On a volé leur enfance...

  • il y a 7 mois
"VICTIMES DE PEDOPHILIE" / A l'âge de l'innocence, certains enfants connaissent déjà l'enfer. En France,14 800 mineurs étaient victimes d'agressions sexuelles ou de viols en 2012.

L'histoire de Jérôme et Solweig est similaire. Instrumentalisé par leur agresseur, un homme en qui ils avaient confiance, ils ont mis des années à briser le silence.

Solweig Ely a été victime d'un moine pédophile quand elle était enfant. Jérôme Nozet, lui a été victime d'abus sexuel dans son enfance par un ami de la famille.

Jérôme, Solweig, deux adultes aujourd’hui à qui ont a volé leur enfance se sont enfermés dans le silence, comme seule réponse à leur calvaire. Quand enfin ils se décident à parler il est souvent trop tard. Leur cas est prescrit par la loi.
Transcript
00:00 C'était des termes du type "tu es le membre malade du corps qu'il faut couper pour éviter la gangrène,
00:09 le fruit pourri de la coupe qu'il faut enlever pour éviter de pourrir les autres".
00:14 Donc j'étais tout bonnement et tout simplement la porte par laquelle le diable rentrait à la maison.
00:19 Pour eux, si j'allais mal, c'était parce que j'étais possédée.
00:27 À l'âge de l'innocence, certains enfants connaissent déjà l'enfer.
00:31 Il y a quelques jours, j'ai été frappée par un chiffre.
00:34 En France, en 2012, près de 15 000 mineurs ont été victimes d'agressions sexuelles ou de viols.
00:41 Jérôme, Solveig. Leur histoire est similaire.
00:45 Ils n'auraient pas dû faire confiance à un homme qu'ils connaissaient bien.
00:49 Ils ont mis des années à briser le silence.
00:52 Depuis, ils veulent partager leurs histoires pour éviter que d'autres enfants ne connaissent leur cauchemar.
00:58 Une femme et un homme de courage.
01:00 Deux exemples qui prouvent que dans la vie, la reconstruction est possible.
01:05 Je m'appelle Solveig Elie et j'ai été victime d'un moine pédophile quand j'étais plus jeune.
01:17 Je m'appelle Jérôme et j'ai été victime d'abus sexuels dans mon enfance.
01:22 Jérôme, Solveig. Deux adultes à qui on a volé l'enfance.
01:28 À 9 ans, ils ont subi les agressions sexuelles répétées d'hommes manipulateurs
01:33 et se sont enfermés dans le silence comme seule réponse à leur calvaire.
01:38 Lui a été la victime régulière du meilleur ami de son père jusqu'à ses 15 ans.
01:43 Elle a été sous l'emprise d'un moine de la communauté des Béatitudes.
01:47 Adultes, ils vont enfin parler.
01:51 Comme toutes les fins de semaine sur les hauteurs de Besançon,
01:55 Jérôme bricole dans sa maison, aidé par son frère et son père.
02:00 Il est le plus jeune homme de la communauté.
02:03 Il a été victime de la mort de son père.
02:06 Il a été victime de la mort de son père.
02:09 Il a été victime de la mort de son père.
02:12 Il a été victime de la mort de son père.
02:15 Comme toutes les fins de semaine sur les hauteurs de Besançon,
02:18 Jérôme bricole dans sa maison, aidé par son frère et son ami David.
02:23 - Non, ça c'est... - C'est pas celui-là ?
02:26 - C'est le montage. - On avait un bouquin aussi pour la centrale.
02:29 C'est en 2009 qu'il a acheté cette nouvelle maison et l'a entièrement rénovée depuis.
02:34 Une occupation qui lui permet, à 42 ans, de tourner la page de son passé douloureux.
02:39 - Pendant que tu bricoles, parce que tu te concentres sur ce que tu fais,
02:43 tu n'as rien d'autre que ça.
02:46 Et ça fait du bien de se vider la tête.
02:51 Si Jérôme a besoin de se vider la tête, c'est que pendant des années,
02:56 il s'est eu et a enduré seul la culpabilité d'une enfance brisée.
03:01 Il a 9 ans lorsque le meilleur ami de son père, Michel,
03:04 l'emmène dans ses tournées pour récupérer des animaux
03:07 et les conduire à l'abattoir contre une petite pièce.
03:10 Mais ses agréables balades sur les routes de Lyon
03:13 vont se transformer en enfer un jour de 1980.
03:17 - Il avait l'habitude de s'arrêter pour des besoins naturels.
03:22 Il a fait le tour et il a ouvert la porte.
03:25 Il m'a demandé de l'accompagner, de le suivre.
03:28 Je l'ai suivi dans les bois, mais je l'ai suivi comme un gamin s'enfonce dans les bois.
03:32 C'est-à-dire que tu trouves un bâton, tu cognes après les branches mortes.
03:37 C'est une balade dans les bois.
03:40 Il n'y a plus d'inquiétude à avoir que ça.
03:43 Il est arrivé à une bonne distance,
03:46 une distance qui permettait de ne pas être vu de la toute petite route
03:50 qui était à proximité.
03:53 Il a déplié une couverture.
03:56 Je l'ai vu faire et d'un seul coup, il s'est retourné.
04:01 Il m'a pris, il m'a déshabillé.
04:05 C'est-à-dire que je n'ai pas compris ce qui arrivait.
04:08 Ça a été tellement soudain.
04:11 Puis, en fait, tout mon corps s'est cristallisé
04:16 et tout ce qui se passait dans ma tête s'est cristallisé.
04:19 Tout s'est arrêté d'un seul coup.
04:21 De ce jour-là, il ne me reste pas d'autres souvenirs que l'instant où ça s'est produit
04:25 et le moment où je me suis rhabillé pour le suivre et retourner dans le camion.
04:29 Et là, le petit enfant que j'étais à l'époque était mort.
04:33 De retour dans sa famille, Jérôme ne trouve pas les mots pour dénoncer l'ami de ses parents.
04:38 J'ai essayé de faire comprendre à mes parents, à ma maman,
04:42 qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas.
04:45 Je l'ai fait en refusant d'accompagner Michelin lors de ses tournées.
04:50 C'est-à-dire que lorsqu'ils se proposaient, je trouvais toujours quelque chose.
04:54 La première des solutions, c'était de prendre le thermomètre.
04:57 À l'époque, on avait dans toutes les maisons des lampes à incandescence.
05:00 Je mettais le thermomètre le long de la lampe à incandescence
05:03 et je faisais monter le mercure pour me faire porter pâle.
05:06 Ça fonctionnait pendant un petit moment.
05:09 Et malgré tout ça, malgré le fait que je recommence à chaque fois,
05:12 un jour, maman m'a dit qu'il faut que je réaccompagne Michel,
05:15 qu'il faut que je retourne en tournée avec lui.
