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00:00 Quand le premier Lou est sorti, moi j'ai pensé...
00:02 Et je fais encore des cauchemars d'angoisse là-dessus,
00:05 mais j'ai pensé que c'était vraiment un malentendu,
00:06 en fait que c'était un autre Julian Neal qu'ils avaient contacté,
00:09 qui s'était trompé de dossier.
00:10 Ouais, j'ai un syndrome de l'imposteur qui est assez énorme là-dessus.
00:12 Bonjour, je suis Julian Neal, je suis auteur de BD
00:16 et je vais vous raconter la folle histoire de Lou.
00:18 Je viens d'une famille d'illustrateurs et de graphistes,
00:22 donc j'ai toujours dessiné.
00:23 J'ai arrêté l'école assez tôt et j'ai commencé à dessiner
00:26 de façon professionnelle quand j'avais 16-17 ans.
00:29 J'ai commencé en tant que graphiste publicitaire
00:32 et ça a été mon métier pendant quelques années.
00:35 Et donc en 2002, j'ai commencé à travailler dans le magazine Tcho
00:39 et à faire au début des jeux, des choses comme ça,
00:41 de l'animation de magazines.
00:43 Et voilà, c'est comme ça qu'un jour,
00:45 deux ans après ma collaboration avec Tcho en 2004,
00:49 Jean-Claude m'a demandé "Est-ce que tu ne veux pas lancer ta série ?"
00:52 Donc moi je lui ai proposé à ce moment-là une page de Lou
00:55 qui est je crois la page 2 ou 3 du premier album
00:58 où le chat rentre par la fenêtre.
01:00 Et j'avais envoyé ça à Jean-Claude en disant
01:02 "Voilà, c'est une première ébauche,
01:03 je ne sais pas du tout ce que ça va donner,
01:05 par contre je vais virer le chat, ce n'est pas bon et tout."
01:07 Et Jean-Claude, très laconique comme toujours,
01:08 m'avait dit "Je signe, mais par contre tu gardes le chat."
01:11 Et donc il était assez inspiré je pense ce jour-là.
01:13 Alors la première fois que j'ai dessiné Lou,
01:15 je cherchais un look pour le personnage,
01:17 une façon de la caractériser parce que je n'avais pas un dessin très fixe.
01:21 Donc bêtement, les deux grandes mèches blondes
01:22 de chaque côté de la tête, ça permettait de la définir.
01:25 Et en fait, je n'ai pas de souvenir d'avoir galéré tellement sur le design.
01:28 Et je pense qu'ensuite, de toute façon ça fait 20 ans que je fais ça,
01:31 mon dessin est devenu plus précis avec le temps.
01:33 Si Lou grandit, c'est encore une fois parce qu'au tout début de Cho dans cette collection,
01:37 on était censé faire du gag en une page.
01:39 Moi, je n'ai pas réussi à faire ça.
01:40 C'est-à-dire que je n'arrivais pas à écrire un personnage qui n'ait pas de mémoire.
01:44 C'est-à-dire que pour moi, je n'arrivais pas à faire en sorte
01:46 que s'il lui arrive des événements marquants émotionnellement dans l'album,
01:49 d'un coup tu passes à l'album d'après, en fait tout ça a été effacé.
01:53 En fait, c'est là que je me suis dit à partir du moment où mon personnage a une mémoire,
01:57 forcément, elle doit grandir.
01:58 Et c'est un aveu d'impuissance parce que je ne sais pas faire du gag en une page,
02:01 que j'ai fait une histoire feuilletonnante.
02:02 Et puis, au bout d'un moment, je me suis rendu compte que le fait de faire grandir
02:05 les personnages avec les lecteurs, c'était quelque chose qui plaisait bien.
02:10 Il y a eu un événement vraiment, je pense, déclencheur,
02:12 qui est une histoire assez sordide,
02:13 mais on sortait de la première échographie avec ma femme.
02:16 On venait d'apprendre qu'on allait avoir une petite fille.
02:18 On était émerveillés par cette nouvelle.
02:20 Et en fait, derrière nous, il y a deux commerciaux qui parlaient à haute voix
02:24 de leurs problèmes avec leur chef de service, qui s'avéraient être une femme.
02:27 Ils en parlaient, mais en des termes vraiment abjects.
02:30 Quand tu viens d'apprendre que tu mets une fille au monde
02:33 et que tu es dans l'émerveillement de ça, tu te dis OK,
02:35 je la mets au monde, dans ce monde là, en fait.
02:37 Je suis sorti de là très nerveux et forcément avec une espèce de responsabilité
02:42 de me dire OK, il y a pour les filles un travail de représentation
02:46 et montrer un personnage féminin fort.
