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Intervention de Erwan Le Barbu - DDT du Doubs sur l’évolution passée des débits des cours d’eau lors de la table-ronde « Conséquences du changement climatique en Bourgogne-Franche-Comté : : pluviométrie, débits, biodiversité et production hydroélectrique » de la 10ème rencontre de l’hydroélectricité du 1er décembre 2023.

S'informer sur les conséquences, les impacts, les prévisions du changement climatique sur la variabilité des débits des cours, la vie des cours d'eau et sur la production hydroélectrique

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Transcription
00:00 Nous commençons avec le passé, l'analyse de ce qui s'est passé jusqu'ici.
00:11 Nous commençons avec Erwan Le Barbu, aujourd'hui à la DDT25, mais précédemment à l'Adreal.
00:19 Vous parlez plus par rapport à l'Adreal, à toute cette expérience de l'Adreal.
00:25 Comment ont évolué les débits ces 30-40 dernières années en Bourgogne-Franche-Comté ?
00:34 Bonjour à tous. Je suis ici sur ma casquette Adreal.
00:41 A l'Adreal, j'étais en charge du service hydrométrie qui assurait la mesure des débits des stations hydrométriques de l'Etat.
00:48 En Bourgogne-Franche-Comté, on a à peu près 220-230 stations hydrométriques sur le territoire.
00:56 Certaines ont débuté des mesures plus ou moins longues.
01:01 Je vais vous présenter les évolutions des débits constatées au travers de quelques stations.
01:07 La première, on va commencer par parler du débit moyen annuel, le module que tout le monde connaît.
01:12 On va commencer par regarder le Doubs à Besançon.
01:19 On est sur une station qui a une chronique longue.
01:22 On commence en 1922 en débit.
01:26 On est sur un bief navigable et donc on a un historique de débit important.
01:31 Sur le débit moyen annuel, représenté en bleu sur la courbe,
01:35 chaque année on prend le débit moyen de janvier à décembre,
01:38 on constate une forte variabilité interannuelle.
01:42 Chaque année se suit mais ne se ressemble pas.
01:45 Je vous propose de faire une moyenne glissante par décade.
01:52 C'est une graphique orange.
01:54 C'est ce que Météo France fait en général pour des moyennes normales de Météo France par 30 années.
01:59 On a la figure orange.
02:02 Sur la figure orange, on voit qu'on a une variabilité de ce module qui fluctue.
02:08 Avec des périodes des pics à 120 m3/s dans les années 1930 et 1980.
02:18 Aujourd'hui, on est autour de 100 m3/s, à peu près au niveau du module actuel, la moyenne interannuelle.
02:26 On a eu des périodes assez basses avec des débits qui sont descendus jusqu'à 80 m3/s en décade.
02:34 Sur le débit moyen interannuel, le module,
02:38 aujourd'hui on pourrait se référer à la période récente,
02:43 depuis les 30 dernières années, depuis les années 1980-1990,
02:48 ce débit moyen annuel est en baisse.
02:51 Mais dans les années 1980-1990, on était plutôt sur un cycle haut de ce débit moyen interannuel.
02:58 La baisse qu'on pourrait constater depuis 30 ans, sur une période plus longue, est finalement lissée.
03:05 - Sur les débits d'étiage, qu'est-ce que vous constatez ?
03:13 Est-ce qu'ils sont plus fréquents, plus sévères ? Quel est le constat ?
03:18 - Les sécheresses, ce n'est plus marqué. Il y a quelque chose de plus tendanciel.
03:23 Je vais vous présenter 3 à 3 diapositives qui illustrent ces éléments,
03:27 notamment la dernière sur une cartographie à l'échelle de la région.
03:30 Je vous présente les débits de la Saône à Mâcon.
03:34 Chaque point représente le débit de la sécheresse de l'année.
03:37 La Saône à Mâcon présente également un certain historique de données assez conséquent,
03:42 qui permet d'avoir un recul important.
03:45 Sur les débits des sécheresses de la Saône à Mâcon,
03:48 qui représentent les 2/3 en surface de la région Bourgogne-Franche-Comté,
03:52 on est sur une rivière représentative du massif du Jura et du massif des Vosges,
03:58 on constate qu'effectivement, depuis 2015, il y a une rupture.
