Le massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre 2023 a entraîné la reprise des affrontements entre Israéliens et Palestiniens. Il a également rouvert une plaie mal cicatrisée au Sud-Liban, infestée par une hostilité vive, et ancienne, entre Tsahal et certaines formations militaires libanaises.
Il faut rembobiner légèrement l’histoire pour mieux comprendre ses développement récents. Car la rivalité qui demeure à la frontière israélo-libanaise est quasi consubstantielle à la création des deux Etats qui la bordent.
La ligne qui sépare désormais le Liban d’Israël a été tracée en 1923, dans le cadre d’un accord entre la France et la Grande-Bretagne, les deux principales puissances mandataires de la région au sortir de la Première guerre mondiale. Le Liban obtient son indépendance vingt ans plus tard, et pendant cinq ans, son voisin du Sud ne s’appelle pas Israël mais la Palestine mandataire, alors sous mandat britannique.
C’est à la création de l’Etat hébreu, en 1948, qu’une ligne de tension apparaît entre les deux entités. Une première invasion israélienne du Sud-Liban a lieu en 1978, une deuxième en 1982 et une troisième en 2006. C’est dans les cendres de Beyrouth, capitale assiégée et bombardée pendant deux mois, qu’émerge, en 1982, la Résistance islamique au Liban, mieux connue sous le nom de Hezbollah.
Depuis sa création, le « Parti de Dieu » a toujours été clair sur ses intentions à l’égard du conflit israélo-palestinien. L’organisation islamiste, qui normalise ses relations avec l’Etat libanais à la fin de la guerre civile (1975-1990), soutient la cause palestinienne, mais n’entend pas se substituer à ses forces armées. Elle circonscrit ses actions à sa frontière et parvient à mettre fin à l’occupation israélienne au Sud-Liban en 2000, lorsqu’une « ligne bleue » – acceptée par Israël mais contestée par le Liban – est finalement tracée sous l’égide des Nations unies.
Pour autant, les deux voisins n’ont jamais cessé de s’affronter. Et le massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre, ayant entrainé la reprise des affrontements entre Israéliens et Palestiniens, est venu jeter de l’huile sur le feu au Sud-Liban. Des deux côtés de la frontière, on s’assure que le conflit ne dégénère pas en guerre totale car, en l’état, aucune des parties n’y aurait intérêt. Mais l’intensité du conflit croît au fil des semaines et le ton monte sérieusement entre les deux belligérants.
Le conflit au Proche-Orient est-il sur le point de s’étendre à toute la région ? Pour mieux comprendre la situation dans cette zone à haut risque, nous avons interrogé Aurélie Daher, professeure assistante à l’Université Paris Dauphine-PSL et autrice de l’ouvrage Le Hezbollah: Mobilisation et pouvoir.
Il faut rembobiner légèrement l’histoire pour mieux comprendre ses développement récents. Car la rivalité qui demeure à la frontière israélo-libanaise est quasi consubstantielle à la création des deux Etats qui la bordent.
La ligne qui sépare désormais le Liban d’Israël a été tracée en 1923, dans le cadre d’un accord entre la France et la Grande-Bretagne, les deux principales puissances mandataires de la région au sortir de la Première guerre mondiale. Le Liban obtient son indépendance vingt ans plus tard, et pendant cinq ans, son voisin du Sud ne s’appelle pas Israël mais la Palestine mandataire, alors sous mandat britannique.
C’est à la création de l’Etat hébreu, en 1948, qu’une ligne de tension apparaît entre les deux entités. Une première invasion israélienne du Sud-Liban a lieu en 1978, une deuxième en 1982 et une troisième en 2006. C’est dans les cendres de Beyrouth, capitale assiégée et bombardée pendant deux mois, qu’émerge, en 1982, la Résistance islamique au Liban, mieux connue sous le nom de Hezbollah.
Depuis sa création, le « Parti de Dieu » a toujours été clair sur ses intentions à l’égard du conflit israélo-palestinien. L’organisation islamiste, qui normalise ses relations avec l’Etat libanais à la fin de la guerre civile (1975-1990), soutient la cause palestinienne, mais n’entend pas se substituer à ses forces armées. Elle circonscrit ses actions à sa frontière et parvient à mettre fin à l’occupation israélienne au Sud-Liban en 2000, lorsqu’une « ligne bleue » – acceptée par Israël mais contestée par le Liban – est finalement tracée sous l’égide des Nations unies.
Pour autant, les deux voisins n’ont jamais cessé de s’affronter. Et le massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre, ayant entrainé la reprise des affrontements entre Israéliens et Palestiniens, est venu jeter de l’huile sur le feu au Sud-Liban. Des deux côtés de la frontière, on s’assure que le conflit ne dégénère pas en guerre totale car, en l’état, aucune des parties n’y aurait intérêt. Mais l’intensité du conflit croît au fil des semaines et le ton monte sérieusement entre les deux belligérants.
