• il y a 9 mois
Transcription
00:00 Ces quatre films sur la Shoah ont créé la controverse,
00:02 mais ils ont aussi donné à réfléchir sur ce qui est montrable ou non de l'horreur des camps.
00:06 Par exemple ce "Traveling" qui est sans doute le mouvement de caméra qui a le plus divisé les critiques français.
00:11 En 1960, le réalisateur italien Gillo Pontecorvo sort "Capo".
00:15 À un moment du film, une prisonnière jouée par Emmanuel Riva se suicide en se jetant sur des barbelés électrifiés.
00:20 Et ce fameux "Traveling" qui crée une sorte de tableau dramatique en esthétisant la mort du personnage.
00:27 En 1961, le cinéaste Jacques Rivette écrit dans les cahiers du cinéma
00:31 que l'homme qui décide à ce moment-là de faire un "Traveling" avant pour recadrer le cadavre en contre-plongée
00:36 n'a droit qu'au plus profond mépris.
00:37 Rivette reproche en fait qu'on fasse du spectacle avec cette tragédie.
00:41 Il prend l'exemple du "Traveling" et de cette scène-là
00:45 pour dire qu'il y a une manipulation émotionnelle et formaliste de la souffrance
00:52 qui a l'air de la dénoncer et en fait qui la rend acceptable.
00:57 En 1994, Steven Spielberg adapte à l'écran l'histoire vraie d'Oscar Schindler.
01:01 Cet industriel allemand et membre du parti nazi a recruté des ouvriers juifs dans son usine
01:06 pendant la Seconde Guerre mondiale et a ainsi protégé 1200 juifs du génocide.
01:10 La liste de Schindler remporte plusieurs Oscars dont celui du meilleur film.
01:13 Mais il s'attire aussi de nombreuses critiques, notamment de Claude Lanzmann, le réalisateur français du film "Shoah".
01:18 Lanzmann reproche à Spielberg d'avoir enfreint le tabou suprême,
01:21 représenté une chambre à gaz de l'intérieur et avoir joué sur un effet de suspense intolérable.
01:27 La mort de 3000 personnes, hommes, femmes et enfants, asphyxiés ensemble
01:34 dans une chambre à gaz d'un décrématoire de Auschwitz, défi à la lettre.
01:42 Toute représentation est défi à la lettre, toute fiction.
01:47 Alors on me dira "Bon Spielberg n'a pas fait cela, il n'a pas voulu montrer cela".
01:51 C'est tout à fait vrai, mais il a fait croire qu'il allait le faire.
01:54 Spielberg a un talent immense, mais en même temps il se sert de son talent comme d'un illusionniste.
02:00 Pour Claude Lanzmann, nous n'avons pas d'image de ce qui s'est passé dans les chambres à gaz
02:04 et il ne faut pas chercher à en recréer.
02:06 C'est l'approche radicale qu'il adopte avec son film "Shoah" qui sort en 1985 et qui dure plus de 9 heures.
02:11 Il y interroge des survivants de la Shoah et filme au présent.
02:14 Il choisit de ne pas utiliser d'images d'archives et de ne pas faire de reconstitution.
02:18 Comment peux-je le faire ?
02:21 Traiter au cinéma des camps de concentration sur le ton de la comédie,
02:24 ça ne paraît pas être une très bonne idée comme ça.
02:27 C'est pourtant ce que fait Roberto Benigni avec "La vie est belle" sorti en 1998.
02:31 Une famille est envoyée dans un camp, le père qui est juif édulcore la réalité pour préserver son jeune fils
02:37 et lui fait croire qu'il ne s'agit là que d'un jeu.
02:39 Bonjour, principessa !
02:41 Le film remporte plusieurs oscars mais suscite aussi de violentes critiques.
02:44 Le journal "Le Monde" part de la première comédie négationniste de l'histoire du cinéma.
02:48 Le réalisateur et acteur du film se défend.
02:50 J'ai parlé à beaucoup de survivants qui m'ont raconté que dans les camps,
02:55 certains avaient encore la force de faire de l'humour, de paraître joyeux.
03:00 En 2015, le fils de Saul fait un choix encore plus radical.
03:03 Il filme l'intérieur de la chambre à gaz sans la montrer vraiment.
03:06 Le réalisateur hongrois, Laszlo Némes, présente un sondeur commando,
03:09 les prisonniers juifs forcés de travailler dans les fours crématoires qui évoluent dans le camp de Schwitz.
03:14 Ce qu'on a voulu faire, c'est de vraiment projeter le spectateur dans le présent du camp,
03:22 d'une manière viscérale.
03:24 La caméra est immersive durant tout le film.
03:27 Elle ne décroche quasiment pas de son personnage principal qui sert de point de repère.
03:30 Elle joue sur la profondeur de champ pour garder l'environnement de Schwitz dans un flou suggestif.
03:36 Le film divise, mais Claude Lanzmann, lui, a double réalisateur.

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