05:17 Michel a compris que Jérôme tentait de lui échapper.
05:20 Prêt à tout pour enfermer l'enfant dans le silence,
05:23 il lui fait alors croire qu'il entretient une relation adultère avec sa mère.
05:27 Je me suis mis à en vouloir à ma maman
05:31 parce que je ne comprenais pas qu'elle puisse s'amouracher d'un gars comme ça.
05:38 Je ne comprenais pas qu'elle ne puisse pas voir et comprendre ce qui se passait.
05:44 Et à partir de là, la relation qui était une relation mère-fils et qui se passait bien
05:52 est devenue une sorte de guerre.
05:56 De ce moment-là, de ce jour-là, tu comprends que tu n'as plus de porte d'issue.
06:01 Et tu ne peux même pas en parler à ton papa
06:03 parce qu'il faudrait aller dire à ton papa que ta maman a une relation avec son meilleur copain.
06:08 Donc dans ton entourage, il n'y a plus personne qui a même de pouvoir entendre.
06:12 Et toi, tu te retrouves vraiment tout seul, pris au piège.
06:16 Contraint au silence, Jérôme subit des agressions de plus en plus régulières.
06:20 En plus des tournées, Michel abuse de lui lors des entraînements de ping-pong
06:25 et prend aussi l'habitude de venir le chercher sur son trajet quotidien pour aller au collège.
06:30 À 12 ans, le jeune garçon sombre dans le désespoir.
06:34 Je me rends ferme, je parle beaucoup moins, je n'ai pas d'amis.
06:38 Les résultats scolaires chutent très fortement.
06:41 C'est tout un ensemble qui fait que je commence à découvrir les premières drogues, l'alcool.
06:48 Je suis résigné. Je prends le quotidien, mais c'est un quotidien sans vie.
06:56 Ce calvaire quasi quotidien, Jérôme va le subir durant 6 années jusqu'à ses 15 ans.
07:03 En 1986, je vais intégrer un centre de formation en Saône-et-Loire pour devenir chauffeur routier.
07:12 Je vais quitter Lyon. En quittant Lyon, je ne vais plus voir Gaynor.
07:18 Les maltraitances vont s'arrêter.
07:20 Je rencontre une fille, Véronique, et j'en tombe éperdument amoureux.
07:25 Le fait de quitter Lyon, de tomber amoureux de quelqu'un, ce qui n'était pas encore arrivé,
07:31 je n'avais pas eu de petite amie jusque-là, je vais tout occulter.
07:37 Toutes ces années-là. Je vais reprendre le cours normal d'une vie.
07:42 Carole Damiani, vous êtes psychologue. Jérôme utilise un verbe important.
07:48 Il dit qu'il a occulté ce qu'il a vécu. Est-ce que c'est quelque chose de fréquent chez les victimes de tel sévice ?
07:54 On reconnaît chez les enfants qui ont été victimes d'abus sexuels ce qu'on appelle un temps de latence.
07:59 C'est-à-dire un temps où l'ensemble des événements semblent oubliés.
08:04 Et qui va venir ressurgir soit à l'adolescence, soit plus tard.
08:08 Le temps de latence le plus long que j'ai vu, c'était 47 ans.
08:11 La personne s'est souvenue 47 ans après de ce qu'elle avait vécu.
08:15 C'est quelque chose qui peut être occulté à vie ou ça ressurgit forcément à un moment ou à un autre ?
08:20 On peut tout à fait vivre avec ce temps de latence et ne jamais se souvenir de ce qui s'est passé.
08:25 Parce que très souvent, le souvenir va revenir à la faveur d'un événement,
08:30 qui va rappeler l'événement initial ou qui va en être proche.
08:34 Donc si on ne rencontre pas ce type de situation, l'enfant devenu adulte peut tout à fait l'occulter complètement.
08:40 Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a rien pour autant.
08:42 C'est une façon de se protéger ?
08:44 Le temps de latence est un refoulement. Effectivement, le refoulement est fait pour se protéger.
08:48 Le fait de ne pas se souvenir permet de faire comme si rien ne s'était passé.
08:52 Permet de ne pas souffrir. C'est une protection.
08:58 Abusé durant six ans par le meilleur ami de son père,
09:01 Jérôme a occulté toutes ses années de calvaire en partant de chez lui à 15 ans.
09:05 Mais c'est en revenant dans son village natal que son passé va lui revenir en mémoire.
09:10 En 1989, Solveig a 9 ans.
09:17 Ses parents, tricroyants, décident de tout abandonner pour entrer dans la communauté des Béatitudes,
09:23 située dans la mouvance du renouveau charismatique.
09:28 Quand mes parents nous ont annoncé qu'on allait emménager à la communauté,
09:35 j'ai pris l'annonce avec une grande joie.
09:40 C'était un petit peu le centre de loisirs, on était entre enfants.
09:44 Deux mois après l'arrivée de la famille de Solveig dans la communauté de Mortin, dans la Manche,
09:50 Pierre-Etienne Albert, le compositeur et chanteur respecté des Béatitudes,
09:55 s'installe à son tour dans la congrégation.
09:58 Pierre-Etienne Albert a intégré l'ensemble de la famille de façon très rapide et très intrusive,
10:08 puisque j'ai même le souvenir que très rapidement il s'est mis à appeler mon père, papa et maman.
10:14 C'était comme le grand frère de la famille.
10:20 Les heures familiales, il est passé avec nous.
10:24 Il s'est très vite rapproché de moi.
10:26 La petite fille se rêve un avenir de religieuse.
10:29 Et le moine va alors utiliser cette vocation pour arriver à ses fins.
10:33 À partir de 20h, il montait dans ma chambre et il venait me voir en me disant que c'était pour me parler.
10:42 Il est vite arrivé sur les termes du type "aimez-vous les uns les autres", "Dieu est amour".
10:50 Et derrière l'amour, il y a ajouté des gestes.
10:55 Lui m'expliquait qu'il fallait que j'accepte, que le Seigneur m'envoie des gestes d'amour à travers lui.
11:05 Et que si je n'acceptais pas ces gestes d'amour, ça voulait dire que je n'acceptais pas l'amour de Dieu.
11:12 Donc automatiquement, je n'allais pas aller voir mon père ou ma mère en disant "Dieu m'envoie des gestes d'amour mais je ne les accepte pas".
11:22 C'était avouer mon péché de ne pas être une bonne chrétienne, de ne pas être une bonne croyante.
11:30 Le piège se referme sur l'enfant. Solveig raconte son extrême solitude certains soirs.
11:37 Il y a eu ces deux fois où papa est rentré dans la chambre alors que Pierre-Etienne était sur mon lit.