04:04 Le débit moyen d'une sécheresse qui était autour de 100 m3/s avant 2015,
04:12 et au-dessus, en dessous, depuis 2015,
04:15 on a un débit moyen normal de sécheresse qui est passé autour de 40 m3/s.
04:21 On a eu une baisse brutale forte de ce débit moyen de sécheresse.
04:27 Sur la Saône à Mâcon, c'est un peu exceptionnel,
04:32 mais pour l'instant, les sécheresses individuelles qu'on connaît
04:35 ne sont pas forcément plus dures que les sécheresses historiques de 2003, 1976, etc.
04:40 Par contre, elles sont plus fréquentes.
04:43 Tous les ans, ou tous les 2 ans, on est sûr d'avoir une sécheresse
04:46 qui, avant, se produisait tous les 10 à 15 ans.
04:49 Donc on a une certaine normalisation des sécheresses exceptionnelles d'avant.
04:54 Et même, et c'est intéressant, sur le graphique,
04:57 on voit que dans les dernières années, on voit que l'année...
05:00 Le dernier point, c'est 2023, même.
05:05 2018 qui a été très sec, 2020 qui a été très sec,
05:09 2022 et 2023, on était des sécheresses en année paire,
05:13 mais cette année, on a eu une sécheresse aussi en année impaire.
05:16 Mais on voit que l'année 2021, en sécheresse,
05:20 c'est le tout petit point qui est un peu plus haut,
05:23 on était autour de 20 m3/s en sécheresse récente,
05:28 et en 2021, on est passé à 70 m3/s.
05:33 2021, vous vous en souvenez, l'été 2021 a été particulièrement apocalyptique
05:38 en termes de météo, il y a même eu des inondations
05:41 assez conséquentes le 14 juillet, et pourtant, en septembre,
05:46 on a eu un débit de sécheresse qui était plus faible
05:49 qu'une sécheresse normale d'avant le palier de 2015.
05:53 Donc c'est également un signal que malgré les aléas climatiques
05:57 qui peuvent être des inondations et des débits très soutenus,
06:00 en juillet 2021, il y a eu des inondations,
06:03 des inondations sur le bassin de la Sey qui n'ont pas été observées
06:07 depuis 40 ans de mesure.
06:10 - Et sur l'évolution du débit classé, sur la tranche la plus bas débit,
06:18 qu'est-ce que vous constatez ?
06:20 - On a effectivement le débit de sécheresse annuel,
06:23 qui est un critère intéressant à mesurer,
06:25 donc chaque année, on regarde le débit de la sécheresse de l'année,
06:28 mais on peut également regarder,
06:31 donc là c'est pareil, j'ai pris par tranche de 10 ans glissant,
06:34 donc la période 2011-2022 par exemple,
06:39 je classe tous les débits journaliers par ordre croissant
06:43 et je regarde la valeur du débit qui est dépassé 90% du temps,
06:47 ou alors 10% du temps par an dessous.
06:50 Donc je regarde le débit faible qui est dépassé 10% du temps,
06:54 donc chaque jour je le classe par ordre croissant,
06:57 et donc ça représente finalement, ce débit classé 10%,
07:00 ça représente un débit de la rivière dépassé 10% du temps.
07:06 Donc 10% du temps, on est sur un peu plus d'un mois,
07:09 donc c'est un critère qui est intéressant au niveau de la représentativité.
07:14 Et là donc sur l'exemple, je suis sur Laroue-Réunis,
07:17 Besançon, Mâcon, Laroue, je vais de plus en plus vers l'ouest,
07:22 et je vois qu'effectivement, sur ce débit classé 10%,
07:26 j'avais une certaine stabilité jusqu'à 2015,
07:29 pareil comme les sécheresses, et depuis 2015,
07:32 le débit classé 10% qui tournait autour de 2,2, 2,3 m3/s,
07:38 depuis 2015, il ne fait que s'effondrer.
