Patrick Pelloux (président de l'Association des médecins urgentistes de France) était l'invité de BFM Story pour évoquer les drames en série aux urgences, mis en lumière par la mort de Lucas à 25 ans des suites d'une septicémie après avoir attendu plusieurs heures à l'hôpital d'Hyères, ainsi que par le décès d'une sexagénaire quelques jours après avoir été mordue par son chien en septembre 2022, malgré les efforts fournis par sa sœur auprès de deux hôpitaux pour réclamer l'administration d'antibiotiques
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00:00 -Ecoutez, d'abord, j'ai beaucoup de compassion
00:02 pour sa maman, qui vient de parler.
00:06 Je suis catastrophé de ce que j'entends,
00:09 parce que, si vous voulez, la médecine d'urgence,
00:12 quand on a commencé à se battre il y a 20 ans,
00:14 c'était sûrement pas pour voir ce qui se passe actuellement.
00:19 On a l'impression que les malades ne sont plus entendus.
00:23 On nous a demandé de la production de soins
00:26 pour faire comme si les malades étaient indésirables.
00:29 On entend un discours même du président de la République
00:33 dans sa dernière conférence de presse,
00:35 disant qu'il y a des gens qui viennent
00:37 qui n'ont rien à y faire.
00:39 Du coup, il y a une banalisation de notre métier
00:42 au niveau des services des urgences.
00:44 On nous a imposé un service d'accès aux soins
00:47 en croyant et en faisant croire à la population et aux politiques
00:51 que de répondre au téléphone résolvait toutes les situations.
00:54 En fait, c'est faux.
00:57 Et là, on nous promet qu'en décembre,
01:00 tout sera résolu, alors que nous sommes dans un chaos total.
01:03 Il faut savoir que quand vous évoquez tous ces drames
01:07 qui se succèdent,
01:08 ça rejoint la une de dimanche dernier du Parisien.
01:12 Nous, professionnels, on voit ce qui se passe.
01:15 Nous avons des médecins qui renoncent,
01:17 qui s'en vont, parce qu'ils disent qu'on ne peut plus travailler.
01:21 On continue à fermer des lits.
01:23 On continue à avoir un discours,
01:25 même par des conseillers, des ministres,
01:27 de dire que les malades qui nous aident n'ont rien à y faire.
01:30 Mais quand vous avez une négation du pouvoir politique
01:34 sur ce que représentent les 24 millions de personnes
01:37 qui passent dans des services d'urgence, c'est très difficile.
01:41 -Ca fait un moment que vous tirez la sonnette d'alarme.
01:44 Est-ce qu'on a une idée du nombre de morts suspectes
01:47 aux urgences chaque mois ou chaque année ?
01:49 -Non.
01:50 Vous voyez, la plainte dont vous faites référence
01:55 à Cannes, elle remonte sur un drame
01:57 qui s'est passé en septembre 2022.
02:00 C'est très lent, le rythme de la justice est très lent.
02:03 Bien entendu, lorsque vous avez...
02:05 Ils ont appelé ça des événements indésirables.
02:08 Donc, si vous voulez, vous êtes censés faire...
02:11 De comprendre d'abord comment marchent les logiciels
02:14 de l'hôpital et des agences régionales de santé.
02:16 Vous faites un événement grave.
02:18 Logiquement, il doit y avoir des technocrates
02:21 qui sont en train d'analyser ça.
02:23 Mais ils sont déjà énoyés dans le problème.
02:25 Il y a une vingtaine, trentaine d'années,
02:28 les médecins se réunissaient tout de suite
02:30 pour réfléchir à ce qui se passait.
02:32 Maintenant, il y a une espèce de fuite technocratique
02:35 pour étouffer les affaires.
02:37 Donc, personne sait combien il y en a.
02:39 Ce qu'il y a de sûr, c'est que si vous voulez,
02:42 quand on a 24 millions de personnes qui viennent,
02:44 que vous avez... Parce que le fond du problème est là,
02:47 c'est que vous avez un accès aux soins qui s'est dégradé.
02:51 Un certain nombre de médecins qui font de la permanence de soins
02:54 n'ont pas été formés pour ça.
02:56 Et c'est absolument inquiétant, ce qui se passe.
02:59 Ce qui fait que là, ce qu'on dit là...
03:01 -Concrètement, alors, Patrick Peloux,
03:04 admettons que j'aille aux urgences
03:06 et que je sente que je ne suis pas prise en charge correctement,
03:10 qu'est-ce qui se passe ?
03:11 Il faut quitter les urgences et aller dans un autre hôpital ?
03:14 C'est quoi les solutions quand on est confronté
03:17 à ce genre de situation et qu'on est très mal ?
03:20 -Ma pauvre dame, allez où ?
03:22 Ils ont fermé quasiment toutes les structures.
03:25 Là, on parle de Cannes et du sud de la France,
03:28 ça a été le jeu des dominos.
03:29 Nous avons notre représentant Vincent Carré sur Toulon,
03:33 qui passe son temps à hurler sur ce qui se passe.
03:36 Des fois, vous avez Draguignon qui ferme,
03:39 vous avez Saint-Tropez,
03:40 personne n'en parle, mais c'est très symbolique pour le tourisme,
03:44 qui ferme ses portes régulièrement sur le service des urgences.
03:48 Je veux bien que vous disiez "je vais ailleurs",
03:50 mais vous n'allez nulle part, ils ont tout fermé.
03:53 Là, qu'est-ce que vous faites ?
03:55 J'ai envie de vous dire, vous prenez votre téléphone
03:58 et vous avez quelqu'un qui s'appelle l'administrateur de garde
04:01 dans tous les hôpitaux.
04:03 Vous téléphonez au standard et vous demandez à parler
04:06 au directeur et à l'administrateur de garde.
04:09 Mais je suis assez désespéré, sincèrement, de ce qui se passe.
04:12 Je suis de garde ce soir et je sais qu'on va galérer
04:15 et qu'il y a plein de gens qui vont attendre sur des brancards.
04:19 C'est pas la faute des soignants, c'est la faute d'un système