• il y a 8 mois
Trois anciens détenus racontent l’enfer du mitard, la cellule où les détenus sont enfermés quand ils sont sanctionnés en prison. Insalubrité, suicide, séquelles psychologiques et physiques, une association réclame sa suppression.

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Transcription
00:00 Le mitard, on en entend parler quand on arrive en prison, oui,
00:03 le tarmi, comme on dit, le mitard, le QD,
00:06 mais quand tu rentres au mitard, c'est autre chose.
00:09 C'est quoi si on le met dans un trou ?
00:13 T'as que des toilettes, t'as les toilettes turques,
00:15 t'as les toilettes turques et un bantou dur,
00:17 on jette un matelas comme ça, on distribue une gamelle,
00:19 c'est ça une punition ?
00:20 Ça tue des gens, le mitard.
00:21 Le mitard, c'est comme si t'allais dans un cimetière.
00:28 C'est sombre.
00:29 C'est une prison dans une prison, je crois.
00:31 Mentalement, ça tue.
00:33 Le mitard est inhumain.
00:36 Dans cette vidéo, je vais vous parler d'un endroit
00:41 où les conditions de vie sont très difficiles, voire inhumaines.
00:44 C'est un endroit où de nombreux détenus se suicident.
00:47 On l'appelle le quartier disciplinaire,
00:49 et aussi mitard en prison.
00:50 Début février, l'OIP, l'Observatoire international des prisons,
00:54 ou Travail Prune qu'on a interviewé,
00:56 a publié une enquête édifiante.
00:59 Pendant un an, ils ont travaillé sur le sujet de la discipline en prison
01:02 et du mitard.
01:03 Cellule insalubre, c'est qu'elle psychologique et physique,
01:06 suicide, on a vraiment l'impression que cette punition sort d'une autre époque.
01:11 Pour comprendre comment ça se passe quand on est au mitard,
01:14 je me suis dit que le mieux, c'était d'interviewer d'anciens détenus.
01:16 Pour ceux qui suivent Street Press,
01:18 ou ils les avaient déjà vus passer dans d'anciennes vidéos,
01:21 ils s'appellent Adama, Pourceux et Djilali.
01:24 To make it clap.
01:26 Avec eux, on va rentrer au cœur du mitard,
01:28 une prison dans la prison.
01:30 La première fois que je vais au mitard,
01:33 c'était à la maison d'arrêt de Bois d'Arcy, j'avais pris trois ans.
01:36 C'était en 2008, c'était pour une bagarre dans les couloirs.
01:40 Il y a eu une intervention, les surveillants ont bloqué la prison.
01:43 Ils m'ont soulevé, ils m'ont jeté au mitard,
01:47 ils ont fermé la porte.
01:50 Et après j'ai vu ce que c'était le mitard, c'était un truc de ouf.
01:55 Moi en fait, je suis à la maison d'arrêt du Val d'Oise, à Oni,
01:58 je suis en mandat de dépôt pour tentative de meurtre.
02:03 Et pendant un an, en fait, moi c'est très bien passé,
02:06 on va dire, ma détention.
02:08 Un jour, j'ai eu une bagarre en promenade,
02:10 deux bagarres en promenade et je suis passé au prétoire.
02:14 Ensuite, on m'a mis au mitard.
02:16 On m'a mis au mitard, j'ai pris 30 jours, dont 20 jours de sursis,
02:21 10 jours fermes.
02:22 Et moi, je pensais même pas que j'allais aller au mitard.
02:24 J'ai été, on va dire, un "détenu modèle",
02:28 j'ai pas eu de rapport d'incident.
02:30 C'était ma première fois que je passais au prétoire,
02:33 je pensais vraiment que j'allais avoir un avertissement.
02:35 Moi, quand j'arrive, je suis en t-shirt limite,
02:39 je me dis, voilà, je vais passer pendant une heure au prétoire
02:42 et après je vais remonter dans ma cellule.
02:44 Et le choc, c'est 10 jours de mitard ferme,
02:47 directement on t'ouvre la cellule et tu pars au mitard.
02:50 Nous, on s'est fondé sur des chiffres de 2022
02:53 qui nous ont été communiqués par l'administration pénitentiaire
02:56 et la sanction du quartier disciplinaire
02:58 représentait 7 sanctions sur 10
03:00 qui étaient prononcées en commission de discipline.