07:41 C'est normal, tout à l'heure je vous ai indiqué que les sécheresses
07:45 ne sont pas forcément aujourd'hui plus sévères mais plus fréquentes.
07:49 Comme on a des sécheresses qui se répètent, finalement,
07:52 les bas débits des cours d'eau deviennent de plus en plus communs.
07:56 On a les débits bas des cours d'eau,
07:59 donc le fameux débit classé 10%
08:01 qui baisse de plus en plus chaque année.
08:06 On a un panorama des rivières en bas débit des cours d'eau
08:12 qui baisse, qui baisse, qui baisse, qui baisse.
08:15 - Et alors là, c'est le constat pour un cours d'eau,
08:19 et justement au niveau de la cartographie un peu plus globale,
08:23 qu'est-ce que ça donne ?
08:25 - Alors on a fait effectivement le travail à l'ADREAL
08:28 de regarder un petit peu ce qui se passe au niveau de la région
08:31 et on a identifié par zone une station hydrométrique de référence
08:34 qui servait à caractériser un petit peu l'évolution
08:37 de ce fameux débit classé 10%.
08:40 On a comparé la situation, le débit classé 10% qu'on avait dans les années 2000
08:46 par rapport au débit classé 10% qu'on avait aujourd'hui, en 2022,
08:50 pareil en moyenne glissante sur 10 ans.
08:53 Et donc c'est classé par couleur.
08:55 La tendance globale est clairement une baisse globale des débits classés 10%
09:00 sur l'ensemble de la région, surtout sur le sud du Mont Vent,
09:04 dont la roue que je vous ai présentée à l'instant,
09:07 mais également sur le massif des Vosges.
09:10 On est sur deux bassins versants à socle granitique
09:13 qui ont peu de nappes phréatiques et donc qui sont les premiers touchés
09:16 par ces phénomènes de sécheresse.
09:19 On a le massif du Jura qui est également assez touché
09:22 au niveau de cette baisse des débits des sécheresses classés 10%.
09:26 Par contre, on a quand même des rivières et des secteurs
09:29 qui sont encore un peu préservés ou alors qui ont un débit classé 10%
09:32 qui reste stable.
09:34 Alors c'est des rivières qui sont soutenues par des grands barrages.
09:37 On a le Doubs soutenu par le lac de Saint-Point pour l'instant
09:41 et le lac Valbarra du Châtelot.
09:44 On a la Loire et l'Allier soutenus par les retenues de Virey et de Nossac.
09:48 On a la Lyonne par le barrage de Pannescière et puis la Cure
09:51 par les ouvrages hydroélectriques.
09:53 Et également certaines stations comme la Loue,
09:56 la Calcaire du Nord-Nivernet et puis la Vannes
10:02 qui sont soutenues par des nappes assez puissantes
10:05 et qui permettent encore aujourd'hui de soutenir ces rivières
10:08 avec des écoulements forts.
10:10 Et dernier point intéressant qu'on peut voir aussi,
10:12 c'est qu'on a également les rivières proches des canaux de navigation
10:16 qui bénéficient via les fuites du canal
10:19 des retenues d'eau des barrages VNF situés sur les biefs de partage
10:25 qui alimentent le bief de partage et donc via les fuites,
10:28 les débits des rivières.
10:30 Avec effectivement cette nuance,
10:33 on a certaines rivières qui sont aujourd'hui préservées
10:35 mais qui sont des rivières soit alimentées par des nappes
10:38 qui sont encore assez soutenues
10:41 mais qui bénéficient encore des précipitations hivernales
10:44 ou dans la majorité des cas des rivières qui sont soutenues
10:46 par des grands barrages
10:48 avec quand même des signes dans la région de fragilité du système
10:53 qui viennent de l'Ouest pour l'instant
10:56 mais qui ont été observés aussi dans le Haut-Doubt.