Le conflit au Proche-Orient est-il sur le point de s’étendre à toute la région ? Pour mieux comprendre la situation dans cette zone à haut risque, nous avons interrogé Aurélie Daher, professeure assistante à l’Université Paris Dauphine-PSL et autrice de l’ouvrage Le Hezbollah: Mobilisation et pouvoir.
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NewsTranscription
00:00 L'ennemi a pensé à se battre contre le Liban.
00:03 Alors, notre combat sera sans coulisses.
00:10 L'Israël a répondu
00:19 et continuera de répondre forcément.
00:25 Pour l'instant, ce qu'on voit à la frontière...
00:28 ...
00:34 ... ça reste du déjà-vu.
00:35 ...
00:46 Il n'a jamais été question de lui donner les moyens d'imposer par la force
00:50 un cessez-le-feu ou un calme à la frontière.
00:52 ...
01:00 Le Liban obtient son indépendance en 1943,
01:03 c'est-à-dire 5 ans avant la création et l'indépendance de l'État d'Israël.
01:06 Et pendant 5 ans, cette frontière ne sépare pas le Liban et Israël,
01:10 mais le Liban et ce qu'on appelle habituellement la Palestine mandataire.
01:18 Démarre à cette annonce une première guerre israélo-arabe,
01:22 le Liban participe et donc on a des troupes libanaises
01:25 qui traversent cette fameuse frontière pour empêcher,
01:28 avec le renfort d'autres armées arabes avoisinantes,
01:31 l'avènement et l'existence de l'État d'Israël.
01:33 Puis, il y a un cessez-le-feu qui s'instaure.
01:35 Il n'y a jamais eu de ratification, en tout cas, d'un accord de paix
01:39 entre Israël et le Liban, ce qui veut dire que depuis 1948,
01:41 sur le papier en tout cas minima,
01:43 l'État du Liban et l'État d'Israël sont toujours en guerre.
01:46 L'opération Litany dure trois mois,
01:53 qui se concentre essentiellement sur le sud Liban,
01:56 avec un agenda israélien plutôt palestino-centré.
01:59 C'est-à-dire qu'Israël cherche avant tout à régler ses problèmes
02:01 avec certaines factions palestiniennes qui utilisent le sud Liban
02:04 comme une base depuis laquelle lancer des attaques
02:08 et notamment procéder à des lancers de roquettes sur le nord d'Israël.
02:15 Elle va instaurer une zone tampon au sud Liban.
02:19 Elle appellera ça d'ailleurs "zone de sécurité".
02:21 Les Libanais appelleront ça "la zone occupée".
02:23 Chacun voit les choses de son point de vue.
02:24 Et elle va maintenir dans cette zone à la fois une présence militaire israélienne,
02:28 comme elle va créer une milice de Libanais,
02:31 pour autant à la solde de Tel Aviv,
02:33 qui va l'aider à gérer cette zone du sud Liban.
02:41 Il s'agit effectivement de, à nouveau, régler la question
02:45 des attaques palestiniennes contre le territoire israélien,
02:47 mais aussi aller jusqu'à Beyrouth cette fois-ci
02:50 pour déraciner la présence politique palestinienne,
02:53 dont le quartier général à l'époque est à Beyrouth,
02:54 l'OLP et Yasser Arafat sont installés à Beyrouth.
02:57 L'armée libanaise est absolument incapable de faire face,
03:03 de défendre le territoire national.
03:05 Plusieurs factions militantes libanaises,
03:08 essentiellement des milieux communistes mais pas uniquement,
03:11 décident de s'organiser pour essayer de repousser l'envahisseur
03:13 de l'autre côté de la frontière.
03:15 Ce n'est que dans un second temps que cette formation militaire,
03:25 qui est essentiellement clandestine,
03:26 ressent le besoin d'ajouter à sa structure
03:30 un réseau d'institutions civiles
03:32 qui ferait à la fois l'interface avec la société libanaise.
03:35 Et cet appareil qui démarre comme un appareil de communication
03:37 et de recrutement, c'est ce qu'on va appeler le Hezbollah.
03:39 Le Hezbollah est-il un acteur de soutien ?
03:45 Son engagement aux côtés des Palestiniens
03:47 est avant tout une action de soutien,
03:49 mais pas une action de substitution.
03:51 C'est une organisation qui reconnaît quelque chose
03:53 qui s'appelle l'État-nation et part du principe
03:55 que c'est à chaque nation, chaque société,
03:57 de se libérer par elle-même.
03:58 Le Hezbollah est-il un acteur de soutien ?
04:06 La question c'est est-ce que le Hezbollah va accepter,
04:09 par exemple sur ces territoires,
04:10 une présence de la police et de l'armée ?
04:12 Est-ce que le Hezbollah va jouer le jeu de la démocratie,
04:15 va participer aux élections ou pas ?
04:17 Et à chaque fois, le Hezbollah dit oui.
