• il y a 11 mois
L'animateur Christophe Dechavanne publie son autobiographie "Sans transition...", où il revient sur sa carrière à la télévision, longue de près de 40 ans. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-25-janvier-2024-6932375

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00:00 Sonia Devillere, il est 7h48, votre invité ce matin est animateur de télévision, il
00:05 publie son autobiographie chez Flammarion, elle s'intitule « Sans Transition ».
00:10 Il y raconte les couloirs de la chaîne Rennes, TF1, les coulisses d'émissions cultissimes
00:15 « Ciel, Montmardi », « Coucou c'est nous », l'argent qui inonde le PAF des années
00:19 90, les coups de sang d'une star du petit écran constamment à fleur de peau.
00:23 Il dit aussi ses fantômes, ses blessures, ses obsessions.
00:26 Il ne le dit pas, mais on le devine, que toute sa vie il a cherché à être… raturé,
00:31 aimé.
00:32 Bonjour Christophe Dechavelle.
00:33 Bonjour, oui pardon, excusez-moi, j'écoutais, je me modeste que de venir à la France si
00:38 on perdait le contrôle, ce qui se passerait après.
00:40 Ben justement, parlons-en de perdre le contrôle.
00:43 Les circuits automobiles, une passion et des titres remportés en France et en Belgique.
00:47 Le chronomètre, le chronomètre, encore le chronomètre.
00:51 La télé, ça ment, les audiences, ça ment, l'argent, ça ment, les femmes, parfois,
00:55 ça ment.
00:56 Le chrono, c'est le seul succès qui ne ment pas ?
00:58 C'est la seule chose dont on ne pouvait pas dire qu'elle faisait partie de quelque
01:03 jugement que ce soit, de quelque regard biaisé que ce soit.
01:05 Et en plus, qui était une satisfaction personnelle, puisque quand je suis arrivé, on m'a regardé
01:10 un petit peu, je vais avoir employé un gros mot, je suis désolé, comme un brôleur
01:13 qui met une combinaison pour faire genre.
01:15 Et puis quand j'ai commencé à faire des pôles et à battre des gens dont c'était
01:18 le métier, ça devenait autre chose.
01:20 Donc je devenais un vrai… on s'est frotté des portes sur la piste très fort.
01:24 Et je m'imposais vraiment sur la piste et j'étais obligé d'obtenir le respect
01:30 que je devais donner aux autres, encore plus que d'ailleurs.
01:32 J'aurais voulu que ma mère, elle, comprenne ça.
01:35 Elle n'a pas compris.
01:36 Elle n'a pas compris.
01:37 Elle n'est jamais venue voir parce qu'elle avait très très peur.
01:41 Je lui disais que c'est comme quand on a le vertige, c'est quand on passe sur des
01:46 plaques de verre assez hautes qu'on finit peut-être par avoir moins peur.
01:50 Et un jour, je vous la fais courte, je revenais de Nogaro, Nogaro c'est les coupes de Pâques,
01:54 c'est le début de la saison, c'est 5 jours, jeudi, vendredi, samedi, dimanche et
01:56 lundi de Pâques.
01:57 Il y a des essais libres, des qualifs et des courses.
01:59 Et le lundi soir, j'avais pour habitude de décrocher mon téléphone, Radiocom 2000,
02:04 ne quittez pas.
02:05 Et j'appelais ma mère pour dire voilà, je suis arrivé, je suis à l'aéroport,
02:07 je suis bien.
02:08 Ah oui, mais bon, je dis mais viens voir, viens voir un jour plutôt que… Ah non,
02:11 non, j'ai trop peur.
02:12 Mais je dis, mais t'as trop peur, mais 5 jours, pas un coup de fil.
02:14 Ah ben oui, si t'es mort, si t'arrives quelque chose, je le saurai bien assez vite
02:18 par le journal.
02:19 Elle vous aimait Muriel, elle vous aimait… A sa façon.
02:22 Mais elle ne pouvait pas le dire.
02:24 Vous avez connu, Christophe Dechavanne, une époque où les prime time réunissaient
02:30 volontiers 10 millions de téléspectateurs.
02:32 Quand on se montre devant autant de gens à la télévision, au fond, de qui cherche-t-on
02:38 le regard ? Oui, ben oui, mais elle venait, vous savez,
02:44 mais quelquefois ça me gonflait un petit peu.
