Franck Morat, le maire de Cognin, était l'invité de France Bleu Pays de Savoie ce mercredi 14 février, à l'occasion de l'hommage à Robert Badinter.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 C'est le 6/9, France Bleu Pays de Savoie.
00:04 Merci d'être avec nous. 8h moins le quart, hommage national à Robert Badinter ce midi à Paris
00:09 et à la même heure à Cognin devant la maison où il a trouvé refuge avec sa mère et son frère en 1943 et 1944.
00:16 Bleuet, le maire de Cognin est en studio, il est notre invité de 7h45.
00:19 Bonjour Franck Morat.
00:20 Bonjour.
00:21 Robert Badinter il a un lien très particulier avec la commune de Cognin
00:25 parce qu'il avait trouvé refuge avec sa mère et son frère en 1943-1944 dans une maison de Cognin.
00:30 C'était juste après l'arrestation du père par la Gestapo à Lyon, arrêté déporté parce que juif.
00:36 Il était revenu en 2005 pour l'inauguration de la plaque sur la maison où il avait vécu à Cognin.
00:42 Qu'est-ce qu'il vous avait dit de ses souvenirs de cette époque ? Est-ce que c'était douloureux pour lui ?
00:46 C'était un moment bouleversant.
00:49 C'était très douloureux parce que lorsqu'il est entré dans sa maison,
00:54 il s'est précipité tout de suite au rez-de-chaussée dans cette chambre qui était la sienne.
00:58 Et d'un seul coup, le souvenir qui lui est revenu c'est de dire,
01:03 notre valise n'était jamais débouclée parce qu'à tout moment nous pouvions être arrêtés
01:08 et la fenêtre qui se situait juste à côté lui aurait permis avec sa maman et son frère de pouvoir fuir du côté de Lière.
01:15 Donc c'était un moment bouleversant parce que tous les souvenirs ont rejailli.
01:20 Et Robert Badinter se rappelait aussi du cerisier, très symbolique pour lui.
01:28 Puisque comme il disait lui-même, c'était un moment d'humanité sur fond de tragédie.
01:33 Et il était adolescent et il y a l'insouciance de l'adolescent et en même temps un contexte terrible
01:39 où il y avait ces moments d'amitié.
01:42 Et le cerisier c'est aussi le moment où on flirtait, comme il disait avec les jeunes filles.
01:47 - Alors il avait 15 ans en 1943 quand il est arrivé. Il a été scolarisé au lycée Vosgeslat-Chambery.
01:52 Ce qui paraît incroyable, il y allait à vélo avec le petit-fils je crois du fondateur d'Opinel.
01:58 Ce qui est incroyable c'est que, alors il a été arrêté, contrôlé, il avait des faux papiers, mais il n'a jamais été dénoncé.
02:05 - Jamais. Et c'est la raison pour laquelle il est revenu à Cognon.
02:09 C'était pour exprimer sa gratitude à l'égard des habitants qui ont assuré discrétion et protection et jamais il n'a été dénoncé.
02:16 - Parce qu'on savait qui il était ? - On savait qui il était ?
02:18 - Il se doutait. Comme m'a expliqué Robert Badinter, une famille bourgeoise, une maman avec ses deux enfants.
02:25 Il n'y a pas de père. On est en 1943, on n'est pas dans la société actuelle.
02:30 Ça interpelait. Il ne recevait jamais de courrier.
02:33 Et il venait d'arriver un peu précipitamment. Donc toutes les conditions étaient réunies pour qu'il y ait une forme de suspicion, mais jamais.
02:40 Les habitants n'en ont parlé et c'est la raison pour laquelle il l'a toujours dit dans toutes les interviews qu'il a accordées.
02:47 - Il est 7h47 sur France Bleu, pays de Savoie. Hommage national à Robert Badinter. Hommage à Cognon.
02:51 Nous sommes avec le maire de Cognon ce matin, Franck Maurat.
02:54 - La loi d'abolition de la peine de mort portée par Robert Badinter a été votée le 18 septembre 1981.
03:01 Vous aviez quel âge, Franck Maurat ?
03:03 - J'avais 11 ans.
