"On a besoin de sortir le carnet de chèques", selon Marie Toussaint

  • il y a 7 mois
L'eurodéputée écologiste de passage dans la Vienne, était l'invitée ce vendredi matin de France Bleu Poitou.
Transcript
00:00 Vous en avez rencontré d'ailleurs devant la préfecture, que vous ont-ils dit ?
00:04 Ce que m'ont dit les agriculteurs, c'est leur colère, voire même leur désespoir,
00:09 parfois face à une situation qui est éminemment complexe pour eux.
00:13 Et c'est une situation qui est folle, parce qu'elle conjugue à la fois
00:19 l'étranglement des revenus des agriculteurs, -10% de revenus dans les dernières années,
00:25 l'explosion des prix de l'alimentation, +10% ces dernières années, un gaspillage alimentaire terrible.
00:31 Puis vous savez, ce que m'ont dit les agriculteurs et les agricultrices qui étaient hier mobilisées,
00:36 c'est qu'ils en avaient assez d'être traités par le mépris, d'être traités comme des bandits,
00:40 pour reprendre leurs termes.
00:42 Et ce sentiment des agriculteurs, cet appel, c'est aussi un appel à la considération, au respect.
00:48 On était devant la préfecture, vous l'avez dit, et ce que je vois aussi depuis chez moi à Bordeaux,
00:53 et d'ailleurs en France, ce qui remonte, c'est que ces agriculteurs qui manifestent devant les préfectures,
00:57 devant les MSA, les mutualités sociales agricoles, et bien personne ne vient à leur rencontre.
01:01 Vous avez échangé avec la FNSEA, je vous pose la question,
01:05 parce que vous avez été incisive avec le premier syndicat agricole de France,
01:09 vous avez dit, je vous cite, "la FNSEA, dans la co-décision de ce modèle agricole qui est fou, a été partie prenante".
01:18 La FNSEA a été partie prenante. On est dans une situation quasi de co-gestion.
01:24 Et on le voit d'ailleurs à chaque fois, quand la FNSEA demande quelque chose,
01:27 demande l'arrêt des législations sur les pesticides,
01:31 demande qu'on aille plus lentement sur la transition écologique,
01:36 et bien le gouvernement cède, en permanence, et ça fait des années que ça dure.
01:40 Moi ce que je ressens aujourd'hui sur le terrain, ce que j'ai ressenti hier,
01:44 où c'était plutôt la coordination rurale et des indépendants qui étaient là,
01:47 mais ce mouvement dépasse toute obédience syndicale.
01:50 Et les revendications qui sont portées sur le terrain ne sont pas celles qui sont portées par la FNSEA.
01:55 On peut penser par exemple aux accords de libre-échange.
01:57 Ce que nous disent les agriculteurs et les agricultrices,
02:00 c'est qu'ils en ont assez d'être mis en concurrence en permanence avec des produits d'exploitation
02:06 où les normes sociales, sanitaires, environnementales ne sont pas les mêmes que chez nous.
02:10 - Alors on va y venir justement sur ce que vous vous proposez pour ces agriculteurs.
02:13 Le gouvernement doit faire ses fameuses annonces dans la journée.
02:17 Est-ce que vous craignez qu'on sorte une nouvelle fois le carnet de chèques
02:20 pour acheter la paix sociale et qu'on ne s'attaque pas au fond du problème ?
02:24 - Je ne crains absolument pas qu'on sorte le carnet de chèques.
02:27 On a besoin de le sortir.
02:28 Les paysans sont étranglés par la dette, ils n'ont aucune visibilité sur leurs revenus,
02:33 ils vendent parfois leurs produits à un prix inférieur au prix de revient.
02:37 Comment est-ce que vous voulez que les agriculteurs et les agricultrices gagnent leur vie aujourd'hui ?
02:41 On a des dettes moyennes de 200 000 euros par exploitation.
02:45 La retraite moyenne d'une agricultrice c'est de 570 euros par mois
02:50 pour des gens qui ont travaillé toute leur vie du matin au soir, du soir au matin.
