Robert Birenbaum, résistant à 16 ans : « J'ai eu une chance extraordinaire »

  • il y a 7 mois
Il a moins de 16 ans quand il entre en résistance dans la France occupée. À plus de 97 ans, Robert Birenbaum témoigne dans un livre digne et sobre, « 16 ans, résistant » aux éditions Stock. Fils de Moshe et Rywka Birenbaum, émigrés juifs qui avaient fui la Pologne antisémite pour la patrie des droits de l’homme, Robert Birenbaum, né le 21 juillet 1926 à Paris, n’est qu’un adolescent lorsque l’armée allemande entre dans la capitale française. Une Occupation qui démarre en douceur, remarque-t-il. « Les soldats allemands étaient beaux, ils avaient l’air civilisés, ils distribuaient de la soupe aux malheureux, ils faisaient tout pour séduire la population, nous confie Robert Birenbaum. Et les juifs avaient la chance de pouvoir les comprendre, car le yiddish est un dérivé de la langue allemande. Mais à partir de 1941, le jour où l’on a mis l’étoile jaune pour la première fois, il n’y eut soudain plus de sympathie : les juifs sont devenus différents. Le port de l’étoile a tout changé. »
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Transcript
00:00 On voulait faire notre devoir. La France nous avait accueillis et on voulait défendre la France.
00:04 C'était le but de tous les résistants.
00:06 La religion ne fait pas partie de ce que je pratique.
00:17 Je n'ai jamais pratiqué de religion.
00:19 Mes parents n'étaient pas religieux et mes parents ne croyaient pas et moi non plus.
00:23 Je n'ai jamais cru et je ne crois toujours pas.
00:26 J'ai mis les toiles, mais c'est vrai que je les cachais et je mettais ma main dessus.
00:30 D'ailleurs, je me suis fait arrêter une fois en sortant de la boutique de mes parents.
00:34 Et je n'étais pas encore dans la résistance,
00:36 mais j'avais quelques tracts qu'on m'avait donnés dans une de mes poches.
00:39 Alors j'ai commencé à marcher sur le trottoir de droite et les flics arrivaient sur le trottoir de gauche.
00:44 Et il y avait une porte qui donnait sur le couloir.
00:46 Je prends la porte, je rentre en vitesse, j'ai attrapé les tracts que j'avais
00:50 et je les ai jetés derrière moi.
00:52 Ils m'ont suivi au nom de mon droit.
00:54 Ils sont arrivés, ils ont commencé à me poser des questions.
00:57 Et ça allait très mal, mais mon père était très diplomate.
01:02 Il leur a fait un petit colis aux flics qui étaient là.
01:05 C'est curieux, mais j'ai toujours eu, si vous voulez, un destin un petit peu particulier, je crois.
01:12 J'étais complètement paniqué, bien sûr.
01:20 J'étais triste, très triste.
01:22 Ma tante m'a rencontré.
01:24 Elle est venue s'asseoir à côté de moi.
01:26 Mon oncle, son mari, le frère de mon père, était un militant communiste à l'époque,
01:31 d'un assez haut niveau.
01:34 Et il venait d'être pris, il était appiquivié.
01:37 Elle s'est assise à côté de moi et elle m'a dit, tu sais Robert,
01:40 je veux te demander quelque chose, mais tu me promets que tu ne diras jamais un mot,
01:44 t'acceptes ou t'acceptes pas.
01:46 Mais surtout, tu ne diras jamais à tes parents.
01:48 Elle m'a dit, tu sais, il ne faut pas se mettre à genoux devant les Allemands.
01:52 J'ai des copains de ton âge et puis un peu plus vieux que toi
01:56 qui font des actions de résistance.
01:59 Est-ce que ça t'intéresse ?
02:00 Est-ce que tu veux que je te présente et que tu deviennes résistant comme eux ?
02:05 Je voulais faire plaisir à ma tante.
02:07 Moi, j'avais aucune...
02:09 Je n'étais pas du tout politique.
02:11 Jamais tellement été d'ailleurs.
02:13 On m'a appelé baratin et je suis devenu le baratineur,
02:17 celui qui recrute.
02:18 Ce que ma tante a fait avec moi,
02:20 moi, je l'ai fait avec des dizaines de copains que je rencontrais.
02:23 J'avais pris le nom de Guy Moquet.
02:26 On m'avait d'abord donné le nom de Philippe.
02:29 Mais je dis, putain, Philippe, ce n'est pas pour moi.
02:32 Mais Guy Moquet venait d'être fusillé et je lui ai dit, je veux m'appeler Guy.
02:35 Et puis, on a fait notre devoir.
02:38 Voilà, je pense.
02:40 On a bien travaillé.
02:42 Mon regret, ça a été bien sûr de ne pas être rentré au FTP.
02:45 On était gonflé à bloc.
02:47 Et on était jeune.
02:49 On voulait faire notre devoir.
02:50 La France nous avait accueillis et on voulait défendre la France.
02:54 C'était le but de tous les résistants.
02:55 On savait qu'on s'y tenait à la mort, il n'y avait pas de problème.
