• il y a 9 mois
Après plusieurs années d'absence, MC Solaar sort un nouvel album, "Lueurs célestes", le 15 mars, et un single, "Ils dansent", dès ce vendredi. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50-du-week-end/invite-7h50-du-vendredi-23-fevrier-2024-4651514

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Transcription
00:00 Notre invité ce matin est l'un des pionniers du rap français, l'un de ses héros, MC
00:04 Solar, dont les titres sont devenus classiques, Bouge de là, Caroline, le nouveau western
00:08 est peut-être un nouveau classique bientôt avec ce morceau à écouter dès aujourd'hui,
00:13 il s'appelle "Il danse".
00:14 Bonjour Claude Mbarali, bonjour MC Solar.
00:16 Bonjour.
00:17 Votre dernier album, Géopoétique, il date de 2017, c'était il y a 7 ans, donc vous
00:23 sortez un titre aujourd'hui, seulement il y a un album aussi en préparation.
00:26 C'est le temps de la création ?
00:28 Oui, c'est le temps de la création, et puis certainement une erreur que j'ai dû faire.
00:32 J'avais appris quand j'étais jeune qu'il y avait les années sabbatiques, c'est-à-dire
00:35 tous les 7 ans on se repose, et là je me suis dit tous les 7 ans je vais travailler,
00:38 donc 2017-2024, ça y est, et en plus ça tombe sur une année bisextile, donc j'ai
00:44 un petit peu… voilà bon, en fait je me repose un peu trop.
00:49 Alors 2024, c'est 7 ans, et je crois que c'est la dernière année où je mets autant
00:53 de temps, la prochaine fois j'essaierai de bosser un peu plus.
00:56 Qu'est-ce qui s'est passé entre temps ?
00:57 Ah superbe, je suis allé voir des coins que je ne connaissais pas, des villes où je ne
01:02 suis pas allé, dans des pays, que ce soit en Allemagne ou en Côte d'Ivoire.
01:06 Qu'est-ce que j'ai fait ? J'ai regardé grandir un peu les enfants, je suis allé
01:11 à des réunions avec la SCPE et les différents syndicats du matin, et puis à un moment
01:15 donné il y a eu l'envie de recréer après les quelques années de confinement, et on
01:22 a recréé un petit peu dans la joie.
01:24 J'ai dû disparaître, pour réapparaître.
01:27 Mais c'est vrai que c'est un rythme, Laurent vous le dit, alors que les rappeurs d'aujourd'hui,
01:31 ceux qui vous ont succédé, ils n'arrêtent pas de sortir des albums, des titres, de
01:35 manière quasiment impulsive.
01:36 Oui, je me demande comment ils font, mais en réalité ils sont forts, c'est-à-dire
01:39 qu'ils ont un haut niveau de créativité.
01:41 Moi je crois que, voilà, c'était mes exemples avant, je croyais que les choses se faisaient
01:46 un album, une tournée, 4 ans d'attente.
01:49 J'ai une mauvaise habitude malheureusement.
01:52 Mais exceptionnellement, cette année j'ai bossé beaucoup plus, parce qu'en sortant
01:58 du confinement, on va faire un album qui va arriver en 3 parties.
02:04 Si on a fait ça, c'est parce que j'ai fait pour la première fois beaucoup de titres.
02:09 Alors on va les faire en 3 parties.
02:10 Il y a une première session qui va être le 15 mars, première partie du triptyque,
02:15 celui-là on l'a appelé "Lueur céleste" au pluriel.
02:17 Bon, ça veut dire que ça va nous mener quelque part.
02:20 Et puis au fil de l'année, il y aura d'autres choses qui vont arriver très rapidement.
02:24 Vous retrouvez aussi la scène à cette occasion, ça se passe comment ?
02:27 Ça se passe super bien.
02:28 On sortait de quelque chose qu'on avait fait avec Issam Krimi, qui s'appelait le
02:34 New Big Bang Project.
02:35 C'était un big band, on l'a fait 2 années d'affilée.
02:38 Et puis là, on repart sur une tournée, rock'n'roll, avec beaucoup plus réduite,
02:43 parce qu'on était 40 ou 45.
02:45 Là, on est une équipe rock normale, rap normale.
02:48 Et c'est super, on rencontre des gens qui ne nous ont pas oubliés, on rencontre des
02:53 villes qu'on n'avait pas vues depuis un certain temps.
02:55 Et puis c'est la vraie tournée, de salle en salle.
