• il y a 10 mois
Philippe Juvin, député "Les Républicains" des Hauts-de-Seine

Les Français l'ont découvert au moment du Covid en tant que médecin urgentiste. Pourtant, sous sa blouse et son stéthoscope, Philippe Juvin a toujours porté une écharpe tricolore. Une double casquette qui lui a parfois été reprochée, mais qu'il assume pleinement.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcription
00:00 -Les Français l'ont découvert pendant le Covid,
00:02 pourtant, sous sa blouse et son stéthoscope,
00:05 mon invité a toujours porté une écharpe tricolore d'élu,
00:08 une double casquette, qui lui a parfois été reprochée,
00:11 mais qu'il assume totalement.
00:13 Musique de tension
00:28 -Bonjour, Philippe Juvin. -Bonjour.
00:30 -Cela fait plus de 40 ans que votre vie se partage
00:33 entre deux passions, deux engagements très prenants,
00:36 la politique d'un côté, au sein de l'UMP,
00:38 puis des Républicains, et puis la médecine.
00:41 Vous dites que l'engagement ne vaut que s'il est total,
00:44 mais est-ce qu'on peut être totalement engagé dans la politique
00:47 et chef des urgences à l'hôpital Pompidou de Paris ?
00:50 -C'est un sujet depuis le début de ma carrière.
00:53 Je l'assume, pourquoi ?
00:55 Je pense que je suis meilleur médecin
00:57 parce que j'ai eu des fonctions publiques,
01:00 et j'étais probablement meilleur maire et peut-être meilleur député
01:03 si j'ai eu une expérience professionnelle.
01:06 Je plaide, paradoxalement, à la doxa habituelle
01:08 pour que plus d'hommes et de femmes politiques gardent leur métier.
01:12 -Ca vous permet de garder un encrasse dans la vie réelle ?
01:15 -Ca permet d'avoir les pieds dans la glaise
01:18 et d'éviter de faire des dissertations sur des sujets
01:21 qu'on ne comprend pas. Je suis frappé de voir
01:23 ce genre de choses que je vois, et ils m'expliquent
01:26 et me décrivent quelque chose que je ne connais pas.
01:29 -Ca pose une question d'agenda. Vous avez été à un moment
01:32 maire de la Garenne-Colombe, député européen
01:35 et donc chef des urgences à Pompidou.
01:37 Comment vous faites ?
01:38 -D'abord, plus on travaille, plus on travaille,
01:41 mais ça, vous le savez. Les deux métiers se nourrissent.
01:44 Il y a un point commun entre l'action politique,
01:47 surtout locale, mais aussi nationale,
01:49 et la médecine, c'est-à-dire qu'on s'occupe des autres.
01:52 C'est pas à moi de dire ce que je fais bien,
01:55 c'est, par exemple, aux électeurs.
01:57 Dans ma mairie, les gens m'ont chaque fois réélu au premier tour
02:00 avec des scores très importants.
02:02 Ca montre que peut-être je n'étais pas
02:05 un aussi mauvais maire que cela.
02:06 Les hommes et les femmes politiques
02:08 doivent garder leur métier. En Suisse,
02:11 la quasi-totalité des membres du Parlement
02:13 ont gardé leur activité professionnelle.
02:15 -Pour la politique, votre premier engagement s'est fait
02:18 au sein de l'UJP, Union des Jeunes pour le Progrès.
02:22 C'était le mouvement des jeunes gaullistes de gauche,
02:24 si l'on peut dire. -Oui, c'est ça.
02:26 -Vous avez contracté le virus de la politique ?
02:29 -Oui, c'est là où j'ai commencé.
02:31 J'avais été élu, quelques années auparavant,
02:33 conseiller municipal de ma commune,
02:35 donc je faisais déjà la politique au niveau local,
02:38 mais non engageant dans un parti.
02:40 Et puis, l'UJP, ce que j'ai aimé, c'était une toute petite partie.
02:44 Dès que vous travaillez un peu, vous avez des responsabilités,
02:48 et vous devenez une responsable nationale.
02:50 J'ai été président de ce mouvement,
02:52 et puis, ça permet d'apprendre la politique.
02:55 Quand à 19 ans, vous organisez une assemblée générale,
02:58 des groupes de travail, des commissions,
03:00 vous collez des affiches,
03:02 j'ai créé un syndicat étudiant à l'époque,
03:04 vous apprenez la matière.
03:06 -Et vous faites des connaissances. -Bien sûr.
03:08 -Vous avez co-employé Olivier Marlex.