03:03 J'y ai échappé plusieurs fois.
03:05 Je raconte ma fameuse histoire.
03:08 Le jour où je me suis fait piquer par les gendarmes
03:10 dans un bureau de tabac à Jouin-Lille-Le-Pont.
03:14 J'avais sur moi une série de nouvelles cartes d'identité pour des nouveaux résistants.
03:18 Et ce Roger, il était un peu plus roger que moi,
03:21 mais j'étais son chef.
03:23 Et j'étais prêt à lui donner les papiers.
03:25 Et à ce moment-là, de chaque côté de la veste paséienne,
03:30 pistolet au point, deux gendarmes, messieurs, suivez-nous.
03:33 J'ai compris tout de suite ce qui s'est passé.
03:35 J'ai vu que j'avais mon sac.
03:37 On va au bureau de tabac, je me suis dit, ça y est, il y a un vol.
03:40 À ce moment-là, je me suis rappelé que j'avais lu un fascicule
03:44 que j'avais dû imprimer, et qu'on disait,
03:47 si vous êtes deux, et qu'il y a deux gendarmes qui vous arrêtent,
03:53 c'était des injonctions des jeunesses communistes.
03:59 À ce moment-là, essayez de vous sauver, si vous pouvez,
04:03 mais chacun part dans un sens.
04:05 S'ils ne sont que deux pour vous suivre,
04:08 il y en a un qui peut réchapper par chance.
04:10 Et puis là, j'ai dit à mon copain Roger, je lui ai bafouillé,
04:13 je lui ai dit, écoute Roger, tu pars d'un côté,
04:16 moi je pars de l'autre, et puis bonne chance.
04:19 Et puis à ce moment-là, je n'ai jamais couru comme ça dans ma vie.
04:21 Je me revois, vous savez, cette scène.
04:24 Je vous parlais, et je la vois, la scène.
04:28 J'ai couru comme un fou, il y avait des vélos qui parlaient,
04:31 des gens qui passaient à côté de moi.
04:32 Alors je criais, je ne suis pas un voleur, je suis un résistant,
04:36 donnez-moi votre vélo, donnez-moi votre vélo.
04:38 Et quand je suis allé au milieu du pont,
04:40 j'ai attrapé la balustrade, le flic était sur moi,
04:43 pistolet au point, sans attente.
04:45 Et puis ils nous ont emmenés tous les deux à la gendarmerie,
04:48 menottés, les gens qui suivaient, les voleurs étaient pris.
04:52 Alors j'ai dit au brigadier qui nous a pris dans son bureau,
04:57 je lui ai dit, écoutez, vous nous prenez pour des voleurs,
05:01 je ne prendrai pas de voleurs, je vais vous dire la vérité.
05:04 Voilà, on est juif, on est parisien,
05:08 c'est la première fois que je viens jouer à ville-le-pont.
05:11 J'y viens dans un but bien précis.
05:14 Des amis veulent se cacher,
05:16 ils savent que dans les banlieues parisiennes,
05:18 il y a des endroits qui sont plus sûrs que Paris,
05:22 où c'était tous les jours les rafles.
05:24 Le brigadier qui venait de me frapper quelques minutes avant,
05:29 se lève de son bureau, il vient derrière moi
05:32 et il me caresse les cheveux, c'est vrai.
05:34 Et il me dit, je cache des juifs.
05:37 Alors j'étais un peu, si vous voulez, en même temps soulagé,
05:42 mais je me disais, c'est pas possible,
05:45 on ne va pas avoir une chance comme ça, c'est pas croyable.
05:49 Et puis une voiture est arrivée,
05:52 nous a emmenés dans la campagne,
05:54 et ils nous ont lâchés au coin d'un champ,
05:59 on ne savait pas comment faire pour aller à Paris,
06:01 mais enfin on ne croyait pas nos yeux.
06:04 Je ne crois à rien, mais vraiment à rien,
06:08 mais je crois à ma chance, j'ai eu la chance,
06:11 j'ai eu une chance extraordinaire
06:14 d'avoir échappé à tellement de dangers
06:19 sans jamais subir des conséquences.
06:21 Vous savez, quand on voit l'armée française
06:28 qui est venue devant moi à 97 ans,
06:34 c'est quand même, c'est gênant.
06:37 Mademoiselle Manouchan qui était à côté de moi ce jour-là,
06:47 elle m'a entendu parler avec le président,
06:50 je lui ai dit au président,
06:52 vous êtes le seul président de la République
06:54 à avoir parlé de Manouchan, merci.
06:56 Et elle, elle m'a entendu, elle était en larmes,
06:59 elle m'a prise dans ses bras, elle m'a embrassé.
07:02 C'est un des plus beaux jours de ma vie,
07:04 plus que la médaille,
07:07 ça c'est quelque chose qui m'a marqué.
07:10 Parce que pour moi, ces héros-là,
07:14 c'est gigantesque ce qu'ils ont fait, gigantesque.
07:19 C'est des héros, voilà.
07:21 [Musique]

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