02:46 Elle venait, elle se pointait, elle venait.
02:48 Donc évidemment, elle était reçue par mes équipes et je la regardais pendant que je
02:52 travaillais.
02:53 Je disais, mais elle est là quand même, qu'est-ce qu'elle fait là ? Non, non,
02:57 je ne sais pas, je ne peux pas répondre à cette question.
02:59 Je pense qu'on cherche à attirer le regard.
03:01 J'ai une taille moyenne.
03:02 Quand j'étais petit, les enfants étant ce qu'ils sont, adorables, je me suis fait
03:06 traiter de nain toute mon enfance.
03:08 Donc forcément, on est un peu réduit.
03:10 Il fallait compenser.
03:11 Pardonnez-moi.
03:12 Il fallait compenser.
03:13 J'ai compensé avec la tchatche, oui sûrement, et avec le fait que tous mes copains qui faisaient
03:15 des études, quand je n'ai pas eu mon bac, toutes les copines charmantes de ma mère
03:19 sont allées à la voir en lui disant, il n'a pas eu son bac, qu'est-ce qui va
03:22 devenir ma pauvre ? Et je lui disais, t'inquiète, le jour où je vais trouver un truc, je vais
03:25 y aller à fond.
03:26 Alors après, elle, elle envoyait des articles de journaux à ses copines.
03:29 Mais pour comprendre la télévision, 40 ans de télévision, Christophe Dechavanne, la
03:33 télévision, c'est un shoot d'amour ou c'est un shoot d'ego ?
03:35 Non, moi, j'aime profondément mon métier.
03:40 Avant, tout.
03:41 Puis ça va, l'ego, c'est bon.
03:42 Je crois que j'ai eu ma rasade, comme dirait l'autre.
03:45 Donc je m'en fous.
03:46 Je suis très content quand on me reconnaît dans la rue, mais je suis surtout très content
03:48 d'avoir un regard bienveillant.
03:50 Voilà.
03:51 Donc ça veut dire que quand Mougeot m'a dit un jour, va-t'en, tu vois bien que le
03:53 public ne veut plus de toi, mets-toi au vert.
03:55 Moi, je voyais dans le regard des gens, ils n'avaient pas envie de me jeter des cailloux.
03:59 Donc je n'y croyais pas en fait à ça.
04:00 Et j'ai eu raison, parce que je ne sais pas si je suis revenu plus costaud, mais à chaque
04:03 fois, je suis revenu.
04:04 Vous êtes revenu.
04:05 Et là, après une période de creux, il est revenu l'applaudi-maître.
04:07 Tous les samedis soirs sur France 2 avec Léa Salamé, dans quelle époque ? Il fait du
04:11 bien ce shoot-là.
04:13 Après ça, on se sent quoi ? On se sent rassuré ? On se sent rassasié ? Ou il manque toujours
04:19 quelque chose ?
04:20 Oui, alors quand il manque quelque chose, là, on est dans le domaine de l'analyse.
04:23 Après, c'est autre chose.
04:25 Ce n'est pas rêver à prendre son kiff.
04:28 Enfin voilà, ma mère était quelqu'un, on appelle ça un peu de l'hystérie, en
04:33 psychanalyse.
04:34 C'était quelqu'un qui avait un peu de mal à prendre du bonheur et à sourire quand
04:36 il fallait et à dire les mots d'amour quand il fallait.
04:38 L'hystérie, c'était au 19ème siècle.
04:39 En psychanalyse, aujourd'hui, on n'appelle plus ça de l'hystérie.
04:41 On appelle ça comment ?
04:42 C'est un long sujet.
04:43 On en parlera alors.
04:44 Avec plaisir.
04:45 Oui, alors moi, j'avais des très très vieux psychanalystes alors.
04:48 Vous en avez fait 20 ans de la psychanalyse.
04:50 Oui, enfin, entrecoupés.
04:51 Vous allez encore en faire…
04:52 Tu vois le résultat dramatique.
04:53 C'est ça, vous allez encore en faire 10 minutes.
04:57 Vous allez encore en faire 10 minutes.
04:59 D'où vous vient ce goût pour les personnes borderline ? Le succès de Ciel Montmardi,
05:04 vous le devez aussi à des voyous, à des menteurs, à des manipulateurs, à des gourous,
05:08 à des révisionnistes, à des extrémistes.
