• il y a 8 mois
Anna Mangeot a découvert son asexualité à l'âge de 21 ans. Cette orientation sexuelle se caractérise par l’absence ou la faible présence d’attirance sexuelle pour d’autres personnes. Elle raconte son cheminement vers l'épanouissement.
Transcription
00:00 Le fait de ne pas ressentir cette attirance, de ne pas avoir envie de faire l'amour,
00:04 ça m'a énormément angoissée parce que je me sentais cassée, je me sentais en marge.
00:09 Je m'appelle Anna Mangeau, je suis entrepreneuse,
00:14 militante pour la visibilité asexuelle et autrice du livre "Asexuel"
00:19 qui est sorti le 31 janvier aux éditions La Rousse.
00:21 L'asexualité, c'est une orientation sexuelle comme toutes celles qu'on connaît déjà,
00:25 mais si on définit les autres par ce vers quoi ils sont attirés,
00:29 nous on n'est attirés par aucun genre ou dans des circonstances très particulières.
00:33 Sur le spectre de l'asexualité, je suis vraiment un peu aux extrêmes
00:37 puisque je ne ressens aucun désir, aucune attirance
00:40 et je n'ai aucune libido sous aucune circonstance.
00:44 J'ai eu une adolescence qui était assez compliquée
00:46 parce que j'ai cherché ce désir que je n'avais pas
00:49 et que je voulais absolument avoir, un peu écrabouillée par la pression de la société
00:54 et les histoires de mes copines qui elles se plaisaient beaucoup
00:57 dans le fait d'avoir des relations sexuelles.
00:58 Du coup, je suis allée de garçon en garçon,
01:01 je suis tombée amoureuse d'innombrables fois.
01:04 Le fait de ne pas ressentir cette attirance, de ne pas avoir envie de faire l'amour,
01:08 ça m'a énormément angoissée parce que je me sentais cassée,
01:12 je me sentais en marge,
01:13 je me demandais si finalement je n'étais pas un humain mal fonctionnant.
01:17 J'ai dû tomber sur le mot asexuel pour la première fois quand j'avais 13-14 ans je pense,
01:23 mais je ne me suis absolument pas reconnue dans la représentation qui en était faite
01:27 parce que la vidéo que j'avais vue était tournée comme souvent sous un jour très misérabiliste
01:32 et tout ce que je me suis dit c'est "Ah la pauvre fille".
01:35 Même si j'avais pu me reconnaître, j'étais dans un déni énorme
01:38 car je ne voulais pas être cette personne-là.
01:40 Après ce qui a changé c'est qu'à l'âge de 21 ans je suis retombée sur ce mot
01:44 mais décrit par quelqu'un qui le vivait de façon épanouie, qui en était heureux.
01:48 Tout de suite j'ai pu me l'approprier et de ce fait me libérer.
01:52 On différencie bien l'aromantisme de l'asexualité,
01:55 quand on est asexuel on ne ressent donc pas ou très peu d'attirance sexuelle envers autrui,
01:59 quand on est aromantique on ressent très peu d'attirance amoureuse.
02:03 Être asexuel n'empêche pas d'être amoureux,
02:05 ça fait bientôt 6 ans que je suis en couple, avant ça j'étais avec quelqu'un pendant 1 an et demi,
02:09 avant ça j'ai une relation qui a presque duré 10 ans.
02:12 En tout cas je crois qu'en être la preuve on peut s'épanouir
02:15 et aider quelqu'un à s'épanouir dans une relation de couple.
02:18 Quand j'ai découvert que j'étais asexuel ça faisait déjà 2 ans que j'étais avec mon partenaire actuel,
02:23 du coup on a vraiment fait cette recherche ensemble,
02:26 de savoir quelles étaient mes limites, à quoi est-ce qu'on se confrontait
02:29 et comment est-ce qu'on pouvait s'épanouir dans notre couple car lui est hétéro.
02:33 On pourrait dire qu'être dans une relation asexuelle et non asexuelle
02:37 demande énormément de communication, de respect et d'échange,
02:40 mais moi j'aurais tendance à penser que c'est le cas dans tous les couples,
02:43 parce qu'en réalité on a tous des différences qui nous cimentent.