11:49 Papa a juste dit "il va être temps que Solveig aille dormir" et il a fermé la porte et il a laissé Pierre-Etienne là où il était.
11:55 Donc tout ce que me disait Pierre-Etienne était vrai, c'était normal.
12:00 A partir de là, ça ne fait que m'enfoncer un petit peu plus dans la culpabilité.
12:07 Rongé par le silence et la honte, Solveig endure son calvaire.
12:13 Pour mon anniversaire, ma maman m'avait offert un paravent avec des motifs chinois sur le paravent.
12:21 Et je me concentrais sur les oiseaux du paravent. C'était mon seul échappatoire.
12:26 Je me concentrais sur les oiseaux jusqu'à ce qu'ils quittent ma chambre.
12:31 C'était la seule façon que j'avais de supporter ce qu'ils faisaient.
12:34 Chaque soir, Solveig va subir la réaction de Pierre-Etienne Albert jusqu'à ce que ses parents décident de quitter Mortin pour un village du sud de la France, lassé de la vie en communauté.
12:45 Solveig a eu son sentiment de honte.
12:52 C'est quelque chose de normal, de fréquent chez ces...
12:55 Les victimes d'abus sexuels ressentent honte et culpabilité alors que l'auteur, lui, ne les vit pas.
13:01 C'est-à-dire que la victime va prendre une partie de ce sentiment qui lui est attiré.
13:07 Souvent, des abuseurs sexuels...
13:09 C'est toi qui es coupable, c'est de ta faute.
13:11 Si je vais en prison, ça sera à cause de toi.
13:13 Donc, la victime finit par se persuader qu'elle en est responsable et qu'elle en est coupable.
13:19 Si on est enfant, pourquoi est-ce qu'on...
13:22 L'auteur...
13:24 ...intègre tellement bien.
13:25 Quand l'enfant est dans une relation d'emprise, la menace est telle que le père, ou enfin l'agresseur, le père, le beau-père, l'oncle, le grand-père...
13:34 ...l'entre-là, la menace est intériorisée, il est à l'intérieur de l'enfant.
13:39 En fait, la menace, ça peut être...
13:42 ...ta mère, on dira que c'est toi de toute façon.
13:44 Donc, cette menace est intériorisée, l'enfant ne parle pas.
13:47 L'intégration sexuelle, ce n'est pas l'acte sexuel d'amour qu'on peut retrouver entre deux partenaires consensuels.
13:52 Généralement, c'est des choses dont la victime a honte de parler.
13:56 C'est pour ça que ça...
13:59 ...confonde.
14:00 Est-ce que ça arrive souvent que les parents ne voient rien ou ne croient pas leurs enfants ?
14:05 Ils voient...
14:08 ...les choses.
14:11 Les parents ne croient pas leurs enfants.
14:14 ...abusé par un responsable...
14:19 ...d'écouter des béatitudes alors qu'elle avait 9 ans...
14:22 ...n'imaginent pas qu'une fois sortie de la communauté...
14:25 ...les parents vont à leur tour...
14:27 ...dans un enfer.
14:29 À 26 ans, Jérôme revient dans Lyon à l'occasion de son service militaire.
14:37 De passage chez ses parents, il va apprendre que sa mère est gravement malade.
14:42 Je rentre en fin d'après-midi...
14:45 ...et je me rappelle...
14:47 ...un moment qui était plus proche...
14:49 ...qui vient vers moi...
14:51 ...et là, elle dit "c'est un cancer"...
14:53 ...elle se met à pleurer et elle se met sur le sol.
14:57 Ça a été...
14:59 ...un chaos total.
15:00 Ça m'a retourné...
15:03 ...à ce jour-là où...
15:06 ...je me suis enfermé très loin au fond de ma tête...
15:08 ...à commencer à...
15:10 10 mois plus tard, sa mère décède.
15:14 Et jusqu'en 2002, pour Jérôme, ce sera la descente aux enfers.
15:18 ...de son enfance meurtrière...
15:22 ...en mémoire, il se remet à boire...
15:24 ...à se droguer...
15:26 ...et tombe finalement...
15:28 ...dans une profonde...
15:30 ...sûr, brisé le ciel...
15:32 ...et se fait tomber.
15:34 Je lui écris un premier courrier...
15:40 ...où dedans, je lui...
15:42 ...je lui rappelle...
15:44 ...je lui rappelle quelques faits...
15:46 ...je lui donne beaucoup d'éléments pour qu'il ait aucun doute...
15:49 ...sur la personne qui a écrit ces mots-là...
15:51 ...mais pour autant, je signe pas.
15:53 Jérôme écrira encore deux lettres...
15:55 ...qui resteront sans réponse.
15:57 Après quelques nuits sans sommeil...
15:59 ...Jérôme décide de révéler son histoire...
16:01 ...aux 200 habitants de Venouse...
16:03 ...son village natal.
16:05 Il va alors surprendre tout le monde...
16:07 ...en rédigeant un tract...
16:09 ...dénonçant publiquement son agresseur.
16:11 "Enfant du pays, aujourd'hui exilé...
16:15 ...j'ai subi il y a 22 ans...
16:17 ...et pendant plus de 5 ans...
16:19 ...les assauts de ce pervers.
16:21 Malin et habile, il a usé...
16:23 ...et abusé de la confiance de mes parents...
16:25 ...pour me violer n'importe où, n'importe quand."
16:27 J'en fais...
16:29 ...je sais plus combien j'en ai fait...
16:31 ...j'ai dû en faire 150 ou 200 copies."
16:33 "J'ai fait assez rapidement le tour du village...
16:35 ...pour déposer tous les tracts dans les boîtes aux lettres."
16:37 Enfin, Jérôme a parlé.
16:39 Libéré de ce poids...
16:41 ...il décide de porter plainte...
16:43 ...le 2 décembre 2002...
16:45 ...à la gendarmerie de Villiers-le-Châtel.
16:47 "L'audition après quelques heures...
16:49 ...et au moment où...
16:51 ...ils me raccompagnent à la sortie...
16:53 ...le gendarme me dit que...
16:55 ...sans être complètement affirmatif...
16:57 ...il y a une loi qui pourrait faire...
16:59 ...que les faits dont j'ai été victime...
17:01 ...sont prescrits.
17:03 Et donc je sors de la gendarmerie...
17:05 ...et je retourne à la voiture...
17:07 ...et voilà, je comprends que...
17:09 ...tout ce que j'avais imaginé...
17:11 ...comme suite...
17:13 ...c'est-à-dire...
17:15 ...une enquête immédiate...
17:17 ...peut-être même un placement en garde à vue...
17:19 ...assez rapide de Michel Garnier et tout...
17:21 ...tout tombe à l'eau."
17:23 "C'est le coup de massue...
17:25 ...c'est le coup de massue.
17:27 Je repars...
17:29 ...je repars travailler...