03:03 Si on prend uniquement le quartier disciplinaire ferme,
03:07 on était quand même à quasiment la moitié des sanctions prononcées.
03:12 Une personne détenue sur deux
03:14 qui passe devant une commission de discipline en prison
03:17 va finir au mitard.
03:18 Ma première peine, j'ai fait 30 jours.
03:21 30 jours pour la bagarre parce que je me suis battu.
03:25 En fait, le détenu a porté plainte.
03:28 Ça veut dire que ça m'a ramené une autre affaire.
03:31 Et j'avais quelques rapports parce que j'avais insulté les surveillants
03:34 et ils m'avaient attrapé avec un téléphone.
03:37 Ça veut dire là, ils ont dit non, là, monsieur, monsieur, là,
03:41 vous avez trop fait là.
03:42 Là, on va vous condamner à 30 jours.
03:43 Celle-là, cette peine, elle m'a tué.
03:46 J'ai été qu'une seule fois au mitard.
03:48 C'était juste une journée.
03:49 Et c'était, il me semble, 2010.
03:52 2009-2010.
03:54 C'était pour un très gros incendie que j'ai fait dans ma cellule.
03:58 J'ai fait brûler ma cellule par rapport à mes conditions de détention.
04:01 Ils m'ont ramené au mitard.
04:02 Ils m'ont laissé la journée.
04:04 Ils ont vu que j'étais incompatible au mitard
04:07 par rapport à mon handicap.
04:09 Du coup, ils ont approprié un mitard pour moi.
04:14 J'avais déjà un régime strict.
04:16 J'étais isolé.
04:18 J'étais isolé, donc ils m'ont mis en confinement à l'isolement.
04:21 Ce qui veut dire que, en fait, je suis comme au mitard.
04:25 Ils m'enlèvent ma télé, ma chaîne IFI,
04:28 tous mes loisirs, ma PlayStation,
04:31 mes cantines, ils ne me laissent que mes vêtements
04:33 et une bouteille d'eau.
04:34 J'ai fait 2 fois 45 jours,
04:37 une fois 30 jours,
04:38 2 fois 15 jours
04:40 sur 9 mois et demi d'isolement.
04:43 [Musique]
04:49 Ça ressemble à une cellule.
04:51 9 mètres carrés, c'est petit.
04:54 Il n'y avait rien, à part un lit.
04:58 À mes souvenirs, il y avait une table
05:00 avec une espèce où on peut s'asseoir qui est en pierre.
05:05 Mais quand on t'ouvre la porte, il y a une grille.
05:07 Il y a une grille qui sépare.
05:09 Ça veut dire que même mentalement, quand tu rentres dans la cellule,
05:12 tu te dis "Wesh, mais t'es où en fait ?"
05:14 C'est une prison dans une prison, je crois.
05:18 C'est une cellule disciplinaire
05:20 qui est souvent sombre, sale, exiguë,
05:24 qui va avoir des problèmes d'insalubrité,
05:26 très souvent des problèmes d'humilité l'hiver,
05:29 des problèmes d'aération, au contraire, l'été.
05:33 C'est glauque.
05:34 Franchement, quand je suis rentré dedans,
05:35 pourtant, ça faisait un an, ça faisait 14 mois que j'étais enfermé.
05:41 Mais c'est vrai que quand je suis rentré au Mithar,
05:42 j'ai l'impression de redécouvrir la prison.
05:45 Je me suis dit "Ah, mais je suis où là ?"
05:48 Et c'était le choc en fait.
05:49 Au Mithar, à Bois d'Arcy, il y a une petite fenêtre,
05:52 mais tu vois, c'est flou.
05:54 Tu ne peux pas voir les gens qui sont en promenade en bas.
05:57 En fait, le Mithar, c'est comme si t'allais dans un cimetière.
06:03 C'est sombre.
06:04 Le Décat à Bois d'Arcy laisse tomber.
06:07 Moi, c'était tellement violent, c'est pour ça que même dans mon livre,
06:09 je l'ai appelé le cimetière des vivants.