03:10 -Mon président de groupe actuel, Olivier,
03:13 était mon secrétaire général quand j'étais président du JP.
03:16 -Au niveau local, vous avez été élu conseiller municipal
03:20 dès 1983.
03:21 La Garenne-Colombe, vous aviez alors 19 ans.
03:23 On vous voit en photo sur votre premier mandat de maire.
03:26 Ca remonte à 2001.
03:28 Vous vous êtes présenté face au maire sortant de l'époque.
03:31 C'est étonnant.
03:32 Vous avez voulu mener une sorte de vendetta électorale
03:36 pour venger votre père.
03:38 Ce sont vos racines corses qui ont parlé.
03:40 Racontez-nous.
03:41 -Il y avait eu une mésentente très importante
03:44 entre mon père et le maire de la commune,
03:47 dont j'étais l'adjoint.
03:48 Et je considérais, je considère encore, d'ailleurs,
03:52 que le maire de la commune avait fait défaut à mon père,
03:55 gravement, avec une atteinte à l'honneur.
03:58 J'étais allé le voir et je lui avais dit
04:01 que ce que vous avez fait à mon père n'est pas correct.
04:04 Cela contrevient aux règles de l'honneur.
04:06 Dans un an, il y a des élections municipales.
04:08 Je me présenterai contre vous.
04:10 Il y a eu des élections municipales, je me suis présenté contre lui.
04:14 -Vous ne seriez pas présenté s'il n'y avait pas eu...
04:17 -On ne refait pas la vie, mais ça a été un moteur.
04:20 Ca a été un moteur. Ca a été un moteur.
04:22 L'honneur de son père, c'est quelque chose d'important.
04:25 Oui, vous avez raison, c'est une sorte d'histoire corse
04:28 à la Colomba, à la Mérimée, peut-être.
04:30 -En tant que médecin, vous avez d'abord été anesthésiste,
04:33 réanimateur, puis urgentiste, chef de clinique à Bichat,
04:37 puis chef des urgences à Pompidou.
04:39 Vous dites que médecin et maire, c'est le même métier.
04:42 -Oui, bien sûr. On s'occupe des autres.
04:44 Si vous saviez le nombre de fois où les gens quittaient mon bureau
04:48 de maire en disant "au revoir, docteur", c'est banal.
04:50 Il faut bien comprendre que les maires et les députés
04:53 sont souvent les seules relations des gens qui n'en ont pas.
04:57 La moitié des gens qui habitent dans nos villes sont seuls,
05:00 vivent seuls ou vivent avec un enfant,
05:02 n'ont pas d'adultes avec eux. Ils ne connaissent personne.
05:05 Vous, vous avez des relations professionnelles, amicales,
05:09 la moitié n'en a pas. Le maire, c'est la seule relation,
05:12 quand vous avez un problème, médical ou pas,
05:14 vous allez voir le médecin, quand vous avez un problème,
05:17 municipal ou pas, vous allez voir le maire.
05:20 C'est très banal que les gens me disent "bonjour, docteur",
05:23 au lieu de "bonjour, monsieur le maire".
05:25 -C'est-à-dire qu'ils s'y retrouvent plus trop
05:28 entre vos deux casquettes. -C'est le même métier.
05:31 -Un maire, quand même, il va pas en Afghanistan
05:33 pour sauver des vies, parce que vous vous êtes engagé,
05:36 vous, médecin, comme médecin militaire,
05:39 aux côtés de l'armée française, en 2008.
05:41 En 2008, c'était le grand moment, c'était très dur en Afghanistan,
05:45 on a même perdu le déceu de la Français à Ousbine,
05:47 et moi, j'ai voulu exercer la médecine en médecine de guerre,
05:51 comprendre ce qu'était un pays en guerre,
05:53 donc j'ai pris un engagement par l'armée française,
05:56 je suis parti comme officier de l'armée française,
05:59 pendant plusieurs mois, de mai à août 2008,
06:01 et j'ai soigné, alors, des militaires français blessés,
06:04 des militaires des contingents alliés blessés,
06:07 je me souviens des Américains, des militaires afghans,
06:10 qui étaient nos alliés, blessés, des talibans aussi,
06:13 et beaucoup de civils, là, on me voit avec une photo,
06:16 je soignais, on avait un hôpital militaire,
06:18 près de Kaboul, et puis je participais à des missions
06:21 où on allait soigner dans les villages,
06:24 et là, vous voyez, je suis entouré d'une série de jeunes,
06:28 c'est un souvenir très fort.
06:30 -En tant que chef des urgences d'un grand hôpital parisien,
06:33 vous vous êtes retrouvé en première ligne lors de l'épidémie de Covid.
