Le documentaire "Jacques Chirac, l'Homme Qui ne Voulait pas être Président" diffusé dans l'émission "Un Jour, une Histoire" retrace le parcours de l'ancien président français, de son adolescence à sa mort.
Le film explore les différentes facettes de sa personnalité:
Son ambition politique:
Dès son plus jeune âge, Jacques Chirac est fasciné par la politique. Il rêve de devenir Premier ministre, mais il n'a jamais vraiment souhaité être président.
Son pragmatisme:
Chirac est un homme pragmatique qui sait s'adapter aux situations et aux changements. Il n'hésite pas à changer d'avis ou de positionnement politique lorsqu'il le juge nécessaire.
Son humanisme:
Malgré son image d'homme autoritaire, Chirac est un homme profondément humain et sensible. Il est très attaché à sa famille et à ses amis.
Ses contradictions:
Chirac est un personnage complexe et contradictoire. Il peut être à la fois charmeur et arrogant, généreux et impitoyable.
Le film s'appuie sur des témoignages de proches, d'amis et d'adversaires politiques de Chirac.
Il offre une vision intime et inédite de l'un des hommes politiques français les plus marquants du XXe siècle.
Le film explore les différentes facettes de sa personnalité:
Son ambition politique:
Dès son plus jeune âge, Jacques Chirac est fasciné par la politique. Il rêve de devenir Premier ministre, mais il n'a jamais vraiment souhaité être président.
Son pragmatisme:
Chirac est un homme pragmatique qui sait s'adapter aux situations et aux changements. Il n'hésite pas à changer d'avis ou de positionnement politique lorsqu'il le juge nécessaire.
Son humanisme:
Malgré son image d'homme autoritaire, Chirac est un homme profondément humain et sensible. Il est très attaché à sa famille et à ses amis.
Ses contradictions:
Chirac est un personnage complexe et contradictoire. Il peut être à la fois charmeur et arrogant, généreux et impitoyable.
Le film s'appuie sur des témoignages de proches, d'amis et d'adversaires politiques de Chirac.
Il offre une vision intime et inédite de l'un des hommes politiques français les plus marquants du XXe siècle.
Catégorie
📺
TVTranscription
00:00:00 [Musique]
00:00:14 Vive la République ! Vive la France !
00:00:17 [Musique]
00:00:21 On lit comme ça, ça rose. Effectivement, Madame Pommier, vous nous mettrez un peu de champagne.
00:00:24 Ah !
00:00:25 [Musique]
00:00:27 Vous avez une activité débordante, surtout en période d'électorat, maintenant.
00:00:30 Vous avez vraiment une énergie extraordinaire.
00:00:32 Comment faites-vous pour résister physiquement ?
00:00:34 Je m'arrange. Je suis le gros mangeur.
00:00:37 On vous présente comme un jeune loup, mais il est dû également à un moment du retard, Monsieur Chirac.
00:00:42 Vous raisonnez que comme il y a 40 ans...
00:00:44 Je vais entendre ça de la bouche d'un léministe, je trouve que ça ne manque pas de souci.
00:00:49 Comme il y a 40 ans...
00:00:51 [Musique]
00:00:53 Vous n'avez pas d'état d'âme ?
00:00:54 Je n'ai pas d'état d'âme. Je ne suis pas quelqu'un qui ait des états d'âme.
00:00:57 Vous êtes un patente, comme on dit, un homme d'action. Vous n'avez jamais de doute ?
00:01:00 Ah ! Si, si. Les hommes ont des doutes, ou alors ce sont des irresponsables.
00:01:05 [Musique]
00:01:08 Ce soir, je ne suis pas le Premier ministre, et vous n'êtes pas le Président de la République.
00:01:15 Nous sommes deux candidats à égalité.
00:01:19 [Musique]
00:01:31 Moi, pour le moment, je garde ma voiture.
00:01:33 Tu gardes ta voiture ? Alors, on se retrouve où, là ?
00:01:35 On se retrouve, alors, à bord, alors.
00:01:37 On se retrouve où, là ?
00:01:38 Bon, Annie, on se retrouve où ?
00:01:40 À bord.
00:01:41 À bord ? Vous venez à bord, Georges ? Alors, je vous donnerai la lettre.
00:01:44 [Musique]
00:01:57 Chez moi, en Caresse, il y a des pommiers qui sont des pommiers qui ne sont pas de très grande qualité, il faut bien le reconnaître.
00:02:03 Et on fait des pommes pour faire un petit cidre, qu'il n'a pas non plus de grande prétention, mais que j'aime bien.
00:02:09 [Musique]
00:02:12 Le Pays de l'Irak, cette année, a paru très affaibli.
00:02:15 L'ancien Président avait beaucoup de mal à s'y mouvoir, et même à s'asseoir.
00:02:19 [Musique]
00:02:20 Vous avez encore comme problème. Je commence à en avoir assez.
00:02:23 What do you want ? Me to go back to my plane and go back to France ?
00:02:27 Is that what you want ? Then let them go. Let them do.
00:02:31 [Musique]
00:02:44 Qui était Jacques Chirac ? Qui peut réellement répondre à cette question ?
00:02:48 Ceux qui l'ont suivi durant 40 ans de vie politique, ses proches, ses adversaires, ont certes été les témoins de beaucoup de choses,
00:02:54 mais tous avouent qu'il est resté et restera donc un mystère, une énigme.
00:02:58 L'ambition politique a finalement guidé son parcours, accaparé son temps et son énergie.
00:03:03 On peut toutefois aujourd'hui se demander si cette soif de pouvoir était son désir profond.
00:03:07 Jacques Chirac n'est-il pas passé à côté de la vie qu'il rêvait d'avoir ?
00:03:11 C'est ce roman que vous allez suivre ce soir, fait de coups, de conquêtes, de volte-face, de séduction, de blessures.
00:03:17 Celui d'un homme qui n'a cessé de brouiller les pistes, acceptant la caricature, utilisant ce masque, puis un autre, pour se protéger.
00:03:25 Il ne s'arrêtera jamais de peur de se retrouver face à lui-même, face à ce personnage qu'il se construisait et qu'il n'aimait peut-être pas.
00:03:32 Il était persuadé qu'il allait très vite tomber dans l'oubli, mais les dernières années de sa vie seront étrangement celles d'une incroyable popularité teintée de nostalgie, d'une époque politique révolue.
00:03:43 Revenons maintenant quelques temps en arrière. Jacques Chirac a longtemps été un fauve que tous croyaient inébranlable,
00:03:49 jusqu'à ce jour de septembre 2005, qui va marquer un tournant dans la vie de cet homme, un événement inattendu qui signe en quelque sorte le début de son crépuscule.
00:04:00 C'est une journée qui, pour nous tous, est une journée à priori tout à fait normale.
00:04:17 On voit Jacques Chirac évidemment régulièrement dans la journée.
00:04:20 Ce 2 septembre 2005, un seul rendez-vous officiel figure à l'agenda. La réception des représentants de la Principauté d'Andorre.
00:04:34 À 17h15, dans la salle des fêtes, le président entame la lecture de son discours.
00:04:40 Monsieur le syndic général, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les ambassadeurs, accrédités en Andorre.
00:04:51 Très vite, le chef de l'État paraît perdu.
00:04:55 Cet étonnant petit pays incarne une des plus belles traditions de l'aventure humaine.
00:05:09 On se rend compte effectivement qu'il sort de son texte complètement, c'est assez rare chez lui.
00:05:17 Non seulement Andorre a maintenu sa capacité de développement.
00:05:26 Jacques Chirac ne parle que 5 minutes au lieu du quart d'heure prévu.
00:05:30 Pour son auditoire, il parvient pourtant à faire illusion.
00:05:34 Moi je me suis rendu compte de rien.
00:05:39 Vous savez, que ce soit sur le plan physique ou sur le plan psychologique, Jacques Chirac c'est un sphinx.
00:05:46 Bonjour monsieur, je salue les autorités andorraines.
00:05:50 Bonjour monsieur le madame.
00:05:52 Il s'attarde un petit peu, pas autant que d'habitude effectivement, mais il s'attarde un petit peu à saluer les uns et les autres et il repart dans son bureau.
00:06:00 On se dit, ben voilà, il y a peut-être un rendez-vous téléphonique international qui n'était pas prévu à l'agenda.
00:06:06 En réalité, c'est son épouse en déplacement en province que le président appelle.
00:06:13 Il m'a dit, je ne sais pas ce que j'ai, mais je lis, mais je ne comprends plus ce que je lis.
00:06:20 Alors je lui ai dit, tout de suite à l'hôpital, immédiatement à l'hôpital.
00:06:26 Comme Bernadette Chirac, le médecin de l'Elysée comprend que la situation est très inquiétante.
00:06:32 En toute discrétion, accompagnée d'un seul gendarme, le chef de l'état est aussitôt conduit au Val-de-Grâce.
00:06:40 Il attendait pour avoir son scanner et me voit arriver et il dit, oh, madame le professeur, il doit y avoir quelqu'un d'important ici pour que vous vous dérangez.
00:06:49 Les résultats du scanner révèlent que Jacques Chirac a subi un hématome intracérébrale gauche, autrement dit un accident vasculaire cérébral.
00:06:58 Il doit rester sous surveillance à l'hôpital.
00:07:03 Un téléphone pour me dire, bon, là, je ne me tue plus pas, il faudra sans doute que je reste une nuit à l'hôpital.
00:07:08 Mais bon, non, non, non, non, non, viens pas ce soir.
00:07:11 Non, non, genre là, je veux pas qu'on me foute la paix.
00:07:14 Je préfère me coucher.
00:07:16 Et puis tu n'as qu'à venir demain matin.
00:07:18 Rien de ces échanges ne m'alerte, ne m'inquiète, ne me tracasse.
00:07:28 Le président minimise cet accident qui aurait pu lui être fatal.
00:07:31 Un scénario sombre qu'il avait étrangement envisagé depuis quelque temps déjà.
00:07:36 Chirac disait toujours, je mourrai comme mon père à 70 ans d'une attaque.
00:07:41 J'ai toujours entendu ça.
00:07:43 De toute façon, moi, je mourrai à 70 ans.
00:07:49 On peut considérer que le destin aurait pu être effectivement celui-là.
00:07:56 Ça aurait été cohérent avec ce qu'il a toujours pensé.
00:07:59 À 11 heures, un communiqué officiel des médecins du Val-de-Grâce est adressé à la presse.
00:08:13 Un texte de l'hôpital, un texte de l'hôpital, un texte de l'hôpital, un texte de l'hôpital,
00:08:18 un texte visé par sa conseillère en communication, Claude Chirac,
00:08:21 dont les termes exacts sont repris par le Premier ministre quelques instants plus tard.
00:08:25 J'ai eu longuement ce matin le président de la République au téléphone.
00:08:30 Comme vous le savez, il a eu hier soir un petit accident vasculaire
00:08:36 ayant entraîné un léger trouble de la vue.
00:08:40 On parle de petit pépin de santé, de léger trouble de la vision.
00:08:44 On ne parle jamais d'un accident vasculaire cérébral.
00:08:48 Le mot "cérébral" n'est jamais inscrit dans les communiqués.
00:08:51 On ne veut pas dire aux Français qu'il s'est passé quelque chose dans le cerveau de Jacques Chirac.
00:08:55 C'est pourtant le cas, parce que ça inquiète. C'est un mot qui fait peur, le mot "cerveau", "cérébral".
00:09:00 Malgré la version officielle, l'époque n'est plus au secret, au non-dit.
00:09:04 Dans la classe politique, on s'interroge déjà sur l'état de santé réel du chef de l'État.
00:09:09 On apprend qu'il y a un pépin de santé. Mais qu'est-ce que c'est exactement ?
00:09:13 Quelles sont les conséquences ? Comment est-ce que le président de la République va s'en remettre ?
00:09:16 Tout au long de la semaine qui suit, les bulletins se veulent tous sans surprise, rassurants.
00:09:21 Mais il est impossible de voir ou d'entendre Jacques Chirac.
00:09:24 Il est contraint au silence, tenu à distance.
00:09:28 Il est enfermé dans cette petite chambre comme un lion en cage. Il n'en peut plus.
00:09:33 Un lion en cage, l'image est bien choisie pour cet animal politique.
00:09:39 Combattant tout le temps, tueur souvent, doté d'un appétit féroce de conquête.
00:09:44 Mais alors, d'où lui vient tout cela ?
00:09:47 Cette confiance, ce sentiment de surpuissance, remonte à l'enfance.
00:09:53 J'ai été un enfant plutôt gâté.
00:09:58 Ma mère disait toujours "je ne peux pas m'acheter de chapeau parce que...
00:10:06 ...je n'ai pas l'argent pour acheter des chapeaux".
00:10:09 Je lui donnais Jacques, qui n'arrête pas de dépenser.
00:10:11 Un enfant gâté, mais ce que n'a jamais réellement évoqué Jacques,
00:10:15 fils unique d'Abel François et de Marie-Louise Chirac,
00:10:18 c'est que cette adoration maternelle est liée à une disparition.
00:10:22 Il avait eu une sœur, à peu près une dizaine d'années avant,
00:10:28 qui est morte dramatiquement, cette petite fille qui s'appelait Jacqueline.
00:10:34 Mes beaux-parents avaient décidé qu'ils n'auraient plus jamais d'enfant.
00:10:37 Et c'est pour ça que, lorsque Jacques est arrivé, ça a été l'enfant du miracle.
00:10:46 Et ça explique en partie qu'il ait été abominablement gâté petit.
00:10:51 Les attentions de cette mère au foyer, excessivement protectrice,
00:10:55 ne cessent pas quand il grandit.
00:11:00 Quand il rentrait du lycée, il trouvait dans son bureau, là où il allait se mettre au travail,
00:11:05 une assiette avec une sucette, le papier ôté,
00:11:10 pour qu'il n'ait pas la peine de l'ouvrir avant de s'en servir.
00:11:15 Il a été un enfant adoré et ça, c'est une force extraordinaire.
00:11:20 Quand vous l'avez été, vous ne doutez plus de rien.
00:11:23 Protégé, choyé, mais très vite va naître une soif de liberté.
00:11:29 Une volonté de s'affranchir des conventions bourgeoises de sa famille.
00:11:33 Quand il part à l'école, sa mère l'oblige évidemment à mettre des chaussures.
00:11:42 Quand il est à quelques dizaines de mètres de la maison, il enlève ses chaussures et dans Paris, il est pieds nus.
00:11:49 C'est vraiment l'enfant rebelle à ce moment-là.
00:11:52 À l'adolescence, ce goût de la liberté s'affirme un peu plus encore.
00:11:58 Jacques Chirac fait l'école buissonnière pour se réfugier dans un lieu qui le fascine.
00:12:03 Le musée Guimet, un musée dédié aux arts asiatiques.
00:12:07 Il découvre véritablement l'ailleurs.
00:12:14 Il est complètement attiré par les statuettes, par tous les objets d'Asie.
00:12:26 Son chemin est devenu la route de la soie et le chemin de Bouddha.
00:12:31 Cette passion de l'Asie en général, et de l'Inde en particulier, lui donne envie d'apprendre le sanscrit.
00:12:43 Un conservateur du musée Guimet lui communique alors l'adresse d'un vieux professeur.
00:12:51 Je suis allé dans le symphon du 13e arrondissement.
00:12:54 Et j'ai trouvé dans une soupante misérable un homme très digne, qui avait fait un peu tous les métiers.
00:13:07 Et il a commencé à apprendre le sanscrit.
00:13:10 Cet homme cultivé, lettré, installé dans cette chambre modeste, répond au nom de Vladimir Belanovitch.
00:13:18 Issu d'une grande famille, il est arrivé de Russie après la révolution d'octobre 1917.
00:13:23 Alors au bout d'un mois il m'a dit "écoute, premièrement tu n'es pas doué, et deuxièmement ça ne sert à rien si tu perds intégralement ton temps.
00:13:37 Alors si tu veux absolument apprendre une langue étrangère, tu ferais mieux d'apprendre le russe, parce que ça sera plus utile.
00:13:47 Une amitié extraordinaire s'est nouée entre ces deux hommes.
