A 7h50, Alexandra Bensaid reçoit Ziggy Marley, fils de Bob Marley, pour la sortie du film "Bob Marley : "One Love" le 14 février au cinéma dont il est le producteur.
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00:00 Bonjour Ziggy Marley, vous êtes le fils aîné de Bob Marley et de Rita Marley.
00:06 Avec votre mère et votre sœur Cédella, vous faites partie des producteurs de ce film
00:10 « Bob Marley One Love ». Alors Bob Marley c'est une légende, c'est un succès vertigineux
00:15 en très peu de temps, de 1973 à 1981, le moment où il disparaît à 36 ans.
00:21 Et pourtant Ziggy Marley, votre film choisit de se concentrer sur une fenêtre encore plus étroite.
00:26 1976-1978, pourquoi ?
00:29 Eh oui, ça c'était une période où Bob a réalisé qui il voulait vraiment être.
00:41 Il a dit que si la vie était simplement pour lui, il n'en voulait pas.
00:49 Il voulait donner sa vie aux gens. C'est ça vraiment, c'est la période à laquelle il a réalisé ça.
00:56 Et c'est ça qu'on avait envie de savoir dans le film, c'est qui il est vraiment.
01:01 Un film qui démarre avec la musique bien sûr, mais avec la politique.
01:05 Et il va finir avec la politique. Il démarre avec la tentative d'assassinat en Jamaïque,
01:10 une Jamaïque qui est touchée par la guerre froide.
01:12 Et puis ça se termine avec le concert où Bob Marley réussit à réunir les opposants politiques.
01:17 On a tous Bob Marley, un petit bout, une chanson préférée.
01:22 Mais vous, ce que vous voulez justement mettre en scène dans ce film, c'est le message.
01:27 Il se voyait comme un révolutionnaire et ça vous croyez qu'on l'a oublié ?
01:31 Il y a beaucoup de côtés à sa responsabilité, de sa personnalité.
01:40 Le révolutionnaire, oui, c'est un côté, mais on voulait aussi montrer son humour,
01:44 sa tristesse, sa jalousie, sa violence.
01:54 On voulait montrer le vrai Bob Marley.
01:57 Ce n'est pas le Bob Marley que vous voyez dans les interviews ou dans les concerts.
02:03 C'est un regard intérieur.
02:06 Et on voulait montrer l'émotion qu'il habitait.
02:10 Il y a une chose à laquelle je pensais pendant qu'on développait le projet,
02:15 et je n'y avais jamais pensé auparavant,
02:18 c'était quelles étaient les émotions qui le traversaient, qu'on ne voyait pas sur son visage.
02:26 C'est ça qu'on voulait montrer, on voulait montrer ce qu'il y avait en lui.
02:30 Bob Marley, je reste un peu sur le message politique quand même.
02:34 Vous pensez qu'en 2024, ce message est encore d'actualité ?
02:37 Parce que si on regarde, Bob Marley parle de paix,
02:40 et nous on a la guerre au Proche-Orient et en Europe.
02:43 Il parle d'unité, et on est tous concentrés en France, comme aux Etats-Unis,
02:46 où vous vivez sur l'identité.
02:49 Bob Marley parle de spiritualité, et nous nous faisons des selfies.
02:52 C'est l'époque des selfies.
02:54 Il a encore une portée son message en 2024 ?
02:57 Mais oui, bien sûr.
02:59 Ce que ce film souhaiterait, c'est de relancer ce message,
03:04 de le montrer sur un nouveau support, pour qu'il touche plus de gens.
03:09 Et c'est la seule chose dont on est conscients dans le monde.
03:18 Ce message de Bob n'existe plus chez les politiques,
03:25 il n'existe plus dans les religions, on ne l'entend plus.
03:28 Et ce film, c'est l'endroit, c'est le lieu pour parler de ça au monde.
03:34 Nous pensons que c'est très important, et que c'est d'ailleurs très significatif que ce film
03:41 n'est pas seulement à propos de Bob Marley, l'homme,
03:45 mais on parle de ce message, le message que le monde attend.
