Le collectif "Santé en danger" a organisé à Marcq-en-Barœul une réunion consacrée à la médecine de ville. Le fondateur du collectif, Arnaud Chiche, invité de France Bleu Nord, accuse le gouvernement de vouloir imposer toujours davantage de contraintes à la profession.
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00:00 - Bonjour Arnaud Fisch. Cette réunion à Marc-En-Barol était consacrée à la médecine de ville. Il y a quelques jours votre collectif a signé une tribune
00:07 qui s'intitule justement "Le gouvernement veut-il la mort de la médecine de ville ?" Qu'est-ce qui vous fait penser ça ?
00:12 - On l'a co-signé avec les médecins généralistes, médecins pour demain et les infirmiers libéraux.
00:17 C'est très important de le dire. Ce qui nous fait penser ça c'est qu'en fait toutes les décisions prises ou les intentions de décision
00:23 annoncées ne vont pas dans le bon sens. Voilà c'est assez simple c'est à dire que
00:28 on sait ce qu'il faut faire, les experts de terrain savent ce qu'il faut faire, les syndicats aussi,
00:33 mais ce qu'annonce l'exécutif depuis plusieurs années et depuis quelques jours le nouveau ministre ça ne va pas dans le bon sens.
00:39 Alors nous on le dit.
00:40 - Vous citez nommément dans cette tribune
00:42 Frédéric Valtoux, nouveau ministre de la santé, ancien président de la fédération hospitalière de France. Vous dénoncez de sa part, et là je cite toujours ce texte,
00:49 une suspicion, une mise en accusation de la médecine libérale générale.
00:53 - Bah oui il n'y a qu'à écouter la manière dont on parle aux médecins dans ce pays, c'est incroyable.
00:58 Vos auditeurs là tous, ils ont un médecin de famille,
01:00 ceux qui ont de la chance, ils en ont encore un.
01:03 Ils y tiennent. Il faut quand même se rendre compte de la manière dont le ministre parle de ces médecins là.
01:09 Il n'y a pas eu d'augmentation depuis des années pour la consultation,
01:13 on propose 30 euros, on propose de passer de 26,50 euros à 30 euros, mais attention,
01:19 on prend un air très sérieux de proviseur de lycée, j'ai rien contre les proviseurs, et on dit
01:24 ça se fera uniquement avec des contreparties.
01:27 Comme si les médecins actuellement ils travaillaient pas. En tout cas nous on les a réunis mardi, je peux vous dire qu'ils en ont gros,
01:32 comme disent les jeunes, et ils sont très en colère.
01:34 - Il y a la forme que vous dénoncez, il y a aussi le fonds, on peut parler de Frédéric Valtoux, mais aussi Emmanuel Macron qui plusieurs fois
01:39 a évoqué son souhait de rémunérer les médecins à la capitation. Alors c'est un peu technique mais cela veut dire rémunération au forfait, qui dit forfait dit
01:46 objectif, dit contrôle. Pourquoi est-ce que vous êtes contre ?
01:49 - Parce qu'en fait les médecins ils n'ont pas envie de travailler comme ça, et puis ça va complètement à l'encontre
01:54 du soin, de l'entité du soin comme on l'envisage, et ça va aussi complètement à l'encontre d'une médecine
02:02 humaine, j'oserais vous dire, en tout cas pleine d'humanisme. La rencontre d'un patient et d'un médecin,
02:09 c'est un moment qui ne se chiffre pas, qui ne doit pas répondre à des objectifs,
02:14 c'est un moment où le médecin va être à l'écoute d'un patient de ses difficultés physiques, morales, psychiques ou sociales, et
02:21 les histoires de forfait c'est complètement re-sujet. On a balayé ça d'un revers de main
02:25 mardi, les médecins n'en veulent pas. - Mais on est aussi dans un moment où des
02:29 français, des nordistes, des gens qui habitent dans le Pas-de-Calais ne trouvent plus de médecins, on a un manque de médecins aujourd'hui, est-ce que fixer
02:35 des objectifs planifiés,
02:36 rationalisés, est-ce que c'est pas aussi un moyen de faire que les choses aillent mieux ? - Non c'est extrêmement infantilisant, c'est
02:43 une vision paternaliste qui est complètement décalée avec
02:47 finalement l'exercice médical, et décalée aussi avec
02:51 la mentalité des jeunes. Je voudrais quand même en parler. En France il y a 15 000 médecins qui ne veulent pas s'installer, ils sont remplaçants.
02:59 Quelque part ils n'attendent que ça de s'installer. En un claquement de doigts, on pourrait résoudre les problèmes des déserts médicaux,
03:05 j'exagère un peu, mais pour que ces jeunes là s'installent, il faut relancer l'attractivité, il faut des conditions d'exercice d'attractivité,
03:11 il faut qu'ils soient bien payés, il faut qu'on arrête de les embêter avec des certificats qui ne servent à rien,
03:16 il faut qu'on arrête de leur dire de prendre des gardes de nuit,
03:18 alors qu'en fait il y en a tellement pas assez la journée, que s'ils bossent la nuit, il y en aura encore moins la journée.
03:22 Et en fait par définition, quand on a besoin de voir son médecin généraliste, ça peut très souvent attendre le lendemain matin.
03:28 Donc on raconte un peu n'importe quoi aux français, et les annonces faites sont assez démagogues.