00:13:50 Et Belanovitch va même s'installer chez les Chirac.
00:13:53 Il transmet à son jeune élève le goût de la littérature russe, au point de lui lancer le défi à 20 ans de traduire Pouchkine.
00:14:01 Il restera à jamais une figure marquante de la vie de Jacques Chirac.
00:14:07 Les infos avec Sophia Ersimol, bonjour.
00:14:15 Bonjour, le Val-de-Grâce a annoncé il y a moins d'une heure la sortie d'hôpital de Jacques Chirac en fin de matinée.
00:14:20 Nous sommes le 9 septembre 2005, cela fait une semaine que le président de la République est invisible.
00:14:27 Sa sortie de l'hôpital est donc un moment très attendu.
00:14:30 Le service de presse de l'Elysée a précisé qu'on verra le chef de l'État, sa sortie s'exprimera devant la presse.
00:14:40 Alors là la mise en scène était extraordinaire, il y avait un clap, un clap de début, c'était une scène de cinéma.
00:14:48 Le président, accompagné de son épouse, s'avance, alerte et souriant, jusqu'aux dizaines de journalistes bloqués derrière les barrières de l'entrée de l'hôpital.
00:15:09 - Bonjour Monsieur le Président, Madame.
00:15:11 Voilà pour l'image maîtrisée, à laquelle il faut ajouter maintenant quelques mots, un message en apparence improvisé.
00:15:20 - Alors je voudrais tout d'abord vous remercier d'être ici.
00:15:26 - Vous savez très exactement les raisons qui m'ont conduit à passer une semaine à l'hôpital, je n'y reviendrai pas.
00:15:34 Après avoir fait l'éloge de l'hôpital pendant trois minutes, Jacques Chirac la voit quelque peu enrouée, termine sa déclaration par une pirouette dont il a l'habitude.
00:15:42 - Pour ne rien vous cacher, c'est mon dernier mot, pour ne rien vous cacher, je commençais à avoir hâte de sortir.
00:15:50 - Ça c'est un fait, je commençais à trouver le temps long, surtout à l'heure du déjeuner, que je suis très content maintenant d'aller pour.
00:15:59 - Monsieur le Président, Monsieur le Président.
00:16:02 - Monsieur le Président.
00:16:04 - On n'a pas eu le sentiment qu'il avait été très malade et qu'il avait peut-être échappé au pire, ça on ne l'a pas su.
00:16:15 Dès le lendemain de la sortie de l'hôpital, l'Elysée veut faire passer un message, le chef de l'Etat est de retour aux affaires.
00:16:29 Et la première image le montre au travail avec son Premier ministre en plein week-end.
00:16:33 Un retour à l'anormal en apparence, car après cet accident, quelque chose en Jacques Chirac a réellement changé.
00:16:41 En fait, le Président a gardé des séquelles de son AVC.
00:16:50 D'abord un champ de vision rétréci, mais aussi une forme d'épuisement.
00:16:56 Après un petit accident comme il a eu, en général il y a une grande fatigue, parce que d'abord il y a eu les examens, l'hospitalisation, l'anxiété, même si on ne l'a pas exprimé.
00:17:05 Donc il faut un temps de récupération, oui, c'est extrêmement important.
00:17:08 Il a fallu quand même freiner un peu son agenda, parce qu'il avait beaucoup de déplacements de prévu, des choses comme ça et des choses qui ont été reportées un peu à plus tard.
00:17:16 Il avait des emplois du temps qui étaient plus espacés, plus aérés, il se reposait davantage.
00:17:23 Sur l'agenda officiel de l'automne 2005, il apparaît que Jacques Chirac s'astreint à une pause régulière après le déjeuner.
00:17:30 Il faisait la sieste à partir de ce moment-là, après son retour, il faisait la sieste à peu près tous les jours.
00:17:37 Et puis il y a toute une série de choses, de tâches qu'il déléguait et qu'il n'assumait plus.
00:17:43 Autre élément, sur recommandation de ses médecins, le chef de l'État a interdiction de prendre l'avion pendant un mois et demi.
00:17:51 Alors, au lieu de se rendre à Rome, c'est Silvio Berlusconi qui vient à lui.
00:17:56 Et c'est d'un pas manifestement hésitant, vérifiant chaque marche, qu'il vient l'accueillir.
00:18:16 Je voudrais tout d'abord remercier chaleureusement le président du Conseil, mon ami Silvio Berlusconi,
00:18:25 qui a bien voulu changer le protocole qui aurait normalement exigé que j'aille à Rome,
00:18:35 et qui a accepté de venir ici, à Paris, pour m'éviter de prendre l'avion.
00:18:43 Je le remercie chaleureusement.
00:18:46 Ce n'est qu'après six semaines de convalescence que le chef de l'État peut théoriquement reprendre un rythme normal.
00:18:53 Mais en a-t-il réellement la force, et peut-être même l'envie ?
00:18:59 J'ai senti chez le président de la République une certaine lassitude, une certaine distance.
00:19:05 Il exerçait son job avec quelque chose de plus mécanique.
00:19:10 Alors c'est peut-être le vieillissement, c'est peut-être le fait que ça touchait à sa faim.
00:19:15 Il n'y avait plus d'entrain.
00:19:18 Beaucoup de tristesse. Que fais-je ? Où vais-je ? A quoi ça a servi tout ça ?
00:19:28 Je ne retrouvais plus grand-chose dans le comportement d'homme public du Chirac que j'ai connu il y a 40 ans.
00:19:37 C'était lui et plus lui.
00:19:40 19 mois avant la prochaine présidentielle, le président peut-il laisser apparaître une perte d'autorité ?
00:19:46 Sa fille Claude va tenter de masquer ses faiblesses.
00:19:50 Il y avait une volonté de maîtriser la communication et de la verrouiller d'une certaine manière.
00:19:58 On ne pouvait jamais avoir accès à lui sans passer par Claude.
00:20:03 Claude, c'était un peu le passage obligé.
00:20:07 De la part de Claude Chirac, il y a eu une volonté de le protéger et peut-être d'ailleurs de l'isoler.
00:20:14 Mais à trop vouloir le protéger, la conseillère en communication creuse le détachement du président.
00:20:20 L'opinion ne va pas tarder à s'en rendre compte, à la lumière d'une affaire tragique.
00:20:26 C'est l'information de la nuit, deux jeunes sont morts électrocutés hier soir à un cliché sous bois en Seine-Saint-Denis.
00:20:31 Des bandes de jeunes en colère ont ensuite pris les pompiers pour cible.
00:20:35 La mort de ces deux adolescents poursuivie par la police à cliché sous bois déclenche une vague d'émeutes dans les banlieues françaises.
00:20:41 Preuve venue de violence en région parisienne, la sixième consécutive.
00:20:44 Dans les jours qui suivent, l'état d'urgence est décrété.
00:20:47 Le Premier ministre Dominique de Villepin et le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy font face à une crise qui s'installe.
00:20:54 Hier soir, 29 personnes ont été interpellées.
00:20:57 177 véhicules brûlés, 4 policiers et 2 pompiers blessés.
00:21:01 Il y a eu 4 tirs à balles réelles. C'est le sentiment que la situation empile.
00:21:05 Malgré la situation, le président reste étrangement en retrait.
00:21:09 On est aussi étonnés un peu du silence de Jacques Chirac.
00:21:12 Il est intervenu en Conseil des ministres, mais où est le président de la République ?
00:21:15 Près de trois semaines après le déclenchement de la crise, Jacques Chirac finit par réapparaître, le 14 novembre 2005.
00:21:22 Il y a 18 jours tout juste que la France est secouée par les violences urbaines,
00:21:27 et certaines voix se sont étonnées de la relative discrétion du chef de l'État.
00:21:33 Voici donc cette allocution. Nous rejoignons l'Élysée Jacques Chirac dans quelques secondes.
00:21:38 Mes chers compatriotes, les événements que nous venons de vivre sont graves.
00:21:46 La première chose qui frappe les téléspectateurs, c'est un détail visuel.
00:21:51 Pour la première fois depuis plusieurs années, le chef de l'État porte des lunettes.
00:21:56 On observe qu'il a plus de difficultés à lire, alors donc ses discours seront écrits en lettres beaucoup plus épaisses.
00:22:03 Et je veux dire aux enfants des quartiers difficiles, quelles que soient leurs origines,
00:22:11 qu'ils sont tous les filles et les fils de la République.
00:22:18 On l'a trop attendu. Lorsque Chirac parle, même si ce discours est très bon,
00:22:25 je me rappelle l'éditorialiste du New York Times l'a surnommé l'homme invisible.
00:22:30 Et vous pouvez compter sur ma détermination. Vive la République et vive la France.
00:22:36 Un homme invisible qui est aussi devenu un populaire.
00:22:44 En avril 2006, Jacques Chirac ne recueille que 25% d'opinions favorables.
00:22:49 La vérité c'est que tout se préparait dans l'ombre pour l'organisation de 2007, pour ou contre Sarkozy.
00:22:59 Mais Chirac n'était plus tout à fait dans le jeu.
00:23:01 Pourtant, sa fille et son entourage ne semblent pas vouloir abdiquer.
00:23:06 Claude, comme nous tous d'ailleurs, souhaitions vraiment que Jacques Chirac puisse se représenter.
00:23:13 Il y a un lien indéfectible, irrationnel, passionnel.
00:23:18 Et donc c'est son père, son héros, l'homme qu'elle admire le plus au monde.
00:23:24 Et elle veut savoir où il en est.
00:23:26 C'est dans ce contexte qu'elle commande une série de sondages qualitatifs.
00:23:30 Un panel de Français est invité à parler librement du président.
00:23:34 Et ils ignorent que derrière une glace sans teint, la propre fille du chef de l'État les écoute.
00:23:40 Le résultat est catastrophique. Il y a des images qui viennent, qui sont souvent très dures.
00:23:46 C'est le vautour, il se cache pour mourir, enfin des choses qui sont assez horribles à entendre.
00:23:51 Claude, elle est totalement livide d'entendre ça.
00:23:56 Évidemment, ça met par terre tout ce qu'elle a si soigneusement construit.
00:24:01 Quelque part, la page était en train de se tourner. Et donc les regards étaient posés ailleurs.
00:24:06 Parce que forcément, l'avenir n'était plus Jacques Chirac.
00:24:11 Claude va épargner à son père les résultats de cette enquête d'opinion.
00:24:15 Qui restera totalement secrète.
00:24:17 Un secret qui peut paraître dérisoire.
00:24:21 Car au fond de lui, Chirac semble déjà ailleurs.
00:24:25 Loin des enjeux politiques.
00:24:31 On sent qu'au fond, plus le temps passe, plus il se réserve pour l'essentiel.
00:24:38 Enfin, pour ce qui est essentiel pour lui, pour ses fondamentaux.
00:24:41 Et une date justement, dans son agenda, lui paraît fondamentale.
00:24:46 Ce n'est pas un sommet intérieur, une réforme clé, une rencontre internationale, rien de tout cela.
00:24:52 Le 20 juin 2006, il se rend à l'inauguration du musée du Quai Branly.
00:24:57 Son musée. L'aboutissement d'une passion née 60 ans plus tôt au musée Guimet.
00:25:03 Le Quai Branly, c'est son truc. On a l'impression qu'il est venu comme président pour faire les impremiers.
00:25:09 C'est sa passion.
00:25:11 Pour cette journée si symbolique, Jacques Chirac a tenu à choisir lui-même ses invités.
00:25:25 L'idée que l'inauguration serait faite par lui et Kofi Annan, qui était à l'époque le secrétaire général de l'ONU,
00:25:31 et plus quatre ou cinq personnalités que, dit Jacques Chirac, je vais choisir,
00:25:36 parce que ce sont des gens que j'aime et dont on ne parle pas très souvent.
00:25:40 Parmi ces personnalités, son ami Rigoberta Menchú, prix Nobel de la paix,
00:25:50 qui se bat pour les droits des peuples autochtones.
00:25:54 Jacques Chirac, c'est quelqu'un qui est très relativiste.
00:25:56 C'est-à-dire qu'il n'est pas du tout dans l'idée de dire "Nous, Occident, on a raison,
00:26:00 notre système de valeurs, c'est le seul possible, et nos cultures sont inouïes et très supérieures à tout le reste".
00:26:07 Je dirais que c'est presque le contraire.
00:26:15 Il a des termes très durs pour expliquer le mal qu'a fait l'Occident à toutes les autres cultures.
00:26:23 Dès qu'il parle de ces questions-là, c'est un véritable militant.
00:26:29 - Il y a plus d'énergie, Rigoberta.
00:26:31 - Il n'y a plus d'énergie ?
00:26:33 - Vous pouvez sentir s'il y a encore de l'énergie ou non ?
00:26:38 - Il n'y a pas d'énergie ?
00:26:40 - Non, je ne sens pas du tout.
00:26:42 En tous les cas, il y en a peut-être encore un peu.
00:26:44 Il y a peut-être une petite partie.
00:26:47 - Il y a une petite partie ?
00:26:49 - Oui, il y a une petite partie.
00:26:51 - Il y a une petite partie ?
00:26:53 - Oui, il y a une petite partie.
00:26:55 - Il y a peut-être encore un peu.
00:26:58 Il y a peut-être des oeufs où il y a de l'énergie.
00:27:00 Mais là, pour l'instant, il n'y en a pas du tout.
00:27:02 Il a envie de comprendre comment ça peut fonctionner dans un autre esprit
00:27:10 et donc à quoi pensaient les gens qui ont produit ces oeuvres.
00:27:13 Je crois que c'est ça qui l'intéresse.
00:27:15 Chacune des petites statuettes était capable de nous dire pratiquement pourquoi, comment elle avait été taillée,
00:27:24 quelle était sa vocation, l'espérance qu'elle portait en elle.
00:27:27 C'est un homme qui est profondément spirituel
00:27:34 parce qu'il a trouvé du sens à un objet qui, pour vous, va paraître anodin.
00:27:39 Pour lui, tout ce qui nous permet de nous élever, d'étudier, de comprendre les autres, c'est spirituel.
00:27:44 Avec ce musée, Jacques Chirac révèle au grand public une partie de sa vérité
00:27:49 qu'il s'était pourtant obstiné à cacher.
00:27:52 Un jardin secret qu'il cultive et qui est en partie contenu depuis des années dans ce cartable noir.
00:27:59 Personne ne savait ce qu'il y avait dedans.
00:28:02 Il le transportait à chaque conférence internationale.
00:28:11 Où dit-il ? Il s'emmerdait beaucoup.
00:28:14 C'était des fiches du CNRS, c'était des fiches d'archéologues, c'était des fiches d'anthropologues.
00:28:21 Tout ce qu'il passionnait.
00:28:23 Des fiches, des chronologies de l'histoire de l'humanité
00:28:28 qui concentrent les questions essentielles pour Jacques Chirac.
00:28:32 D'où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ?
00:28:36 Je l'ai vu à un sommet de l'OTAN, dans cette salle où vous avez tous les chefs de l'État
00:28:44 qui sont assis en rond autour d'une table
00:28:46 et qui débattent par définition de la guerre et de la paix.
00:28:49 Donc de sujets majeurs.
00:28:51 Et en fait, il était plongé dans un livre d'art inuit.
00:28:57 Tout ce qu'il regardait, c'était une statue d'un ours polaire absolument magnifique, en pierre verte.
00:29:04 Il était totalement absorbé par la contemplation de cet ours en pierre verte.
00:29:08 Il se plongeait entièrement dans ses ouvrages.
00:29:11 Et alors là, il était dans sa bulle. Là, personne ne pouvait le déranger.
00:29:16 Et pour mieux préserver cette bulle, Jacques Chirac, depuis 40 ans, a entretenu une image.
00:29:22 Il a accepté de garder un masque, celui de la caricature.
00:29:25 Je suis fasciné quand on dit "Chirac n'aime que les sandwiches, la bière, les westerns, Coca-Cola".
00:29:34 Oui, c'est une image qu'il a un peu contribué à construire.
00:29:40 Il va vous faire croire qu'il est un peu le roi des cons. Il adore passer pour un con.
