Devant le Congrès, Attal revient sur le combat pour l'IVG : "Il est long le chemin de la liberté"

  • il y a 6 mois
Le Premier ministre Gabriel Attal "retiendra toute sa vie la fierté d’avoir été à la tribune ce jour". Estimant que le vote du Congrès sur la constitutionnalisation de l'IVG est "l’aboutissement d’un long combat", le jeune chef du gouvernement est revenu sur les moments clefs du féminisme en France, depuis la Révolution françaises et les écrits d’Olympe de Gouges, jusqu’à Simone Veil et l’adoption de la loi de 1975.

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Transcript
00:00 Madame la Présidente de l'Assemblée nationale,
00:03 Monsieur le Président du Sénat,
00:06 Monsieur le Garde des Sceaux,
00:08 Mesdames et Messieurs les Ministres,
00:10 Mesdames et Messieurs les membres du Congrès,
00:13 l'acte de procréation
00:15 est l'acte de liberté par excellence,
00:18 la liberté entre toutes les libertés,
00:21 la plus fondamentale, la plus intime de nos libertés.
00:26 Nous sommes en 1972 dans un prétoire de Bobigny
00:30 et Gisèle Halimi prononce ces mots.
00:33 Nous sommes en 1972 et sur le banc des accusés
00:38 se trouve la mère d'une jeune fille de 16 ans
00:41 dont le crime est d'avoir aidé sa fille à avorter
00:44 après avoir été violée.
00:47 Gisèle Halimi se tient face à une justice d'homme,
00:50 face à une loi écrite par des hommes
00:52 et défend la liberté de chaque femme.
00:55 Nous sommes en 1972
00:58 et elle se sent encore bien seule, Gisèle Halimi,
01:01 dans ce prétoire lorsqu'elle plaide
01:02 pour la liberté et pour le droit.
01:05 Nous sommes aujourd'hui le 4 mars 2024
01:08 et Gisèle Halimi n'est plus seule.
01:11 Un an après l'engagement du président de la République,
01:14 le Parlement et avec lui la nation
01:16 s'est rangé à ses côtés et s'apprête, je l'espère,
01:19 à inscrire dans notre Constitution
01:21 la liberté de chaque femme à recourir
01:23 à l'interruption volontaire de grossesse.
01:26 Nous sommes en 2024 et Gisèle Halimi n'est plus.
01:30 Mais je salue sa famille présente
01:32 dans cette salle du Congrès en ce jour historique.
01:35 Mesdames et messieurs les parlementaires,
01:37 1972, 2024,
01:41 il est long le chemin de la liberté.
01:44 Et alors que nous vous proposons de l'emprunter un peu plus,
01:48 c'est avec la plus grande humilité
01:50 que je m'adresse à vous.
01:52 Humilité.
01:53 Car oui, mesdames, et je dis bien mesdames,
01:56 l'homme que je suis ne peut imaginer vraiment
01:59 la détresse qu'ont pu connaître ces femmes,
02:01 privées de la liberté de disposer de leur corps
02:04 des décennies durant.
02:06 L'homme que je suis ne peut imaginer vraiment
02:08 la souffrance physique d'alors,
02:10 quand l'avortement était synonyme de clandestinité honteuse,
02:13 de douleurs innommables et de risques fatales.
02:16 L'homme que je suis ne peut imaginer vraiment
02:19 la souffrance morale face au poids d'une société
02:22 qui préférait taire et condamner.
02:24 Mais le frère que je suis, le fils que je suis,
02:28 l'ami que je suis, le Premier ministre que je suis
02:30 retiendra toute sa vie la fierté d'avoir été
02:34 à cette tribune en ce jour.
02:36 Ce jour où sera, je l'espère, consacré le combat
02:39 de femmes et d'hommes de tous bords confondus,
02:41 de toutes sensibilités confondues,
02:43 qui font honneur à la nation des droits qu'est la France
02:46 en ayant rendu possible cet instant.
02:49 Ce jour où nous pouvons ensemble, unis,
02:52 plein d'émotion, changer notre droit fondamental,
02:55 notre loi fondamentale, pour y inscrire
02:57 la liberté des femmes, enfin.
03:00 Car nous avons une dette morale envers toutes ces femmes.
03:04 Ces femmes qui ont souffert dans leur chair
03:06 comme dans leur esprit, parfois jusqu'à y perdre la vie.
03:10 Oui, ces femmes mortes pour avoir voulu être libres nous hantent.
03:14 Oui, les aiguilles des faiseuses d'anges nous hantent.
03:16 Oui, ces échappées clandestines
03:18 pour avorter à l'étranger la peur au ventre nous hantent.
03:22 Oui, nous sommes hantés par la souffrance
03:25 et par la mémoire de tant et tant de femmes
03:28 qui, des décennies durant, ont souffert
03:30 de ne pas pouvoir être libres, allant jusqu'à parfois
03:33 payer du prix de leur vie l'injustice
03:35 que le législateur, exclusivement masculin,
03:38 voulait maintenir sur elles.
03:40 Aujourd'hui, nous pouvons changer le cours de l'histoire.
03:44 Il est de notre devoir que les consciences qui s'éveillent
03:47 à présent et celles qui éclorent demain
03:49 ne soient plus hantées par ces souvenirs macabres,
03:52 mais qu'elles soient plutôt habitées par la fierté
03:55 que nous leur aurons ainsi léguée,
03:57 celle d'appartenir à un peuple éminemment libre,
04:01 conscient que le progrès est un but,