05:10 Mon goût pour les révisionnistes est très mesuré.
05:13 D'accord.
05:14 Non, mais le reste, c'est plus amusant.
05:15 Ça, ce n'est pas drôle.
05:17 Non, mais ce qui vous amusait, c'était de mettre du pas drôle sur un plateau.
05:20 Non, les révisionnistes, ils avaient absolument interdiction de s'exprimer.
05:23 Totalement.
05:24 Parole d'homme.
05:25 Un homme n'a pas toujours…
05:27 D'ailleurs, Patrick Lelay disait, moi je lui disais, tu m'as promis ça, tu ne peux
05:30 pas me faire ça, on ne peut pas s'arrêter maintenant, on a un contrat, tu m'as donné
05:34 ta parole.
05:35 Oui, j'ai qu'une parole, c'est pour ça que je la reprends.
05:36 D'accord.
05:37 Qu'est-ce que les borderline apportaient sur ce plateau ?
05:40 Moi, j'aime bien les gens borderline.
05:42 Moi, je trouvais ça intéressant d'avoir un banquier qui venait en costume et qui avait
05:46 des barres à zizou sur son pantalon.
05:47 Je trouvais ça intéressant d'avoir des dames pipi et discuter avec elles parce qu'en
05:51 général, les gens, ils ne la regardent même pas.
05:52 Je trouvais ça intéressant d'avoir des vigiles d'extrême droite qui vidaient des
05:55 squats avec des gens qui étaient à la rue.
05:57 Tout ça commandité par des sales cons, promoteurs qui avaient quatre murs secs, tout pourris.
06:01 Je veux dire, j'ai toujours été intéressé.
06:04 Je faisais découvrir aux gens ses voisins de palier, leurs voisins de palier.
06:07 Non, la dame pipi et le banquier en portail.
06:09 Pensez à rien aussi, il y a une dame pipi dans votre immeuble, vous n'avez pas fait
06:12 d'enquête j'espère.
06:13 Alors donc…
06:14 Si, c'était évidemment pas la télévision de monsieur et madame Tout-le-Monde.
06:18 C'est une expression nouvelle qui donnait la parole à des gens qui ne l'avaient jamais
06:22 eue.
06:23 Tu ne crois pas, quand vous me regardez comme ça, je n'aime pas.
06:26 Vous me regardez comme un foxtérieur qui regarde un lapin alors que la chambre est
06:29 fermée.
06:30 Il vous a pris beaucoup Cyril Hanouna ?
06:31 C'est le coca light direct.
06:34 Non, mais Cyril, il fait son métier comme il l'entend.
06:39 Je ne l'ai pas fait de la même manière.
06:41 Je ne demandais pas à mes chroniqueurs s'ils aimaient ou pas telle émission.
06:45 Je ne demande pas à mes chroniqueurs si oui ou non, il faut être pour ou contre l'hydroxychloroquine
06:50 et monsieur Araud.
06:51 Voilà, chacun fait son métier comme il veut.
06:53 Et c'est surtout qu'on a une petite trentaine d'années d'écart dans les émissions.
06:56 Donc la société de l'époque était quand même un poil plus tendre ou moins dure que
07:02 celle d'aujourd'hui.
07:03 Vraiment ?
07:04 Ah oui.
07:05 Il fallait qu'il y ait les réseaux sociaux, la violence des mots, la violence des propos.
07:09 Faut-il avoir peur de l'extrême droite ? C'était un de vos plateaux, Christophe
07:12 Deschavels.
07:13 Et aujourd'hui, vous en pensez quoi de ce plateau ?
07:14 Je n'ai pas changé d'avis.
07:15 Il faut avoir peur de l'extrême droite ? La question c'était comment on mettait
07:19 en scène cette peur de l'extrême droite à l'époque, à la télévision ?
07:23 Non, c'était jusqu'où peut aller la droite d'ailleurs, si mes souvenirs sont
07:25 bons le titre.
07:26 Et votre question est ? Excusez-moi, j'ai perdu le fil.
07:30 Qu'est-ce que vous en pensez aujourd'hui quand vous regardez dans le rétroviseur
07:34 de ces émissions de télévision ? De la façon dont vous l'avez mis en scène ?
07:38 Je ne regarde pas mes émissions de télévision.