17:31 ...les jours suivants...
17:33 ...et je suis pas bien...
17:35 ...ça ne me quitte pas...
17:37 ...je ne comprends pas pourquoi...
17:39 ...depuis tout petit...
17:41 ...on m'avait toujours dit que j'étais dans une république...
17:43 ...avec des droits...
17:45 ...qu'on était le pays des droits de l'homme...
17:47 ...enfin voilà...
17:49 ...tu grandis dans une patrie comme ça...
17:51 ...et le jour où tu t'adresses à la justice...
17:53 ...pour en valoir tes droits...
17:55 ...on te dit...non, vous n'en avez plus...
17:57 ...et pourquoi vous n'en avez plus...
17:59 ...parce que...
18:01 ...à un moment donné le législateur a dit...
18:03 ...pour ce type d'acte...
18:05 ...on décide qu'au bout de 10 ans...
18:07 ...il n'y a plus de recours possible...
18:09 ...auprès de la justice...
18:11 ...c'est une incompréhension totale...
18:13 ...et un sentiment d'injustice profond...
18:15 ...ce sentiment d'injustice là...
18:17 ...il est invivable...
18:19 ...au quotidien il est invivable."
18:21 "Odolphe Constantino, vous êtes avocat...
18:23 ...vous défendez de nombreuses personnes...
18:25 ...victimes de pédophilie...
18:27 ...le délai de prescription était de 10 ans...
18:29 ...après la majorité...il est maintenant de 20 ans...
18:31 ...est-ce qu'il faudrait...
18:33 ...d'après vous le rallonger encore ce délai ?"
18:35 "On attendrait sans doute de moi que je relaie...
18:37 ...la parole de victime...
18:39 ...qui est toujours une parole qui va dans le sens...
18:41 ...de l'imprescriptibilité même...
18:43 ...pas seulement du rallongement mais même de l'imprescriptibilité...
18:45 ...mais ma position à titre tout à fait personnel...
18:47 ...elle n'est pas celle là pour plusieurs raisons...
18:49 ...la première est juridique...
18:51 ...il n'y a pas d'imprescriptibilité pour les meurtres ou les assassinats...
18:53 ...et si grave...
18:55 ...que soit l'effet d'abus sexuel...
18:57 ...sur les mineurs...
18:59 ...je ne crois pas que...
19:01 ...on puisse les soumettre à un dispositif juridique...
19:03 ...qui soit plus rude encore...
19:05 ...que celui d'un meurtre...
19:07 ...ou d'un assassinat...
19:09 ...et puis enfin une raison plus technique...
19:11 ...20 années à compter de la majorité...
19:13 ...ça veut dire des enquêtes...
19:15 ...parfois 30 ans...
19:17 ...40 ans...
19:19 ...après les faits eux-mêmes...
19:21 ...vous imaginez bien que l'enquête est pour ainsi dire...
19:23 ...impossible...
19:25 ...les preuves ont disparu...
19:27 ...ce sont des dossiers qui sont extrêmement difficiles...
19:29 ...dans lesquels il y a un aléa judiciaire extrêmement important...
19:31 ...et je crois que d'une certaine manière...
19:33 ...rendre ces faits là...
19:35 ...imprescriptibles...
19:37 ...ce serait condamner certaines victimes...
19:39 ...à être des victimes à vie...
19:41 À 31 ans...
19:45 ...Jérôme a brisé le silence trop tard pour la justice...
19:47 ...avant 2004...
19:49 ...le délai pour porter plainte n'est que de 10 ans...
19:51 ...après la majorité...
19:53 ...il décide alors de mener seul son enquête...
19:55 ...l'objectif...
19:57 ...retrouver une victime dont les faits ne seraient pas prescrits...
19:59 ...pour pouvoir faire condamner Michel...
20:01 ...pendant 3 ans...
20:03 ...Jérôme va retracer tout le parcours pédophile...
20:05 ...de son agresseur...
20:07 ...
20:13 À 12 ans...
20:15 ...enfermé dans le silence...
20:17 ...Solvayk va de plus en plus mal...
20:19 ...ses parents...
20:21 ...attachés à la communauté des béatitudes...
20:23 ...ne la comprennent toujours pas...
20:25 ...c'était des termes du type...
20:27 ...tu es le membre malade du corps...
20:29 ...qu'il faut couper pour éviter la gangrène...
20:31 ...le fruit pourri de la coupe...
20:33 ...qu'il faut enlever pour éviter de pourrir les autres...
20:35 ...donc j'étais tout bonnement...
20:37 ...et tout simplement...
20:39 ...la porte par laquelle le diable rentrait à la maison...
20:41 ...enfin...
20:43 ...pour eux...
20:45 ...si j'allais mal...
20:47 ...c'était parce que...
20:49 ...j'étais possédé...
20:51 ...donc ils ont pris la décision...
20:53 ...de m'emmener voir un exorciste...
20:55 ...ça n'a rien arrangé...
20:57 ...et le souci...
20:59 ...qui continuait à me miner...
21:01 ...le silence qui continuait à me miner...
21:03 ...a fait que je me suis retrouvée...
21:05 ...en complètement...
21:07 ...détachée...
21:09 ...d'une certaine manière de la famille...
21:11 ...j'avais...
21:13 ...j'ai trouvé plus ma place...
21:15 ...Solvayg...
21:17 ...tente alors de mettre fin à ses jours...
21:19 ...une fois rétabli...
21:21 ...ses parents vont l'envoyer voir un psychiatre...
21:23 ...ils m'emmènent chez un psychiatre...
21:25 ...qu'on avait déjà vu une fois ou deux...
21:27 ...et ils disent...
21:29 ...à ce psychiatre...
21:31 ...vous en faites ce que vous voulez...
21:33 ...mais on n'en veut plus chez vous...
21:35 ...et de là...
21:37 ...l'hôpital fait immédiatement un signalement...
21:39 ...à l'aide sociale à l'enfance...
21:41 ...et Solvayg est très vite placée dans une famille d'accueil...
21:43 ...mais là encore...
21:45 ...l'adolescente ne trouve pas sa place...
21:47 ...j'ai commencé à rentrer en conflit...
21:49 ...plus ou moins avec la famille d'accueil...
21:51 ...ou...
21:53 ...car j'avais le sentiment que...
21:55 ...il m'empêchait de revenir...
21:57 ...vers mes parents...
21:59 ...alors que c'était ce que je souhaitais...
22:01 ...le plus au monde...
22:03 ...c'était de retrouver ma place dans la famille...
22:05 ...qui était la mienne...
22:07 ...j'ai commencé à sécher les cours...
22:09 ...à trouver du travail...
22:11 ...à partir de là...
22:13 ...j'ai moi-même fait ma demande d'émancipation...