06:37 En plus de votre travail à l'hôpital,
06:39 vous avez multiplié les interventions dans les médias.
06:42 Est-ce que, rétrospectivement,
06:44 vous pensez avoir été à votre place dans votre rôle en faisant cela ?
06:48 -C'est une question intéressante et difficile.
06:50 Je pense que oui, pourquoi ?
06:52 Parce que je pense que si nous,
06:55 qui savons un peu plus que les autres,
06:57 parce que voilà, notre formation, ce qu'on voit,
07:00 nous n'allons pas dire les choses,
07:02 on laisse la place à ceux qui racontent n'importe quoi.
07:05 Je ne vais pas faire la liste de ceux qui racontent n'importe quoi.
07:09 -Vous ne les proclamez pas. -Exactement.
07:11 Je voyais des gens qui mourraient,
07:13 je voyais quand on n'avait pas de masque,
07:15 quand on n'avait pas de gants, de blouses.
07:18 Tout ça, je le disais parce que je le voyais.
07:20 Mais j'étais très conscient aussi du fait que si je me trompais,
07:24 cela pouvait faire...
07:26 C'était une tâche un peu définitive et les gens ne nous croiraient plus.
07:30 Donc oui, je crois que je suis dans mon rôle.
07:32 Il y a un livre qui s'appelle "La trahison d'Eclair",
07:35 c'est un livre de Julien Binda, écrit entre les deux guerres,
07:38 qui explique que les clercs, les intellectuels,
07:41 ont trahi parce qu'à l'époque, ils n'ont pas dit ce qu'ils avaient
07:45 compris. Il parle de la montée du nazisme.
07:47 Moi, même si le sujet est très différent,
07:49 je me suis dit que je sais des choses que les autres ne savent pas,
07:53 je vais les dire.
07:54 -On va réécouter un extrait d'une de vos interviews de l'époque,
07:58 c'était en 2021, au moment où Jean Castex venait d'annoncer
08:01 un reconfinement partiel pour 16 départements
08:04 et vous étiez l'invité de nos confrères de public Sénat.
08:07 -Le vrai sujet, c'est qu'on est face à un aveu d'échec.
08:10 Cette politique qui a consisté à agir par intuition
08:13 depuis maintenant deux mois ou trois mois,
08:16 en disant "croise les doigts",
08:18 et puis on attend que quelque chose se passe,
08:21 une sorte de pensée magique, ça, manifestement,
08:24 c'est un échec, puisqu'on voit bien qu'on est débordé.
08:27 Par expérience, je suis maire également, ainsi que médecin,
08:30 j'ai toujours noté qu'entre les annonces de la veille
08:33 par voix de presse, conférences de presse,
08:36 et la publication de décret le lendemain,
08:38 il y avait toujours une différence abyssale
08:41 entre ce qui était annoncé et ce qui était autorisé.
08:43 Je ne sais pas ce qui a été décidé.
08:45 -J'ai choisi cet extrait,
08:47 parce qu'il illustre un peu ce que vos adversaires
08:50 vous ont reproché à un moment,
08:52 une sorte de double casquette un peu ambiguë
08:54 quand vous interveniez pour critiquer le gouvernement.
08:58 On ne savait plus trop si c'était le médecin urgentiste
09:01 qui parlait ou l'homme politique de droite.
09:03 -Oui, je comprends.
09:05 Je comprends que vous accepterez l'idée
09:07 que chaque fois, je me présentais pas caché.
09:09 Je disais que je suis un homme politique
09:12 et je suis aussi un médecin,
09:13 et c'est justement comme ça que j'intervenais.
09:16 Les gens aiment bien vous mettre dans une case en disant
09:19 "vous êtes un homme politique ou un médecin".
09:22 Je suis les deux, et c'est peut-être parce que je suis les deux
09:25 qu'ils m'arrivent de dire des choses pas inintéressantes.
09:28 Je l'assume, je comprends que c'est complexe,
09:31 mais je trouve que le débat politique est réduit
09:34 à des cases où on veut vous mettre dans des cases.
09:36 -On vous l'a reproché au point que vous n'avez pas eu
09:39 la Légion d'honneur alors que vous étiez sur la liste
09:42 de la promotion qui devait récompenser ceux qui s'étaient mobilisés.
09:46 -C'est pas grave. Encore une fois, il faut pas juger les gens
09:50 d'où ils viennent, mais sur ce qu'ils disent.
09:52 -Cette crise du Covid vous a donné une certaine notoriété.
