• il y a 8 mois
Face à la sécheresse et au réchauffement climatique, les universitaires montent au créneau. 92 chercheurs et ingénieurs de l'Université de Perpignan co-signent une tribune offensive pour dénoncer les choix de certains élus locaux. Dans leur viseur notamment le projet polémique de golf à Villeneuve de la Raho, mais pas seulement.

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00:00 [Musique]
00:02 France Bleu Roussillon, l'invité du 6/9
00:05 Il est 7h48, les universitaires des Pyrénées-Orientales montent au créneau.
00:09 Une centaine de chercheurs et d'ingénieurs de l'Université de Perpignan
00:12 viennent de signer une tribune offensive.
00:16 Pour eux, les élus locaux de notre département ne prennent pas la mesure du changement climatique et de la sécheresse.
00:21 Exemple criant le projet polémique de golf à Villeneuve de la Rao.
00:26 Mais pas seulement, on en parlait avec votre invité Mélanie Juvé.
00:29 C'est l'un des signataires de cette tribune.
00:31 Bonjour David Gibon.
00:33 Bonjour.
00:34 Professeur de géographie, spécialiste de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire.
00:39 Là c'est une centaine d'universitaires qui prennent la parole à ce sujet.
00:42 Est-ce que ça s'est déjà vu ?
00:44 A Perpignan non, c'est la première fois.
00:46 Mais c'est vrai que d'autres universités sont plus coutumières du fait.
00:49 C'est-à-dire dans d'autres endroits de la France pour dénoncer l'inaction face au réchauffement climatique ?
00:54 Oui bien sûr, à la fois dénoncer l'inaction ou dénoncer parfois des façons de faire l'aménagement du territoire qui sont désormais plus possibles.
01:01 Alors vous dites que les choix, les investissements publics privés sont pensés actuellement pour et par l'ancien monde.
01:09 Et pour vous l'emblème c'est le golf de Villeneuve de la Rao.
01:12 Qu'est-ce qui ne va pas selon vous dans ce projet ?
01:15 Alors on a pris cet exemple effectivement, mais il y en a plein d'autres malheureusement dans le département
01:19 qui sont révélateurs d'une façon de penser qui ne va plus.
01:23 Alors le golf de Villeneuve de la Rao, si vous voulez, il est assez symptomatique d'une façon d'envisager l'aménagement du territoire
01:29 mais aussi le développement de ce territoire qui ne sont plus possibles
01:32 et surtout pour lesquels on n'a plus les moyens, que ce soit des moyens écologiques,
01:36 la question de l'eau se pose évidemment ici de façon accrue,
01:39 de point de vue économique parce que c'est un modèle économique qui repose sur la traction de foyers en eau au revenu.
01:45 Or s'il n'y a pas d'eau, le golf risque d'avoir des difficultés à fonctionner.
01:48 Donc la valeur foncière et mobilière des biens risque de péricliter.
01:52 Et ensuite à point de vue social.
01:54 Péricliter c'est-à-dire ?
01:56 C'est assez simple, c'est un modèle qui repose sur l'attractivité du golf.
02:00 Le golf a besoin d'avoir un gazon très vert.
02:03 En période de sécheresse, ça risque d'être difficile vu les difficultés d'approvisionnement en eau.
02:08 Et par ailleurs...
02:10 Mais ce sera de l'eau réutilisée, c'est ce que dit la maire notamment.
02:13 Oui, c'est une possibilité, mais cette possibilité-là aussi pose problème.
02:16 Si vous voulez, on a tous constaté que l'eau manque aujourd'hui.
02:19 Alors certes, on peut utiliser l'eau qui revient des eaux usées.
02:22 Mais il faut se poser la question des priorités.
02:25 Pourquoi utiliser l'eau pour le golf ?
02:28 Alors qu'à côté il y a un lac, le lac de Villeneuve de Larraux,
02:31 pour lequel on a besoin d'eau, à la fois pour les agriculteurs,
02:33 mais aussi pour des questions de sécurité.
02:35 Oui, mais David Duban, la maire de la commune Jacqueline Hirlès,
02:38 juste pour vous donner ses arguments, on l'entendra d'ailleurs dans le journal de 8h,
02:41 elle dit qu'il n'y a pas de maraîchage sur la commune de Villeneuve de Larraux
02:45 et que construire justement une canalisation pour réalimenter cette eau de la Réut
02:50 au lac de Villeneuve de Larraux, ce serait une aberration.