02:57 C'est la première fois que je suis aussi… je ne savais pas que c'était aussi bien
02:59 de travailler, de bouger, de revoir des bonnes têtes, d'apporter des nouveaux morceaux.
03:05 C'est super.
03:06 Mais c'est qui votre public ? Il a votre âge ? Il a notre âge ? Ça se renouvelle
03:10 aussi ?
03:11 Oui, oui.
03:12 Alors au départ, j'étais très étonné de voir mes profs.
03:15 Et maintenant, je vois que j'ai l'âge de mes profs.
03:17 Ça ne se voit pas ?
03:19 Il y en a certains qui viennent avec leurs enfants.
03:22 Je crois que j'ai un public plus ou moins jeune.
03:25 Mais les premiers servis, parce qu'il y a les premiers qui arrivent, ce sont les plus
03:32 grands aficionados.
03:33 Donc on est malheureusement pour l'instant au-dessus de 25.
03:37 « Ils dansent », c'est le titre de ce single.
03:42 Et c'est vrai que ça donne envie de se lever et de danser.
03:45 Danser, peu importe la présidence, peu importe la situation politique, c'est ce qui revient
03:51 dans la chanson.
03:52 Oui, c'est un peu la conclusion.
03:54 Ça fait tout oublier ?
03:55 Je crois.
03:56 En tout cas, c'est ce qui est arrivé au moment où j'écrivais.
03:58 Il y avait un rythme de basse, quelque chose d'entraînant.
04:01 Mais l'infusion de l'actualité, du contexte, a fait que mon stylo est quand même, au dernier
04:09 couplet, retombé sur des choses qui peuvent se passer.
04:11 Ou bien sur des envies d'aller transformer le monde.
04:14 Mais c'est quoi ? C'est du désengagement ?
04:17 Comment ?
04:18 Du désengagement, peu importe la présidence ?
04:20 Oh, non, le « peu importe », il veut dire tout et son contraire.
04:24 D'accord.
04:25 Non, c'est… Oh tiens, c'est marrant ça, on dirait que je fais du Gainsbourg.
04:30 Des cadences… Non, je crois que…
04:33 Vous l'avez samplé Gainsbourg.
04:35 Puisque vous en parlez, on va peut-être l'écouter.
04:37 On va en écouter un morceau.
04:38 Il danse !
04:39 Quand un anna venait du Connecticut, on peut dire que la vie lui mettait des supercuts.
04:42 Serveuse dans le diner à coups des pommotels.
04:44 Elle porte un tablier qui la rend super belle.
04:46 Quand les clients arrivent, ils commandent des meatballs.
04:48 Le regard dirigé vers le match de baseball.
04:50 Personne ne le regarde, pourtant c'est une beauté.
04:52 Une femme ordinaire que l'on a sous le côté.
04:54 Mais dès qu'elle le peut, elle danse dans l'arrière-salle.
04:56 Personne ne peut voir qu'elle a le méga style.
04:58 Dès qu'elle le peut, elle danse dans l'arrière-salle.
05:00 Personne ne peut voir cette danseuse étoile qui danse.
05:04 Il y a un petit air de western moderne avec ce diner, ce motel.
05:10 Et puis il y a les gens qui dansent.
05:11 Elle y a en parlé, cette espèce d'apesanteur, de trance.
05:14 Et puis finalement, ils dansent sur un champ de résistance.
05:17 C'est quoi ce champ ?
05:18 Le champ de résistance, je crois que c'est le contexte qui m'a…
05:22 On dirait que mon cerveau, l'hémisphère droit et l'hémisphère gauche,
05:25 essayent d'avoir de l'équilibre.
05:26 Alors il y avait deux histoires de gens qui sont portés par la danse.
05:30 Et dissociation des idées.
05:33 Il ne faut pas que ce soit tout rose.
05:36 Il y a un couplet qui était pour aller…
05:39 En fait, dans le troisième couplet, c'est un peu la danse, c'est de la résistance.
05:42 Mais on résiste à quoi ?
05:43 Oh là là ! On résiste à quoi ?
05:46 Qu'importe la présidence, qu'importe la dictature,
05:50 qu'importe…
05:52 C'est un hymne à… Pas à l'individualisme,
05:55 mais à quelque chose de… A pousser ses idées.
05:57 C'est une fille qui danse et on ne la regarde pas.
06:00 Elle bosse dans un diner.
06:02 C'est un unijambiste qui danse et qui a la grâce d'un immense danseur.
06:07 Et finalement, la danse, ça enlève tout.