06:11 Parce que pour moi, t'as l'impression que tu rentres dans un cimetière
06:14 et que tu vas rester dormir dans ce cimetière
06:16 pendant des jours, voire des semaines.
06:19 Tout est limité.
06:20 Tout est limité, même ton vêtement, tes vêtements, pardon,
06:24 c'est eux qui te les ramènent.
06:25 C'est comme si quelqu'un venait déposer des fleurs sur ta tombe.
06:28 Toi, tu ne peux rien faire à part accepter.
06:30 Et ça va être un lieu dans lequel on est complètement coupé
06:35 du reste de la détention.
06:36 L'isolement est vraiment poussé à son paroxysme.
06:39 Presque l'ensemble des activités en prison sont suspendues.
06:42 Donc on n'a plus accès à l'enseignement,
06:45 on n'a plus accès au travail si jamais on avait accès au travail.
06:48 Et ça, c'est 23h/24.
06:50 Et l'heure qui reste, c'est dans une cour de promenade,
06:54 où le nom "cour de promenade" est presque illusoire,
06:58 puisqu'on est dans une toute petite cour.
07:02 Quand tu sors en promenade, des fois tu vois d'autres détenus,
07:04 tu vois un peu de vie.
07:08 "Omitar" c'est "toi et toi".
07:10 Ça veut dire que tu te parles à toi-même, tu réfléchis,
07:14 on ne peut pas appeler ça une promenade.
07:16 Comme quand on va au zoo, on voit un lion en cage qui tourne.
07:20 Tu as l'impression que tu es un animal à ce moment-là,
07:22 et tu te dis...
07:24 On le fait sortir un peu, il se dégourdit un peu les jambes,
07:28 mais des fois tu n'as même pas envie de sortir.
07:36 Je passais le temps franchement...
07:40 Le temps ne passait même pas.
07:42 Le temps ne passait pas, même des fois je me disais
07:44 "mais comment j'ai fait pour dormir ?"
07:46 Je suis là, je suis comme un zombie, je regarde en haut,
07:50 le temps passe, il passe.
07:52 Je suis desséché.
07:54 Même l'heure, il n'y a pas.
07:56 Tu peux t'endormir rapidement,
07:57 pour toi tu as fait une longue nuit,
07:59 moi ça m'est déjà arrivé dans les débuts,
08:01 c'est que je mangeais,
08:03 je faisais un peu de sport pour me fatiguer, pour m'endormir,
08:06 et quand je me réveille, j'ai l'impression qu'il est 5-6h du matin,
08:10 et quand je demande au surveillant "il est quelle heure ?"
08:12 il me dit "il est 23h30".
08:14 Des fois je lui dis "t'es sérieux ou tu rigoles ?"
08:16 "Non, sérieux camarade, tiens regarde !"
08:18 Je me dis en fait...
08:19 "Ah non, tu prends une claque, c'est dur !"
08:22 Tellement que je n'arrivais plus à dormir la nuit,
08:25 j'ai appelé un mec par la fenêtre qui n'était pas isolé,
08:28 je n'ai jamais fumé, j'ai jamais bu.
08:30 Je lui dis "s'il te plaît, roule-moi un joint",
08:32 et je n'arrivais pas à dormir, il fallait que je dorme.
08:35 Avec un bout de col, un bout de drap,
08:39 il m'a descendu un joint, j'ai essayé de fumer le joint,
08:42 j'ai tiré une taffe, deux taffes,
08:44 j'ai vu des papillons, j'ai cru que j'allais tomber dans les pommes.
08:47 J'étais décalé, j'avais une boîte d'allumettes, je jouais avec,
08:52 j'essayais de dormir, tu vois.
08:54 Après tu médites énormément, j'avais quand même la douche,
08:57 la douche quand je me lavais, j'y passais une heure dedans.
09:00 Je faisais que d'écrire, j'écrivais des textes de rap,
09:03 j'écrivais tout ce qui me passait par la tête, je l'écrivais.
09:09 Et même des fois quand je tombe sur des écrits que j'ai écrits au Mithard,
09:12 je me suis dit "ah ouais, j'étais vraiment dans une période,
09:14 dans une position qui était assez compliquée et sombre,
09:18 parce que tu écris que des choses sombres et t'en veux vraiment,
09:22 t'en veux à l'État, t'en veux à tout le monde, t'en veux à la personne".