02:54 Est-ce que vous ne l'entendez pas ces arguments ?
02:57 On les entend, mais malheureusement ils ne pèsent pas beaucoup dans le débat à venir,
03:00 notamment au regard du changement climatique.
03:02 La question de l'eau, elle n'est pas conjoncturelle, elle est structurelle.
03:05 Et elle ne se limite pas à Villeneuve de Larraux.
03:07 Elle se pose de façon accrue sur l'ensemble de la plaine.
03:10 Et nous, ce qu'on voulait dans cette tribune,
03:12 c'est effectivement saisir les acteurs de l'ensemble de la plaine,
03:14 pas seulement de la commune de Villeneuve de Larraux,
03:16 pour mieux penser la répartition de l'eau
03:18 et notamment la solidarité territoriale en matière d'eau.
03:21 Ça, on va y revenir sur justement les autres enjeux de cette tribune.
03:24 Mais juste pour rester sur le golfe de Villeneuve de Larraux,
03:27 parce que vous tirez quand même à boulet rouge sur ce projet-là,
03:30 pour comprendre bien ce qui vous dérange.
03:33 Pourquoi, en fait, justement, vous trouvez que les arguments de la mairie ne sont pas entendables ?
03:38 On se dit aussi que ça peut être justement un foyer d'emploi à l'avenir, ce golfe,
03:43 que ce sera aussi un tampon vert, justement, sur la commune,
03:46 pour éviter l'artificialisation des sols ?
03:48 Alors voilà, il y a trois problèmes.
03:50 Il y a le premier problème, qui est celui de l'artificialisation des sols.
03:52 En fait, ce complexe, parce que c'est plus qu'un golfe,
03:55 c'est un complexe qui va artificialiser les sols,
03:57 puisqu'il y a plusieurs centaines de logements qui vont être prévus.
03:59 Un complexe hôtelier, premièrement.
04:02 Deuxième élément, on a pour l'instant des terres qui sont plutôt de nature agricole
04:06 ou sans utilisation, mais qui disposent d'une grande variété pédologique,
04:10 mais aussi en termes de biodiversité.
04:12 Donc la transformation par un golfe va forcément limiter la biodiversité,
04:16 puisque vous allez avoir des espèces de gazon quasi uniques.
04:19 Donc moins d'espèces sur place, effectivement ?
04:22 Complètement, moins d'espèces. Vous allez passer à quelques espèces assez limitées,
04:26 que ce soit à l'intérieur des sols ou tout simplement la faune,
04:29 qui va être complètement différente.
04:31 La maire Jacqueline Irélès dit que vous n'êtes même pas allé la voir,
04:35 alors que l'université se trouve à moins de 5 minutes, justement, de Villeneuve de la Rao.
04:39 Pourquoi vous n'êtes pas allé la rencontrer ?
04:41 Oui, c'est ce que je vous disais tout à l'heure.
04:43 On aurait pu prendre d'autres exemples, je ne veux pas les multiplier,
04:46 il y a des exemples plus invisibles.
04:48 Le nombre de lotissements qui continuent à se développer,
04:50 de centres commerciaux alors qu'on en déborde dans le département.
04:53 Simplement, c'est ici le symbole, un symbole un peu choc.
04:57 Et notre tribune est un peu choc.
04:59 Une façon de penser l'aménagement et le développement du territoire
05:01 pour lesquels on n'a plus les moyens, tout simplement.
05:03 Il est 7h53 sur France Bleu, Roussillon.
05:05 Notre invité est Mélanie Juvé.
05:07 David Giban, professeur de géographie, spécialiste de l'urbanisme
05:10 et de l'aménagement du territoire.
05:12 Je rebondis sur ce que vous dites, parce qu'effectivement,
05:14 cette tribune ce n'est pas uniquement à charge,
05:16 comme vous le dites, contre le golfe de Villeneuve de la Rao.
05:19 Vous dites que les intérêts politiques et économiques sont court-termistes,
05:23 sont de l'ancien monde.
05:25 C'est quand même fort.
05:26 Est-ce que pour vous, les élus, les chefs d'entreprise du territoire,
05:29 ils se voilent la face ?
05:31 Je pense qu'en fait, on se voile tous la face,
05:33 y compris nous-mêmes pendant longtemps.
05:35 Même les citoyens, même les habitants des Péaux, face à la sécheresse.