07:40 Non, je ne botte pas en tout.
07:42 Je regarde très peu.
07:43 Et je vais vous dire, hier, j'ai fait une émission de télévision où j'ai été
07:46 très familialement accueilli, très gentiment.
07:48 Ils ont passé un extrait d'une émission dont je n'étais pas très fier, qui était
07:51 la fameuse bagarre avec l'extrême droite.
07:53 La vérité, je l'ai bloquée pendant 25 ans.
07:55 Je ne sais pas pourquoi je l'ai débloquée.
07:56 Cet archive ? Oui.
07:57 Alina, je lui ai demandé si elle ne la diffuse pas, parce qu'elle faisait un peu le tour
08:00 du monde.
08:01 Je n'étais pas très fier de ça, parce que c'était trop c'est trop.
08:06 Et en même temps, c'était dingue.
08:07 Un jour, je suis allé à Tel Aviv, il y a un mec qui est venu me taper sur l'épaule,
08:11 qui à l'époque posait des bombes à Paris, et qui était sur le plateau de Selman Mardi,
08:14 et qui était celui qui est venu gifler le négationniste.
08:19 On va reprendre un peu la psychanalyse.
08:22 C'est des histoires d'hommes rigolotes.
08:23 Parce qu'il y en a beaucoup dans "Sans transition", ce livre que vous publiez chez Flammarion.
08:27 Votre père a plongé dans l'alcool quand vous étiez jeune, Christophe ?
08:31 Quand lui était jeune, surtout.
08:32 Oui, mais vous aussi ? Non, moi je n'étais même pas né quand il a commencé à plonger.
08:36 C'était une forme d'autodestruction ? Une forme de suicide ?
08:42 Oui, bien sûr. Je pense qu'il a fait, en un certain nombre d'années,
08:53 ce qu'il avait déjà un jour à une femme, promis de faire, avec un fusil qu'il a rangé après.
08:58 Donc oui, je pense qu'avec tout ce qui lui a été dit, tout ce qui lui a été expliqué,
09:03 son accident de moto où il est revenu à 5h du matin d'une réunion sûrement très importante,
09:07 mais qui sentait le parfum... C'est une maladie.
09:13 C'est très difficile de se débarrasser d'une maladie.
09:16 Et ce n'est pas en criant sur un malade que la rougeole va partir.
09:19 Moi j'entendais ma mère qui criait sur mon père, qui disait
09:23 "ça, ça a été une blague avec mes potes, donc je me permets de la faire pendant toute ma vie".
09:27 Elle se batvait une goutte.
09:29 Et vous, l'autodestruction, Christophe Dechavanne ?
09:32 Moi j'y fais très attention, j'y ai fait très attention.
09:34 Oui, parce qu'il y a un moment donné où l'atavisme est un mot qui n'existe pas pour rien dans le dictionnaire.
09:38 Donc il faut faire attention, il faut se surveiller.
09:40 Et puis je n'ai pas envie de mourir du tout.
09:42 Et alors pourquoi il y a eu autant de crashes, de naufrages et d'accidents dans votre vie ?
09:46 Pourquoi vous avez joué à ce point-là à vous faire peur et à vous faire aussi mal ?
09:49 Si je m'étais fait peur, je ne l'aurais pas fait déjà.
09:51 Si j'avais eu peur une seconde, je n'aurais rien fait.
09:54 Donc ce n'est surtout pas quand on a peur qu'il faut faire ou de pilote d'hélico ou de la course automobile.
09:58 Après on se crache, on se crache, c'est la vie, c'est comme ça, on est protégé.
10:01 Je me suis un petit peu fait mal entre les jambes une fois.
10:05 Mais c'est rigolo, plus là j'avance, moins on a envie de la défier quand même.
10:10 C'est-à-dire que les 20 ans qui viennent là, et à mon avis comme c'est exponentiel, ça va passer plus vite.
10:16 Si jamais j'y arrive, les 20 ans qui arrivent, s'ils passent aussi vite que ceux passés,
10:20 il faut vraiment que je me dépêche pour kiffer un petit peu et puis revenir vous voir en souriant.
10:24 La preuve qu'on guérit.
10:26 Christophe Dechavanne, sans transition, chez Flammarion.
10:28 Merci beaucoup.
10:29 Merci à vous.

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