02:53 Donc on a besoin de sortir le carnet de chèques.
02:55 Il y a des choses évidentes qui sont simplement de l'ordre du respect de la loi,
02:59 le paiement des aides PAC, le paiement des aides liées aux catastrophes naturelles, aux épidémies.
03:04 Tout ça ce sont des sommes qui sont attendues par les agriculteurs et les agricultrices.
03:08 Marie Toussaint, on est en direct sur France Bleu Poitou, il est 7h51
03:11 et on a des appels d'auditeurs qui veulent vous poser des questions.
03:14 On accueille Sacha de Jarnac. Bonjour Sacha !
03:16 Oui, bonjour !
03:19 Sacha, vous êtes agriculteur, on écoute votre témoignage.
03:22 Oui, voilà, du coup, oui c'est vrai qu'on est agriculteur actuellement
03:27 et on est très très en colère par rapport à tout ce qui se passe actuellement.
03:31 Et puis on revendique par rapport à tout ça.
03:36 Est-ce que vous pouvez poser votre question ? Est-ce que vous avez une question pour l'eurodéputé Marie Toussaint ?
03:42 Oui, oui, oui, oui, écoutez...
03:47 Sacha, on vous entend très mal. Ce que je vous propose Sacha à Jarnac,
03:51 c'est de poser votre question à Sandrine au standard de France Bleu Poitou, elle va nous l'écrire.
03:55 Et on la relaye.
03:56 Et on va vous relayer Sacha sans aucun souci. Vous êtes les bienvenus au 05 49 60 20 20.
04:01 Alors parmi les mesures qui devraient être dévoilées cet après-midi,
04:05 vous, il y a une demande que vous avez Marie Toussaint qui est assez forte,
04:09 mais je ne pense pas que le gouvernement va y accéder,
04:11 c'est de sortir de ces fameux accords de libre-échange que vous évoquiez tout à l'heure.
04:17 C'est possible ça franchement ?
04:19 Ah bah oui, il suffit de le décider.
04:22 On a signé des accords de libre-échange avec le Chili, avec la Nouvelle-Zélande,
04:26 et là on est en passe de signer un accord avec le Mercosur.
04:29 Le Mercosur c'est l'Amérique Latine, en particulier avec le Brésil,
04:32 dont on va importer énormément de bœuf.
04:35 Voilà, c'est la filière bovine.
04:37 Or, quelle est la filière qui gagne le moins bien sa vie aujourd'hui en France ?
04:40 Et bien c'est la filière bovine.
04:42 Donc on peut arrêter ces accords de libre-échange,
04:44 encore une fois c'est la première demande des agriculteurs,
04:46 c'est aussi un combat de longue date des écologistes.
04:49 Nous n'avons eu de cesse de nous opposer à ces accords de libre-échange.
04:52 Attention, ça ne veut pas dire la fin du commerce.
04:54 Ça veut dire la fin de la concurrence déloyale entre les agriculteurs du monde.
04:57 Et donc il faut absolument avancer sur ce point-là.
05:00 Sur la question de l'environnement, c'est aussi celle de la gestion de l'eau,
05:04 qui forcément est très prégnante.
05:06 On l'a entendu aussi beaucoup les agriculteurs dire
05:09 "il faut nous laisser travailler avec cette eau,
05:12 il faut absolument qu'on accélère sur les dossiers des bassines".
05:16 Le préfet de la Vienne, avant-hier,
05:20 il a annoncé la création prochaine d'une petite dizaine de mini-bassines
05:25 qui puiseraient dans les cours d'eau comme le Clun ou la Vienne.
05:28 Vous êtes pour ou contre ?
05:30 D'abord, je demande au préfet de descendre rencontrer les agriculteurs et les agricultrices.
05:34 Ce serait une première chose qui serait importante.
05:37 Il y a plein d'autres sujets que j'aimerais qu'on aborde quand même,
05:39 notamment les marges de l'agroalimentaire.
05:40 Mais je reviens à votre question sur les bassines.
05:43 Vous dites "la question de l'eau, tous les agriculteurs aimeraient avoir accès à l'eau".