04:18 Le Hezbollah conçoit sa participation
04:29 aux institutions étatiques libanaises comme un lobby.
04:33 Donc son rôle, c'est de défendre les intérêts de la partie armée
04:36 au sein des institutions libanaises,
04:38 notamment empêcher le vote, par exemple,
04:40 d'une loi qui demanderait le désarmement
04:43 de la résistance islamique au Liban.
04:45 Là, c'est l'ONU qui se charge d'établir un tracé
04:55 sur la base d'un certain nombre de données historiques,
04:58 aussi sur la base de recommandations,
05:01 souhaits, commentaires,
05:03 formulés par chacun des deux gouvernements.
05:06 Côté israélien, il n'y a pas de problème,
05:07 on accepte la ligne bleue comme étant la frontière entre les deux pays.
05:09 Côté libanais, c'est plus compliqué.
05:11 On estime que ce tracé ne correspond pas exactement
05:14 à la frontière historique entre le Liban et la Palestine mandataire.
05:17 Donc on est dans l'acceptation faute de pouvoir avoir mieux.
05:20 L'idée, c'est de procéder à un échange de prisonniers.
05:27 Et de faire un échange de prisonniers.
05:32 Initialement, le gouvernement Ehud Olmert lance la guerre
05:40 avec deux objectifs déclarés.
05:42 Un, le retour inconditionnel des deux soldats israéliens.
05:45 Deuxièmement, c'est la destruction intégrale et définitive du Hezbollah.
05:50 Et le gouvernement israélien promet de faire ça en une semaine.
05:52 33 jours et 33 nuits plus tard,
05:58 les dégâts matériels et humains à côté du Bané sont terribles.
06:02 Et pour autant, les soldats israéliens ne sont pas rentrés à la maison.
06:05 Et le Hezbollah est très loin d'avoir été exterminé.
06:07 Bien au contraire.
06:08 Elle parle de faire appliquer la résolution 1559,
06:18 qui déjà en 2004, prévoyait de désarmer le Hezbollah.
06:22 Personne n'était dû.
06:23 On sait très bien que c'était absolument impossible à obtenir.
06:25 Depuis 2005, de toute façon,
06:27 tous les gouvernements libanais qui se sont succédés
06:29 ont toujours légitimé l'action militaire du Hezbollah contre Israël
06:33 dans leurs déclarations ministérielles.
06:34 Là encore, personne n'est dû.
06:42 Il est impossible de sortir le Hezbollah du sud-liban.
06:45 Le gouvernement libanais ne peut pas le faire,
06:47 le Hezbollah ne veut pas le faire.
06:48 Et de toute façon, Israël, encore une fois,
06:50 a essayé de le faire pendant 33 jours et 33 nuits,
06:51 ça n'a pas fonctionné.
06:52 [Musique]
07:00 Tous les jours, on a des chars israéliens,
07:02 des patrouilles israéliennes qui entrent en territoire libanais.
07:05 Donc des deux côtés, si vous voulez, de la frontière,
07:07 on prétexte le fait que la partie d'en face
07:09 ne respecte pas ses engagements.
07:11 Du moment que l'adversaire ne respecte pas ses engagements,
07:14 on y soit même libéré de ses propres engagements vers la 17-01.
07:17 [Musique]
07:25 L'idée est la suivante, en tant que résistance islamique,
07:28 je ne vais pas faire le travail à la place des Palestiniens,
07:31 mais je vais détourner une partie de l'effort militaire israélien
07:34 sur la frontière nord,
07:36 de manière à alléger la pression sur les Palestiniens.
07:39 [Musique]
07:45 Parce que si le Hezbollah n'a pas intérêt
07:47 à ce que la population libanaise paye un prix trop élevé
07:51 pour l'engagement du Hezbollah dans le conflit israélo-palestinien,
07:54 de l'autre côté, en Israël,
07:56 on n'a pas forcément les moyens de se lancer massivement
07:58 dans un conflit libanais.
07:59 Il ne faut pas disperser les forces,
08:01 il ne faut pas être sur plusieurs fronts à la fois.
08:02 [Musique]
08:06 On a eu des moments où, effectivement,
08:08 c'était "je tape une base militaire Hezbollah,
08:10 le Hezbollah tape une base militaire israélienne,
08:13 je tape un bâtiment, tu tapes un bâtiment,
08:14 je tape une infrastructure électrique,
08:16 tu tapes une infrastructure électrique",
08:17 c'est vraiment du tac au tac.
08:18 Et puis après, il y a eu quelques dérapages,
08:20 les Israéliens ont commencé à taper sur les civils,
08:22 le Hezbollah s'est énervé, a commencé à laisser ses requêtes
08:24 partir un peu plus à gauche et un peu plus à droite.
08:26 [Musique]
08:46 Pour l'instant, on reste entre ces bornes-là.
08:49 Il faut espérer que ça n'ira pas plus loin.
08:51 [Musique]