• il y a 9 mois
Christophe, ancien SDF, raconte comment il est sorti de la rue
Transcription
00:00 [Musique]
00:09 Je suis un comptable, j'ai fait l'ULB, je suis économiste de l'ULB,
00:14 je parle plusieurs langues, j'ai travaillé, je me suis mis indépendant.
00:19 Et puis d'un coup, patatras, ça peut arriver à tout le monde,
00:23 j'ai rencontré des mauvaises personnes, j'ai eu un cambriolage,
00:27 je me suis retrouvé à la rue, des gens m'ont hébergé,
00:30 j'ai eu des problèmes de santé au niveau du dos,
00:33 et je me suis retrouvé en enchaînant des catastrophes, un déboulement vers le bas.
00:40 Ce déboulement vers le bas, dans ma tête, j'ai fait "qu'est-ce que je peux faire ?
00:44 Il n'y a que remonter qu'on peut faire, remonter la pente."
00:47 Et donc, malgré tout, je vous dis, c'est presque militaire comme situation,
00:52 vous dormez sur du béton, vous dormez avec des sacs de couchage,
00:56 vous dormez avec des abris de jour, de nuit, sauf si vous avez un chien,
01:02 et vous vous débrouillez, vous vous levez tous les matins en disant "ok,
01:06 t'as déboulé vers le bas, maintenant tu remontes."
01:10 Donc c'est pas à pas, échelon par échelon, il faut reprendre la force morale, le mental.
01:15 En fait, le mental est très important.
01:17 - Combien de temps est-ce que vous êtes resté, vous, à la rue ?
01:20 - Ça fait 2-3 ans, maintenant. 3 ans, facile.
01:25 - Ici, vous vous avez été recueilli par l'association "Ça peut arriver à tout le monde".
01:29 - J'ai été recueilli par... - Quel a été votre parcours, justement ?
01:31 Comment est-ce que s'est passée la rencontre ?
01:32 - En fait, la rencontre, c'est que, personnellement, je me suis dit
01:37 "Je ne peux pas continuer à vivre comme ça, à l'âge que j'ai,
01:40 à un hiver de plus, c'est une catastrophe, je ne vais pas m'en sortir.
01:45 Donc il faut que je trouve quelque chose."
01:46 J'ai rencontré, heureusement, un chouette gars à Liège, Laurent, de l'abri de jour,
01:52 qui m'a aiguillé, qui m'a aidé, qui m'a fait rencontrer une association "Sortir du bois".
01:58 J'ai rencontré, du coup, plein de gens, ils m'ont hébergé.
02:02 Et puis, tout d'un coup, moi, je ne suis pas très citadin,
02:06 j'ai commencé à avoir des problèmes avec des gens.
02:08 Tous les gens de la rue, c'est dur à gérer.
02:12 Donc, tout d'un coup, l'association m'a amené ici, chez "Ça peut arriver à tout le monde".
02:19 Et je me souviens très bien, je me suis posé sur le banc,
02:22 je me suis assis avec une grande philosophie à l'intérieur de moi, avec mon chien,
02:28 et je me suis dit "Bien, et maintenant ?"
02:31 Et j'ai mis du temps, je suis resté comme ça, j'ai fait le vide dans ma tête.
02:38 Et depuis lors, j'ai commencé à bosser un petit peu ici,
02:41 j'ai aidé la dame ici dans la maison,
02:45 et j'ai commencé à bien nettoyer, à faire toute une série de trucs, à écrire,
02:51 et surtout à préparer un petit peu un avenir que je n'avais plus.
02:56 Et cet avenir que je n'avais plus, j'ai rencontré beaucoup de gens qui m'ont beaucoup aidé,
03:01 et maintenant, grâce à "Ça peut arriver à tout le monde",
03:07 je me retrouve maintenant avec une possibilité d'une maison, avec mon chien.
03:12 Voilà, je décolle demain, et tout ça grâce au fait d'avoir été installé ici.
03:17 Il correspondait bien à mon état d'esprit, parce que je n'aurais pas pu être
03:23 dans une situation où j'aurais vu du monde et tout. Non, non, pas possible.
03:28 - Quelles sont les difficultés principales auxquelles vous, vous avez dû faire face quand vous viviez à la rue ?
03:34 - Le froid, la nourriture.
03:35 Ah bah, déjà deux.
03:37 Le froid, la nourriture.
03:41 Le froid, c'est très important, il faut se battre sans arrêt.
03:44 La nourriture, il faut bouger pour en avoir, et puis faire la manche.
03:50 Quand vous avez... Moi, heureusement, par rapport à beaucoup d'autres gens, j'ai quand même un revenu.
03:56 Donc j'ai quand même un minimum.
03:57 Mais la rue, il faut savoir que ça coûte plus cher que quand vous êtes dans un appartement.
04:02 Ça vous coûte plus cher.
04:04 Les transports, les trucs, il faut bouger à gauche, à droite,
04:07 il faut s'acheter des vêtements, tout se jette parce que c'est foutu.
04:11 Enfin, voilà.
04:12 - Trouver un logement quand on est à la rue, avec les abris du jour, avec les abris de nuit, vous en parliez.
04:17 Est-ce que c'est facile ou quelles sont les difficultés ?
04:20 - Non, non, non, non, non, non, non, c'est super compliqué.
04:23 Je suis étonné.
04:24 J'ai entendu qu'il y a eu un commentaire, une émission, j'aime beaucoup d'ailleurs, je crois que c'est sur Liège.
04:30 Ils ont fait un constat comme quoi une maison sur trois était abandonnée.
04:36 Et maintenant, il y a un projet, ils développent, j'espère, des millions d'euros pour essayer de redaper cette maison, pour abriter des gens.
04:44 C'est honteux qu'il y ait des gens qui dorment dehors comme ça à l'heure actuelle.
04:48 On est au 21e siècle.
04:50 - Là, aujourd'hui, c'est une nouvelle page pour vous qui s'ouvre.
04:54 - C'est une nouvelle page pour moi.
04:55 - Alors, ça va être quoi, justement, la suite de votre vie ?
04:58 - Le respect le plus fondamental vis-à-vis des gens qui m'ont accompagné, qui m'ont aidé.
05:04 Et surtout maintenant, une propreté et une gentillesse à l'intérieur de moi-même.
05:10 Avec mon chien, Pépère, comme dirait Brassens, j'étais bien mon cheval, ma camarade et moi.
05:17 Eh bien, moi, ça sera mon chien, mon petit Androé et moi. Voilà.

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