05:46 Eh bien, nous partageons cette volonté.
05:48 Et quand on regarde la Vienne, les bassines qui ont été creusées ou qui sont en projet
05:53 devraient servir à 149 agriculteurs sur 3500.
05:57 Alors, moi, je veux bien de l'eau et je veux bien de l'eau pour les 3500 agriculteurs.
06:01 Et donc ça, ça passe peut-être par des bassines de plus petite taille.
06:04 On verra ce que met le préfet sur la table.
06:06 En tout cas, ce qui est certain, c'est que ces méga-bassines
06:08 qui épuisent l'eau et ne bénéficient qu'à quelques-uns
06:10 ne sont pas une réponse au mal-être agricole.
06:12 Vous parliez un petit mot sur les marges, effectivement, de l'agroalimentaire ?
06:16 Tout à fait, parce que je vous disais tout à l'heure,
06:18 les revenus des agriculteurs diminuent et les prix explosent.
06:20 Eh bien, il y a une valeur ajoutée qui est absorbée
06:23 par l'industrie de la transformation de l'agroalimentaire,
06:26 donc à la fois les casinos, les carrefours, lactalis, danone.
06:29 C'est 48% de bénéfices en plus ces dernières années.
06:33 Et vous voyez, on me dit parfois, mais où est l'argent ?
06:36 Est-ce que l'argent magique existe ?
06:38 Je dis, ben non, l'argent, il est dans des endroits
06:40 et en particulier sur les marges.
06:41 Et donc, si on veut aider les agriculteurs,
06:43 pourquoi pas taxer ses marges et pouvoir redistribuer
06:46 au monde agricole ses marges pour avoir des revenus
06:49 dont ils ont absolument besoin.
06:51 Un dernier mot, Marie Toussaint, de la campagne des européennes.
06:54 Elle bat son plein, vous êtes là aussi pour ça.
06:57 Concrètement, est-ce que vous sentez que cette campagne
07:00 prend sur le terrain ? On sait qu'il y a toujours
07:02 un désamour des Français pour ce scrutin.
07:04 C'est compliqué de mobiliser.
07:06 Le 9 juin 2024, ce seront les élections européennes
07:09 et c'est une date absolument cruciale
07:11 dans l'histoire de notre continent.
07:12 C'est peut-être l'élection la plus importante
07:14 depuis la chute du mur de Berlin,
07:16 où l'Europe avait un choix existentiel.
07:17 Est-ce qu'on s'élargit ou non ?
07:19 Cette fois, le choix est entre les nationaux populismes
07:22 qui gagnent du terrain en Europe et également en France,
07:25 qui sont au pouvoir en Hongrie, en Italie, en Suède,
07:28 en Finlande, aux Pays-Bas.
07:30 Des nationaux populistes qui pactisent
07:32 de plus en plus avec les droites traditionnelles.
07:34 Leur point de ralliement, c'est l'opposition à l'écologie.
07:38 Alors que le climat est le défi de notre siècle,
07:40 alors que la biodiversité est le défi de notre siècle,
07:43 alors que je souhaite faire de la lutte contre la pauvreté
07:46 la colonne vertébrale de l'Union européenne,
07:48 eh bien, ces droites sont susceptibles d'arriver au pouvoir
07:51 et de s'en prendre à la transition écologique et sociale.
07:54 Alors j'appelle vos auditeurs, vos auditrices à se mobiliser
07:57 et à aller chercher toutes celles et tous ceux
07:59 qui sont encore à convaincre que ce scrutin est important
08:01 parce que c'est effectivement notre avenir
08:03 qui se joue le 9 juin 2024.
08:05 - Le message est passé. Merci beaucoup Marie Toussaint
08:07 d'être venue dans les studios de France 2.
08:09 - Merci de votre invitation.
08:10 - Également, diffusion sur France 3 de cette interview.
08:14 Ce matin, votre déplacement chez nous se poursuit.
08:17 Vous serez dans une exploitation agricole à Fontaine-le-Comte.
08:19 Bonne journée. - Bonne journée.
08:21 [Musique]

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