 Mais d'où va-t-il venir, sachant qu'on est en train de resserrer les robinets
06:29 parce qu'il y a le retour des règles budgétaires européennes ?
06:32 Donc il y a cette proposition qui est maintenant lancée au débat par la France.
06:36 Emmanuel Macron en a reparlé à Davos de dire
06:39 « et si on refaisait un grand emprunt européen pour la défense européenne ? »
06:43 Parce que sinon, on voit bien qu'il y a un doute sur la capacité de l'Europe
06:46 à se défendre toute seule, sans l'aide des Américains aussi importante qu'auparavant.
06:50 [Musique]

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