05:38 Oui, je vous mets dans le lot, et je vous mets dans le lot,
05:40 effectivement, de façon générale, on refuse, et on peut le comprendre,
05:44 de voir la réalité telle qu'elle est, c'est-à-dire d'un monde qui change,
05:47 mais surtout d'un territoire qui est en train de changer à une vitesse rapide,
05:50 et pour lequel le modèle de développement,
05:52 qui est celui d'un modèle qu'on qualifie d'économie résidentielle,
05:54 n'est plus possible.
05:55 C'est un modèle, évidemment, court-termiste,
05:57 qui consiste très souvent à loter rapidement,
05:59 pour construire, mais qui consomme énormément de fonciers.
06:02 Or, on arrive à la limite de ce modèle.
06:04 Par ailleurs, je vous permets de signaler qu'il y a une loi
06:06 qui a été publiée il y a quelques années, qui s'appelle
06:08 la loi Climat et Résilience, qui impose désormais
06:10 un strict contrôle d'utilisation des sols,
06:12 au travers de ce qu'on appelle le zéro artificialisation net.
06:14 Ce n'est pas seulement un cri de notre côté,
06:16 c'est aussi une injonction légale.
06:17 Donc, l'urbanisation massive, effectivement, pour vous, c'est un problème ?
06:20 Ces projets de lotissement, on peut les voir d'ailleurs,
06:22 quand on prend les routes des Péaux,
06:24 il y a énormément de panneaux qui annoncent des constructions à venir,
06:27 mais comment on fait si on ne peut pas accueillir
06:29 les futurs habitants des Péaux ?
06:31 Le SCOT, on le sait, le Schéma de cohérence territoriale,
06:33 il prévoit 35 000 nouveaux habitants en pleine Europe.
06:36 Oui, alors il y a deux choses.
06:38 On peut encore accueillir, je crois qu'il faut aussi revenir
06:40 un peu sur des choses claires, on peut encore accueillir,
06:42 parce que tout simplement, le département,
06:44 comme d'autres départements, dispose encore d'un stock
06:46 de logements non utilisés, essentiellement des logements
06:48 vacants dans les centres villages, dans les centres bourgs,
06:50 qui peuvent être mobilisés. C'est vrai que c'est beaucoup plus complexe,
06:52 c'est plus cher, premier point. Deuxième point,
06:54 le département est quand même, quand on regarde les chiffres
06:56 de l'INSEE, beaucoup moins attractif qu'il y a 10 ou 20 ans.
06:58 Il y a 10 ou 20 ans, c'était à peu près 4 000 nouveaux entrants
07:00 chaque année, désormais on est plutôt à 2500.
07:02 Notamment aussi, à cause de ces problèmes de sécheresse
07:05 et de changements climatiques ?
07:07 Pas seulement, pas seulement, il y a plusieurs paramètres
07:09 qui rentrent en compte. Il y a des problèmes, tout simplement,
07:13 de coût du foncier aussi. Pendant longtemps,
07:15 les pyrénées orientales ont été attractives,
07:17 parce que le foncier était très faible. Or, depuis le Covid,
07:19 on a vu que les prix du foncier ont considérablement augmenté.
07:21 Et il y a également moins de fonciers disponibles aussi.
07:24 Très rapidement, qu'est-ce que vous souhaitez provoquer
07:28 avec cette tribune, David Giban ? Est-ce que justement,
07:31 elle est vouée à s'étendre, à avoir d'autres signataires ?
07:34 Oui, tout à fait. Nous, ce qu'on souhaite, c'est que
07:36 on donne un autre regard qui est un regard de scientifique,
07:39 pour la plupart, et une alerte aussi.
07:41 La volonté, ce n'est pas forcément de choquer,
07:44 c'est au contraire d'élargir le débat à l'ensemble
07:46 de la société civile, qu'il s'agisse des élus,
07:48 des chefs d'entreprise, des associations, des citoyens,
07:51 pour qu'ensemble, on puisse réfléchir et réfléchir
07:53 surtout à un autre modèle et à l'échelle de notre département
07:55 et pas seulement à l'échelle de telle ou telle commune.
07:58 Oui, parce que votre tribune n'est pas défaitiste.
08:00 À la fin, justement, vous invitez à une action lucide et positive.
08:04 Merci beaucoup, David Giban, professeur de géographie,
08:07 spécialiste de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire.
08:10 Bonne journée à vous.
08:11 Merci, au revoir.

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