09:56 Dans la foulée, vous vous êtes présenté
09:58 à la primaire de la droite pour la présidentielle.
10:01 Vous avez pas cherché à surfer sur la popularité du médecin.
10:04 -Non. En fait, la crise Covid m'a appris une chose
10:07 et qui m'a beaucoup irrité.
10:09 Ca a été la raison pour laquelle je me suis présenté.
10:12 Je trouvais que la classe politique en général,
10:14 et c'est toujours le cas, fait votre travail à vous,
10:17 c'est-à-dire fait des commentaires.
10:19 Je n'attends pas des hommes politiques
10:22 qui fassent du commentaire.
10:23 J'attends des hommes politiques ou des femmes politiques
10:27 qui fassent des propositions. Ca a été un grand moteur
10:30 pour me dire "arrêtez de commenter les faits,
10:32 "que proposez-vous ?" J'avais l'impression
10:34 de voir des choses que les autres ne voyaient pas.
10:37 Quand on parlait des services publics,
10:39 je leur disais qu'il fallait les sauver,
10:42 pas dire -500 000 fonctionnaires.
10:44 Au contraire, on manquait de fonctionnaires
10:46 à la bonne place.
10:47 -Vous avez été élu à l'Assemblée en 2022.
10:50 Vous avez expliqué que vous étiez prêt à travailler
10:52 avec Emmanuel Macron. Ca a été interprété
10:55 comme une proposition de ralliement.
10:57 Qu'est-ce qu'il en était ?
10:59 -Vous l'avez dit, mais je le rappelle,
11:01 j'ai été 10 ans député européen il y a quelques années.
11:04 Au Parlement européen, il n'y a pas de majorité absolue.
11:07 Qu'est-ce qui se passe là-bas ? On fait des alliances en permanence.
11:11 Il n'y a pas de majorité. On dit qu'il y a une majorité relative.
11:14 Mais ça ne signifie pas de majorité.
11:16 Comme il n'y a pas de majorité, dans toutes les démocraties,
11:20 on fait des alliances politiques.
11:22 C'est pas votre programme, c'est plus mon programme.
11:25 -Rejoindre Emmanuel Macron, c'est trouver un accord politique.
11:28 -Un accord politique.
11:29 J'avais assisté à l'accord politique
11:32 entre les socialistes et la CDU, la droite, en Allemagne, à l'époque,
11:35 où ni l'un ni l'autre n'avait de majorité.
11:38 Ils s'étaient mis autour de la table,
11:40 ils avaient écrit un programme, ça avait pris 3 mois,
11:43 et ils s'étaient mis d'accord. Je crois qu'il fallait le faire.
11:46 Je regrette qu'Emmanuel Macron n'ait pas saisi l'occasion
11:49 de changer le fonctionnement de la Ve République
11:52 et de remettre un peu de Parlement dans le système.
11:55 -On va passer à notre quiz. Je vous explique le principe.
11:58 Vous allez devoir compléter les phrases que je vais vous proposer.
12:02 Il faut savoir que les Corses...
12:04 -Ce sont des gens qui ont beaucoup de courage
12:08 et qui sont fiers de ce qu'ils sont,
12:10 et que je fais partie d'eux.
12:13 -Un homme politique qui ne lit pas ?
12:16 -C'est un homme politique, d'abord, qui ne peut pas écrire.
12:19 Ceux qui écrivent des livres sans avoir lu,
12:22 c'est qu'ils n'ont pas écrit eux-mêmes leurs livres.
12:25 S'ils ne lisent pas, ils ne savent pas,
12:27 ils pensent que la France est une page blanche.
12:30 -Enfin, quand je retrouve Jude Law le soir chez moi.
12:33 -Jude Law, c'est mon chat.
12:35 -Voilà. -Voilà.
12:36 -Il a choisi son nom ?
12:38 -C'était les enfants. C'est compliqué comme nom.
12:41 Eh bien, Jude...
12:42 J'en ai d'autres. J'ai un deuxième chat,
12:45 j'ai même un chien, un golden retriever.
12:47 J'aime les animaux,
12:51 et je suis même à l'origine d'une proposition de loi récente,
12:54 un amendement qui a été adopté par l'Assemblée
12:57 qui permettrait à chacun, quand vous êtes hospitalisé en EHPAD,
13:00 de vivre avec votre chat et votre chien.
13:02 Le chien et le chat, c'est la compagnie
13:05 des gens qui n'ont pas de compagnie.
13:07 -Merci, Philippe Juvin, d'avoir été l'invité de La Politique.
13:10 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
13:14 Générique
13:16 ...
13:27 [Musique]

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