02:47 Pour autant un couple c'est fait de ça,
02:49 c'est le fait d'accepter l'autre dans sa diversité, dans ce qui le rend unique.
02:54 Je pense qu'on fait des progrès en termes de visibilité,
02:57 mais ça reste moindre comparé aux besoins.
02:59 La simple preuve que j'aurai de ça c'est qu'à chaque fois que je prends la parole
03:03 je reçois des centaines de messages de personnes de 14 à 70 ans
03:08 me disant que pour la première fois de leur vie
03:10 ils se sentent le droit d'être ce qu'ils sont sans se forcer.
03:14 Chaque fois que j'interviens ou que je débats avec des gens de ces sujets-là,
03:18 je me confonds à des personnes qui refusent l'idée même que l'on puisse exister,
03:23 que l'on puisse avoir besoin de mettre un mot, de se mettre dans une case.
03:27 Je me retrouve à m'empêtrer les pieds dans des débats sans fin,
03:31 parce que même si on fait des progrès,
03:33 on manque encore d'une visibilité qui ne laisse d'autre choix
03:37 que d'admettre qu'on existe et qu'on a le droit d'exister.
03:40 Si on devait lister les idées reçues sur la sexualité,
03:43 je pense que la première c'est le fait de ne pas vouloir ou ne pas pouvoir faire des enfants,
03:47 ce qui moi m'étonne toujours parce que je ne vois pas bien le lien
03:50 entre vouloir fonder une famille et le fait de coucher,
03:53 dans le sens où il y a du désir et famille.
03:55 Enfin, je ne vois pas.
03:56 On me dit beaucoup qu'en définitive, sans sexe, avec mon amoureux,
04:01 on serait plus comme des potes, on colloque.
04:03 On me demande souvent comment je différencie l'amour, l'amitié sans relation sexuelle.
04:07 S'il y a bien des amies qui couchent ensemble sans amour,
04:09 il y a bien de l'amour sans sexe dans l'autre sens.
04:12 D'un côté on nous voit souvent comme dysfonctionnant du côté des hétéros
04:16 qui ne sont pas forcément sensibilisés aux questions queer.
04:18 De l'autre, les personnes LGBTQ+ ne nous considèrent pas
04:24 comme faisant partie de leur communauté parce que nous n'avons pas de désir,
04:28 pas d'attirance et donc pas d'orientation pour certains.
04:31 On nous reproche souvent de ne pas vivre les mêmes stigmas
04:35 que les autres orientations qu'il y aurait besoin de combattre.
04:37 Ce que je réponds souvent c'est que, OK, il n'est pas illégal d'être asexuel,
04:42 mais on fait face à une hostilité constante et à un endroit d'existence
04:46 et de prise de parole qui est vraiment dangereux.
04:50 Une grande partie des personnes asexuelles ont déjà pensé ou tenté
04:55 de mettre fin à leur jour du fait de cette invisibilisation.
04:58 Du jour où j'ai pu mettre un mot sur ce que j'étais,
05:01 je me suis sentie vraiment libérée d'un poids énorme.
05:04 Avant ça, il faut vraiment comprendre que je me sentais seule,
05:08 cassée et sans aucune solution puisque j'avais tout le temps...
05:12 J'étais suivie par un psychiatre depuis déjà presque dix ans.
05:15 J'étais allée voir différents gynécologues.
05:18 J'avais cherché auprès de garçons différents pour essayer de trouver le bon.
05:22 J'avais le droit d'accepter le fait que je pouvais avoir une vie différente
05:26 de celle qu'on m'avait vendue et survendue.
05:28 Surtout qu'il y avait d'autres personnes qui étaient comme moi,
05:31 qui s'étaient endormies en pleurant le soir parce que se sentant trop différent,
05:35 qui avaient une vie heureuse en couple ou célibataire.
05:38 Ça m'a permis aussi de trouver des gens avec qui échanger à ce sujet.
05:43 C'est exactement la raison pour laquelle j'ai pris la parole,
05:45 d'abord sur mes réseaux sociaux, puis en écrivant un livre.
05:48 Aujourd'hui, en intervenant dans les médias,
05:50 c'est toujours dans l'idée que si je peux aider une seule personne à dormir
05:56 en pleurant un petit peu moins le soir même, ce sera tout gagné.
05:59 [SILENCE]

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