22:15 ...puisque j'avais trouvé du travail...
22:17 ...je pouvais être autonome...
22:19 ...et ma demande d'émancipation...
22:21 ...a donc été appuyée par mon père...
22:23 ...puisque c'était sa volonté...
22:25 ...et donc à l'âge de 16 ans...
22:27 ...je me suis retrouvée mineure émancipée...
22:29 ...donc majeure...
22:31 ...et de là je n'ai plus de nouvelles de mes parents...
22:33 ...pendant presque une dizaine d'années...
22:35 A 16 ans, Solveig est majeure aux yeux de la loi...
22:37 ...mais elle n'a ni la maturité...
22:39 ...ni l'équilibre psychologique...
22:41 ...pour s'assumer seule...
22:43 ...je me suis mise en ménage...
22:45 ...très rapidement avec un homme...
22:47 ...qui avait presque 20 ans de plus que moi...
22:49 ...je suis tombée enceinte...
22:51 ...j'ai eu mon premier enfant...
22:53 ...quelques mois après la naissance de mon fils...
22:55 ...je me suis séparée du père de mon fils...
22:57 ...à peine sortie de l'adolescence...
22:59 ...et déjà mère...
23:01 ...Solveig part alors dans une dérive...
23:03 ...qui durera 7 ans...
23:05 ...je n'ai pas de diplôme...
23:07 ...je n'ai pas d'expérience professionnelle...
23:09 ...je fais des boulots de serveuse...
23:11 ...je fais des boulots de cuisinière...
23:13 ...je fais des boulots d'animatrice de soirée...
23:15 ...je pars vraiment...
23:17 ...tête baissée...
23:19 ...sur tout et n'importe quoi...
23:21 ...que ce soit professionnellement parlant...
23:23 ...ou sentimentalement parlant...
23:25 ...donc...
23:27 ...
23:29 ...
23:31 - Damiani, la fragilité psychologique des victimes...
23:33 ...est-elle une fatalité ?
23:35 - Il y a une fragilité psychologique évidente...
23:37 ...mais qui va se retrouver dans beaucoup de domaines...
23:39 ...et c'est difficile d'imputer...
23:41 ...c'est-à-dire par exemple...
23:43 ...elle a des troubles anorexiques...
23:45 ...ça vient de là...
23:47 ...elle a des troubles alcooliques...
23:49 ...ça vient de là...
23:51 ...elle a des troubles de la sexualité...
23:53 ...c'est-à-dire qu'il n'y a pas de signe ou de trouble...
23:55 ...dont on peut avoir la certitude en disant...
23:57 ...je suis agressé à l'âge adulte de cette façon ou de cette façon...
23:59 - Et quand on a vécu cette agression dans l'enfance...
24:01 ...on ne reproduit pas forcément ce qu'on a vécu ?
24:03 - Fort heureusement...
24:05 ...il n'y a qu'une faible partie d'entre eux...
24:07 ...qui vont reproduire ce qu'ils ont vécu...
24:09 ...effectivement...
24:11 ...mais chez des enfants particulièrement fragiles...
24:13 ...on va avoir des identifications à l'agresseur...
24:15 ...c'est-à-dire que l'enfant va finir...
24:17 ...par faire sien...
24:19 ...le mode de pensée de l'agresseur...
24:21 ...et à son tour...
24:23 ...va agresser d'autres enfants.
24:25 Rejeté par ses parents...
24:27 ...Solveig, mère adolescente...
24:29 ...va passer 7 ans à se chercher...
24:31 ...de petit boulot en petit boulot...
24:33 ...et déménager une dizaine de fois.
24:35 Une errance...
24:37 ...qui l'amènera à l'autre bout du monde.
24:39 Au fil des recherches de Jérôme...
24:45 ...les langues se délient dans le village...
24:47 ...et il finit par découvrir...
24:49 ...que son agresseur a fait d'autres victimes.
24:53 Une des premières victimes...
24:55 ...que je vais retrouver...
24:57 ...ça va être le fils...
24:59 ...de l'employeur...
25:01 ...de Michel Gagnachim...
25:03 ...et les faits le concernant...
25:05 ...sont également prescrits.
25:07 Au coeur de l'hiver 2003...
25:09 ...après un an d'enquête...
25:11 ...et face à cette nouvelle impasse...
25:13 ...Jérôme décide de commettre l'irréparable.
25:15 Je prends...
25:17 ...je prends tous les médicaments...
25:19 ...que je trouve...
25:21 ...je me réveille...
25:23 ...quelques jours plus tard...
25:25 ...hospitalisé à Océan...
25:27 ...et en me réveillant...
25:29 ...au pied du lit...
25:31 ...il y a mon papa...
25:33 ...et quand je vois ça je me dis...
25:35 ...c'est pas comme ça que ça doit finir.
25:37 Jérôme réalise alors...
25:39 ...qu'il n'est pas seul dans son combat judiciaire.
25:41 Son père qui le soutient...
25:43 ...va l'aider dans toutes ses démarches.
25:45 Tu veux un petit chou ?
25:49 Non.
25:51 Soutenu par ses proches...
25:53 ...Jérôme va se consacrer uniquement...
25:55 ...à la traque de son agresseur...
25:57 ...au détriment de sa vie professionnelle et sentimentale.
25:59 Jérôme a eu beaucoup de courage...
26:01 ...parce qu'il y en a plein...
26:03 ...qui auraient abandonné...
26:05 ...puis tout ce qu'il y avait à faire.
26:07 Jérôme...
26:09 ...est quand même un gamin...
26:11 ...qui a beaucoup de mérite.
26:13 Je ne veux pas dire...
26:15 ...que je suis fier de Jérôme...
26:17 ...mais je ne veux pas dire...
26:19 ...que je suis fier de lui.
26:21 J'ai l'impression...
26:23 ...que j'ai un peu...
26:25 ...déçu.
26:27 J'ai l'impression...
26:29 ...que j'ai un peu...
26:31 ...déçu.
26:33 J'ai l'impression...
26:35 ...que j'ai un peu...
26:37 ...déçu.
26:39 J'ai l'impression...
26:41 ...que j'ai un peu...
26:43 ...déçu.
26:45 J'ai l'impression...
26:47 ...que j'ai un peu...
26:49 ...déçu.
26:51 J'ai l'impression...
26:53 ...que j'ai un peu...
26:55 ...déçu.
26:57 J'ai l'impression...
26:59 ...que j'ai un peu...
27:01 ...déçu.
27:03 J'ai l'impression...
27:05 ...que j'ai un peu...
27:07 ...déçu.
27:09 J'ai l'impression...
27:11 ...que j'ai un peu...
27:13 ...déçu.
27:15 Le procès se soldera par un non-lieu,
27:17 faute d'accusé à la barre.