10:58 La Loire et l'Allier soutenus par les barrages réservoirs
11:01 de Villeray et Naussac,
11:03 donc Villeray pour la Loire et Naussac pour l'Allier,
11:05 ont connu en 2022 des niveaux très bas à la fin de la sécheresse
11:10 et ont fait craindre des débits de la Loire
11:15 historiquement bas depuis la construction de ces barrages réservoirs
11:20 et on commence à atteindre,
11:22 alors que ça n'avait pas été le cas depuis 40 ans,
11:24 depuis que les barrages avaient été construits,
11:26 on commence à atteindre le niveau de remplissage minimal,
11:31 le niveau de tension sur ces alimentations de retenue et de rivières
11:37 et donc l'habitude qu'on a pris d'avoir des rivières soutenues,
11:41 même en été, pour la Loire,
11:43 pour le Doubs également soutenue par la retenue du Châtelot
11:46 qui a connu en 2022 des niveaux extrêmement bas
11:48 et qui tout d'un coup a dit "je ne peux plus soutenir
11:50 parce que je n'ai plus assez d'eau dans la retenue
11:52 donc je ne fais que passer le débit entrant, c'est tout,
11:55 mais je ne rajoute pas de débit",
11:57 on peut avoir effectivement ce phénomène de rupture
12:00 qui peut intervenir "tout d'un coup"
12:03 puisque tout d'un coup, le barrage réservoir, s'il est vide,
12:07 il ne pourra plus soutenir la rivière
12:09 et tout d'un coup on va passer d'une situation de rivière soutenue
12:12 à une situation de rivière non soutenue
12:14 et donc des débits qui vont s'effondrer drastiquement.
12:17 Mais pour l'instant, ce n'est pas encore le cas.
12:19 Très bien, merci pour ces explications.
12:22 Du coup, peut-il nous venir une question par rapport à ça
12:26 et par rapport notamment au calcul du débit réservé ?
12:29 Il est calculé par rapport aux proportions habituellement
12:34 du module interannuel, donc plutôt sur débit moyen,
12:38 mais on voit dans certaines régions, dans certains cas,
12:41 où le débit d'étiage peut aussi rentrer en ligne de compte.
12:45 Donc, comment est-ce que pourrait évoluer,
12:50 quelles sont les réflexions par rapport à ce calcul du débit réservé
12:55 et comment, du coup, est-ce qu'il pourrait évoluer ?
12:59 Est-ce que c'est possible déjà de se projeter ?
13:02 Alors, sur mon poste précédent,
13:05 moi j'étais uniquement sur l'observation des débits,
13:07 sur l'aspect réglementaire, ce n'était pas mon sujet.
13:10 Sur mon poste actuel en DDT, où je suis en instruction
13:13 de certains de vos projets de micro-centrales,
13:15 mais depuis deux mois, je n'aurai pas le recul suffisant
13:18 pour répondre à votre question.
13:19 En tout cas, aujourd'hui, sur le débit moyen interannuel,
13:22 on a une certaine stabilité
13:24 et si le débit réservé reste calculé sur le dixième du module,
13:28 aujourd'hui, on a une certaine stabilité de cette valeur-là.
13:31 Après, au niveau des milieux,
13:34 et notamment des enjeux environnementaux du tronçon court-circuité
13:39 et de la rivière, il peut effectivement se produire
13:43 que le débit réservé soit plus bas que ce dixième du module,
13:46 mais là, c'est en fonction d'éléments que je ne connais pas
13:50 et que je ne maîtrise pas.
13:51 En tout cas, sur le module, aujourd'hui,
13:53 dans la région Bourgogne-Franche-Comté,
13:55 on observe des variations interannuelles,
13:58 mais la tendance longue de fond fait qu'on a une certaine stabilité.
14:02 Par contre, on a des écarts de sécheresse et d'inondation aussi.
14:08 L'année 2023, on a aussi une illustration assez forte.
14:11 On est passé, en un mois, d'une situation de crise-sécheresse
14:15 à une situation de presque crise-inondation.
14:18 On était en niveau orange sur la Loupe la semaine dernière encore.
14:22 On a des écarts très forts de très bas débits et de débits importants,
14:26 mais les débits de crues ne sont pas forcément exploités
14:29 à leur plein potentiel par les microcentrales.
14:31 Donc finalement, le...
14:34 Voilà.
14:36 OK, très bien, merci pour cette réponse.

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