09:25 Je me dis "mais j'imaginais la tête de la personne qui a inventé le Mithard".
09:28 Tu vois, des trucs bêtes.
09:29 Je me dis "ce mec-là il a pas de cœur en fait,
09:32 est-ce que ce mec-là il a fait du Mithard, pour inventer le Mithard ?"
09:36 Moi une anecdote, tellement au bout d'un moment,
09:39 pour dire que c'est inhumain, que t'es plus en liberté,
09:43 moi il y avait un espèce de, il y avait un cafard qui faisait que de rentrer et sortir.
09:48 Tu sais je le regardais, je me disais "mais même lui il a plus de liberté que moi,
09:51 il rentre dans ma cellule, limite il me nargue, et il ressort".
09:56 Je me dis "moi je peux pas sortir d'ici".
09:57 Mon parcours est compliqué.
09:59 Parce que j'ai un frère qui a été assassiné par la police,
10:03 donc j'étais très jeune, et donc à partir de là déjà,
10:07 j'avais une haine contre tout ce qui était magistrat, policier,
10:13 tout ce qui est surveillant, tu vois, donc l'autorité je pouvais rien.
10:17 Et plus quand j'ai découvert, quand j'ai découvert qu'il y avait de l'acharnement,
10:23 il y avait sur moi, j'avais encore plus de haine.
10:26 Je te dis la vérité, j'avais encore plus de haine.
10:28 Déjà pendant un mois et demi, deux mois ça a duré,
10:31 avant même le confinement, quand j'allais en promenade,
10:34 j'avais un régime strict, c'est-à-dire que je devais passer,
10:38 j'allais dans une petite pièce, juste avant la promenade,
10:42 il y avait une petite chaise en plastique, je devais faire mon transfert du fauteuil
10:44 à la chaise en plastique, me déshabiller devant trois chefs,
10:48 et je me disais "mais c'est pas possible, c'est pas possible".
10:51 Je me déshabillais devant trois chefs, à poil, je me rhabille,
10:56 je vais en promenade, je fais mes une heure et demie de promenade,
10:59 ensuite, dès que je sors de promenade, je repasse,
11:03 par le même régime, la chaise en plastique, à poil,
11:07 et je leur dis "mais pourquoi ? Pour quelle raison ?
11:10 Il y a un hélicoptère qui va me jeter des projectiles,
11:12 je suis tout seul en promenade, j'ai aucun contact".
11:15 Et puis je regagne ma cellule, des fois, ça c'est arrivé fréquemment,
11:18 je retrouve quand ils ouvrent ma cellule, je retrouve les pattes par terre, la farine,
11:23 mes vêtements imbibés, tellement ils ont tout jeté,
11:28 la cellule dégueulasse, et je leur dis "mais pourquoi ?
11:32 Mais c'est psychologique, ça commence à taper sur le système".
11:36 Et comme ça, tout le temps.
11:38 Et puis des fois, le soir, t'as des surveillants qui sont plus mauvais que d'autres,
11:43 ils mettent de la musique à l'interphone pour pas que je dorme, du rock, du metal,
11:48 des trucs qui font que... pour te faire skiser, tu vois.
11:53 La lumière, ils appuient sur l'interrupteur,
11:56 pendant des 15 minutes, ils restent le doigt dessus pour pas que je dorme.
12:02 C'est tout ça pour essayer de me casser.
12:05 Mais c'est un acharnement.
12:07 Ça a duré deux mois, comme ça.
12:09 Et à un moment donné, j'ai craqué, j'ai collé des lames,
12:12 j'ai fabriqué des lames artisanales, j'en ai collé partout.
12:15 J'en ai mis une en dessous de ma table, une en dessous de mon fauteuil.
12:18 J'en ai mis une, t'as vu, là où il y a l'interphone,
12:21 dès que la porte elle s'ouvre, le surveillant il rentre,
12:25 j'en ai une à disposition, une à mon lit, en fait j'en avais à portée de main.
12:28 Je me suis dit, le premier qui va me casser la tête, bah...
12:31 T'sais, à un moment donné, en fait, tu penses comme ça, tu...