27:19 Une frustration insupportable pour Jérôme
27:21 comme pour les autres victimes.
27:23 Ce qui m'a fortement chagriné,
27:25 c'est le fait de ne pas avoir cette confrontation.
27:27 c'est le fait de ne pas avoir cette confrontation.
27:29 Le fait de pouvoir le voir,
27:31 de lui parler.
27:33 Et c'est aussi de savoir que j'allais peut-être
27:35 être obligé de m'asseoir un peu plus longtemps
27:37 sur le divan de ma psy,
27:39 quelques années supplémentaires,
27:41 plutôt que d'avoir une reconstruction plus rapide
27:43 plutôt que d'avoir une reconstruction plus rapide
27:45 grâce au procès.
27:47 grâce au procès.
27:49 Jean-Pierre Rosenweig,
27:51 vous êtes le président du tribunal pour enfants de Bobigny.
27:53 Vous êtes le président du tribunal pour enfants de Bobigny.
27:55 Pour les victimes de pédophilie, c'est important, un procès ?
27:57 Pourquoi ?
27:59 Parce qu'il va enfin être dit
28:01 que le coupable, c'est l'autre,
28:03 c'est pas moi,
28:05 c'est pas moi d'avoir cédé ou de ne pas avoir su résister.
28:07 C'est l'autre qui, j'allais dire,
28:09 a abusé de sa force,
28:11 de sa situation,
28:13 pour m'obliger à faire ceci
28:15 ou à faire cela.
28:17 La justice, c'est un lieu
28:19 de débat public, c'est une grande agora
28:21 où la vérité va être dite.
28:23 L'un est le coupable
28:25 et l'autre la victime.
28:27 Le coupable, c'est le pédophile,
28:29 la victime, c'est l'enfant.
28:31 Il faut que ça soit dit publiquement et que ça soit acté.
28:33 Et à la limite, c'est ce que demande la victime.
28:35 Elle ne demande pas des dommages d'intérêt.
28:37 - Alors, faute de procès, qu'est-ce qu'on peut leur proposer
28:39 à ces victimes ?
28:41 - Moi, je dis souvent aux gens, dans les victimes dans mon cabinet
28:43 et au tribunal, vous n'avez pas porté
28:45 pendant des années, j'ai été victime d'une agression
28:47 physique, sexuelle et autres, etc.
28:49 C'est donner une prime à l'agresseur.
28:51 Donc, à un moment donné, il faut savoir dépasser ça,
28:53 prendre sur vous, tourner la page.
28:55 Bien entendu qu'il ne s'agit pas d'effacer,
28:57 mais il s'agit de passer à d'autres étapes.
28:59 La vie, c'est une construction permanente.
29:01 Des gens ont vécu des drames qu'ils ont su dépasser.
29:03 L'homme et l'individu sont capables
29:05 de... à des ressources fantastiques.
29:07 On peut avoir été violé
29:09 et être heureux.
29:11 C'est tout. Il y a un tas de gens.
29:13 Moi, je rencontre un tas de gens régulièrement
29:15 qui me racontent qu'il y a 20 ans,
29:17 il y a 30 ans, ils ont vécu tel ou tel truc.
29:19 Bon, bien entendu, ils auraient souhaité ne pas le vivre.
29:21 Bien évidemment, il est hors de question de féliciter,
29:23 de donner une médaille à l'agresseur.
29:25 Mais il faut avoir une prime,
29:27 il faut donner une prime à la vie.
29:33 Après deux années à Mayotte,
29:35 Solveig rencontre un homme
29:37 avec qui elle rentre en France et aura deux enfants.
29:39 Pendant ses dix ans,
29:43 elle essaye d'oublier ses souffrances tant bien que mal.
29:45 Bonsoir et bienvenue à tous.
29:55 Voici les titres de l'actualité de ce jeudi.
29:57 On en vient à cette affaire de pédophilie
29:59 singulière mise au jour dans une communauté religieuse
30:01 de l'Aveyron.
30:03 Un ancien frère a été mis en examen.
30:05 Il a reconnu des attouchements
30:07 sur une cinquantaine d'enfants.
30:09 Il est laissé en liberté sous contrôle judiciaire.
30:11 Automne 2008, coup de tonnerre
30:15 dans la communauté des Béatitudes.
30:17 Poussé par d'autres prêtres,
30:19 Pierre-Etienne Albert se dénonce
30:21 et avoue publiquement ses agressions sexuelles
30:23 sur plus de 50 mineurs.
30:25 Une confession tardive après 30 ans de silence.
30:29 Pour Pierre-Etienne, le réel règle,
30:31 devant son écran de télévision, c'est le choc.
30:33 A partir du moment où Pierre-Etienne a fait ses aveux,
30:37 tout remonte à la surface.
30:39 Des cauchemars, des odeurs,
30:41 des images, des sensations.
30:43 C'est ce qui m'a valu
30:47 les deux années 2008-2009,
30:49 très très très difficiles.
30:51 Je décide de me porter partie civile
30:53 qu'en 2010.
30:55 Il me faut quand même deux ans
30:57 pour refuser le silence
30:59 que me demandent à nouveau mes parents.
31:01 Et décider de sortir la tête de l'eau.
31:05 Et le fait d'accepter de parler
31:11 à visage découvert,
31:13 c'était rompre la honte
31:15 et me mettre vraiment
31:17 dans un état d'esprit
31:19 où je n'ai pas à avoir honte
31:21 de ce qu'on m'a fait.
31:23 Je n'ai pas à avoir honte des conséquences
31:25 que cela a eu sur ma vie.
31:27 Et je savais que
31:31 à partir du moment où
31:33 cette honte allait
31:35 s'effacer, j'allais pouvoir
31:37 relever la tête.
31:39 Et ça c'était quelque chose d'important.
31:41 En 2011, le procès s'ouvre
31:43 et il permet de poursuivre
31:45 Pierre-Etienne Albert pour agression sur 38 mineurs.
31:47 Neuf d'entre elles seront parties civiles.
31:53 On va énumérer chacun des faits
31:55 sur ce que Pierre-Etienne a fait aux victimes,
31:59 même celles qui sont prescrites.
32:03 On est face à un personnage
32:09 qui est malade
32:11 et qui a toujours
32:13 le même système,
32:15 le même processus.
32:17 Donc les faits,
32:19 le moyen d'arriver à ses fins
32:21 sont quasiment
32:23 exactement les mêmes.
32:25 Donc à travers chaque histoire
32:27 de victime, je revis à chaque fois
32:29 ma propre histoire.
32:31 Un procès très dur à vivre.
32:33 Heureusement, Solveig
32:35 peut alors compter sur les conseils d'Anne-Marie,
32:37 sa voisine et confidente.
32:39 C'est vrai qu'il y a eu un côté,
32:45 même pour les enfants, ça a été dur quand même.