03:49 Et Ziggy Marley, vous avez dit, on creuse ce message dans le film,
03:53 et puis il y a une dimension très intime sur l'homme Bob Marley,
03:56 vous l'avez dit, il aime rigoler mais il peut être jaloux, il peut être violent,
03:59 il aime le foot, ça on le savait, et puis il y a ce que vous montrez peut-être pour la première fois,
04:04 l'absence de son père blanc qui lui a pesé, le métissage dont il a sans doute souffert.
04:10 Vous aviez envie de dévoiler un pan méconnu de sa construction psychologique.
04:17 Oui, le fait que son père l'a refusé et n'a pas voulu de ce fils.
04:31 Un être humain, combien ça peut l'affecter ?
04:34 À quel point d'être rejeté comme ça ?
04:37 D'être rejeté par ce côté-là de la famille aussi.
04:43 Ça a dû forcément avoir un impact sur son psychisme, sur sa personnalité.
04:53 Et ce n'est pas quelque chose dont on a beaucoup parlé,
04:57 et c'est ça justement dont on voulait développer,
05:02 montrer ce qui l'avait affecté, ce qui l'avait touché en tant qu'humain,
05:08 tout simplement, pas en tant que légende. De ne pas avoir de père,
05:13 de ne pas être accepté même par son propre père,
05:18 c'est quelque chose qui a des conséquences pour qui que ce soit.
05:25 Même chose, il a traversé beaucoup de choses, beaucoup d'épreuves.
05:33 Tout le monde s'imagine Bob Marley dur, un caillou,
05:40 mais il avait du cœur, il avait des sentiments, il avait des émotions,
05:44 des insécurités aussi. On voulait explorer ça dans le film.
05:51 Et ça donne aux gens un lien plus fort encore avec lui.
05:56 On peut vraiment comprendre ça, je crois.
05:59 C'est pas un dieu, il est comme nous.
06:02 Vous le sortez de la légende, vous respectez la légende,
06:05 mais vous le sortez, vous parlez aussi beaucoup dans ce film, Rita Marley,
06:09 votre mère. Alors on sait que Bob Marley, il a eu beaucoup de femmes,
06:13 il a eu beaucoup d'enfants avec beaucoup de femmes.
06:16 C'était sans doute pas un mari comme les autres, et peut-être pas un père comme les autres.
06:19 Mais là, Ziggy Marley, on a l'impression que vous voulez réécrire l'histoire une fois pour toutes,
06:24 pour dire que Rita, c'était sa colonne vertébrale.
06:28 Ah oui, sa colonne vertébrale, oui.
06:32 Le Bob Marley qu'on connaît, il n'aurait pas pu exister sans Rita.
06:39 C'est une femme forte, engagée.
06:46 Et puis elle avait pris une balle dans la tête,
06:50 et deux ans après, elle était avec lui sur scène. C'est pas normal.
06:54 C'est pas quelque chose que les gens d'habitude font, les gens normaux.
06:59 Cet amour est tellement fort,
07:04 il ne suit pas les règles habituelles des relations entre les gens.
07:08 C'est un autre genre d'amour, un amour sans condition.
07:12 C'est le vrai amour.
07:14 Et ça, vous aviez envie de, quand je dis réécrire l'histoire, rétablir l'histoire ?
07:19 Oui, on voulait dire la vérité.
07:23 On voulait raconter la vérité.
07:25 Beaucoup de gens me disent des choses sur lui.
07:28 Ils me parlent beaucoup de mon père, mais il leur manque la moitié de l'histoire.
07:33 L'histoire n'a jamais été racontée vraiment.
07:36 Ils ne voient pas qu'elle est un élément très fort dans son succès.
07:44 Et quel genre de père c'était Bob Marley ?
07:48 En tant que père, il était discipliné.
07:53 Il montrait l'exemple.
07:55 Il adorait s'amuser, le sport, le foot, la boxe.