02:49 Alors après, j'ai ajusté les choses au fur et à mesure dans Lou,
02:52 mais c'était un peu l'intention de base, tout en évitant à tout prix
02:55 de tomber dans le piège de dire je fais de la BD pour filles.
02:58 C'est à dire que je fais un personnage féminin fort, mais ensuite le genre.
03:02 J'ai toujours essayé de ne pas en faire un sujet.
03:04 Le prénom, je n'ai pas beaucoup galéré parce qu'effectivement,
03:06 quand j'ai eu ma fille Maya, on avait un choix de plusieurs prénoms.
03:10 Maya, c'était mon premier prénom préféré et Lou, ça restait.
03:13 Et puis, je voulais quelque chose de simple avec un impact direct.
03:16 L'inspiration première pour les histoires de Lou, c'est en grande partie biographique.
03:21 Donc, il y a des fois où la mère de Lou, ça va être alternativement
03:25 ma femme, moi, ma mère.
03:27 Quand Lou est parti
03:29 faire ses études à Tigre, ma fille, en fait, allait faire ses études à Lyon.
03:32 Par exemple, le personnage de la grand-mère de Lou, effectivement,
03:35 il est inspiré et de ma grand-mère et de ma grande tante,
03:37 parce que ma grand-mère avait une soeur jumelle, en fait.
03:39 Et donc, j'en avais deux comme la grand-mère de Lou.
03:42 Je sais que moi, quand j'étais petit, effectivement, par ma maman,
03:46 je sais que j'avais vu une petite histoire dans Astrapi à l'époque
03:49 et qui mettait juste en scène une mère célibataire.
03:51 Cette toute petite histoire, en fait, d'un coup, ça m'avait fait beaucoup de bien
03:54 parce que c'était dans le média que je connaissais et tout.
03:56 Un truc où, sans que ça soit non plus le sujet et qu'on traite ça comme un problème.
04:01 Par exemple, le fait que Lou ne connaisse pas son père,
04:04 à aucun moment, c'est un problème pour Lou.
04:05 C'était toute l'idée aussi de Lou,
04:07 qui est un peu une bande dessinée cheval de trois,
04:10 qui a priori, elle est toute mignonne et tout ça.
04:12 Mais à l'intérieur, je me sers de cet emballage
04:15 pour parler de choses un peu plus deep.
04:17 Le spleen dans le cimetière des autobus,
04:19 c'est quelque chose que j'ai réellement connu quand j'avais 14, 15 ans,
04:21 effectivement, où j'allais réellement en banlieue parisienne
04:24 traîner mon spleen dans ce cimetière d'autobus.
04:26 Quand je travaille sur des albums, il y a effectivement des images
04:30 de mon passé ou des images de mon inconscient qui viennent
04:32 et qui vont en fait construire l'album,
04:36 qui vont être différents jalons pour raconter mon histoire.
04:38 L'Âge de Cristal, pour moi, c'est un album que j'ai écrit
04:42 à la suite des attentats de Charlie, où j'ai eu un moment de profond désespoir
04:47 et d'impression que le monde était en train de mourir et de disparaître
04:52 et que c'était la fin du monde.
04:53 L'une des métaphores des cristaux, c'était de dire à cette jeunesse
04:56 Mais oui, vous allez connaître des fins du monde.
04:58 Vous allez connaître des bouleversements, mais qui seront la fin d'un monde
05:00 et qui ne sera pas la fin de votre monde.
05:02 Et vous, au contraire, vous allez continuer à vivre sur les vestiges
05:05 de ce monde là, en fait.
05:06 Au début, je sais que ça allait beaucoup plus vite.
05:08 Les premiers tomes, je crois que j'ai publié les trois premiers.
05:10 J'ai mis un an à les faire chacun. Ça allait très vite.
05:12 Et après, les choses se sont un peu emballées.
05:14 En fait, finalement, pour moi, l'écriture a été de plus en plus un challenge.
05:17 Je me suis mis à prendre plus de temps.
05:19 Donc sur un tome de loup, en fait, maintenant, il y a à peu près
05:22 deux ans de recherche, deux ans où je fais des carnets de croquis
05:25 ou des choses qui n'ont rien à voir.
05:27 La période où je dessine l'histoire, vraiment, c'est tout à la fin.
05:32 Après, beaucoup, beaucoup de recherche.
05:34 En fait, j'écris et je dessine tout à fait.
05:36 Je n'arrive pas tellement à concevoir les choses autrement.
05:40 Je travaille avec ma femme sur les couleurs,
05:43 sur la musique avec une bande de copains
05:45 et avec mon frère aussi, avec qui on a créé le label et tout.