12:34 Mais ça va, j'ai pas reproduit... ça s'est pas reproduit,
12:38 il a fallu que je fasse... que je trouve le moyen de faire sauter la cellule
12:42 pour gagner mon transfert. Et pour moi, c'était une victoire.
12:45 Moi, c'était la guerre avec les surveillants.
12:48 Ils me faisaient la misère.
12:50 Des fois, je leur demandais des allumettes,
12:52 parce qu'on avait le droit à trois allumettes par jour.
12:55 Ils voulaient même pas me donner une allumette.
12:57 Ça veut dire, toute la journée... à l'époque, moi, je fumais.
13:00 Toute la journée, je fume pas, je fais rien, je suis dans la cellule.
13:04 Y a des moments où j'ai craqué, bah...
13:06 J'ai appelé les surveillants, ouais, surveillants,
13:08 je les ai appelés pour rien, déjà.
13:10 Et les surveillants, ils étaient là, ils faisaient le malin,
13:12 c'est-à-dire que je les traitais encore, je les insultais encore,
13:15 ils me remettaient les rapports.
13:16 Après, dans ma tête, je me disais, ah ouais, laisse tomber les rapports,
13:18 mais ça veut dire... j'étais en mode,
13:20 eh, vas-y, j'ai plus rien à perdre, je vous traite tous.
13:22 Dès que je redescendais, 30 jours, même pas une semaine après,
13:25 "Monsieur, vous êtes trop haut, vous devez repasser au prétoire."
13:28 Moi, je repassais, allez, 10 jours.
13:30 Ouais, c'était ça, je voulais plus s'arrêter, à un moment donné.
13:33 Moi, je m'entendais bien avec des surveillants,
13:36 même certains gradés qui venaient me voir aussi,
13:40 quand ils étaient au Mittard, qui venaient me parler.
13:43 J'échangeais un peu avec eux.
13:45 Comme tu peux avoir des surveillants aussi...
13:48 Je vais pas dire qu'ils sont pas humains, mais...
13:52 t'es là, c'est ton problème, on s'en fout, moi, je fais mon taf.
13:55 Mais moi, je dis, quand on est surveillant,
13:57 on doit aussi avoir ce côté humain, un minimum.
14:00 OK, on peut commettre les pires choses,
14:02 mais vous êtes là pour garder ces personnes-là.
14:06 Et il y a des surveillants, je trouve,
14:08 heureusement qu'il y a des surveillants qui sont humains,
14:11 qui te soutiennent, qui te font passer,
14:14 ne serait-ce qu'un bouquin, etc.,
14:16 qui t'aident à tenir au Mittard.
14:18 Franchement, quand je suis sorti du Mittard,
14:26 j'ai l'impression que j'étais libérable.
14:28 J'ai l'impression que je sortais de prison, j'étais content.
14:30 C'est à recorse que je dis que j'étais content de retrouver ma cellule.
14:33 D'avoir un peu de chauffage,
14:35 d'allumer la télé, d'allonger dans ton lit.
14:38 Pourtant, j'étais en prison.
14:40 Mais pour moi, la vraie, vraie prison, pure et dure,
14:44 la punition, c'est le Mittard.
14:47 Le jour où je vais en promenade,
14:49 mes yeux s'illuminent comme si,
14:51 pour moi, je pouvais faire le puce sortir.
14:54 Je vois au moins 100 détenus dans la promenade,
14:57 tu rigoles, t'es dans les couloirs tout le temps.
15:00 Ça faisait 9 mois et demi, j'ai pas vu un détenu.
15:03 Un contact, je vois des amis à moi.
15:06 Je suis libre, c'est une liberté pour moi.
15:08 J'ai gagné.
15:10 C'est ça, la prison.
15:12 Je peux y rester, aller.
15:14 C'est comme ça que...
15:16 C'était ça, mon ressenti.
15:18 Quand tu passes 9 mois et demi d'isolement
15:21 avec un acharnement dans un trou,
15:23 et tu peux arriver à Villepinte,
15:25 avec une liberté totale,
15:27 t'as rien.
15:29 Laissez-moi là, ça me dérange pas.