03:05 - Quelle influence il a eu, Robert Badinter ? Vous en êtes, si je ne me trompe pas, à votre quatrième mandat.
03:09 Vous avez fait trois mandats d'adjoint avant.
03:11 - Tout à fait.
03:12 - Quelle influence il a eu sur votre engagement dans la vie, dans la gestion d'une commune ? Vous êtes aussi à l'agglomération.
03:19 - Tout à fait. Les valeurs qu'il a toujours portées et qu'il défend et qui sont aussi mes valeurs,
03:25 c'est celle de la ville de Cognon, c'est-à-dire les valeurs tournées vers les autres, vers la dignité, vers les droits pour tous,
03:34 et puis surtout le vivre ensemble. Chacun a sa place dans une commune, quelle que soit son origine et quelle que soit sa vie.
03:41 Et c'est vrai que je suis un enfant des années Mitterrand.
03:45 Et c'est une ère nouvelle avec l'abolition de la peine capitale pour l'ouverture des droits, pour finalement dire que l'être humain,
03:55 malgré la monstruosité qu'il peut avoir, il a quelque chose de bien et il peut être réhabilité.
04:02 Et c'est le sens de l'engagement de Robert Badinter et c'est les valeurs aussi que je porte.
04:06 - Alors, je voudrais quand même souligner que Cognon, c'est la commune qui a hébergé, abrité Robert Badinter, sa mère et son frère,
04:14 mais c'est aussi la commune d'origine d'Henri Bordeaux, qui est un Maurassien aussi.
04:20 Donc voilà, c'est aussi des contradictions qu'on peut porter dans une même commune.
04:24 - Tout à fait. Et c'est ce que je disais, dans une commune, chacun a sa place, quelles que soient ses idées.
04:30 Et c'est l'argument qui permet justement de confronter les idées.
04:35 Et c'est vrai que Robert Badinter est le contre-pied, j'allais dire, d'Henri Bordeaux dans les valeurs qu'il portait.
04:41 Mais voilà, Henri Bordeaux est un académicien, qui d'ailleurs, dont le collège porte son nom,
04:48 et la commune aussi a souhaité honorer à l'époque Henri Bordeaux par rapport au fait qu'il a une production littéraire
04:55 qui est importante sur la vie locale et sur la vie des gens.
04:59 Donc il y avait quand même ce lien sur l'humain qui les réunisse.
05:03 - La maison où a été hébergée Robert Badinter en 43-44, elle existe toujours aujourd'hui ?
05:09 C'est une maison dans laquelle, qui est privée ?
05:13 - Alors ce n'est pas une maison privée, lorsque en 2005, le maire de l'époque a eu connaissance que cette maison était en vente,
05:20 et il a appelé Robert Badinter, qui lui a dit "mais écoutez monsieur le maire, c'est pas possible, cette maison,
05:24 elle doit rester dans le patrimoine communal".
05:27 Donc du coup, la commune a fait l'acquisition de cette maison, et avec un partenariat avec l'OPAQ de la Savoie,
05:32 qui est notre bailleur, cette maison a été transformée en quatre logements locatifs sociaux.
05:37 Et donc elle est occupée par des locataires.
05:40 - Et donc il y aura une cérémonie ce midi, et j'ajoute que début avril, la route de Lyon,
05:46 que tout le monde connaît, tous les gens qui vont dans l'avant-pays vers Voiron,
05:50 passent par cette route, au moins quand la route est ouverte, quand il n'y a pas d'éboulement,
05:55 et elle sera rebaptisée ?
05:58 - Tout à fait, Avenue Robert Badinter, c'est une inauguration qu'on avait convenue en plus avec Robert Badinter,
06:05 et qui m'avait été confirmée par mail la veille de son décès.
06:09 Donc voilà, l'émotion aussi est d'autant plus grande,
06:14 et c'est le mercredi 10 avril à 15h30 qu'il y aura l'inauguration de cette avenue,
06:18 qui prendra du coup, qui endossera, j'allais dire, un hommage,
06:25 parce que ce n'était pas prévu comme ça, mais ce sera l'occasion de pouvoir le faire.
06:29 - Franck Morat, vous restez avec nous, on va accueillir les auditeurs dans un instant.