06:10 Vous, vous êtes la première star du rap français.
06:12 Vous avez signé le premier tube de rap en France.
06:15 C'était "Bouge de là", 90.
06:17 Ça semblait dingue à l'époque d'avoir un tel succès avec du rap.
06:21 Et surtout de faire rentrer le rap dans toutes les oreilles.
06:24 Ce son qui était à la marge, il est maintenant au cœur de la scène musicale.
06:28 Comment est-ce que vous l'expliquez ?
06:29 Est-ce que vous avez un regard particulier sur la scène rap française aujourd'hui ?
06:34 Oui, j'ai un regard…
06:35 Alors au départ, oui, c'est vrai, il y avait des résistances.
06:38 Je me rappelle qu'on disait… Bon, que ça ne devait pas exister.
06:41 Résistance ou complaisance ?
06:43 Comment ?
06:44 Ou complaisance ?
06:45 Ah oui, c'était les deux excès.
06:46 Et là, maintenant, il y a quelque chose, c'est qu'on voit des artistes vraiment gros.
06:51 Moi j'écoute des gens qui ont 19 ans ou qui en ont 35, ou Orelsan ou Gazo.
06:57 Il y a quelque chose, il y a des artistes.
06:58 Et puis ils écrivent.
07:00 Il y a une école de rap français.
07:03 Quelqu'un qui a 20 ans, qui habite en Haute-Savoie,
07:07 il a le même rapport avec Sosomanès à Marseille.
07:10 Et puis quelques fois, quand on écoute des albums,
07:12 il y a des choses qui sont extrêmement écrites, qui ont le regard sur la société.
07:15 Je trouve que le rap français, il est éducatif et il sert vraiment à quelque chose.
07:19 Vous, vous avez plusieurs disques d'or, vous avez cinq Victoires de la Musique.
07:23 Et pourtant, le milieu du rap, il a eu ces dernières années l'impression d'être boudé par cette cérémonie des Victoires de la Musique.
07:28 Il a même créé sa propre cérémonie qui s'appelle les Flammes.
07:31 C'était nécessaire d'après vous ? Il n'y avait pas assez de reconnaissance encore pour ce genre-là ?
07:35 Visiblement, en tout cas, il est très écouté partout.
07:39 Alors peut-être qu'il y avait ce sentiment.
07:41 Plus il y a de prix, Mostra, Lion d'or, Cannes,
07:45 ou bien le festival de Villeneuve-Saint-Georges de cinéma ou du court-métrage,
07:48 en fait, plus il y a de prix.
07:50 A la limite, ce n'est pas les uns contre les autres.
07:52 Il peut y avoir des genres.
07:53 Donc c'est très bien.
07:55 Chaque fois qu'il y a un nouveau prix, une nouvelle médaille, je prends.
07:59 Mais donc sur l'évolution du rap dont vous parliez,
08:02 c'est pas, par rapport à votre premier album en 91,
08:05 c'est pas plus de vocodeurs et moins de vocabulaire.
08:07 C'est pas ça ?
08:08 Ça c'est caricatural de dire ça ?
08:10 Oui, plus...
08:12 Non, je ne veux pas dire que c'est caricatural.
08:14 Là, maintenant, il y a toutes les écoles qui sont possibles.
08:17 Avant, il y avait une dictature, la dictature solarienne.
08:20 On se disait, ou bien d'un tel ou d'un tel.
08:23 Dictature solarienne !
08:24 Non, non, celle-là, elle est super, il y a des fleurs.
08:26 Mais en gros, là, chacun peut arriver avec son identité.
08:30 Il y a un nouvel outil, le vocodaire, c'est bienvenu.
08:34 Il y a des sous-genres, pardon, des grands genres qui existent.
08:37 Ils sont tous les bienvenus.
08:39 À un moment donné, chaque fois que quelqu'un venait avec une personnalité, un nouveau style,
08:43 on disait, c'est pas comme ceci, c'est pas comme cela.
08:45 Mais là, waouh, je demande à n'importe quelle personne que je vois avec un cartable ou un cahier,
08:51 t'écoutes quoi ?
08:52 Je découvre toujours des choses superbes.
08:54 Donc, tous les gens peuvent faire ce qu'ils ont envie de faire,
08:58 parce qu'ils sont en rapport direct grâce au streaming ou à je ne sais pas quoi, avec des gens.
09:03 Donc, il n'y a pas de quelqu'un qui arrive derrière avec une baguette
09:07 et qui ne sait pas comme ça qu'il faut faire.