03:32 - 7h48, vous êtes sur France Bleu Nord, et nous sommes en direct avec le nordiste Arnaud Chich,
03:37 médecin anesthésiste réanimateur et fondateur du collectif Santé en danger.
03:41 - Si je résume ce que vous venez de dire Arnaud Chich, c'est que pour que les médecins s'installent aujourd'hui,
03:45 et ont envie de s'installer, il faut les laisser faire, les laisser faire entre guillemets ce qu'ils veulent,
03:48 ce que vous prenez c'est une médecine qui est finalement libérale, c'est plus le cas aujourd'hui ?
03:52 - Attention, les laisser faire ce qu'ils veulent, ça ne veut pas dire la fête,
03:58 ça veut dire que c'est son... on parle de médecins qu'on fait 10 ans, 11 ans, 12 ans d'études,
04:04 ce sont des études longues, difficiles, avec énormément de sacrifices,
04:07 il serait quand même bon d'accueillir ces nouveaux médecins-là sur le marché du travail, avec un minimum de respect.
04:13 Bon, c'est pas Frédéric Valtout qui n'est pas médecin qui va expliquer à des médecins comment on travaille.
04:18 Donc, nous on est respectueux des institutions et du ministère de la Santé,
04:21 mais il faut arrêter de dire n'importe quoi, toute velléité de coercition,
04:25 à la fois dans la rémunération de la consultation, à la fois à l'endroit où il devrait s'installer,
04:30 à la fois sur la manière dont il devrait être payé avec des forfaits, ça ne marchera pas.
04:33 - Qu'est-ce qu'on fait alors aujourd'hui pour réparer ça ?
04:34 - Eh bien on les écoute, premièrement on les écoute,
04:36 deuxièmement, on est à Lille, il y a deux facultés de médecine à Lille,
04:39 on gèle la sélection du concours de médecine pendant quelques années.
04:44 - C'est-à-dire geler la sélection ?
04:45 - On arrête de recaler des gamins qu'on cesse de moyenne, voilà, au concours de médecine.
04:49 - C'est ce qui se passe aujourd'hui ?
04:49 - C'est ce qui se passe aujourd'hui.
04:50 Vous savez, le numerus clausus, on nous dit qu'il a été supprimé depuis quelques années,
04:55 c'est vrai, mais il a été remplacé par une autre appellation de concours qui s'appelle l'Apertus.
04:59 La sélection, elle est excessivement dure.
05:01 L'exécutif dit qu'on va augmenter de 20% le nombre de médecins, c'est un mensonge.
05:05 On a recalculé, on est entre 5 à 7% d'augmentation sur 10 ans, ce qui ne va absolument pas suffire.
05:10 Les jeunes recalés à cesse de moyenne, ils vont se former en Roumanie, en Espagne et en Belgique.
05:15 - Mais est-ce qu'on a les capacités aujourd'hui de former plus de médecins ?
05:18 - Excellente question.
05:18 - C'est-à-dire qu'on a eu pendant des années du numerus clausus,
05:21 donc aujourd'hui les facultés ne peuvent pas...
05:22 Donc on va rester sur la situation actuelle pendant encore quelques années.
05:26 Qu'est-ce qu'il faut faire en attendant pour combler le besoin de médecins ?
05:29 - Votre question, elle est ultra pertinente.
05:30 Parce que si on augmente d'un seul coup le nombre d'étudiants en deuxième année de médecine,
05:34 il faut être capable de les former.
05:35 Et aujourd'hui, quand on parle aux doyens de médecine,
05:38 la tension va vite se réorienter vers eux.
05:41 Ils disent "mais nous on ne peut pas former plus".
05:42 On ne peut pas former plus parce qu'on se met un peu des barrières.
05:45 C'est-à-dire que je travaille dans un établissement privé non lucratif à Nain-Beaumont,
05:48 je peux former 5 anesthésistes par an.
05:50 Vous voyez, c'est un exemple.
05:51 On peut former des médecins aussi dans les cliniques,
05:53 ce qui n'est pas fait aujourd'hui.
05:54 Il faut que tout le monde participe à l'effort "national" pour la santé.
06:02 On demande aux médecins généralistes de voir plus de patients.
06:04 Il faut que dans les facs, on forme plus de médecins.
06:06 - Donc en attendant, pas de contraintes supplémentaires,
06:09 pas d'obligations de garde ?
06:11 Parce que tout ça, ce sont des mesures qui sont présentées par le gouvernement
06:14 pour combler un vide qui est encore une fois actuel, un manque de médecins.
06:17 - Les médecins généralistes font déjà des gardes de nuit,
06:18 ils font parfois de la régulation, on s'amuse, mais pas tous.
06:20 Par définition, Monsieur, il y a une loi, la loi européenne de travail,
06:24 qui dit que si on travaille la nuit, on ne travaille plus le lendemain.
06:26 Qu'est-ce qu'ils disent les médecins ?
06:28 On va avoir 3 patients la nuit,
06:29 et le lendemain, on va supprimer une consultation de 30 patients.
06:31 Ça n'a strictement aucun sens.
06:32 - En tout cas, ces consultations que vous faites dans le cadre de ce vrai Ségur de la Santé,
06:37 vrai Ségur de la Santé 2024,
06:38 vous allez les continuer, les transmettre ensuite au gouvernement.
06:41 Merci beaucoup Arnaud Chiche d'avoir accepté notre invitation ce matin
06:45 sur France Bleu Nord, médecin anesthésiste, réanimateur
06:47 et fondateur de ce collectif Santé en danger.