L'économiste, Christian Saint-Étienne, a commenté les revendications agricoles dans l'émission de Punchline : «Nous sommes à la veille de bouleversements qu'on n’a pas vu depuis une vingtaine d'années dans ce domaine».
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00:00 Je pense qu'il faut distinguer, sinon on n'arrivera pas à résoudre cette situation.
00:06 Ce qui était déjà arrivé pour les Gilets jaunes, déjà vous vous souvenez, c'était une hausse des prix de l'énergie,
00:13 mais on avait ajouté une mesure qui était le 80 km/h.
00:17 On ne peut pas refaire l'histoire, on ne peut pas savoir ce qui serait passé si on n'avait pas ajouté le 80 km/h,
00:23 mais le 80 km/h avait été reçu non pas comme une mesure sur le code de la route,
00:27 mais comme une insulte vis-à-vis du monde rural, dans la mesure où on les empêchait de se déplacer à une vitesse normale.
00:35 Là, qu'est-ce qui se passe ? Je parle sous le contrôle de monsieur,
00:39 mais il me semble qu'il faut distinguer deux thèmes qui ne s'opposent pas totalement, mais qui sont très différents.
00:48 Le premier, c'est les intérêts du monde agricole.
00:50 Et au titre des intérêts du monde agricole, il y a au moins trois points.
00:54 Il y a l'énergie, il y a les achères.
00:57 Les achères, il faut comprendre que pour un paysan, avoir des terres qu'il ne travaille pas, c'est quelque chose qui le meurtrit.
01:04 Mais il y a un autre élément qui se rajoute au niveau des intérêts, c'est les importations qui viennent de l'étranger,
01:11 et notamment actuellement de l'Ukraine, pour des raisons qu'on peut comprendre,
01:15 mais qui déstabilisent totalement le marché européen.
01:18 Or, les Polonais et les Hongrois ont pris des mesures pour arrêter ces importations, pas le gouvernement français.
01:26 Donc, il est nécessaire de voir au niveau de ces intérêts si on peut bouger rapidement.
01:32 Mais je pense qu'il y a un autre élément qui est absolument fondamental,
01:36 c'est justement la possibilité d'importer en France des produits, des productions qu'on ne peut pas produire en France,
01:45 soit parce que les produits phytosanitaires utilisés pour les produire à l'extérieur ne sont pas autorisés ici,
01:52 soit parce que, comme je l'évoquais, il y a la question des achères.
01:55 Or, et je termine par là, il faut savoir qu'en France, il y a une distinction qui est absolument fondamentale,
02:02 que Philippe Diribard a travaillé pendant des décennies, c'est un grand sociologue,
02:07 c'est la distinction entre la logique de l'honneur et la logique de l'argent.
02:10 Et en France, dans une profession, on ne met pas seulement du marché, du monétaire,
02:17 il y a une question d'honneur et de sens de ce qu'on fait.
02:20 Et quand vous êtes, par exemple, un paysan et qu'on vous interdit de travailler certaines terres
02:26 alors qu'il y a une partie de la population mondiale qui souffre de famine,
02:30 ou qu'on vous met des contraintes qui n'existent pas pour les autres,
02:36 et qu'aujourd'hui on chiffre les importations de produits réalisés avec un avantage
02:43 qui n'est pas concurrentiel mais qui est réglementaire, à hauteur de 10 milliards d'euros en France.
02:49 C'est-à-dire qu'il y a 10 milliards d'euros de production française qui sont perdus
02:53 au bénéfice d'importations qui ne sont pas justifiées,
02:56 mais qui interviennent par l'effet du non-respect des mêmes réglementations.
03:01 Et je crois que le gouvernement n'a pas compris l'ampleur de ce phénomène
03:05 et de ce point de vue il y a deux couches.
03:07 Il y a la surtransposition, mais il y a le Green Deal.
03:10 Le Green Deal c'est une véritable volonté de transformer le monde agricole
03:16 et vous le savez, ça a été montré au niveau du Parlement européen,
03:19 le Green Deal devrait et pourrait conduire à une baisse de la production européenne de 30%.
03:24 Donc tout ça, les deux couches, à mon avis, sont en jeu actuellement
03:28 avec la conjonction des actions des Allemands, des Néerlandais et des Français.
03:33 Et je pense qu'on est à la veille de bouleversements qu'on n'a pas vus
03:37 depuis une vingtaine d'années dans ce domaine.
03:39 Eugénie Bess.
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03:43 [SILENCE]