05:49 Donc j'essaye de maintenir ça dans un giron familial confortable.
05:56 Quand le premier loup est sorti, moi, je fais encore des cauchemars
06:00 d'angoisse là-dessus, mais j'ai pensé que c'était vraiment un malentendu,
06:03 en fait, que c'était un Julien Niel qu'ils avaient contacté,
06:05 qui s'était trompé de dossier.
06:06 Ouais, j'ai un syndrome de l'imposteur qui est assez énorme là-dessus.
06:09 Alors, il y a eu une première adaptation de Lou en 2005,
06:12 je pense, en dessin animé, où effectivement une société de production
06:17 Goen était venue me voir pour me proposer de faire une adaptation
06:20 en animation de cette série
06:24 sur lequel je n'ai pas eu beaucoup d'ascendants,
06:28 à part effectivement le choix de la musique
06:30 où j'ai travaillé avec Julien Dicaro, un type formidable.
06:34 Maman, je ne te dérange pas ? Tu travailles ?
06:37 C'est le poste fin de niveau ! C'est le poste fin de niveau !
06:40 Maman, j'ai beaucoup réfléchi.
06:42 C'est bien ça, ma chérie.
06:43 Et ensuite, effectivement, l'écriture et la mise en scène m'ont un petit peu échappé.
06:47 Donc, c'est vrai que moi, j'ai un peu du mal à me reconnaître dans cette série
06:51 et à reconnaître mes personnages, même si je sais que cette série,
06:53 elle a fait énormément de bien à Lou et qu'il y a beaucoup de gens
06:56 qui ont découvert les BD grâce à cette série.
06:58 Mais je ne suis pas très objectif sur cette série parce qu'effectivement,
07:02 moi, j'ai l'impression qu'elle m'a un peu échappé.
07:04 Par contre, cette expérience en 2013, 2014,
07:07 quand on est venu me voir pour me proposer une adaptation cinéma,
07:11 effectivement, de dire que pour que cette adaptation existe,
07:13 c'est moi qui devais l'adapter, l'écrire et la réaliser.
07:16 Et là, effectivement, Harold Valentin, le producteur,
07:20 en fait, m'a fait une confiance incroyable et j'ai eu cette chance de réaliser un film.
07:24 Et là, pour le coup, qui était vraiment ma vision à moi de l'histoire
07:28 adaptée en cinéma live avec des acteurs.
07:31 Là, ça a été aussi un plaisir énorme pour la première fois
07:35 de prêter vraiment mes jouets à des gens talentueux.
07:39 C'est à dire que d'un coup, tu vas travailler avec non seulement des acteurs,
07:42 mais toute une équipe technique, des gens qui vont faire les costumes.
07:45 Marie me fit aussi des gens qui vont faire les décors,
07:48 des gens qui vont t'aider à tout niveau, décharger de prod et tout ça.
07:51 Et toute cette équipe, en fait, c'est ça m'a vachement plu.
07:54 Finalement, de sortir de mon atelier, de cette solitude,
07:58 pour d'un coup, travailler avec plein de gens et m'amuser à créer avec plein de gens.
08:03 Et c'est aussi ce qui m'a motivé après à prolonger l'aventure
08:07 en montant ce groupe de musique pour la suite, pour Sonata.
08:10 Et voilà pour l'instant, il y a 10 tomes de Lou en comptant le Sonata 2 qui vient de sortir.
08:15 Ça, c'est donc ce qui est sorti il n'y a pas très longtemps.
08:18 C'est le deuxième tome de Lou Sonata, accompagné de sa bande d'original.
08:23 Et là, c'était à nouveau un défi qui était chouette parce que dans ce tome,
08:28 Lou monte un festival à Mortebouze, le village de sa grand mère.
08:32 Et donc, avec le groupe Crystal Zilote, on a inventé cette bande originale
08:37 et on a inventé une dizaine de groupes qui sont les groupes
08:41 qui participent au festival de Mortebouze.
08:43 Et pour moi, ça a été intéressant parce que là, il y a vraiment un travail
08:46 complémentaire entre le livre, le disque, parce qu'effectivement,
08:49 en tant que fan de musique, etc.
08:51 La BD, il y a quelque chose d'assez frustrant parce que c'est un art muet.
08:54 Donc, d'où l'idée de concevoir ces disques avec le groupe Crystal Zilote
09:00 et de prolonger l'expérience pendant trois albums.
09:04 Voilà. Et donc, c'est mes bébés. J'en suis très fier.
09:08 Colmini, Colmini, Colmini.
09:11 [Musique]