00:29:45 Ça l'amusait beaucoup. On l'a fait passer pour un ignare, un primate qui ne connaissait pas grand-chose,
00:29:50 en dehors de l'accordéon, de la musique militaire.
00:29:52 Il y a une très belle phrase de Malraux, qui je trouve s'applique très bien à Chirac.
00:29:57 "L'homme est ce qu'il cache, or Chirac cache."
00:30:02 Je n'ai jamais beaucoup aimé qu'on vienne piétiner la bande de mes jardins personnels.
00:30:09 Chirac n'a jamais voulu que l'on n'en sache plus sur lui.
00:30:15 D'ailleurs, était-il programmé pour la conquête du pouvoir et ses contraintes ?
00:30:19 Peut-être pas, finalement.
00:30:22 Sa quête de liberté de l'enfance se confirme à l'adolescence.
00:30:33 Après l'obtention du bac, il commet à 18 ans un nouvel acte de rébellion.
00:30:39 En juin 1950, il se fait embaucher comme pilotin sur un cargo, le capitaine Saint-Martin.
00:30:46 Il y a quelque chose de fantasque, déjà presque d'épique.
00:30:52 Il veut jouer le marin, il s'achète une pipe.
00:30:57 Il s'achète, comme on disait à l'époque, du gros cul, c'est-à-dire du tabac noir très très fort.
00:31:04 Évidemment, il est malade.
00:31:08 Il est en train de se faire dépucer.
00:31:10 C'est un moment grisant pour lui.
00:31:16 Il adore cette aventure-là, qui est aussi une forme d'initiation.
00:31:20 Poussée d'ailleurs jusqu'au fait qu'on va l'initier même d'un point de vue...
00:31:24 Enfin, il y aura un espèce de dépucelage finalement qui se passera en Afrique du Nord.
00:31:32 Donc, le Bosco va l'emmener dans la casse-batte, dans un bordel, se faire dépuceler.
00:31:37 Il a découvert la vie à ce moment-là.
00:31:41 Il a tout découvert à ce moment-là.
00:31:43 Il a découvert la fraternité.
00:31:45 Il a découvert l'aventure, l'espace, le grand large.
00:31:49 Mais l'aventure a une fin, et la liberté délimite.
00:31:53 En septembre 1950, Jacques Chirac rentre au port.
00:31:58 Et il est attendu par un homme.
00:32:01 "J'ai passé quelques mois rivante à Brest.
00:32:05 J'ai vu sur le port, sur le quai, une haute stature, car mon père était plus grand et plus fort que moi.
00:32:10 Une haute stature, j'étais là.
00:32:12 Et je me suis dit que les ennuis allaient commencer."
00:32:15 Son père l'attend sur le quai.
00:32:19 Il dit "en bref, ça suffit les bêtises", pour ne pas dire d'autres mots sans doute.
00:32:22 "Maintenant, il est temps de reprendre les études."
00:32:26 "C'était un homme immense, plus grand que mon mari, très autoritaire.
00:32:31 Et il a essayé d'élever son fils beaucoup plus sévèrement que ma belle-mère.
00:32:36 Ça, c'est pas douteux."
00:32:38 "Et Chirac obtempère, le jeune Chirac obtempère.
00:32:40 D'une certaine manière, il obtempère toujours.
00:32:42 Il va toujours être amené sur le chemin d'un fils de famille bourgeois.
00:32:50 Il va toujours être amené par son père, tout le temps."
00:32:53 Jacques Chirac obéit.
00:32:55 Il obéit à ce père autoritaire, conservateur, qui a de grandes ambitions pour lui.
00:33:01 En 1951, il intègre Sciences Po, mais politiquement, il s'oppose aux idées familiales.
00:33:07 Il se rapproche des étudiants d'extrême gauche.
00:33:09 Un peu plus tôt, il a même vendu l'Humanité Dimanche dans le 6e arrondissement de Paris.
00:33:15 "Il ne sera jamais membre du Parti Communiste.
00:33:17 Enfin, il était tout près du parti.
00:33:19 Il considérait que la SFIO, c'est-à-dire le parti socialiste de l'époque,
00:33:22 était quand même pas tout à fait assez à gauche."
00:33:25 Au sein de sa promotion, Jacques Chirac acquiert très vite un statut de leader,
00:33:31 notamment auprès des jeunes filles de bonne famille.
00:33:34 "C'était un très beau garçon, grand, mince, avec beaucoup de charme.
00:33:39 Il en usait, d'ailleurs.
00:33:41 Il aimait beaucoup fréquenter les jeunes filles, les plus charmantes et les plus agréables à regarder.
00:33:49 Enfin Jacques, vous comprenez, c'était un séducteur, quand même."
00:33:53 Dans notre groupe, nous étions tout autour de lui
00:33:57 et nous étions très heureuses d'avoir un chevalier servant aussi charmeur,
00:34:04 mais aussi différent et ce côté entreprenant, ce côté batailleur, nous fascinait.
00:34:14 "Toutes les filles couraient après lui.
00:34:17 Il était très, très demandé.
00:34:20 Je suppose qu'il faisait son choix parce qu'il en avait les moyens."
00:34:24 Parmi ses étudiantes, il en est une plus discrète et plus réservée que les autres.
00:34:29 Elle s'appelle Bernadette Chaudron de Courcel.
00:34:32 "C'était une jeune fille timide, pas du tout affirmée, en retrait.
00:34:40 Elle ne parle pas beaucoup, elle est timide,
00:34:44 elle ne parle pas beaucoup, elle a une timidité que l'on ne peut pas imaginer de nos jours.
00:34:50 Elle est l'inverse de Jacques Chirac qui a une faconde du midi."
00:34:57 "Jacques Chirac était assis en face de moi
00:35:03 et je ne comprenais pas pourquoi ce jeune homme agitait ses jambes sans arrêt sur la table.
00:35:09 Et je me disais, ça c'est un jeune homme qui doit boire énormément de café."
00:35:15 Jacques Chirac va à son tour repérer cette jeune femme,
00:35:18 alors qu'elle va vaincre pour une fois sa timidité
00:35:21 en choisissant de prendre le premier exposé de l'année.
00:35:24 "Comme j'étais la seule à lever le doigt pour le premier,
00:35:29 il a dû se dire, cette fille a un sacré culot.
00:35:32 Et en bibliothèque, quelques jours après, il s'approche de moi,
00:35:37 je regarde cette espèce de grand escrogrife qui était debout à côté de moi
00:35:41 et qui me dit, mademoiselle, j'ai observé que vous aviez pris les deux premiers exposés,
00:35:47 je suis en train de constituer un groupe de travail, est-ce que vous accepteriez ?
00:35:52 Et là, j'ai répondu, monsieur, ce sujet mérite réflexion.
00:35:59 Je vous donnerai une réponse ultérieurement."
00:36:02 Bernadette Chaudron de Courcel fait mine de réfléchir,
00:36:06 mais elle est déjà sous le charme de ses étudiants entreprenants et convoités.
00:36:10 "Elle me disait toujours, mais tout en jacques est grand, grand,
00:36:16 et sa taille, grande sont ses mains, grande sont ses pieds, 48."
00:36:20 Mais dans la famille Chaudron de Courcel,
00:36:23 la fréquentation de ce jeune homme sans particules n'est pas bien vue.
00:36:27 "Je me rappelle de mon grand-père de Courcel, qui m'avait convoqué dans son bureau,
00:36:32 un bon Courcel, et qui m'avait dit, dis-moi, ce garçon,
00:36:36 est-ce que ça n'est pas un espion soviétique ? Tu es sûr ?"
00:36:43 Malgré ses doutes, la jeune femme va réussir à l'imposer dans sa famille.
00:36:48 Elle est amoureuse de Jacques Chirac, au point parfois de se mettre à son service.
00:36:52 "Elle lui fait ses fiches, elle rapporte ses cours,
00:36:56 elle est son intermédiaire quand il n'est pas là pour les cours,
00:37:02 elle va les déposer, elle est sa petite main."
00:37:05 "Parfois, il trouvait aussi bien commode de lui demander, par exemple,
00:37:10 de lire un énorme livre en 18 volumes qu'il fallait résumer,
00:37:15 ou faire une fiche de lecture, et le pire dans cette affaire,
00:37:18 c'est que non seulement elle faisait sa fiche à lui, plus la sienne,
00:37:21 mais que lui avait une meilleure note qu'elle."
00:37:24 Car l'ancien lycéen nonchalant s'est transformé en excellent élève.
00:37:28 Deux ans après son entrée à Sciences Po,
00:37:31 ses professeurs voient en lui un étudiant d'une grande valeur, très intelligent.
00:37:35 L'un d'entre eux souligne même, en forme de prédiction, un étudiant d'avenir.
00:37:42 "C'était quand même quelqu'un qui, à 18 ans, était déjà follement doué,
00:37:50 d'une rapidité foudroyante."
00:37:54 Ses bons résultats lui offrent la possibilité de faire un séjour d'études aux Etats-Unis.
00:37:59 Trois ans après son escapade en cargo,
00:38:02 cette fois Jacques Chirac reprend la mer pour traverser l'Atlantique.
00:38:05 Il repart du Havre, accompagné de deux camarades.
00:38:09 Arrivé à Boston, pour financer ses cours,
00:38:13 il se fait rapidement embaucher à la plonge,
00:38:15 dans un fast-food de la chaîne Howard Johnson.
00:38:19 "Le patron du Howard Johnson a rapidement compris
00:38:22 qu'il avait intérêt à le faire monter à l'étage où il fabriquait les glaces.
00:38:27 Et alors là, il y avait une queue immense d'étudiants,
00:38:32 et surtout de jeunes filles, qui venaient chercher des glaces."
00:38:36 "J'avais fait ainsi la connaissance d'une charmante américaine
00:38:40 qui m'appelait Honeychild, ça veut dire enfant de miel, n'est-ce pas ?
00:38:47 C'était charmant, alors j'ai pas pu résister naturellement,
00:38:50 et je me suis fiancé."
00:38:51 "Il va tomber raide amoureux d'Ingres, d'une superbe fille
00:39:00 qui se balade en cadillac décapotable."
00:39:03 "Je ne sais pas exactement quels sont ses sentiments pour cette jeune fille,
00:39:09 mais je suppose qu'ils étaient beaucoup plus qu'amis."
00:39:12 La nouvelle des fiançailles avec cette jeune américaine
00:39:16 arrive bientôt à Paris.
00:39:18 "Et là, c'est un drame total.
00:39:20 Mes beaux-parents, ma belle-mère surtout, absolument furieuse et désespérée,
00:39:26 est venue dire à ma mère qu'elle recevait des lettres de son fils,
00:39:31 chéri, qui était aux Etats-Unis, et qui semble-t-il était en train de s'engager
00:39:36 avec une américaine.
00:39:38 Et au monde, elle ne voulait pas d'une belle-fille américaine.
00:39:42 C'était un fils unique.
00:39:45 Et mon parent voulait une française.
00:39:47 C'est comme ça."
00:39:48 "Comme sur le quai, quand le bateau est revenu,
00:39:53 c'est son père qui a dû lui signifier que maintenant il était temps de rentrer,
00:39:56 et que tout ça n'avait aucun sens, et que, voilà, Bernadette était là,
00:40:01 et qu'elle l'attendait, et que c'était là sa place."
00:40:03 "Il y a toujours eu un moment, finalement, où l'ordre l'attend dans sa vie,
00:40:06 et comme s'il en avait besoin."
00:40:08 "Je me suis dit que tout ça n'était pas raisonnable,
00:40:11 et j'ai donc rompu mes fiançailles, voilà.
00:40:14 Et je me suis refiancé après, en France, ce qui était plus raisonnable."
00:40:18 Plus raisonnable.
00:40:20 Chirac, tiraillé une nouvelle fois entre la liberté et la contrainte,
00:40:24 ne résiste pas à la pression familiale.
00:40:27 Le 17 mars 1956, trois ans après ses fiançailles,
00:40:31 c'est en tenue militaire qu'il épouse Bernadette Chaudron de Courcel, à Paris.
00:40:40 "Jacques Chirac, elle l'a eu, mais elle l'a eu envers et contre tous,
00:40:45 et envers et contre son mari même, parce que Jacques avait peut-être moins envie
00:40:52 de fonder une famille que Bernadette elle-même."
00:40:55 "À ce moment-là, ce mariage participe aussi de cette part d'ordre qu'il y a chez Chirac,
00:41:04 c'est-à-dire une façon non pas de lutter contre ce qu'il y a en lui de rebelle,
00:41:11 mais de faire contrepoids."
00:41:13 Avec Jacques Chirac, l'histoire se répète.
00:41:16 Il est rentré dans le rang.
00:41:18 Mais pas pour longtemps.
00:41:20 Dès le lendemain de la cérémonie, il part pour rejoindre l'Algérie en guerre.
00:41:25 "C'était déjà un signal, une manière de dire, voilà, la vie m'appelle ailleurs aussi."
00:41:29 "La phrase qui est revenue le plus souvent dans le vocabulaire de son mari,
00:41:34 dans le vocabulaire conjugal, c'est 'je file, je file, je file'."
00:41:37 Quatre ans après son retour d'Algérie, Jacques Chirac, tout jeune et narque,
00:41:43 amorce une nouvelle trajectoire.
00:41:45 Il devient conseiller du Premier ministre Georges Pompidou.
00:41:49 "Mon père était très mécontent.
00:41:51 Il avait dit 'cette affaire n'était pas dans le contrat de mariage'.
00:41:55 Qu'est-ce que c'est que ça ?"
00:41:58 Très vite, Bernadette Chirac va comprendre que le virus de la politique a été inoculé,
00:42:03 qu'il est là et qu'il restera là.
00:42:06 "Où est-ce qu'elle est, ma femme ? Comment ?
00:42:11 Bernadette, je crois que vraiment, on attend depuis un petit moment."
00:42:15 Elle va dès lors accompagner son mari dans la conquête du pouvoir,
00:42:18 supportant les défaites et acceptant les victoires.
00:42:23 "Je pensais que dans une vie plus classique,
00:42:26 Jacques Chirac restera à la cour des comptes,
00:42:29 fera une carrière à la cour des comptes,
00:42:31 et qu'elle verrait ses cousins,
00:42:33 qu'elle le ramènerait sans doute vers son milieu à elle.
00:42:36 Elle ne pensait pas du tout avoir cette vie."
00:42:38 "J'avais accepté un destin dont je savais qu'il serait quelquefois difficile à assumer.
00:42:45 Mais je l'avais accepté.
00:42:47 Et je ne l'ai jamais regretté."
00:42:51 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:42:53 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:42:55 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:42:57 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:42:59 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:01 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:03 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:05 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:07 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:09 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:11 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:13 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:15 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:17 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:19 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:21 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:23 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:25 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:27 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:29 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:31 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:33 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:35 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:37 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:39 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:41 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:43 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:45 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:47 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:49 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:51 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:53 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:55 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:57 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:43:59 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:01 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:03 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:05 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:07 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:09 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:11 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:13 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:15 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:17 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:19 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:21 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:23 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:25 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:27 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:29 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:31 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:33 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:35 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:37 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:39 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:41 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:43 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:45 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:47 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:49 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:51 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:53 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:55 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:57 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:44:59 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:01 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:03 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:05 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:07 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:09 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:11 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:13 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:15 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:17 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:19 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:21 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:23 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:25 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:27 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:29 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:31 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:33 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:35 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:37 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:39 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:41 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:43 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:45 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:47 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:49 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:51 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:53 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:55 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:57 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:45:59 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:46:01 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:46:03 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:46:05 "Je ne l'ai jamais regretté."
00:46:07 "Je pense que ça lui a fait mal au ventre."
00:46:09 Une trentaine de minutes plus tard,
00:46:13 l'ancien et le nouveau président
00:46:15 réapparaissent sur le perron.
00:46:17 "C'est vertigineux, oui,
00:46:25 quand il quitte l'Elysée."
00:46:27 "C'est un moment qui est éprouvant, oui."
00:46:29 "C'est un moment très dur."
00:46:31 "Très, très dur."
00:46:35 L'événement marque également
00:46:37 une rupture pour une jeune femme
00:46:39 dont le regard s'évade au moment
00:46:41 où son père quitte l'Elysée.