08:01 Et il aimait avoir ses fils autour de lui.
08:05 Dans toutes les situations, il nous invitait toujours.
08:09 On était avec lui, il s'en foutait.
08:12 Il voulait qu'on apprenne.
08:14 Par l'expérience, pas par la parole, mais par des vrais exemples.
08:19 Ziggy Marley, vous étiez tous les jours sur le plateau.
08:23 Et l'acteur Kingsley Benadir semble formidable.
08:28 Il bouge, il parle.
08:29 Alors peut-être pas comme Bob Marley, mais ça pourrait être Bob Marley.
08:32 C'était quoi votre rôle à vous ?
08:33 Est-ce que vous lui racontiez des anecdotes pour le mettre dans la peau de Bob ?
08:37 J'étais présent, avec Garrick, qui est décédé depuis.
08:44 Mais c'était un bon ami de Bob.
08:46 Et tous les deux, on lui racontait des petites histoires.
08:52 On lui disait qu'il aurait fait ça.
08:55 Un truc drôle que je lui racontais, c'est qu'il y avait une scène où il devait monter l'escalier.
09:02 Et je lui disais "Kingsley, Bob il montait deux marches à la fois".
09:07 Des petits trucs comme ça.
09:09 Un homme pressé, Bob Marley.
09:11 Oui, on peut dire ça.
09:15 À un moment, on se rend compte qu'il n'avait plus beaucoup de temps.
09:23 Il s'est rendu compte qu'il n'avait pas de temps à perdre.
09:26 Et quand vous avez vu le film à la fin, Kingsley Benadir qui incarne votre père,
09:31 est-ce que c'est émouvant ? Qu'est-ce que vous êtes dit ?
09:36 Je sais mon père.
09:38 Ce n'est pas mon père, non.
09:41 C'est de l'art, si vous voulez. C'est une création.
09:44 Pour moi, d'être sur le plateau, c'est de faire que la représentation artistique de Bob soit réaliste, soit juste, soit sincère.
09:58 Je ne veux pas remplacer mon père. Il n'y a qu'un Bob Marley. Il n'y a pas de comédien qui peut être Bob Marley.
10:03 Il s'agit là d'une expression artistique de lui, que nous aimons.
10:13 Mes émotions ne peuvent pas être liées.
10:17 Parce que je connais mon père. Je connais mon père.
10:21 Et donc je ne peux pas être ému par quelqu'un qui l'interprète. Ce n'est pas possible.
10:25 La seule chose qui est possible pour moi, c'est que j'ai tenté d'essayer d'influer la façon dont Kingsley a interprété le rôle.
10:39 J'ai essayé de lui raconter toutes les émotions qu'il a traversées.
10:43 La dureté du moment pour lui, la dureté personnelle pour lui.
10:47 C'est ce que j'ai essayé de lui transmettre. Kingsley m'a aidé à y réfléchir.
10:53 Une dernière question. Vous êtes musicien, vous aussi.
10:57 On n'a pas encore parlé de reggae. La chanson que vous aimez reprendre de Bob Marley, vous en tant que musicien ?
11:03 C'est la question la plus difficile.
11:07 On en a tous en tête.
11:10 Elle est dure votre question.
11:12 Vous êtes musicien en tant qu'artiste ?
11:16 Oui.
11:19 Je vais vous dire la vérité.
11:23 Ce n'est pas facile. Je ne sais pas. Je vous le dis sincèrement.
11:30 Depuis deux ans, j'ai fait des chansons comme Burning.
11:36 Je ressens une forte connexion quand je fais ses chansons.
11:42 Je peux presque imaginer ce qu'il ressent quand il chante.
11:48 C'est impossible.
11:56 Ziggy Marley, merci beaucoup d'avoir accepté cette invitation de France Inter.
12:00 Merci beaucoup d'avoir accepté cette interview.
12:03 Merci à Harold Manning pour la traduction simultanée.
12:11 - All right, thank you.