04:03 que les droits sont son moyen,
04:05 et que le corps des femmes n'est rien d'autre
04:07 que l'empire de leur liberté et de leur libre arbitre,
04:10 et non pas, mesdames et messieurs, l'outil d'un projet
04:13 qui ne serait pas le leur.
04:15 Alors, mesdames et messieurs les parlementaires,
04:18 oui, c'est avec à l'esprit le poids de ces siècles de souffrance
04:21 et d'injustice que je prends la parole devant vous aujourd'hui,
04:26 que je prends la parole après des mois
04:28 d'un travail parlementaire transpartisan
04:30 qui a commencé bien avant ma nomination,
04:32 et un an pratiquement jour pour jour
04:34 après l'engagement historique du président de la République
04:37 d'inscrire la liberté des femmes à disposer de leur corps
04:40 dans notre Constitution.
04:43 Mesdames et messieurs les parlementaires,
04:45 ce vote, c'est donc d'abord un aboutissement,
04:48 celui d'un long combat.
04:50 Le 1er combat fut celui du droit de vote et de la citoyenneté,
04:54 un combat entamé pendant la Révolution,
04:55 incarné par Olympe de Gouges,
04:57 un combat poursuivi par tant de femmes
04:59 que le silence étouffait,
05:01 par Louise Weiss, qui réinvente la lutte
05:03 et pense la femme nouvelle,
05:04 par Cécile Brunsvig, militante infatigable du droit de vote,
05:08 et 1re femme à entrer au gouvernement
05:10 avec Irène Joliot-Curie et Suzanne Lacoste en 1936
05:14 à la faveur du Front populaire.
05:16 Un combat qui ne trouva son issue qu'avec la libération.
05:19 Pendant près d'un siècle, Marianne était une femme,
05:21 mais elle n'avait pas le droit de voter.
05:24 Et il fallut attendre, 1944, il y a 80 ans,
05:28 pour que l'injustice soit enfin réparée.
05:31 Nous sommes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale
05:33 et enfin, les femmes sont vraiment citoyennes,
05:35 enfin, elles ont le droit d'être élues et de voter.
05:39 Ce pas de géant pour l'égalité,
05:40 nous le devons à l'alliance des gaullistes,
05:42 des communistes, des chrétiens démocrates et des socialistes,
05:45 rassemblés autour de l'égalité.
05:47 C'est la démonstration que les plus grands progrès
05:49 sont le fruit de l'unité.
05:51 Une démonstration que nous sommes à nouveau
05:53 en mesure de faire aujourd'hui.
05:56 Mais contrairement à l'espoir des réactionnaires,
05:58 le combat était loin d'être fini.
06:00 Car les femmes avaient le droit de vote,
06:02 mais toujours pas la liberté de disposer de leur corps.
06:06 Alors, il a fallu de la conviction, des combats et du temps.
06:10 Trop de temps.
06:11 Les 30 Glorieuses sont des années d'accélération.
06:13 La France se reconstruit, se renouvelle, se modernise.
06:16 Elle aussi entre insouciance et abondance.
06:19 Et pourtant, les droits des femmes, eux, n'avancent que lentement.
06:22 Le corps des femmes reste un tabou.
06:25 Et la loi Sélérate de 1920, qui fait de l'avortement
06:28 un crime passible de la cour d'assise,
06:30 plane au-dessus d'elle.
06:32 Mais les voix se lèvent de plus en plus nombreuses.
06:35 Nous sommes en 1967,
06:37 et la loi Neuwirth vient légaliser la pilule contraceptive.
06:41 Le mouvement s'accélère, inarrêtable.
06:43 Nous sommes en 1971,
06:45 et 343 femmes brisent le tabou du silence,
06:48 célèbres ou anonymes.
06:50 Toutes ont en commun une histoire,
06:52 celle de l'avortement.
06:54 Nous sommes en 1972.
06:56 Les procès de Bobigny divisent l'opinion.
06:58 Gisèle Halimi défend les accusés,
07:00 mais prend en réalité la parole pour toutes les femmes.
07:04 Avocate des prévenus,
07:05 mais procureure contre un système
07:07 qui prétend décider à la place des femmes.
07:10 Le scandale est immense,
07:11 à la hauteur de la chape de plomb
07:13 qui pèse encore sur le corps des femmes.
07:16 Mais plus rien ne peut arrêter la marche du progrès.
07:19 Nous sommes le 26 novembre 1974,
07:22 il y a 50 ans.
07:23 Après l'engagement de Valéry Giscard d'Estaing,
07:25 Simone Veil monte à la tribune de l'Assemblée nationale.
07:29 Souvenons-nous des mots qui résonnent
07:32 et des insultes qui fusent alors dans l'hémicycle à son endroit.
07:36 Barbarie, nazisme, génocide, four crématoire et tant d'autres.
07:40 Malgré les injures, Simone Veil ne cède pas.
07:44 Malgré les insultes et les menaces,
07:47 Simone Veil ne plie pas.
07:49 Aujourd'hui, le présent doit répondre à l'histoire.
07:53 Alors, mesdames et messieurs les parlementaires,
07:55 50 ans plus tard,
07:56 sous le regard de la famille de Simone Veil,
07:58 que la force de vos applaudissements
08:00 pour son combat et pour sa cause
08:01 tonne plus fort encore que ses insultes
08:03 et qu'il fasse définitivement justice à Simone Veil.
08:06 (Applaudissements)
08:32 (...)
09:02 (...)
09:04 (Générique)

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