15:31 Quand j'avais pris 30 jours,
15:33 dès que je suis descendu à l'enseignement normal,
15:36 les gens m'ont vu, ils étaient choqués.
15:38 "C'est pas toi, pour ça, arrête tes conneries."
15:41 "Comment ça, c'est pas moi ?"
15:43 "Regarde comment t'es, il me truquait,
15:45 je t'ai déconnecté."
15:47 À un moment, j'étais un peu balèze,
15:49 mais là, ils m'ont vu, c'était tout maigre.
15:51 Je marchais tout doucement.
15:53 Histoire de reprendre les esprits,
15:55 de bien manger et tout.
15:57 J'avais honte, parce que c'était trop.
15:59 Quand tu sors du MITAR, t'en parles
16:07 avec les autres détenus,
16:09 tout le monde sait que t'as été au MITAR,
16:11 et les gens te posent la question.
16:13 "Alors, c'était comment ?"
16:15 Moi, je leur ai dit, c'était le tueur.
16:17 Je suis traumatisé, les gars.
16:19 J'ai pas honte de le dire.
16:21 Je suis un menteur si je dis que ça va pas traumatiser.
16:23 Des fois, je parlais avec des mecs
16:25 qui s'étaient en promenade,
16:27 ils m'appelaient, "Pour ce, c'est comment ?"
16:29 Mais tu sais que dans la C1 ou T,
16:31 y a un tel qui s'est suicidé
16:33 y a un mois.
16:35 Le mec, il me dit ça,
16:37 moi, je suis tout seul, je vais dormir après.
16:39 Je dormais plus, frère.
16:41 Après, moi, je me vantais et tout.
16:43 "Ouais, vas-y, c'est de la connerie, le MITAR."
16:45 "Je peux pas aller même demain."
16:47 Mais en vrai, frère, c'était dur.
16:49 C'était juste pour montrer aux gens que, ouais,
16:51 en fait, c'était dur, frère.
16:53 Ça laisse des séquelles.
16:55 Moi, là, aujourd'hui, j'ai 34 ans,
16:59 mais des fois, je fais des cauchemars, je suis au MITAR, frère,
17:01 ou en cellule et tout, je me réveille en sursaut.
17:03 Je dis, ouais,
17:05 ça m'a laissé des séquelles.
17:07 Une personne détenue qui va passer
17:09 au quartier disciplinaire,
17:11 elle va régulièrement développer
17:13 des problématiques de santé.
17:15 Alors, ça peut être des problématiques somatiques,
17:17 par exemple, des maux de tête,
17:19 des maux de ventre.
17:21 Il y a aussi pas mal de troubles ORL
17:23 qui sont rapportés à cause notamment de l'humidité
17:25 de ces lieux, qui sont souvent insalubres.
17:27 Et puis, des conséquences psychologiques
17:29 désastreuses, elles qui vont
17:31 principalement se matérialiser
17:33 à travers des tentatives de suicide
17:35 ou des suicides
17:37 dans le quartier disciplinaire.
17:39 T'imagines, pour sortir
17:41 du MITAR,
17:43 il y a eu des gars qui ont brûlé leurs cellules,
17:45 des personnes qui ont la peau noire
17:47 qui ressortent la peau blanche, voire rose,
17:49 juste pour sortir
17:51 de cet endroit-là.
17:53 J'ai vu des costauds, frère,
17:55 qui pleuraient au MITAR, frère.
17:57 Je les voyais, ils jouaient les shows en promenade,
17:59 mais je te jure que j'ai vu un mec, il pleurait au MITAR.
18:01 Il pleurait, il disait, faites-moi descendre,
18:03 c'est trop dur, tout.
18:05 Moi, j'ai vu des détenus
18:07 avec qui on tournait, avec qui on faisait
18:09 du sport, avec qui on
18:11 rigolait, sortir du MITAR
18:13 et...
18:15 changer psychologiquement.
18:17 Tu leur parles, ils te regardent
18:19 comme s'ils te connaissaient pas.
18:21 Mais pour moi, il y a eu quelque chose.
18:23 Quand je dis "il y a eu quelque chose", peut-être que
18:25 ce gars-là, il a pas supporté le MITAR,
18:27 il a pété un câble et psychologiquement,
18:29 il a changé. J'en ai vu beaucoup.