00:46:43 Jacques Chirac fait ses adieux
00:46:51 à ce qui a rempli sa vie,
00:46:53 la conquête et l'exercice du pouvoir
00:46:55 pendant près de 40 ans.
00:46:57 Tout cela sans réellement savoir
00:46:59 ce qui va venir maintenant.
00:47:01 "Je ne pense pas que Chirac ait anticipé
00:47:03 le moins du monde
00:47:05 le jour où il devrait
00:47:07 dégager de l'Elysée,
00:47:09 s'en aller.
00:47:11 Je ne pense pas qu'il y ait pensé.
00:47:13 Il le savait,
00:47:15 je pense qu'il l'a refoulé au maximum
00:47:17 parce que c'est son caractère."
00:47:19 "Pour un être aussi politique
00:47:25 que Jacques Chirac,
00:47:27 il a été un homme
00:47:29 qui a été aussi longtemps dans les combats,
00:47:31 il n'a pas de vie d'après."
00:47:33 "Il n'en parlait pas.
00:47:39 Il n'avait pas préparé
00:47:41 l'après, ni l'endroit où il allait aller,
00:47:43 ni ce qu'il allait faire."
00:47:45 Ce qui va susciter une certaine polémique,
00:47:47 c'est que le couple Chirac
00:47:49 n'ait pas lui-même fait l'acquisition
00:47:51 d'un appartement.
00:47:53 Après avoir vécu 40 ans
00:47:55 dans les palais de la République,
00:47:57 l'ancien président et son épouse
00:47:59 s'installent au Trois-Quai Voltaire,
00:48:01 dans un logement emprêté
00:48:03 par la famille de Rafi Karheri,
00:48:05 l'ancien premier ministre libanais.
00:48:07 "Chirac, un jour, quand je l'ai interviewé,
00:48:11 il m'a dit une chose qui m'avait beaucoup frappée.
00:48:13 Il m'a dit que je me suis rendu compte
00:48:15 que je n'avais jamais eu la clé de mon appartement.
00:48:17 C'est-à-dire qu'il n'a jamais ouvert la porte de son appartement."
00:48:19 À partir de ce jour-là,
00:48:21 c'est également une nouvelle vie qui s'impose.
00:48:23 Jacques Chirac et son épouse
00:48:25 vivent face à face.
00:48:27 "Autant ils pouvaient vivre
00:48:29 chacun de leur côté à l'Elysée,
00:48:31 ils avaient chacun leurs activités,
00:48:33 autant là, ils vont être amenés
00:48:35 à cohabiter dans un grand appartement.
00:48:37 Mais c'est une cohabitation
00:48:39 qui ne va pas être facile tous les jours."
00:48:41 "C'est un couple qui a un ciment très solide,
00:48:43 mais qui au quotidien
00:48:45 ont du mal à se supporter,
00:48:47 n'ont pas le même rythme, n'ont pas les mêmes intérêts."
00:48:49 Et dès le lendemain de la passation de pouvoir,
00:48:53 le changement de rythme est radical,
00:48:55 voire brutal pour l'ancien président.
00:48:57 "Jacques Chirac a vécu
00:48:59 presque toute sa vie d'adulte,
00:49:01 en tout cas avec des journées
00:49:03 remplies du matin à tard dans la nuit,
00:49:05 pas de samedi, pas de dimanche, pas de vacances.
00:49:07 Et du jour au lendemain,
00:49:09 le rythme décélère considérablement."
00:49:13 À cela s'ajoute un nouveau regard porté sur lui.
00:49:17 Jacques Chirac va très vite
00:49:19 s'en rendre compte.
00:49:21 "Quand il avait pris ses bureaux
00:49:23 à deux pas de l'Assemblée nationale,
00:49:25 c'était dans l'espoir que les députés
00:49:27 viendraient lui raconter la vie politique,
00:49:29 viendraient le voir,
00:49:31 viendraient passer des moments
00:49:33 conviviaux avec lui."
00:49:35 "Très peu de personnes vont le voir,
00:49:39 ce qui me surprend énormément.
00:49:41 Et en même temps, on est tous habitués à la tertuferie de la société,
00:49:43 au fait qu'une fois que vous n'avez plus le pouvoir,
00:49:45 tout le monde s'en va, ça fait partie du jeu."
00:49:47 "Ce sont ses amis, ses anciens amis,
00:49:49 certains de ses anciens amis,
00:49:51 qui ne viennent plus le voir,
00:49:53 ou en tout cas qui viennent le voir le moins possible,
00:49:55 pour ne pas déplaire au monarque."
00:49:57 "Il s'est trouvé brusquement
00:50:05 devant un vide.
00:50:07 Et le vide est en fait
00:50:09 un gouffre."
00:50:11 Au début de l'été 2007,
00:50:13 Jacques Chirac s'enfonce
00:50:15 dans une forme de dépression.
00:50:17 Des photos du couple en vacances à Biarritz
00:50:19 expriment cette tristesse
00:50:21 qui a gagné l'ancien chef de l'État.
00:50:23 "Je le trouve fatigué,
00:50:27 je le trouve sans bon moral.
00:50:29 Je sens qu'il rentre
00:50:31 dans cette période estivale
00:50:33 avec mélancolie."
00:50:35 "J'ai appris qu'il était parti en vacances à Biarritz,
00:50:41 et j'ai pris mon téléphone.
00:50:43 Il paraît qu'il pleut,
00:50:45 il vient à Saint-Tropez,
00:50:47 il fait un beau soleil.
00:50:49 On est allé prendre des verres
00:50:57 sur le port de Saint-Tropez.
00:50:59 Il était au marché,
00:51:01 il saluait les gens,
00:51:03 ça lui redonnait un peu goût à la vie.
00:51:05 Il avait besoin de ça, je crois."
00:51:07 Il avait besoin de ça.
00:51:09 Chirac renoue avec ce qu'il a toujours aimé,
00:51:11 et ce qui très vite l'a caractérisé.
00:51:13 Le besoin permanent de séduire,
00:51:15 de conquérir.
00:51:17 Ce Chirac-là,
00:51:19 il est né 40 ans plus tôt.
00:51:21 En 1967,
00:51:23 alors qu'il n'est qu'un jeune conseiller
00:51:25 de Matignon,
00:51:27 Georges Pompidou lui lance un défi,
00:51:29 reprendre la Corrèze à l'opposition.
00:51:31 "Bonjour, comment allez-vous ?
00:51:33 C'est gentil d'être venu
00:51:35 ce gorge matin pour nous...
00:51:37 pour nous accueillir."
00:51:39 "C'est Georges Pompidou
00:51:41 qui a incité,
00:51:43 quand je dis incité, le mot est faible,
00:51:45 parce que si Georges Pompidou
00:51:47 vous demandait quelque chose, en principe,
00:51:49 vous le faisiez. Surtout,
00:51:51 si de surcroît vous étiez jeune,
00:51:53 et que ça ouvrait pour vous
00:51:55 des perspectives nouvelles."
00:51:57 "C'est l'opération qu'on avait appelée,
00:51:59 de façon un peu ridicule,
00:52:01 l'opération des jeunes loups.
00:52:03 On avait prêté serment à Solignac
00:52:05 de liquider la gauche
00:52:07 dans cette région du Limousin."
00:52:09 "Bonjour Marcel, comment ça va ?
00:52:11 Comment allez-vous ?
00:52:13 Comment va M. Coudère ?
00:52:15 Ça va ? Votre santé, ça se maintient ?
00:52:17 Comment allez-vous ?"
00:52:19 Celui qui a été élu conseiller municipal
00:52:21 de Sainte-Féréole deux ans plus tôt
00:52:23 met en avant ses racines familiales corréziennes.
00:52:25 Et Chirac sait faire,
00:52:27 il trouve les mots avec chacun.
00:52:29 "Ah ben toi, tu vois les fards !
00:52:31 Ah ben t'as tué, t'es bon, bon !
00:52:33 T'es fou !"
00:52:35 "Bon, alors quand est-ce que tu le fais,
00:52:37 il va falloir 15 jours, peut-être 3 semaines, un mois.
00:52:39 Ils sont un peu plus gras."
00:52:41 "Ils sont à point, là."
00:52:43 "Non, pas trop, ils sont pas trop petits.
00:52:45 Il m'en faudrait une douzaine."
00:52:47 "Tu te fais pas de bile, toi."
00:52:49 "Non, je suis comme toi.
00:52:51 Toi tu n'as pas l'air de t'en faire gare mieux."
00:52:53 "T'as un bon placeux ?"
00:52:55 "Oui !"
00:52:57 "Ah vous êtes des gars, vous autres,
00:52:59 vous faites pas de mauvais sens."
00:53:01 "Il était adoré, parce qu'il s'occupait de tout,
00:53:03 il connaissait les gens par leur nom et leur prénom."
00:53:05 "Ce type,
00:53:07 était irrésistible.
00:53:09 Chaque fois qu'on arrivait à l'enfermer
00:53:11 10 minutes avec quelqu'un,
00:53:13 un homme, une femme, un vieux, un jeune,
00:53:15 de gauche, de droite, enfant, vieillard,
00:53:17 ben il était embobiné,
00:53:19 il était séduit."
00:53:21 "Il emballait tout le monde,
00:53:23 les communistes, les socialistes,
00:53:25 les pires ennemis.
00:53:27 Il le voyait arriver, voilà, il les embrassait,
00:53:29 c'était fini, puis on savait qu'il voterait pour lui."
00:53:31 Sur les 10 jeunes loups
00:53:33 partis à la conquête du centre de la France,
00:53:35 seul Jacques Chirac est élu.
00:53:37 Son siège permet aux Gaullistes
00:53:39 de garder la majorité à l'Assemblée,
00:53:41 à une voix près.
00:53:43 Georges Pompidou
00:53:45 va aussitôt le récompenser,
00:53:47 en le nommant secrétaire d'Etat à l'emploi,
00:53:49 à l'âge de 34 ans.
00:53:51 Un Premier ministre
00:53:53 en qui Jacques Chirac a trouvé un mentor.
00:53:55 Et même parfois un peu plus.
00:53:57 "Il appréciait beaucoup Jacques,
00:54:01 il l'aimait beaucoup,
00:54:03 il le considérait un petit peu comme son poulain,
00:54:05 un garçon qui mettait beaucoup d'espoir."
00:54:07 "Pompidou disait,
00:54:09 Chirac, si je lui demande de creuser un tunnel
00:54:11 sous Paris dans la nuit, le lendemain matin,
00:54:13 le tunnel actuel sera réalisé."
00:54:15 "C'était une relation presque
00:54:17 de père à fils,
00:54:19 une relation extrêmement proche,
00:54:21 très respectueuse
00:54:23 et très personnelle.
00:54:25 C'était quelque chose de très fort."
00:54:27 "Mon mari avait une admiration
00:54:29 pour Georges Pompidou
00:54:31 sans borne.
00:54:33 C'est Georges Pompidou
00:54:35 qui a décidé de tout
00:54:37 et qui a eu sur mon mari
00:54:39 une influence considérable."
00:54:41 Le Premier ministre
00:54:43 va d'ailleurs confier une mission secrète
00:54:45 à celui qui, quelques années plus tôt,
00:54:47 vendait l'humanité dimanche.
00:54:49 En plein mai 68,
00:54:51 le premier ministre
00:54:53 a décidé de faire un tour
00:54:55 en plein mai 68.
00:54:57 "Au quartier latin, ce fut la journée la plus longue."
00:54:59 Le pays est paralysé.
00:55:01 Les ouvriers ont voté la grève générale
00:55:03 et rejoint les étudiants en lutte.
00:55:05 "Pompidou lui avait demandé
00:55:07 d'essayer d'aller négocier avec
00:55:09 Krasucki qui était le leader de la CGT
00:55:11 pour essayer de trouver en souterrain
00:55:13 un accord peut-être
00:55:15 non officiel et arranger les choses."
00:55:17 "Il avait évidemment des relations
00:55:19 directes avec les syndicalistes
00:55:21 et
00:55:23 c'est lui qui a été
00:55:25 l'émissaire de Georges Pompidou
00:55:27 pour essayer de recoller
00:55:29 les morceaux."
00:55:31 La rencontre de Jacques Chirac avec le leader
00:55:33 de la CGT doit toutefois rester secrète.
00:55:35 "La poussée de fièvre
00:55:37 a surpris par son ampleur et sa violence."
00:55:39 "Une violence ?"
00:55:41 "Ils vont dire 'Allez' sous le conseil de Pompidou,
00:55:43 il prend un revolver.
00:55:45 Il avait fait la guerre d'Algérie, il avait été officier en Algérie.
00:55:47 Il se met un pétard à la ceinture."
00:55:49 Jacques Chirac ne craint pas
00:55:51 Henri Krasucki,
00:55:53 il craint une prise d'otage montée
00:55:55 par d'autres syndicalistes.
00:55:57 C'est donc armé, et sous le nom de code
00:55:59 de M. Walter, qu'il se rend
00:56:01 au rendez-vous dans une rue de Pigalle.
00:56:03 "Il avait monté quatre ou cinq étages
00:56:05 dans l'escalier à peine éclairé
00:56:07 avec son pétard en train de voir Krasucki."
00:56:09 "On était tout excités
00:56:13 par l'idée qu'il fallait
00:56:15 absolument arriver
00:56:17 à un accord pour mettre fin
00:56:19 aux événements de 68."
00:56:21 "Il a découvert
00:56:23 un Krasucki très cultivé,
00:56:25 très... bon, ce n'était pas
00:56:27 l'image de l'homme public
00:56:29 que l'on connaissait."
00:56:31 Les deux hommes vont dialoguer
00:56:33 et finalement trouver un terrain d'entente.
00:56:35 À la fin du mois de mai,
00:56:37 l'État, les syndicats et le patronat
00:56:39 signent les accords de Grenelle.
00:56:41 Jacques Chirac a réussi
00:56:43 sa mission. "Il s'est imposé,
00:56:45 y compris vis-à-vis des syndicats,
00:56:47 vis-à-vis de la CGT, qui était tout à fait leader,
00:56:49 il s'est vraiment imposé
00:56:51 comme l'interlocuteur
00:56:53 et l'homme fiable,
00:56:55 l'homme de confiance." "Chirac était
00:56:57 un homme qui savait convaincre
00:56:59 dans les moments difficiles et je pense
00:57:01 qu'il a joué un rôle réel
00:57:03 dans la fin des événements de mai 68."
00:57:05 Georges Pompidou, devenu président de la République
00:57:13 en 1969, garde son protégé
00:57:15 à son aile.
00:57:17 Il le nomme secrétaire d'État au budget.
00:57:19 Cette année-là,
00:57:21 Jacques Chirac commet sa première erreur
00:57:23 avec des travaux réalisés au frais
00:57:25 du contribuable dans son château
00:57:27 de Corrèze.
00:57:29 Pompidou est furieux, il aura cette phrase
00:57:31 "Quand on fait de la politique,
00:57:33 on n'a pas de château."
00:57:35 Malgré cela,
00:57:37 le jeune loup poursuit son ascension.
00:57:39 Il devient même ministre des relations
00:57:41 avec le Parlement.
00:57:43 Puis, de l'agriculture
00:57:45 et enfin de l'intérieur en février 1974.
00:57:47 Un poste clé pour préserver
00:57:51 un secret d'État.
00:57:53 Le président est malade.
00:57:55 "Parmi les organisateurs de cette opération
00:58:01 "Silence, total, complet,
00:58:03 "il y a Chirac.
00:58:05 "Chirac est au cœur de tout
00:58:07 "ce qui a été mis en place
00:58:09 "pour protéger Pompidou."
00:58:11 En question de stratégie,
00:58:13 Jacques Chirac est profondément déstabilisé
00:58:15 par l'affaiblissement du président.
00:58:17 "Lui, qui pétait de santé,
00:58:19 "n'acceptait pas que Pompidou puisse être malade.
00:58:21 "Il essayait de se persuader lui-même
00:58:23 "et de persuader les autres
00:58:25 "que Georges Pompidou, c'était un petit
00:58:27 "malaise, un mauvais moment,
00:58:29 "mais qui se rétablirait."