32:47 C'est vrai que...
32:49 à un moment donné,
32:51 j'ai besoin des conseils d'une maman.
32:53 Je sais que
32:57 Anne-Marie ne me cachera jamais rien.
32:59 Elle a un front parlé.
33:01 Si elle estime que je fais les choses bien,
33:03 elle me le dira.
33:05 Si elle estime que je ne les fais pas bien,
33:07 elle me le dira.
33:09 Donc c'est vrai que cette amitié a beaucoup d'importance pour moi.
33:11 Je pense qu'elle a eu une force de caractère
33:13 de s'en sortir.
33:15 Elle a été épaulée par différentes personnes
33:17 et elle a rencontré au cours de sa vie.
33:19 Je pense que ça peut prouver à beaucoup de femmes
33:21 ou d'hommes
33:23 qui subissent de différentes agressions
33:25 peuvent avoir un cheminement
33:27 s'ils sont bien épaulés,
33:29 s'ils sont bien entourés, ne serait-ce que familial,
33:31 amical ou professionnel.
33:33 Finalement, le 1er décembre 2011,
33:35 après trois jours de procès,
33:37 la justice condamne
33:39 Pierre-Etienne Albert à 5 ans de prison
33:41 pour agression sexuelle sur mineurs
33:43 par personne ayant autorité.
33:45 Ce soir,
33:47 Pierre-Etienne Albert va passer sa première nuit en prison.
33:49 Le verdict est tombé,
33:51 5 ans d'emprisonnement pour
33:53 cette ancien moine des béatitudes.
33:55 A l'audience, le père Albert avait demandé
33:57 pardon à ses victimes.
33:59 Mais pour elle, cette condamnation
34:01 plus de 20 ans après les faits
34:03 n'efface rien.
34:05 J'ai la sensation de sortir de 20 ans de prison.
34:07 Savoir que lui, il y va que pour 5,
34:09 c'est un peu difficile.
34:11 Mais bon, écoutez, mieux vaut ça que rien.
34:13 Peu importe, presque,
34:15 la hauteur de la peine.
34:17 Le tout, c'est que la justice
34:19 ait remis les choses à leur place.
34:21 Il était coupable, il était condamné.
34:23 Je commençais à pouvoir relever les épaules
34:25 et à dire, voilà,
34:27 tout ce que j'ai vécu, tout ce que
34:29 j'ai enduré,
34:31 je n'en suis pas responsable.
34:33 On se redonne un petit peu
34:35 la valeur qu'on s'est enlevée
34:37 pendant des années et on perd une partie
34:39 de cette honte et de cette culpabilité.
34:41 Même si réussir
34:43 à la perdre totalement, après, c'est
34:45 un autre travail qui se fait
34:47 avec le temps, après.
34:49 Là, on peut entamer, à partir
34:51 de ce moment-là, un véritable travail
34:53 de reconstruction.
34:55 Jean-Pierre Rosenweig, de votre point de vue de juge,
34:59 est-ce que les peines contre les prédateurs
35:01 sexuels sont suffisantes aujourd'hui ?
35:03 Le but n'est pas de punir,
35:05 le but c'est de faire en sorte que ça se reproduise
35:07 le moins possible. On n'est pas dans une stratégie de vengeance,
35:09 c'est pas une purge d'un pour d'un.
35:11 Est-ce qu'il n'y a pas des aménagements qu'on pourrait
35:13 mettre en place pour éviter, notamment, je pense,
35:15 à la récidive ?
35:17 Si, c'est la castration chimique, ce que demandent d'ailleurs
35:19 un certain nombre de pédophiles.
35:21 Ça se pratique aujourd'hui ?
35:23 Oui, bien sûr, ça se pratique. Je ne suis pas sûr qu'il y ait
35:25 les traitements à la hauteur
35:27 de ce qui serait souhaitable, mais il y a
35:29 effectivement, avec un accompagnement, parce qu'il ne faut pas
35:31 qu'il y ait un relâchement dans la prise
35:33 du médicament, mais un certain nombre de pédophiles
35:35 revendiquent d'être malades
35:37 et disant "je souffre, je suis moi-même
35:39 en grande difficulté, je me suis moi-même livré,
35:41 je demande qu'on me soigne". J'ai en souvenir
35:43 ce monsieur disant "je suis moi-même
35:45 allé au commissariat en disant "si vous m'arrêtez pas
35:47 en temps utile, je vais commettre une agression".
35:49 Donc certains font des appels du pied, demandent
35:51 d'être soignés. Il y a
35:53 une technique de soins qui s'appelle la castration chimique,
35:55 on pourrait la pratiquer peut-être plus souvent
35:57 qu'on ne le pratique.
35:58 Mais est-ce que c'est quelque chose qu'on pourrait imposer ?
36:00 Que la justice pourrait imposer ?
36:01 C'est pas une atteinte à l'intégrité physique
36:03 de la personne
36:05 qui soit insupportable. Il y a une autre
36:07 castration qui consiste à mettre les gens 20 ou 30 ans
36:09 en prison, c'est une privation
36:11 de liberté. Donc c'est un vrai débat
36:13 qui mériterait d'être posé d'une manière
36:15 non polémique
36:17 et pas à chaud à l'occasion de telle ou telle affaire
36:19 comme ça se fait trop souvent en France
36:21 où un drame éclate le matin et le soir
36:23 il faut qu'il y ait la solution. La solution a été trouvée.
36:25 En 2005, Jérôme
36:29 a créé l'association "Marise Nausée"
36:31 en hommage à sa mère.
36:33 Une association qui vient en aide aux victimes
36:35 de pédophilie et tente de
36:37 prévenir la maltraitance sexuelle.
36:39 Régulièrement, avec une vingtaine
36:41 de bénévoles actifs,
36:43 tous devenus des amis proches,
36:45 ils se réunissent à Erie, dans Lyon.
36:47 Ce soir, entouré
36:49 de son père et de son frère,
36:51 il évoque les actions à venir.
36:53 Cette fois-ci encore une fille qui a été
36:57 violée dans son enfance
36:59 et donc cette personne
37:01 cherche de l'aide. Elle a porté plainte
37:03 donc je lui ai proposé
37:05 un rendez-vous dimanche matin,
37:07 ce dimanche, pour la voir,
37:09 discuter avec et savoir
37:11 comment nous on pourra lui apporter une aide.
37:13 Des moments forts dont Jérôme a encore
37:17 besoin pour trouver la sérénité.
37:19 Quand j'étais enfant et que ça m'est arrivé tout ça,
37:23 j'imaginais pas que
37:25 30 ans plus tard, on pourrait en parler
37:27 aussi facilement et qu'il y aurait autant de monde
37:29 autour de moi. Donc voilà, ça, ça fait chaud au cœur
37:31 et merci encore.