09:09 Et moi, qui ne suis pas un consommateur ou quelqu'un qui aime bien découvrir des choses,
09:13 je trouve qu'on est au bon moment depuis à peu près 10 ans.
09:17 Au minimum.
09:18 - Il y a quelqu'un qui parle extrêmement bien de votre art, c'est Rebecca Manzoni.
09:23 Il y a des années de ça, elle disait que vous aviez, si je me souviens bien,
09:26 fait exploser les codes virils que vous aviez,
09:29 imposé des règles qui sont encore valables aujourd'hui
09:32 et que vous suivez le fait de ne pas être macho,
09:34 de chanter l'amour comme dans Caroline qu'on a tous en tête.
09:38 Et c'est assez frappant du coup, le rap hardcore,
09:42 celui qui se sent le besoin d'insulter, d'agresser pour exister.
09:46 Vous l'écoutez ?
09:47 - Oui, ça, bien sûr, je l'écoute quand même !
09:49 - Ouais ?
09:50 - Ah ouais, ben oui, quand on va au cinéma, c'est pour voir des extraterrestres.
09:53 Et donc, oui, il faut être quelqu'un d'autre.
09:55 - Mais vous suivez votre fil ?
09:56 - Ah oui, moi je suis mon fil, mais parce que je crois qu'il y avait une prof à tel moment,
10:01 puis une prof d'espagnol, puis un prof à Saint-Denis,
10:04 puis il y avait cette histoire de paradoxe que,
10:08 quand j'étais étudiant, donc j'écoute ce qu'on me dit,
10:10 on dit "oui, on ne peut pas demander quelque chose et faire l'inverse", etc.
10:13 Donc ça a construit une espèce de "si je prends mon stylo,
10:16 c'est pas pour écraser, c'est pas pour diviser, c'est pas pour..."
10:20 Et ben, à chaque fois que je prenais mon stylo,
10:22 je regardais à peu près ce que je faisais.
10:25 On m'appelait "petit Claude" aussi quand j'ai commencé,
10:27 donc j'étais maigre, j'étais petit par rapport aux autres,
10:29 donc je pouvais en même temps...
10:31 - Et vous en riez d'ailleurs ! 1m78 !
10:33 - Ouais, ouais... - C'est pas si petit !
10:35 - Même là, j'ai augmenté d'un centimètre pour la rime !
10:38 J'ai augmenté, j'ai augmenté !
10:40 - Et en 94, dans le morceau "Temps mort" où vous chantiez,
10:44 on s'aperçoit bien vite que les gens parlent pour rien,
10:46 alors je parle moins vite, et tentent de faire le bien.
10:48 Vu d'aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, ça semble un peu prophétique.
10:51 Est-ce que vous vous tenez toujours à cette ligne de conduite-là ?
10:54 - Ah oui, oui. Il y a quelqu'un qui me l'a répété,
10:56 je vois un mec qui se tape comme ça, sept fois...
10:59 Le gars, il se tape sept fois le genou avant de parler.
11:02 - Avant de dire quoi que ce soit ?
11:04 - Ouais, il était bien, c'était un gars... - Heureusement que vous ne faites pas ça !
11:07 - Mais oui, je...
11:09 Je sais qu'un jour, j'ai failli envoyer un tweet,
11:13 et je dis "heureusement que je ne l'ai pas fait".
11:15 Ah oui, oui, heureusement que je ne l'ai pas fait.
11:18 Parce que je sais peut-être parler trop.
11:20 Je me rappelle qu'il y avait un président qui s'appelle François,
11:23 et puis sa femme, elle avait envoyé un tweet.
11:27 Donc heureusement que je ne l'ai pas fait moi, parce que...
11:30 - François Hollande, vous voulez dire ?
11:31 - Ouais, il ne faut pas envoyer des trucs, parce qu'on ne sait jamais.
11:34 - Vivons heureux, vivons cachés.
11:36 - Ouais, il faut vivre heureux et cachés.
11:37 Envoyer des tweets à 10h du matin.
11:40 - Merci M. Cissolar d'avoir été notre invité ce matin sur France Inter.
11:43 Je rappelle la sortie de ce titre.
11:44 Aujourd'hui, il danse votre nouveau single,
11:46 et vous serez en concert ce soir à Aix-en-Provence.
11:49 Donc journée, demain à Béziers, dimanche à Perpignan,
11:51 le 14 mars à Dijon, le 19 à Paris.
11:54 Merci à tous !
11:56 Merci Codem C ! Merci !

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