18:31 Sortir du MITAR, marcher comme des légumes
18:33 en promenade.
18:35 Il y a des gens qui sont forts, qui surmontent.
18:37 Déjà à l'époque, c'était
18:39 45 jours le maximum de MITAR.
18:41 On se passe à 30 jours. Mais fais 45 jours
18:43 de MITAR. T'en as, ils se mettent la corde au cou.
18:45 C'est pour ça qu'il y a autant de suicides dans les MITAR.
18:47 Au quartier disciplinaire, on a
18:49 15 fois plus
18:51 de risques de mettre fin à ses jours
18:53 qu'en détention normale.
18:55 Sachant qu'en détention normale,
18:57 on a déjà à peu près
18:59 8 fois plus de risques
19:01 de se suicider qu'à l'extérieur.
19:03 Ça, c'est juste le symptôme
19:05 des conditions dramatiques dans lesquelles
19:07 on enferme une personne détenue quand on
19:09 la sanctionne à du quartier disciplinaire.
19:11 Quand on décrit
19:13 les conditions matérielles de détention
19:15 en cellule disciplinaire
19:17 et les conséquences psychologiques,
19:19 finalement, il paraît assez évident
19:21 qu'il y a un mal-être qui va se créer,
19:23 qui va être renforcé
19:25 et qui va s'étirer au point d'arriver
19:27 à des situations dramatiques.
19:29 C'est inhumain.
19:31 Il y a d'autres solutions.
19:33 Tu vois, comme priver la télé. Enlève la télé,
19:35 laisse-la dans sa cellule, tu vois, avec son confort.
19:37 Ça t'aidera à s'attacher aux loisirs.
19:39 Prive-le du sport, tu vois.
19:41 Mais enlève-le pas dans un trou.
19:43 C'est un trou, le MITA.
19:45 Il y a des pays,
19:47 par exemple le Canada,
19:49 qui sont allés jusqu'à supprimer
19:51 la sanction de l'isolement,
19:53 donc l'isolement comme
19:55 sanction disciplinaire,
19:57 alors que c'était utilisé
19:59 jusqu'à 30 jours.
20:01 Dans les prisons fédérales, en 2019,
20:03 le Canada a décidé
20:05 de supprimer le quartier disciplinaire.
20:07 Donc ça montre que c'est possible
20:09 de le faire. Sur le quartier disciplinaire,
20:11 après un an d'enquête,
20:13 nous, la seule solution
20:15 qui nous semble envisageable,
20:17 c'est la suppression du quartier disciplinaire.
20:19 Aujourd'hui, on ne peut plus accepter
20:21 d'envoyer des personnes détenues
20:23 dans des lieux aussi
20:25 inhumains et
20:27 avec des conditions aussi dégradantes.
20:29 Merci d'avoir regardé cette vidéo.
20:33 Si vous voulez en savoir plus
20:35 sur le parcours hors norme de Djalali,
20:37 vous pouvez regarder ce témoignage
20:39 qu'on avait fait il y a deux ans avec lui.
20:41 En ce moment, il prépare carrément un biopic
20:43 sur sa vie, réalisé par Leïla Sy,
20:45 la femme qui est derrière Banlieusard.
20:47 Pour voir le travail d'Adama,
20:49 vous pouvez regarder Rix, c'est toujours
20:51 dispo sur la chaîne YouTube de Streetpress.
20:53 Comme le reportage qu'on avait consacré
20:55 à Pourceux sur le Fight Club
20:57 qu'il avait monté pour lutter contre les Rix,
20:59 je vous mets tous ses liens en description.
21:01 Et sur le sujet du Mithar,
21:03 si vous voulez en savoir plus,
21:05 je vous conseille l'excellent documentaire d'Arte
21:07 à retrouver sur leur chaîne YouTube.
21:09 Ça s'appelle "Mithar, l'angle mort"
21:11 et à l'intérieur de ce docu,
21:13 beaucoup de familles qui ont perdu un proche en détention témoignent.
21:15 N'oubliez pas de vous abonner à Streetpress
21:17 pour ne pas rater nos prochaines vidéos.
21:19 A bientôt !
21:21 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]
21:24 [SILENCE]

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