37:33 Christophe connaît Jérôme
37:35 depuis 25 ans
37:37 et c'est tout naturellement que cet ami d'enfance
37:39 s'est impliqué dans l'association.
37:41 Depuis quelques années,
37:43 je dirais deux à trois ans,
37:45 c'est un autre Jérôme.
37:47 Il a envie de vivre, il est content,
37:49 il est entouré
37:51 de plein de monde. L'association,
37:53 c'était une façon
37:55 pour se...
37:57 pour prendre un peu
37:59 de recul par rapport à ce qui lui est arrivé,
38:01 ça c'est sûr, et aussi
38:03 pour partager
38:05 et pour aider les autres.
38:07 De retour chez lui
38:09 à Besançon, Jérôme
38:11 passe tous ses moments libres à rénover
38:13 sa nouvelle maison.
38:15 Ça faisait longtemps que je souhaitais
38:21 habiter dans une maison,
38:23 une maison en bois.
38:25 C'était toujours un rêve de gamin d'avoir une cabane
38:27 et jusqu'en 2009,
38:29 parce que j'avais
38:31 l'affaire judiciaire à traiter,
38:33 donc j'avais très peu de temps à consacrer
38:35 à une maison,
38:37 je n'ai jamais acheté.
38:39 Et comme l'affaire judiciaire s'est terminée en 2009,
38:41 j'ai commencé à chercher et j'ai acheté cette maison
38:43 en 2010.
38:45 C'est une façon de retrouver
38:53 le peu de soi, c'est-à-dire que la réalisation
38:55 de petites choses comme celle d'aujourd'hui
38:57 ou d'autres qui sont déjà faites
38:59 sur ces dernières années,
39:01 c'est à chaque fois se dire
39:03 "je suis capable de faire ça
39:05 et de le faire bien", alors que
39:07 pendant très longtemps, ça n'a pas été le cas.
39:09 Je ne portais pas ce regard-là sur moi
39:11 en me disant "ce que tu fais, c'est bien
39:13 et tu es capable de le faire".
39:15 Petit à petit, après des années de culpabilité,
39:19 Jérôme retrouve
39:21 une certaine confiance en lui-même.
39:23 Un premier pas vers un avenir apaisé.
39:25 À 33 ans, maman comblée
39:41 de quatre enfants, Solveig
39:43 partage son temps entre Rennes et Paris,
39:45 où elle débute une carrière artistique.
39:49 Aujourd'hui, elle a d'ailleurs rendez-vous avec
39:51 un photographe professionnel pour un shooting.
39:53 Et comme une vraie modèle,
39:55 elle passe d'abord entre les mains d'une maquilleuse.
39:57 Les premières photos avaient plus un aspect thérapeutique.
40:01 C'était la possibilité
40:03 de me voir différemment
40:05 que le regard que j'avais de moi
40:07 face à une glace.
40:09 Donc petit à petit, c'est devenu
40:11 une activité annexe
40:13 que j'aime beaucoup.
40:15 C'est pas ce qui me permet de vivre
40:17 principalement,
40:19 mais on arrive plus
40:21 dans un cadre professionnel
40:23 maintenant que dans un cadre personnel.
40:25 Ces photos, Solveig
40:29 compte bien s'en servir pour créer son book
40:31 de comédienne et décrocher peut-être
40:33 un jour le rôle de sa vie.
40:35 - Elle est bien celle-ci.
40:37 - Oui. - On te croirait vraiment en train de penser.
40:39 - Ça fait partie des choses
40:41 que j'aime faire et
40:43 je me donne le droit aujourd'hui
40:45 de réaliser des choses que j'aime faire.
40:47 Si Solveig est si à l'aise devant l'objectif
40:51 aujourd'hui, c'est entre autres
40:53 grâce au soutien de Samuel, son ami
40:55 depuis 10 ans.
40:57 - Jamais on tire un trait
40:59 sur...
41:01 sur ses drames.
41:03 Maintenant, elle a appris à vivre avec.
41:05 Et en apprenant à vivre avec,
41:07 elle a réussi à se construire et à s'épanouir.
41:09 À s'épanouir dans sa féminité,
41:11 dans sa vie de femme.
41:13 Voilà, elle n'était plus seulement
41:15 une mère.
41:17 Elle n'existait pas
41:19 qu'au travers de ce qu'elle apportait aux autres.
41:21 Mais elle a réussi à trouver quelque chose pour elle.
41:23 - Le soir,
41:25 dès qu'elle le peut, Solveig
41:27 rejoint Emile, un ami pianiste
41:29 et écrivain. Avec lui,
41:31 elle répète un spectacle qu'ils ont présenté
41:33 en tournée dans toute la Bretagne.
41:35 - Pour ça, y a pas de mésorotagne.
41:37 Y a toi et moi.
41:39 - Les cochons, ils sont contents
41:41 Ils sont pas plus cons que méchants
41:43 Sauf qu'on est pas tous en dedans
41:45 On est là que toujours avant
41:47 Ben voyons !
41:49 - C'est un rêve
41:51 qui devient réalité
41:53 et effectivement qui fait partie de la reconstruction
41:55 quand du haut
41:57 de mes 33 ans
41:59 me dire que
42:01 je peux finir par réaliser
42:03 des rêves, même à 33 ans,
42:05 même après tout ça,
42:07 ça permet de voir
42:09 l'avenir de façon
42:11 plus dégagée.
42:13 - Les cochons, ils sont contents
42:15 Ils sont pas plus cons que méchants
42:17 Sauf qu'on est pas tous en dedans
42:19 On est là que toujours avant
42:21 Ben voyons !
42:23 Ben voyons !
42:25 - Au fil des années,
42:31 ceux qui autrefois étaient sous l'emprise
42:33 de pédophiles manipulateurs
42:35 ont réussi à relever la tête
42:37 et à briser la barrière du silence
42:39 - Au lieu que ce soit
42:43 que toute cette douleur soit une faiblesse
42:45 j'ai décidé d'en faire une force
42:47 et donc
42:49 aujourd'hui, le regard
42:51 que j'ai sur mon parcours est
42:53 plutôt positif puisque
42:55 je me dis que si je n'étais pas passée par tout ça
42:57 je ne serais peut-être
42:59 certainement pas la femme que je suis aujourd'hui
43:05 - Ça m'a beaucoup rapproché
43:07 de ma famille
43:09 de mon papa
43:11 de mes frères
43:13 de mes belles soeurs
43:15 de mes amis
43:17 enfin voilà
43:19 je pense que le dernier élément ça sera
43:21 de pouvoir avoir un jour une famille
43:23 de rencontrer quelqu'un
43:25 de revivre
43:27 une belle histoire, une grande histoire
43:29 et d'avoir
43:31 des enfants

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