00:58:31 "Quand Pompidou, pour ne pas hurler de douleur
00:58:35 "dans les derniers mois,
00:58:37 "serrait la table du Conseil des ministres,
00:58:39 "on voyait qu'il le faisait
00:58:41 "parce que ça l'empêchait
00:58:43 "de se plaindre.
00:58:45 "Et ça a beaucoup
00:58:47 "marqué Jacques Chirac."
00:58:49 Le déni n'y peut rien.
00:58:51 Georges Pompidou
00:58:53 meurt d'une forme de cancer du sang
00:58:55 le 2 avril 1974.
00:58:57 Le jour de ses obsèques,
00:59:05 Jacques Chirac prostrait
00:59:07 dans le milieu de l'assistance,
00:59:09 ne peut retenir ses larmes.
00:59:11 "Pour lui, perdre celui
00:59:27 "qui était devenu son mentor,
00:59:29 "son exemple,
00:59:31 "d'une certaine façon,
00:59:33 "son père, c'était insupportable
00:59:35 "pour Jacques Chirac."
00:59:37 Le lendemain de l'enterrement,
00:59:45 Jacques Chirac entend à la radio
00:59:47 des révélations sur le dernier Conseil des ministres
00:59:49 de Georges Pompidou.
00:59:51 Un homme qui n'aurait plus eu
00:59:59 toute sa lucidité pour gouverner,
01:00:01 ces mots font bondir Jacques Chirac.
01:00:03 Le téléphone sonne,
01:00:05 et c'est Jacques Chirac,
01:00:07 ministre de l'Intérieur,
01:00:09 qui était dans sa voiture
01:00:11 et qui prend son téléphone et dit
01:00:13 "mais c'est n'importe quoi,
01:00:15 "ça ne s'est absolument pas passé comme ça,
01:00:17 "ce Conseil des ministres,
01:00:19 "Pompidou n'était pas du tout dans cet état-là."
01:00:21 Et on lui dit "ben écoutez, dans ce cas,
01:00:23 "venez le dire."
01:00:25 "Et il dit "très bien, j'arrive."
01:00:27 "Des informations importantes,
01:00:29 "monsieur Jacques Chirac est ici,
01:00:31 "alors ce qui vous a froissé,
01:00:33 "d'abord, et peut-être indigné,
01:00:35 "d'ailleurs, monsieur le ministre,
01:00:37 "dans ce récit de Jean-Marie."
01:00:39 "Bien, monsieur Ernaud,
01:00:41 "je n'ai pas été froissé,
01:00:43 "j'ai été choqué
01:00:45 "et peiné.
01:00:47 "Les ministres ont remarqué,
01:00:49 "à l'occasion de ce Conseil,
01:00:51 "et vous pouvez interroger n'importe lequel d'entre eux,
01:00:53 "ont remarqué que monsieur Pompidou
01:00:55 "était précisément dans une excellente forme
01:00:57 "ce jour-là, physique."
01:00:59 "Avec un aplomb formidable,
01:01:01 "il a vraiment menti, parce que l'histoire a montré
01:01:03 "qu'il mentait, en réalité.
01:01:05 "Il ne pouvait pas accepter
01:01:07 "qu'on donne de Pompidou une dernière image
01:01:09 "d'un dernier Conseil des ministres, d'un mourant."
01:01:11 Passée l'émotion
01:01:13 de cette disparition,
01:01:15 Jacques Chirac pense désormais à son propre avenir.
01:01:17 Le temps
01:01:19 de l'apprentissage politique est terminé,
01:01:21 il doit maintenant construire son propre
01:01:23 destin politique.
01:01:25 "À partir du moment où Pompidou est décédé,
01:01:27 "il ne doit plus rien à personne,
01:01:29 "il fonce."
01:01:31 "Et là, il a pris sa pleine et complète
01:01:33 "autonomie."
01:01:35 "Là, est né le chiracisme,
01:01:37 "le chiracisme
01:01:39 "qui est fait quand même de ruptures,
01:01:41 "de retournements, d'à-coups,
01:01:43 "un peu brutaux, parfois."
01:01:45 Le jeune loup va devenir un fauve,
01:01:47 un tueur politique sous influence,
01:01:49 celle d'un couple de conseillers,
01:01:51 Pierre Julliet
01:01:53 et Marie-France Garot.
01:01:55 La première victime va être Jacques Chaban Delmas,
01:01:57 le candidat de son propre camp à la
01:01:59 succession de Georges Pompidou.
01:02:01 Il torpille sa candidature en poussant
01:02:03 43 parlementaires gaullistes
01:02:05 à soutenir le centriste Valéry Giscard d'Estaing.
01:02:07 Et sa stratégie paye,
01:02:09 son candidat est élu,
01:02:11 en remerciement,
01:02:13 à 42 ans,
01:02:15 Jacques Chirac accepte Matignon.
01:02:17 Mais il prévient le président
01:02:19 qu'il pourrait un jour le regretter.
01:02:21 - Bien.
01:02:23 - Si à Paris, Jacques Chirac
01:02:29 se montre impatient,
01:02:31 parfois cassant et brutal,
01:02:33 sur le terrain, c'est une autre facette
01:02:35 de sa personnalité qui s'exprime.
01:02:37 C'est pour lui
01:02:39 et non plus pour les autres
01:02:41 qu'il fait désormais campagne.
01:02:43 - Je passais par là jeudi,
01:02:45 je passerai te dire un petit bonjour.
01:02:47 - Vous êtes gentil.
01:02:49 - Ça va, autrement ?
01:02:51 - Tout doux, comme pour vos vieux maintenant.
01:02:53 - Ah, dites pas ça.
01:02:55 - Et M. Lareuze, elle est toujours pas enlevée,
01:02:57 cette pierre-là.
01:02:59 - On a fait rentrer ?
01:03:01 - Mais on ouvre pas la bouteille.
01:03:03 - Pourquoi ?
01:03:05 - Mais non, mais il y en a assez,
01:03:07 il y en a assez, je vous dis, il y en a assez.
01:03:09 - Il faut que j'y arrive.
01:03:11 - Mais je vous dis qu'il y en a assez.
01:03:13 Non, mais on les ouvrira pas toutes.
01:03:15 - Allez, viens.
01:03:17 - Ça, on connaît.
01:03:19 - Vous voyez ?
01:03:21 - Oui.
01:03:23 - Allez, M. Lareuze, prenez un verre.
01:03:25 - Est-ce que j'en aurais pour toi ?
01:03:27 - Oui.
01:03:29 - Il y a pas de barrière sociale chez Chirac.
01:03:31 On est plus aimable
01:03:33 avec les gens importants
01:03:35 que pas importants.
01:03:37 Chirac est un anti-snob,
01:03:39 il s'en fout complètement.
01:03:41 - C'était difficile, monsieur.
01:03:43 - Ce style populaire du Premier ministre
01:03:45 et du président en distance.
01:03:47 Et cela n'est pas pour rien
01:03:49 dans la dégradation de leurs relations.
01:03:51 Le locataire de Matignon se sent étouffé,
01:03:53 humilié par l'hyper-président Giscard d'Estaing,
01:03:55 à qui il reconnaît toutefois
01:03:57 une supériorité intellectuelle.
01:03:59 - Il n'y a jamais eu la moindre intimité
01:04:03 entre ces deux hommes.
01:04:05 Il n'y a même pas eu probablement
01:04:07 une grande estime.
01:04:09 Giscard d'Estaing était plus conceptuel,
01:04:11 plus brillant à l'oral
01:04:13 que Chirac devait le prendre
01:04:15 pour un ruste.
01:04:17 - Ils n'ont pas du tout
01:04:19 les mêmes intérêts dans la vie.
01:04:21 Personnel, humain,
01:04:23 je crois que la seule chose qu'ils ont en commun,
01:04:25 c'est d'aimer les chiens.
01:04:27 - Et le mépris de Valéry Giscard d'Estaing
01:04:29 se ressent aussi dans l'exercice du pouvoir.
01:04:31 - Dès lors que Chirac
01:04:33 lui a donné son accord
01:04:35 pour être Premier ministre,
01:04:37 Giscard ne lui a laissé
01:04:39 aucune marge de bonheur
01:04:41 pour constituer le gouvernement.
01:04:43 Il a compté pour des prunes.
01:04:47 - Chirac a senti que Giscard
01:04:51 se servait de lui
01:04:53 et à ce moment-là,
01:04:55 il s'est braqué.
01:04:57 - Il est devenu un peu son obligé
01:04:59 et Jacques Chirac n'aime pas
01:05:01 être l'obligé de quelqu'un.
01:05:03 - Jacques Chirac ne fera plus
01:05:05 l'effort de sauver les apparences.
01:05:07 A l'occasion d'une revue navale à Nice,
01:05:09 le président critique
01:05:11 l'état dans lequel Georges Pompidou
01:05:13 a laissé la défense.
01:05:15 Son Premier ministre tend l'oreille.
01:05:17 - Les commentateurs
01:05:19 qui dissertent sur le sujet
01:05:21 de la défense ont oublié
01:05:23 que la défense que j'ai trouvée
01:05:25 était une défense qui était en état de malaise.
01:05:27 - Une critique en règle de son mentor,
01:05:29 Jacques Chirac a du mal à cacher
01:05:31 son exaspération.
01:05:33 Dès lors, il souhaite inverser
01:05:35 le rapport de force politique
01:05:37 et, sous les effectifs tensions,
01:05:39 il présente sa démission à Valéry Giscard d'Estaing.
01:05:41 - Giscard n'a pas fait d'efforts
01:05:43 exceptionnels pour le retenir.
01:05:45 Il a simplement demandé à Chirac
01:05:47 de retarder d'un mois
01:05:49 l'annonce de son départ
01:05:51 parce qu'il allait lui-même
01:05:53 se rendre en Afrique à la chasse.
01:05:55 - Jacques Chirac accepte
01:05:57 d'attendre quelques semaines
01:05:59 et le 25 août 1976,
01:06:01 après 2 ans à Matignon,
01:06:03 il convoque la presse.
01:06:05 - Je ne dispose pas
01:06:07 des moyens que j'estime
01:06:09 aujourd'hui nécessaires
01:06:11 pour assumer efficacement
01:06:13 mes fonctions
01:06:15 de premier ministre.
01:06:17 Et dans ces conditions,
01:06:19 j'ai décidé
01:06:21 d'y mettre fin.
01:06:23 Je vous remercie.
01:06:25 - Merci.
01:06:27 - Merci.
01:06:29 - Merci.
01:06:31 - Merci.
01:06:33 - Je vous remercie.
01:06:35 - C'est lui qui donne ses missions.
01:06:37 Il impose ce qui est contraire
01:06:39 à la Ve République,
01:06:41 contraire à la tradition.
01:06:43 - Ce qui a créé le choc
01:06:45 dans l'opinion,
01:06:47 beaucoup plus que les paroles,
01:06:49 c'était l'attitude
01:06:51 de Chirac.
01:06:53 Son visage
01:06:55 a donné le sentiment
01:06:57 d'une rupture
01:06:59 terrible.
01:07:01 - Cette brutalité,
01:07:03 cet affrontement,
01:07:05 ça prépare les autres affrontements.
01:07:07 - Désormais,
01:07:09 plus rien n'arrêtera le fauve.
01:07:11 Jacques Chirac est un homme pressé
01:07:13 qui va créer un parti à sa botte,
01:07:15 le RPR.
01:07:17 C'est sous cette étiquette qu'il bat
01:07:19 le candidat giscardien l'année suivante
01:07:21 au municipal et devient maire de Paris.
01:07:23 En 1981,
01:07:25 naturellement, il se lance
01:07:27 dans la présidentielle.
01:07:29 Même au premier tour,
01:07:31 il va trahir une nouvelle fois son camp.
01:07:33 - Chacun sait qu'il y a eu
01:07:35 des directives qui étaient données
01:07:37 dans les fédérations du RPR
01:07:39 pour que les gens qui appellent
01:07:41 et qui disent pour qui faut-il voter,
01:07:43 qu'on leur réponde,
01:07:45 il n'y a pas d'inconvénient à voter Mitterrand.
01:07:47 - Le RPR corrézien,
01:07:49 très explicitement,
01:07:51 appelait les maires de la circonscription
01:07:53 à voter Mitterrand.
01:07:55 Oui, manifestement, Chirac a favorisé
01:07:57 grandement l'élection de Mitterrand.
01:07:59 - Giscard, c'est pour ça qu'il a dit
01:08:01 que c'était un assassinat.
01:08:03 - Cet assassinat a pour conséquence
01:08:05 la victoire de François Mitterrand,
01:08:07 mais aussi un nouveau statut pour Jacques Chirac,
01:08:09 celui de principal opposant.
01:08:11 - Au revoir.
01:08:17 - Cette défaite, Valéry Giscard d'Estaing
01:08:21 ne la pardonnera jamais à Jacques Chirac.
01:08:25 Les deux hommes s'éviteront pendant près de 30 ans,
01:08:27 jusqu'à ce jour de novembre 2007.
01:08:29 Jacques Chirac vient de quitter
01:08:33 à son tour le palais de l'Elysée.
01:08:35 Il devient membre de droit du Conseil constitutionnel
01:08:37 et se prépare à retrouver
01:08:39 son meilleur ennemi.
01:08:41 - Bonjour, messieurs.
01:08:45 Bonjour, messieurs.
01:08:47 - Confiance en l'homme, oui.
01:08:53 - En soi-même et en personne.
01:08:55 - Tu vas bien ? - Merci.
01:08:59 - Merci pour ton accueil. Comment t'as les gouttes, Charlie ?
01:09:01 - On va travailler. - Comment ?
01:09:03 - On va travailler un peu.
01:09:05 - Quand tu veux, comme tu veux. - De ce que tu as à te dire.
01:09:07 - Allez, t'as votre disposition.
01:09:09 - Jacques Chirac s'est détaché de la politique
01:09:11 depuis déjà quelques temps.
01:09:13 Mais ce moment a malgré tout
01:09:15 une saveur particulière.
01:09:17 L'espace d'un instant,
01:09:19 les deux anciens rivaux fatigués se souviennent
01:09:21 de leur vie.
01:09:23 - Leur rencontre ici n'est pas
01:09:25 la rencontre
01:09:27 la plus chaleureuse
01:09:29 que j'ai connue de mon existence.
01:09:31 En dehors de...
01:09:33 "Bonjour, monsieur le président."
01:09:35 "Bonjour, monsieur le président."
01:09:37 Je n'ai pas
01:09:39 eu le sentiment qu'il y ait
01:09:41 eu des discussions très profondes.
01:09:43 - Aucun des deux n'a plus de raison
01:09:45 de faire d'efforts. Ils sont plus en politique.
01:09:47 Ils sont retirés de la vie publique,
01:09:49 en quelque sorte.
01:09:51 Il y a un âge où on se dit,
01:09:53 "Je m'offre le luxe d'être ce que je suis."
01:09:55 - De manière insidieuse,
01:09:57 Jacques Chirac rappellera
01:09:59 ce jour-là qu'il a été élu
01:10:01 et réélu.
01:10:03 Dernier coup de griffe,
01:10:05 dernière passe d'arme.
01:10:07 - Dans la nouvelle vie de Jacques Chirac,
01:10:09 il y a certes ses séances de travail
01:10:11 au Conseil constitutionnel,
01:10:13 le lancement de sa fondation pour la paix
01:10:15 et quelques voyages, mais malgré
01:10:17 toutes ces activités, l'ancien chef de l'État
01:10:19 peine à donner un sens à son action.
01:10:21 Le temps est peut-être venu de faire le bilan
01:10:23 d'une vie au service de la politique.
01:10:25 Ses proches le poussent alors
01:10:27 à rédiger ses mémoires.
01:10:45 - Ça l'emmerdait beaucoup, mais enfin...
01:10:47 Il n'est pas homme à regarder
01:10:49 tellement en arrière. C'est l'homme du présent
01:10:51 tourné vers le futur.
01:10:53 Sa vie, moi, ma vie, mon oeuvre,
01:10:55 c'est pas Jacques Chirac.
01:10:57 - Au fond, il n'a jamais cultivé sa mémoire.
01:10:59 C'est pas un homme, contrairement
01:11:01 à Mitterrand, contrairement même à De Gaulle,
01:11:03 qui a cherché à construire
01:11:05 sa statue, à forger son image
01:11:07 pour l'histoire et toujours considéré
01:11:09 qu'il ne laisserait aucune trace dans l'histoire.
01:11:11 - Fin 2007, Jacques Chirac
01:11:13 finit par accepter de se lancer dans l'exercice
01:11:15 avec l'aide d'un historien,
01:11:17 Jean-Luc Barré.
01:11:19 - Premier matin,
01:11:21 nous étions tous les deux, et il me dit
01:11:23 "Qu'est-ce que vous voulez boire ?"
01:11:25 Alors je lui dis "Ecoutez, M. le Président..."
01:11:27 Il était 10h du matin.
01:11:29 Je lui dis "M. le Président, je veux prendre un café."
01:11:31 Et il m'a regardé effaré.
01:11:33 Je lui dis "Bon, écoutez, alors peut-être un verre d'eau."
01:11:35 À nouveau, on regarde effaré.
01:11:37 Et il a appelé à ce moment-là sa secrétaire,
01:11:39 il dit "Bon, deux gin tonics."
01:11:41 Et à ce moment-là, j'ai vu arriver des gin tonics,
01:11:43 enfin, deux verres de gin tonics,
01:11:45 puis j'ai vu arriver du saucisson, du jambon,
01:11:47 enfin, on était dans les rites chiraciens.
01:11:49 Donc je me suis...
01:11:51 Premier matin, je dois dire, je suis sorti
01:11:53 de l'entretien un peu...
01:11:55 comme ça, un peu flottant,
01:11:57 et puis je me suis habitué à travailler aux gin tonics.
01:11:59 - L'ancien président, très réticent au départ,
01:12:01 va finalement se prêter au jeu
01:12:03 de l'introspection.
01:12:05 Les années défilent,
01:12:07 et les sujets aussi.
01:12:09 - Quand nous avons commencé à travailler ensemble,
01:12:11 il n'y aura pas de sujet tabou.
01:12:13 Donc... Dieu sait s'il y avait des tabous.
01:12:15 Et notamment, la maladie de sa fille.
01:12:17 On m'avait dit d'ailleurs aussi
01:12:19 autour de lui, écoutez, ne lui en parlez pas,
01:12:21 parce que si vous lui en parlez,
01:12:23 il va mal le prendre.
01:12:25 - À l'occasion d'une séance de travail,
01:12:27 Jacques Chirac va cependant accepter d'ouvrir
01:12:29 l'un des chapitres les plus douloureux de sa vie.
01:12:31 - Je me souviens du matin,
01:12:33 nous avons... J'ai engagé la conversation
01:12:35 à ce sujet-là.
01:12:37 Il m'en a parlé très...
01:12:39 très naturellement,
01:12:41 en me disant à quel point il avait du mal
01:12:43 aujourd'hui, évidemment,
01:12:45 à communiquer avec elle.
01:12:47 - Il évoque son affection pour Laurence,
01:12:49 cette fille aînée brillante qui lui ressemble,
01:12:51 et il se livre même
01:12:53 sur le déclenchement de sa maladie à l'âge de 15 ans,
01:12:55 cette méningite qui entraînera
01:12:57 une anorexie mentale et plusieurs tentatives
01:12:59 de suicide. - Pour une famille,
01:13:01 c'est un drame abominable
01:13:03 d'avoir un enfant
01:13:05 qui...
01:13:07 subit des conséquences aussi graves.
01:13:09 - Elle vivait tout à fait à part
01:13:13 et il n'en parlait pas.
01:13:15 C'était pour lui
01:13:19 un crève-cœur.
01:13:21 Et il ne voulait pas manifester son émotion
01:13:23 à l'extérieur.
01:13:25 - Un Chirac ne se plaint pas,
01:13:27 n'éteint pas ses misères et ses malheurs, non?
01:13:29 - Laurence, c'est
01:13:33 un jardin secret
01:13:35 dans le jardin secret.
01:13:37 C'est manifestement sa
01:13:39 tragédie.
01:13:41 - Il a le sentiment, il le reconnaît
01:13:43 qu'au fond, c'est son absence qui est peut-être
01:13:45 à l'origine en partie
01:13:47 de cette maladie.
01:13:49 - Dans ses mémoires, il s'interroge.
01:13:51 N'ai-je pas été assez présent
01:13:53 pour elle?
01:13:55 En a-t-elle souffert? Sans que je m'en sois
01:13:57 suffisamment aperçu.
01:13:59 - C'est un père très absent.
01:14:01 On ne le voit jamais ou pratiquement jamais.
01:14:03 Il rentre souvent très tard,
01:14:05 il part très tôt, donc sur le
01:14:07 rythme d'enfant jeune, ça ne marche pas.
01:14:09 Quand on part en vacances, on part la plupart
01:14:11 du temps seul avec notre mère.
01:14:13 - Il ne savait pas ce que c'était qu'un week-end,
01:14:15 Jacques Chirac.
01:14:17 - Au quotidien, c'est notre mère qui nous élève.
01:14:19 - Toutes ces années,
01:14:21 Jacques Chirac va tenter à sa manière de réparer
01:14:23 le manque, emménageant le plus
01:14:25 de temps possible pour Laurence.
01:14:27 - Il voulait absolument déjeuner avec Laurence.
01:14:29 Et donc, même s'il y avait un déjeuner
01:14:31 avec nous, avec X personnes,
01:14:33 on décalait légèrement
01:14:35 le déjeuner pour qu'il ait le temps
01:14:37 d'aller voir sa fille. Puis ensuite,
01:14:39 il revenait déjeuner avec nous.
01:14:41 Voilà.
01:14:43 - Dans ses mémoires,
01:14:45 il rend également hommage à la mère de ses deux filles,
01:14:47 son épouse Bernadette,
01:14:49 sans jamais évoquer les turbulences
01:14:51 de leur vie de couple.
01:14:53 Et pourtant, la cellule familiale
01:14:55 a failli voler en éclat.
01:14:57 Ce fut le cas notamment au milieu des années 70.
01:14:59 C'est à ce moment-là
01:15:01 que Jacques Chirac fait la connaissance d'une reporter
01:15:03 de presse écrite.
01:15:05 - Il rencontre cette journaliste
01:15:07 qui est journaliste au Figaro,
01:15:09 mais qui est une femme de gauche,
01:15:11 une femme pétillante,
01:15:13 belle, pétillante surtout,
01:15:15 qui a un charme fou.
01:15:17 Beaucoup d'hommes politiques ont essayé
01:15:19 de la séduire, mais qui rend même
01:15:21 jusqu'à... Et celui
01:15:23 dont elle va tomber amoureuse, c'est Chirac.
01:15:25 J'ai senti qu'il était attiré
01:15:27 par elle, il ne le cachait pas.
01:15:29 Et il me l'a dit.
01:15:31 - Comme lui, la journaliste est mariée,
01:15:33 mais cela ne freine en rien
01:15:35 le Premier ministre qui veut passer du temps avec elle.
01:15:37 Il va jusqu'à
01:15:39 programmer une visite officielle aux Antilles
01:15:41 en décembre 1975.
01:15:43 - C'est un peu hallucinant,
01:15:45 ce réveillon de Noël en Guyane.
01:15:47 On a dîné
01:15:49 en gens du Caïman,
01:15:51 et des choses de cette nature. Vous voyez le voyage officiel
01:15:53 au milieu de la forêt
01:15:55 amazonienne, quasiment
01:15:57 le soir de Noël. Vous voyez
01:15:59 l'intérêt politique de la chose.
01:16:01 - Jacques Chirac
01:16:03 et la journaliste s'installent dans un appartement
01:16:05 équipé d'une ligne directe
01:16:07 avec Matignon. Et l'épreuve
01:16:09 d'amour du Premier ministre ne manque pas.
01:16:11 Il lui écrit des lettres,
01:16:13 des poèmes enflammés,
01:16:15 pousse le romantisme un soir jusqu'à rouvrir
01:16:17 une boutique pour lui offrir un pull.
01:16:19 - Cette relation est tellement
01:16:21 forte, tellement intense, qu'elle peut
01:16:23 conduire en effet à une séparation. Je pense que la
01:16:25 tentation du divorce a existé
01:16:27 chez Chirac.
01:16:29 - D'autant que son père n'est plus là maintenant pour le ramener à la raison.
01:16:31 Mais des conseillers
01:16:33 de l'ombre vont s'en charger.
01:16:35 - Nous avions voué
01:16:39 notre action à sa
01:16:41 promotion.
01:16:43 Au fait
01:16:45 de le pousser
01:16:47 vers le sommet de l'Etat.
01:16:49 - Toute la Chiracie
01:16:51 de l'époque se mobilise, s'inquiète
01:16:53 avec la menace finalement
01:16:55 de dire "mais si il divorce,
01:16:57 il ne sera jamais président
01:16:59 de la République". Alors il y a vraiment
01:17:01 à ce moment-là une action très forte
01:17:03 de milieu politique
01:17:05 proche de lui, de son entourage
01:17:07 pour le dissuader de poursuivre
01:17:09 cette relation.
01:17:11 - Je faisais beaucoup d'efforts
01:17:13 pour faire compagne
01:17:15 à Jacques Chirac.
01:17:17 Qu'il faudrait qu'il ait
01:17:19 une attitude plus
01:17:21 convenable.
01:17:23 - Des pressions sont également
01:17:25 exercées sur la journaliste
01:17:27 par une conseillère de l'ombre.
01:17:29 - Marie-France Garraud lui disait
01:17:31 en substance "il faut que vous
01:17:33 vous sépariez de Jacques Chirac dans l'intérêt de la France".
01:17:35 - Quelques temps plus tard,
01:17:37 un coffre situé dans leur appartement
01:17:39 est vidé des lettres personnelles de Jacques Chirac.
01:17:41 Cette fois encore,
01:17:43 Chirac finit par céder.
01:17:45 - Au nom de la raison politique,
01:17:47 au nom de l'Etat,
01:17:49 pas forcément au nom de son
01:17:51 souhait personnel,
01:17:53 il y a un retour à l'ordre et il rentre dans le rang.
01:17:55 - Entre la volonté de pouvoir
01:17:57 et la vue privée,
01:17:59 il a choisi le pouvoir, il a choisi la politique.
01:18:01 Rien ni personne ne lui aura
01:18:03 fait lâcher la politique.
01:18:05 - Jacques Chirac n'a jamais abandonné
01:18:07 son ambition.
01:18:09 Et malgré les conquêtes multiples,
01:18:11 une seule femme a su se rendre indispensable
01:18:13 à ses côtés. C'est son épouse,
01:18:15 Bernadette.
01:18:17 - C'est un mari très exceptionnel.
01:18:19 La preuve, c'est qu'il y en a beaucoup qui auraient bien voulu
01:18:21 l'avoir et qui ont tout fait
01:18:23 d'ailleurs pour essayer de
01:18:25 le faire déraper.
01:18:27 Mais visiblement, ça n'a pas marché.
01:18:29 Je me suis blindée, ah oui,
01:18:35 mais je me suis pas laissée avoir,
01:18:37 vous savez.
01:18:39 La preuve, c'est que je suis restée.
01:18:41 Et finalement, j'ai gagné.
01:18:43 - Bernadette Chirac a gagné
01:18:45 contre la confiance de son mari.
01:18:47 Elle est devenue son meilleur soutien.
01:18:49 Un soutien dont il va
01:18:51 une nouvelle fois avoir besoin
01:18:53 au moment de la sortie de ses mémoires.
01:18:55 En novembre 2009,
01:18:57 Jacques Chirac
01:18:59 est renvoyé en correctionnel dans l'affaire
01:19:01 des emplois fictifs de la mairie de Paris.
01:19:03 L'ancien maire est soupçonné
01:19:05 d'avoir mis à la disposition du RPR
01:19:07 une vingtaine d'employés communaux.
01:19:09 - De manière
01:19:11 assez originale,
01:19:13 il ne me demande pas ce qu'il risque.
01:19:15 En général, quand un client
01:19:17 vit des problématiques juridiques,
01:19:19 il vous dit,
01:19:21 "Quel est mon risque ?"
01:19:23 Jacques Chirac était loin de tout ça.
01:19:25 - Celle qui craint le plus
01:19:27 pour son mari et pour sa propre
01:19:29 réputation, c'est Bernadette.
01:19:31 "Nous finirons en prison",
01:19:33 lâche-t-elle parfois dans l'intimité.
01:19:35 ...
01:19:39 Dès lors, son épouse va tenter
01:19:41 de lui éviter le procès des emplois fictifs.
01:19:43 Elle sait que la mairie de Paris
01:19:45 accepte d'annuler sa plainte
01:19:47 contre le remboursement du préjudice.
01:19:49 Les Chirac ne souhaitent pas
01:19:51 assumer seul le versement de 2,2 millions d'euros.
01:19:53 Bernadette Chirac sollicite l'UMP
01:19:55 et Nicolas Sarkozy.
01:19:57 Le 10 juin 2010,
01:20:01 le couple a rendez-vous
01:20:03 avec le président de la République.
01:20:05 - Jacques Chirac ne voulait pas
01:20:09 aller à ce déjeuner.
01:20:11 Il finit par s'y résoudre,
01:20:13 mais il a prévenu quelques amis
01:20:15 en disant, "J'y vais, mais je ne dirai rien
01:20:17 à ce déjeuner, je ne parlerai pas."
01:20:19 - Car il est difficile pour Jacques Chirac
01:20:21 de demander de l'aide à celui
01:20:23 qui ne cesse de le critiquer.
01:20:25 - Chirac n'est plus au pouvoir,
01:20:27 n'a pas l'ambition de revenir au pouvoir.
01:20:29 Et vous avez Nicolas Sarkozy,
01:20:31 président de la République,
01:20:33 qui ne cesse publiquement
01:20:35 ou en privé
01:20:37 de se démarquer de Chirac
01:20:39 et de le critiquer.
01:20:41 - Des attaques sur les rois fainéants,
01:20:43 sur Chirac qui n'a jamais rien fait,
01:20:45 une réforme ennemie.
01:20:47 On sent bien qu'il est assez malheureux
01:20:49 et vexé de ces attaques.
01:20:51 - Et il comprend d'autant moins
01:20:53 le soutien inconditionnel de sa femme
01:20:55 pour le président en exercice.
01:20:57 - Il dit un jour à l'un de ses visiteurs,
01:20:59 "Maman, elle aime bien le petit."
01:21:01 "Maman", c'est Bernardette Chirac, sa femme,
01:21:03 c'est la façon dont il en parle parfois,
01:21:05 et "le petit", c'est Nicolas Sarkozy.
01:21:07 Et on sent que ça lui fait pas plaisir
01:21:09 et que ça l'agace que son épouse continue
01:21:11 à cultiver des relations privilégiées
01:21:13 avec Nicolas Sarkozy.
01:21:15 - Dans ce contexte de tension,
01:21:17 l'ancien et le nouveau chef de l'État
01:21:19 réussiront-ils à trouver un terrain d'entente ?
01:21:21 - M. le président, bonjour.
01:21:23 - M. le président, bonjour.
01:21:25 Un petit mot, M. le président.
01:21:27 - M. le président, bonjour.
01:21:29 - Un petit mot, M. le président.
01:21:31 - M. le président, bonjour.
01:21:33 - Le déjeuner se passe
01:21:35 et Chirac joue les imbéciles
01:21:37 comme il peut savoir le faire de temps en temps.
01:21:39 Il fait des digressions sur les filles de Saint-Tropez.
01:21:41 Chacun a en tête cet arrangement
01:21:43 sur les emplois fictifs
01:21:45 et on arrive au dessert
01:21:47 et on n'en a toujours pas parlé.
01:21:49 À ce moment-là, Bernardette Chirac dit,
01:21:51 "Jacques, je crois que Nicolas
01:21:53 "veut vous parler de quelque chose."
01:21:55 - Nicolas Sarkozy fait alors une proposition.
01:21:57 L'UMP remboursera
01:21:59 1,65 million d'euros
01:22:01 à la ville de Paris.
01:22:03 Le couple, lui, devra verser
01:22:05 les 550 000 restants.
01:22:07 - Et l'accord se fait, en fait, sur un coin de table
01:22:09 entre Bernardette Chirac
01:22:11 et Nicolas Sarkozy
01:22:13 avec un Jacques Chirac totalement silencieux
01:22:15 et absent.
01:22:17 - La négociation
01:22:19 aura été rapide.
01:22:21 En sortant du restaurant,
01:22:23 Bernardette Chirac
01:22:25 semble rassurée.
01:22:27 - Comment s'est passé le déjeuner ?
01:22:33 - Très bien.
01:22:35 - Malgré cet accord financier
01:22:37 et l'espoir de voir le procès annulé,
01:22:39 Jacques Chirac ne change pas d'avis
01:22:41 sur son successeur.
01:22:43 - L'après-midi,
01:22:47 il revient vers l'un de ses amis
01:22:49 et lui dit, "Tu vois, je n'ai rien dit
01:22:51 à ce déjeuner, triomphalement."
01:22:53 - A l'origine, pourtant,
01:22:55 Nicolas Sarkozy avait la confiance
01:22:57 de Jacques Chirac et de son clan.
01:22:59 - Dès le départ, Jacques Chirac a vu
01:23:01 en Nicolas Sarkozy
01:23:03 une énergie qui lui rappelait
01:23:05 probablement la sienne quand il avait 30 ans.
01:23:07 - Chirac a pensé très longtemps
01:23:11 que Sarkozy serait son héritier
01:23:13 en politique et dans une fidélité totale.
01:23:15 - C'est en novembre 1993
01:23:19 que cette relation affective et politique
01:23:21 a pris brutalement fin
01:23:23 dans le bureau de Jacques Chirac à l'hôtel de ville.
01:23:25 Ce jour-là, Nicolas Sarkozy est venu lui-même
01:23:29 annoncer au maire de Paris qu'il lui préférait
01:23:31 Édouard Balladur pour l'élection présidentielle,
01:23:33 prévue deux ans plus tard.
01:23:35 Et le jeune ministre de l'économie s'est mis en tête
01:23:39 de rallier à sa cause tous les soutiens chiraciens.
01:23:41 Jacques Chirac se retrouve ainsi
01:23:45 de plus en plus isolé.
01:23:47 (musique)
01:23:49 - Nicolas va passer son temps
01:23:53 à menacer ses potes
01:23:55 qui ont pris position pour Chirac.
01:23:57 Moi, il m'appelle un jour et il me dit
01:24:01 "T'avais de l'avenir, mais n'oublie pas une chose.
01:24:03 Chirac, il pardonne toujours,
01:24:05 mais Balladur, il tue."
01:24:07 - Ça a été tendu, c'était fort, c'était violent.
01:24:09 Dans les couloirs de l'Assemblée,
01:24:11 on se prenait presque par le cou.
01:24:13 Clairement, on était menacé de mort politique
01:24:15 si on choisissait pas Balladur.
01:24:17 - Depuis sa forteresse,
01:24:19 Jacques Chirac assiste alors impuissant
01:24:21 à la trahison de celui
01:24:23 en qui il plaçait tant d'espoir.
01:24:25 - Il était sonné là aussi
01:24:27 parce qu'il le considérait un peu comme
01:24:29 proche parmi les proches
01:24:31 et il s'adonnait pas à ça.
01:24:33 - Nicolas Sarkozy a bien appris
01:24:35 de son père politique.
01:24:37 Il a choisi comme lui l'attaque
01:24:41 pour servir son ambition personnelle.
01:24:43 Il n'a toutefois pas imaginé
01:24:45 le scénario inattendu
01:24:47 qui va se jouer en août 1994.
01:24:49 À l'occasion du cinquantenaire
01:24:55 de la libération de Paris,
01:24:57 le maire de la capitale, Jacques Chirac,
01:24:59 et le Premier ministre, Édouard Balladur,
01:25:01 accueillent ensemble le président de la République.
01:25:03 François Mitterrand,
01:25:09 témoin de la rivalité entre les deux hommes,
01:25:11 affiche ce soir-là
01:25:13 une étonnante complicité
01:25:15 avec celui qu'il a souvent combattu.
01:25:17 Le Premier ministre, lui,
01:25:21 reste en retrait
01:25:23 et va devenir le spectateur
01:25:25 d'un jeu de pouvoir
01:25:27 des plus surprenants.
01:25:29 - François Mitterrand n'a pas aimé Balladur
01:25:31 dans l'exercice du pouvoir,
01:25:33 ni son ton, ni sa personnalité.
01:25:35 - Vous avez eu raison
01:25:37 de le souligner, monsieur le maire.
01:25:39 - La cérémonie est retransmise en direct
01:25:41 à la télévision.
01:25:43 Et François Mitterrand va en profiter
01:25:45 pour faire passer un message.
01:25:47 - Vive la France !
01:25:49 - À l'issue des discours,
01:25:55 l'Élysée a fait ajouter une séquence
01:25:57 au programme de la soirée.
01:25:59 - Monsieur Mitterrand et monsieur Chirac
01:26:01 vont maintenant monter dans le bureau du maire de Paris
01:26:03 pour signer un livre
01:26:05 qui n'est pas exactement un livre d'or,
01:26:07 mais un livre du cinquantenaire.
01:26:09 - Les deux hommes quittent ensemble le parvis
01:26:11 pour rejoindre le bureau du maire.
01:26:13 Le photographe de l'hôtel de ville
01:26:15 assiste à leur entretien.
01:26:17 - Nous faisons des photos
01:26:21 de François Mitterrand
01:26:23 installé dans le fauteuil du maire de Paris.
01:26:25 - L'absence du chef de l'État
01:26:27 met la cérémonie en suspens.
01:26:29 - Évidemment, la foule s'interrogeait
01:26:35 sur le sens de cette visite
01:26:37 qui se prolongeait.
01:26:39 J'étais assise tout en haut des estrades
01:26:47 et je voyais évidemment
01:26:49 que...
01:26:51 Édouard Balladur,
01:26:53 qui était assis
01:26:55 selon le protocole,
01:26:57 tout à fait au bas
01:26:59 des tribunes,
01:27:01 tout de même,
01:27:03 avait donné quelques signes d'impatience.
01:27:05 - Monsieur Chirac et monsieur Mitterrand
01:27:09 échangent quelques propos
01:27:11 qui seront privés.
01:27:13 François Mitterrand et Jacques Chirac
01:27:15 prennent leur temps
01:27:17 et ils décident même de s'isoler un moment,
01:27:19 laissant les caméras
01:27:21 à la porte du bureau.
01:27:23 - Tout le monde sort,
01:27:25 je reste, je fais des photos
01:27:27 du grand angle de la couleur du noir
01:27:29 et j'entends
01:27:31 François Mitterrand dire à Jacques Chirac
01:27:33 "N'annoncez pas votre candidature
01:27:35 trop tard,
01:27:37 c'est votre tour
01:27:39 et je ferai tout
01:27:41 pour vous aider."
01:27:43 - On va revenir sur le parvis
01:27:49 de l'hôtel de ville, monsieur Mitterrand, monsieur Chirac...
01:27:51 - La parenthèse aura duré
01:27:53 une dizaine de minutes,
01:27:55 des minutes interminables
01:27:57 pour ceux qui attendent.
01:27:59 Mais le président rejoigne enfin le parvis.
01:28:01 Tout le monde ignore ce que les deux hommes
01:28:03 se sont dit.
01:28:05 - François Mitterrand pensait vraiment
01:28:07 que c'était le moment Chirac.
01:28:09 Oui, c'était son tour, il avait combattu
01:28:11 81, 88,
01:28:13 95, c'était à lui
01:28:15 d'arriver au pouvoir.
01:28:17 - L'entourage de Mitterrand a dû avoir des consignes
01:28:23 pour établir des contacts avec nous.
01:28:25 Moi-même, à la demande
01:28:27 de Chirac
01:28:29 et de Mitterrand, j'avais eu des contacts
01:28:31 avec Anneau-Verjon, à l'époque qui était secrétaire générale
01:28:33 adjointe de l'Elysée, pour voir de quelle manière
01:28:35 il pouvait y avoir des images
01:28:37 ou des...
01:28:39 des messages aimables.
01:28:41 - Pourquoi ce choix ?
01:28:43 François Mitterrand a toujours aimé ce jeu
01:28:45 machiavélique. Il n'appréciait
01:28:47 guère Edward Balladur
01:28:49 ou encore est-ce un juste retour des choses ?
01:28:51 En souvenir du soutien des Chiraciens
01:28:53 en 1981
01:28:55 face à Giscard.
01:28:57 Pour le maire de Paris, en tout cas, cet appui présidentiel
01:28:59 apparaît salvateur dans un contexte
01:29:01 difficile, car à droite,
01:29:03 ils ne sont pas nombreux
01:29:05 à croire en ses chances.
01:29:07 - Chirac doit être
01:29:09 à 13% dans les sondages, Balladur
01:29:11 à 30 ou 40.
01:29:13 Personne ne veut vraiment nous recevoir
01:29:17 et je lui dis...
01:29:19 "Comment voyez-vous
01:29:21 les choses ?"
01:29:23 Je lui dis "Pas très bon, hein ?"
01:29:25 Et je lui dis
01:29:27 "Qu'est-ce qu'on va faire après ?"
01:29:29 Il dit "On va ouvrir une agence de voyage,
01:29:31 tu la tiendras, je voyagerai."
01:29:33 Et 10 secondes après, il dit "Non,
01:29:35 on va gagner."
01:29:37 On est à 13%.
01:29:39 - On est 5-6 à porter
01:29:41 à bout de bras cette campagne.
01:29:43 Fin janvier, j'étais porte-parole,
01:29:45 il y avait une quarantaine de journalistes, la seule question qu'ils posaient
01:29:47 c'était de savoir à quel moment ils allaient jeter l'éponge.
01:29:49 - Quoi qu'il arrive, je serai jusqu'au bout
01:29:51 de la campagne présidentielle, M. Chirac.
01:29:53 Vous n'avez pas l'intention de renoncer, vous irez bien jusqu'au bout.
01:29:57 C'est la question. C'est vrai que certains s'interrogent.
01:29:59 - Vous parlez sérieusement, là ?
01:30:01 Ou vous faites de l'humour ?
01:30:03 - De temps en temps, on se demande de l'améliation.
01:30:05 - Écoutez, soyons sérieux,
01:30:07 je vous en prie.
01:30:09 - M. Chirac, je vous remercie. - Merci beaucoup.
01:30:11 - Le lendemain de cette émission, il y a déjà
01:30:13 une hypothèque qui est levée.
01:30:15 Il ira jusqu'au bout
01:30:17 du combat et c'est quelques
01:30:19 semaines, jours plus tard
01:30:21 que ces fameuses courbes de popularité
01:30:23 vont s'inverser.
01:30:25 Le 17 mai 1995,
01:30:33 c'est bien lui qui fait route
01:30:35 vers l'Elysée
01:30:37 pour la traditionnelle passation de pouvoir
01:30:39 avec François Mitterrand.
01:30:41 La troisième tentative
01:30:43 aura été la bonne.
01:30:47 63 ans, Chirac
01:30:49 vient d'atteindre ce qui, finalement, s'est imposé à lui
01:30:51 au fil des années.
01:30:53 Le plus haut sommet de l'Etat.
01:30:55 Dans la salle des fêtes,
01:31:03 il est officiellement investi.
01:31:05 Il salue ensuite son adversaire du premier tour,
01:31:09 les plus hautes autorités
01:31:11 de l'Etat et tous ses soutiens.
01:31:13 Mais parmi les invités,
01:31:15 il n'embrasse qu'une personne.
01:31:17 Une jeune femme entourée
01:31:19 de deux aides-soignantes.
01:31:21 Son visage est pour beaucoup inconnu.
01:31:23 C'est celui de sa fille aînée, Laurence.
01:31:25 Jacques Chirac
01:31:27 voulait absolument
01:31:29 qu'elle soit présente ce jour-là.
01:31:31 Jacques Chirac avait secrètement aidé
01:31:37 François Mitterrand à être élu en 1981.
01:31:39 Ce dernier le
01:31:41 a répondu à sa manière 14 ans plus tard.
01:31:43 Et l'étonnante histoire
01:31:45 de ses soutiens entre adversaires va se poursuivre
01:31:47 des années plus tard car
01:31:49 Jacques Chirac n'a rien oublié de la trahison
01:31:51 et des attaques de Nicolas Sarkozy.
01:31:53 Il s'était tenu jusque-là à un devoir de réserve
01:31:55 mais à quelques mois
01:31:57 de la présidentielle, il va saisir une occasion.
01:31:59 Même fatigué,
01:32:01 le fauve va se réveiller.
01:32:03 Le 11 juin 2011,
01:32:05 au musée de Saran,
01:32:07 Jacques Chirac inaugure une exposition
01:32:09 en compagnie de François Hollande,
01:32:11 le président du conseil général de Corrèze.
01:32:13 Ils ont un partage la Corrèze, bien entendu.
01:32:19 Ils se sont affrontés d'ailleurs en tant qu'adversaires politiques.
01:32:21 Mais ça arrive souvent
01:32:23 que des adversaires politiques puissent avoir
01:32:25 estime, voire amitié
01:32:27 humainement.
01:32:29 Je connais la pensée profonde de Jacques Chirac
01:32:31 vis-à-vis de François Hollande.
01:32:33 Je sais qu'il aime beaucoup l'homme.
01:32:35 François Hollande le faisait rire.
01:32:37 Il était très content d'inaugurer
01:32:39 cette exposition.
01:32:41 Il était très touché que François Hollande soit venu.
01:32:43 Donc tout ça l'avait mis en joie.
01:32:45 Le moment est détendu
01:32:47 et Jacques Chirac engage soudain la conversation
01:32:49 sur la prochaine présidentielle.
01:32:51 Il sait que François Hollande est déjà
01:32:53 candidat aux primaires socialistes.
01:32:55 La nuit c'est l'avenir.
01:32:59 La nuit c'est l'avenir.
01:33:01 Comment ?
01:33:03 La nuit c'est l'avenir
01:33:05 parce qu'il est candidat.
01:33:07 Mais
01:33:09 vous êtes candidat.
01:33:11 Vous êtes candidat à l'élection présidentielle.
01:33:13 Oui mais je le vois trop pourri.
01:33:15 Quand la télévision a entendu ce qu'il a dit
01:33:17 elle s'est rapprochée de lui
01:33:19 et je me suis dit mon Dieu il va le répéter.
01:33:21 Donc j'essaye de le faire changer de
01:33:23 conversation. C'est difficile de le faire
01:33:25 changer de conversation.
01:33:27 Quand il a décidé de dire quelque chose.
01:33:29 J'aime bien Jules Pré.
01:33:31 Oui, oui.
01:33:33 Mais je préfère être en joie.
01:33:35 C'est ça.
01:33:37 Vous allez vous faire entendre.
01:33:41 Je peux dire que je vote pour Hollande.
01:33:45 Et après ça on est rentré à l'hôtel.
01:33:51 Il s'est assis dans le canapé.
01:33:53 Il regardait en boucle sur les chaînes
01:33:55 ITV, BFM.
01:33:57 Il se voyait en boucle et il riait.
01:33:59 À dix mois de la présidentielle
01:34:01 l'annonce inattendue
01:34:03 d'un ancien chef de l'état redevenu très populaire
01:34:05 risque d'avoir
01:34:07 un impact considérable.
01:34:09 L'entourage de Jacques Chirac
01:34:11 cherche alors immédiatement à faire machine
01:34:13 arrière. En plus d'un communiqué
01:34:15 prétextant un moment d'humour corézien
01:34:17 Bernadette et Claude vont même
01:34:19 devoir se rendre directement à l'Elysée
01:34:21 pour s'excuser auprès de Nicolas Sarkozy.
01:34:23 Je vais le voir
01:34:29 parce que je trouve normal,
01:34:31 correct d'aller le voir.
01:34:33 Il me reçoit d'ailleurs très gentiment et voilà,
01:34:35 on échange quelques minutes à ce sujet
01:34:37 et il n'y a pas de sujet en fait.
01:34:41 Pas de sujet ?
01:34:43 Qui peut le croire ?
01:34:45 Dans une époque où un rien alimente
01:34:47 parfois la sphère médiatique,
01:34:49 la phrase de Jacques Chirac
01:34:51 est bien sûr une déflagration.
01:34:53 Jacques a dit ce qu'il pensait
01:34:55 alors tout le monde a dit "oh mais il rigole"
01:34:57 et tout, c'est pas vrai.
01:34:59 Chirac ne rigole pas quand il parle de politique.
01:35:01 C'est sa conviction profonde.
01:35:05 Politique.
01:35:07 Il disait "non non non mais c'est sérieux,
01:35:09 c'est sérieux"
01:35:11 et on s'est dit "c'est très sérieux"
01:35:13 il marque de façon très claire
01:35:15 ses inclinations personnelles.
01:35:17 Il était en faveur du corézien.
01:35:21 Si Bernadette a pardonné à Sarkozy,
01:35:23 Chirac n'a pas pardonné à Sarkozy.
01:35:25 Et en plus, dans ses convictions
01:35:27 telles que je le connais,
01:35:29 Jacques est beaucoup plus proche
01:35:31 d'un socialisme
01:35:33 que celui de Hollande
01:35:35 que de la droite de Sarkozy.
01:35:41 Après cet événement,
01:35:45 son entourage estime qu'il faut à tout prix
01:35:47 éviter ce type de déclaration.
01:35:49 Bientôt,
01:35:51 on n'entendra plus Jacques Chirac.
01:35:55 Elle a une dimension
01:35:57 qui montre quand même
01:35:59 déjà probablement
01:36:01 une certaine fragilité
01:36:03 de Jacques Chirac incontestablement.
01:36:05 Depuis quelques mois,
01:36:07 des rumeurs circulent
01:36:09 sur son état de santé.
01:36:11 Le mot de maladie d'Alzheimer
01:36:13 est même prononcé.
01:36:15 Bernadette Chirac a jusqu'alors fermement démenti
01:36:17 mais la famille va maintenant changer de stratégie.
01:36:19 Car ce profil une échéance risquée.
01:36:23 Le procès de Jacques Chirac
01:36:25 qui n'a pu être évité doit s'ouvrir en septembre 2011.
01:36:27 Son entourage pense
01:36:31 qu'il ne sera pas en mesure
01:36:33 d'affronter l'audience.
01:36:35 Qu'il est imprévisible
01:36:37 et qu'il n'est pas bon qu'il se manifeste
01:36:39 justement de manière imprévisible à l'audience.
01:36:41 Et pour éviter l'audience
01:36:43 et prévenir un nouveau dérapage,
01:36:45 il faut prouver son manque
01:36:47 de discernement.
01:36:49 12 jours à peine après ses propos
01:36:51 à François Hollande, Jacques Chirac
01:36:53 arrive dans un grand hôpital parisien.
01:36:55 Il doit y subir une batterie d'examens.
01:36:57 Sa fille Claude l'accompagne.
01:36:59 Des examens
01:37:01 au cours desquels sont effectivement
01:37:03 diagnostiqués des troubles.
01:37:05 Une maladie qui est
01:37:07 la nosognosie, le fait de ne pas savoir
01:37:09 que l'on est malade
01:37:11 et des troubles de la mémoire.
01:37:13 Quelques temps plus tard,
01:37:15 c'est un neurologue réputé, le professeur Olivier Lyoncan
01:37:17 qui le soumet à plusieurs questions.
01:37:19 Il cherchait ses mots,
01:37:21 il demandait des dates,
01:37:23 des lieux.
01:37:25 Il avait beaucoup de mal à
01:37:27 enchaîner ses idées.
01:37:29 C'est le cas notamment lorsqu'on l'interroge
01:37:31 sur les événements de mai 68.
01:37:33 L'ancien chef de l'État se met alors à évoquer
01:37:35 Vladimir Poutine.
01:37:37 Il est soudain
01:37:39 obligé de répondre à des questions,
01:37:41 de se plier à des examens
01:37:43 et de reconnaître
01:37:45 son affaiblissement.
01:37:47 La reconnaissance de son affaiblissement
01:37:49 passe également par une lettre signée de sa main
01:37:51 et transmise au juge.
01:37:53 C'est un acte
01:37:55 dur
01:37:57 et c'est d'autant plus douloureux que
01:37:59 à l'époque où il l'a fait, il est conscient.
01:38:01 C'est la fin quand même d'une capacité à prendre la parole,
01:38:09 à siéger au conseil constitutionnel.
01:38:11 Enfin, je veux dire,
01:38:13 c'est une existence publique
01:38:15 par nécessité qui ne peut
01:38:17 que s'arrêter.
01:38:19 On lui fait signer cette lettre qui
01:38:21 le condamne un peu à une mort sociale.
01:38:23 Le 5 septembre 2011,
01:38:25 le tribunal accepte
01:38:27 que Jacques Chirac soit jugé en son absence.
01:38:29 Trois mois plus tard,
01:38:31 il est condamné à deux ans
01:38:33 de prison avec sursis pour détournement
01:38:35 de fonds publics et abus de confiance.
01:38:37 Jacques Chirac a réagi
01:38:39 dans une certaine indifférence
01:38:41 à tout ça. Il était effectivement
01:38:43 loin de son procès, donc loin
01:38:45 du jugement. À ce moment-là,
01:38:47 il commence à se révéler
01:38:49 assez fortement une certaine
01:38:51 distance de Jacques Chirac
01:38:53 par rapport à la réalité. Je pense qu'il
01:38:55 commence à vivre dans un monde différent
01:38:57 d'une autre. En début de soirée,
01:38:59 un communiqué est adressé
01:39:01 aux agences de presse.
01:39:03 L'ancien président de la République ne fait pas appel.
01:39:05 C'est lui qui a décidé,
01:39:07 fondamentalement,
01:39:09 c'est lui qui décide d'arrêter là.
01:39:11 C'est le fond de lui. À ce moment-là, il sait
01:39:13 que voilà,
01:39:15 ça n'a déjà que trop duré.
01:39:17 Jacques Chirac est donc le premier chef de l'État
01:39:19 de la Vème République,
01:39:21 condamné par la justice.
01:39:23 Quatre mois plus tard,
01:39:27 Bernadette Chirac vote en Corrèze
01:39:29 pour le deuxième tour de l'élection présidentielle.
01:39:31 Jacques Chirac n'a pas
01:39:33 fait le déplacement.
01:39:35 Il a laissé à son épouse une consigne de vote.
01:39:39 À quelques jours du scrutin,
01:39:41 il m'a dit, et il a dit en présence
01:39:43 de Bernadette Chirac qu'il voulait voter
01:39:45 François Hollande. Voilà, c'était son souhait clairement
01:39:47 exprimé.
01:39:49 Elle, Bernadette, elle a voté Sarkozy
01:39:53 à sa place, et elle le dit dans les
01:39:55 dîners en ville, elle le dit en privé,
01:39:57 elle dit dans ma famille,
01:39:59 tout le monde a voté Hollande
01:40:01 sauf Jacques, mais il ne le sait pas.
01:40:03 Le 6 mai 2012,
01:40:07 c'est bel et bien François Hollande qui est élu.
01:40:09 Et ce soir-là, il reçoit un appel
01:40:11 de Jacques Chirac.
01:40:13 Une manière pour l'ancien président
01:40:15 de partager la joie d'une victoire à laquelle
01:40:17 il a en quelque sorte contribué.
01:40:19 Depuis la reconnaissance
01:40:27 de sa maladie, Jacques Chirac
01:40:29 est contraint au silence.
01:40:31 Mais en 2014,
01:40:33 des propos tenus par son épouse
01:40:35 vont déclencher une réaction.
01:40:37 Est-ce que vous trouvez que votre famille politique est assez rassemblée ?
01:40:41 Parce que Sarkozy, Juppé...
01:40:43 Juppé, qu'est-ce que Juppé
01:40:45 à avoir avec Sarkozy ?
01:40:47 Il est candidat aux primaires, et Nicolas Sarkozy,
01:40:49 à priori, se voit aussi réélu à l'Élysée. Alors il y a bien un moment...
01:40:51 Non. Comment ça, non ?
01:40:53 Je vous dis non.
01:40:55 Vous pensez qu'Alain Juppé n'ira pas au bout ?
01:40:57 Peut-être aussi, il y aura peut-être ça,
01:40:59 mais il est très très froid, et
01:41:01 il attire pas les gens, les amis,
01:41:03 les électeurs éventuels.
01:41:05 Il est très très froid. Vous le connaissez ?
01:41:07 Madame Chirac
01:41:11 dit de plus en plus ce qu'elle pense, on peut dire.
01:41:13 Elle est engagée derrière Nicolas Sarkozy,
01:41:15 donc toute personne qui a
01:41:17 une dimension,
01:41:19 qui a une trajectoire
01:41:21 susceptible
01:41:23 de nuire ou de contrarier le retour
01:41:25 Nicolas Sarkozy, de toute façon,
01:41:27 elle le voit négativement.
01:41:29 C'est surréaliste, c'est...
01:41:31 Bernadette Chirac se lâche complètement.
01:41:33 Elle sait parfaitement
01:41:35 que Juppé est quand même
01:41:37 le chouchou de son mari,
01:41:41 enfin celui dont il aurait voulu qu'il lui succède,
01:41:43 alors c'est un coup porté aussi à son mari,
01:41:45 indirectement. C'était extrêmement sévère.
01:41:47 Et d'autant plus sévère
01:41:49 quand même qu'Alain Juppé a beaucoup donné
01:41:51 pour la famille Chirac. Certes, il a beaucoup reçu,
01:41:53 mais il a quand même protégé
01:41:55 Jacques Chirac, il n'a jamais lâché Jacques Chirac.
01:41:57 Vous savez, Juppé
01:41:59 peut courir avant de faire des succès
01:42:01 comme ça, sur les planches.
01:42:03 Vous savez, quand on approche
01:42:05 des élections de plus en plus
01:42:07 importantes, il faut des qualités
01:42:09 très exceptionnelles.
01:42:11 Après cette attaque dirigée contre Alain Juppé,
01:42:13 Claude Chirac va organiser
01:42:15 une prise de parole de son père.
01:42:17 Un journaliste du Figaro est invité à rencontrer l'ancien président.
01:42:27 La phrase de
01:42:29 Bernadette Chirac était absolument
01:42:31 inacceptable pour Jacques Chirac.
01:42:33 Et donc, c'est pour ça qu'il a
01:42:35 tenu à faire savoir,
01:42:37 par mon intermédiaire, que
01:42:39 il soutenait toujours Alain Juppé
01:42:41 et qu'il était enchanté de voir
01:42:43 qu'Alain Juppé avait rendez-vous
01:42:45 avec son destin et rendez-vous avec la France.
01:42:47 Cette déclaration politique de Jacques Chirac
01:42:49 suscite aussitôt des questions.
01:42:51 Est-ce bien l'ancien chef de l'État
01:42:53 qui s'exprime ? Est-il en état de le faire ?
01:42:55 Ou ses proches parlent-ils
01:42:57 désormais à sa place ?
01:42:59 Que Jacques Chirac s'exprime,
01:43:01 même si c'était par la voix de Claude,
01:43:03 son choix d'Alain Juppé
01:43:05 s'inscrit dans une
01:43:07 très longue histoire et dans un choix
01:43:09 affirmé depuis très très longtemps.
01:43:11 Bien entendu, Claude était
01:43:13 totalement sur cette ligne-là, mais c'est le fond
01:43:15 de la pensée, c'est le fond du cœur de Jacques Chirac.
01:43:17 On ne l'a pas contraint à faire ça.
01:43:19 C'est ce qu'il pense profondément.
01:43:21 [Musique]
01:43:23 [Musique]
01:43:25 [Musique]
01:43:27 Il y a des sujets qui ne l'intéressent plus, il y a des sujets
01:43:29 pour lesquels ses souvenirs se sont
01:43:31 estompés et il y a un certain nombre de choses,
01:43:33 des attachements fondamentaux,
01:43:35 des centres d'intérêt qui
01:43:37 demeurent. Et son
01:43:39 rapport à Alain Juppé, son sentiment
01:43:41 de justice et d'injustice,
01:43:43 ça s'est manifesté de manière
01:43:45 très forte et c'est quelque chose qui existe
01:43:47 et qui est fondamental.
01:43:49 Le soutien affiché à Alain Juppé
01:43:51 est la dernière flèche de Jacques Chirac contre Nicolas Sarkozy.
01:43:53 Depuis cette date,
01:43:55 l'ancien président
01:43:57 ne s'est plus jamais exprimé sur la politique française.
01:43:59 [Musique]
01:44:01 [Musique]
01:44:03 Le 14 avril
01:44:05 2016, c'est un drame
01:44:07 qui frappe le clan Chirac.
01:44:09 Laurence, la fille
01:44:11 aînée, la blessure intime
01:44:13 et secrète de cette famille,
01:44:15 s'est teinte d'un malaise cardiaque à l'âge de 58 ans.
01:44:17 [Musique]
01:44:19 [Musique]
01:44:21 [Musique]
01:44:23 Deux jours plus tard,
01:44:25 à l'église Sainte-Claude-Île,
01:44:27 la même où le couple Chirac s'était
01:44:29 marié, l'ensemble
01:44:31 des officiers de sécurité qui ont suivi l'ancien
01:44:33 chef de l'État font rempart autour
01:44:35 de lui pour éviter la prise de photo
01:44:37 d'un homme affaibli en fauteuil roulant.
01:44:39 [Musique]
01:44:41 [Musique]
01:44:43 [Musique]
01:44:45 [Musique]
01:44:47 Cinq mois plus tard seulement,
01:44:49 Jacques Chirac
01:44:51 atteint d'une infection pulmonaire
01:44:53 et une nouvelle fois hospitalisé
01:44:55 à la pitié salpétrière à Paris.
01:44:57 [Musique]
01:44:59 [Musique]
01:45:01 Au cours de l'été,
01:45:03 il avait effectué une visite discrète.
01:45:05 La dernière
01:45:07 dans ce lieu dont il est à l'origine
01:45:09 et qui porte aujourd'hui
01:45:11 son nom,
01:45:13 le musée du Quai Branly,
01:45:15 Jacques Chirac.
01:45:17 [Musique]
01:45:19 [Musique]
01:45:21 [Musique]
01:45:23 [Musique]
01:45:25 Il affirmait à ses proches que comme son père,
01:45:27 il partirait à 70 ans
01:45:29 d'une attaque, ici encore l'histoire
01:45:31 en a décidé autrement. Depuis sa
01:45:33 disparition, plus que jamais Jacques Chirac
01:45:35 s'est installé dans l'esprit des Français
01:45:37 comme l'incarnation d'une forme de nostalgie.
01:45:39 Le bilan d'un président controversé
01:45:41 sera toujours là, ses errements idéologiques
01:45:43 aussi, mais pour expliquer cette
01:45:45 popularité, il restera des valeurs,
01:45:47 le refus de l'extrémisme, une
01:45:49 certaine image de la fonction présidentielle, et puis
01:45:51 l'homme chaleureux, attentif au peuple
01:45:53 et en même temps dernier monarque républicain.
01:45:55 Puissamment parisien
01:45:57 et profondément corézien,
01:45:59 finalement si français.
01:46:01 Jacques Chirac était fait de toutes ces
01:46:03 contradictions qui ont fait qu'il nous ressemblait.
01:46:05 Voici pour finir
01:46:07 quelques lignes tirées de ses mémoires et qui
01:46:09 nous interpellent. Aussi surprenant
01:46:11 que cela puisse paraître, je n'ai
01:46:13 pas grandi dans l'obsession d'accéder
01:46:15 un jour aux plus hautes fonctions de l'État.
01:46:17 Longtemps, mes aspirations,
01:46:19 mes rêves ont été différents.
01:46:21 C'est par hasard et pratiquement sur
01:46:23 ordre que je suis entré en politique.
01:46:25 Quelle incroyable histoire,
01:46:27 ou comment un homme devenu président
01:46:29 de la République rêvait en fait
01:46:31 d'une autre vie.
01:46:33 [Musique]