Fast fashion : «Cette mode est une incitation permanente à la surconsommation», estime Anne-Cécile Violland

  • il y a 6 mois

Anne-Cécile Violland, députée Horizon et auteure de la proposition de loi pour lutter contre la "fast fashion", répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Elle souhaite pénaliser les entreprises qui prennent trop de place avec une énorme production à bas coûts.
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Transcript
00:00 - Europe 1, il est 6h41.
00:02 - Les ravages écologiques de la fast fashion, la mode jetable,
00:05 dans le viseur d'une proposition de loi portée en ce moment à l'Assemblée nationale.
00:10 Alors faut-il réguler ces géants du textile qui écoulent des montagnes de produits,
00:15 de vêtements à prix cassés, vite portés, vite jetés ?
00:17 On en parle ce matin sur Europe 1.
00:19 - Alexandre Lemaire, vous recevez Anne-Cécile Violand, députée horizon de Haute-Savoie,
00:23 auteure de cette proposition de loi.
00:24 - Bonjour Anne-Cécile Violand. - Bonjour.
00:26 - Vous allez présenter votre proposition de loi aujourd'hui en commission
00:29 à l'Assemblée nationale.
00:31 Elle a déjà pris trop de place, cette tendance de la mode jetable.
00:34 D'abord, il faut peut-être définir ce que c'est la mode jetable.
00:36 - Absolument. Alors, on va dire trois critères pour être très rapide.
00:40 Une production excessive en masse de produits textiles,
00:44 avec des renouvellements de référence par jour démesurés
00:49 par rapport à nos entreprises françaises. - Par jour, hein.
00:50 - Par jour.
00:52 Et on a aussi des très très bas coûts, puisque production en très gros volumes,
00:57 donc très bas coûts, donc pas très bonne qualité.
01:00 Et puis enfin, une publicité, un marketing ultra agressif.
01:03 - Donc une mesure phare de votre texte que vous portez, Anne-Cécile Violand,
01:06 vous voulez mettre en place un malus, un malus pour les produits achetés sur ces plateformes.
01:12 C'est quoi ? C'est le même principe que lorsqu'on achète une voiture trop polluante, par exemple ?
01:15 - Exactement. C'est exactement. Donc c'est un dispositif qui existe déjà,
01:19 qui s'appelle la responsabilité élargie des producteurs, pollueurs-payeurs.
01:22 Et c'est dans le cadre d'une loi anti-gaspillage d'économie circulaire.
01:26 Et en fait, cette idée, c'est de pouvoir pousser le dispositif existant.
01:30 On veut pénaliser très fort les entreprises qui font très mal,
01:33 et pénaliser peut-être d'une moindre mesure celles qui ont vraiment engagé une vraie transition écologique.
01:39 Donc c'est distinguer l'ultra fast fashion qui, vous l'avez dit,
01:42 prend trop de place à envahir notre territoire en très peu de temps.
01:45 - Alors, pénaliser très fort, je sais pas, prenons un t-shirt, on parle de prix cassé,
01:48 donc prenons un t-shirt à je sais pas, 3 euros, 5 euros, il serait de combien ce malus ?
01:54 - S'il ne coche aucune des cases et critères, il est à 5 euros, il sera à 7,50.
02:00 De 50, pourquoi ? Parce qu'on est dans la limite de 50% du prix.
02:05 Ceci dit, on est dans une trajectoire où on veut atteindre 10 euros en 2030,
02:09 alors toujours dans cette idée 50% du prix,
02:11 mais c'est vraiment l'idée de pouvoir être significatif.
02:14 Aujourd'hui, on parle de quelques centimes.
02:16 - Vous voulez casser le prix cassé en quelque sorte, c'est ça l'idée ?
02:19 - C'est ça l'idée, c'est ça l'idée.
02:21 C'est surtout informer, sensibiliser le consommateur.
02:24 Et juste, c'est pas une taxe, j'insiste, c'est une pénalité imposée au producteur.
02:28 - C'est pas une taxe, mais il vous aura pas échappé à ne cesser le violent
02:31 quand on était en pleine crise de pouvoir d'achat, en pleine période d'inflation.
02:34 Est-ce que vous craignez pas que cette proposition de loi,
02:36 dont on comprend l'objectif verteux,
02:38 soit assimilée à une mesure d'hostilité aux ménages les plus modestes,
02:41 qui compte justement sur ces vêtements à bas prix pour se vêtir ?
02:44 - Bien sûr, bien sûr.
02:46 La vérité c'est que cette mode-là, elle est dans une incitation permanente à la surconsommation.
02:50 Donc en fait, la question qu'on pose aussi à travers ça, c'est comment on peut
02:54 essayer de faire évoluer notre consommation ?
02:57 Et donc l'idée c'est peut-être d'acheter moins, parce que
02:59 pourquoi cette mode est extrêmement problématique ?
03:03 On a doublé le nombre d'articles achetés en disant
03:07 on est à 48 vêtements par personne par an,
03:10 c'est deux fois plus qu'il y a dix ans.
03:13 - On achète plus parce que derrière on gèle plus aussi, ça tient pas aux lavages.
03:16 - Exactement, il y a la problématique effectivement de la durabilité de ces vêtements.
03:19 - C'est la mode jetable, le trafas fashion mode jetable.
03:22 - Si on parle de malus, alors une fois qu'on a défini la mode jetable,
03:24 est-ce qu'on a déjà une idée, est-ce que vous avez déjà une idée des enseignes
03:28 qui seraient concernées justement, qui seraient visées par votre texte ?
03:31 Quelle chaîne de vêtements ?
03:32 - On n'a pas raisonné en termes de marques, c'est pas une loi anti-Chine, anti-Timu.
03:39 - Là ce sont des enseignes chinoises que vous citiez en l'occurrence.
03:43 - Parce que c'est les pires, parce que c'est les pires en termes d'envahissement du marché
03:47 et de pertes du coup pour notre entrepreneuriat français.
03:51 - Donc vous avez déjà identifié les moutons noirs d'une certaine façon ?
03:54 - On en a identifié certains, mais justement la lumière des auditions
03:58 a permis vraiment vraiment de comprendre que c'est beaucoup plus fin que ça.
04:02 Et du coup l'idée c'est aussi de pouvoir associer un autre critère
04:05 qui est l'affichage environnemental.
04:07 Ce score en fait qui correspond un peu si vous voulez au Nutri-Score,
04:10 de pouvoir vraiment pondérer par différents critères
04:15 et c'est ce qui permettra de moduler justement la pénalité.
04:18 Et cette pénalité, il faut le dire aussi, est associée à un bonus.
04:21 Un bonus pour les entreprises vertueuses qui permettront d'être réinjectées
04:24 dans toutes les filières de l'économie circulaire
04:26 et pourquoi pas aussi dans tout ce qui peut soutenir l'entrepreneuriat français.
04:31 - Alors vous citez Timu, vous citez Chine, il faut rappeler ce chiffre,
04:34 100 milliards de vêtements vendus chaque année dans le monde,
04:37 deux fois plus qu'il y a 20 ans pour rebondir sur ce que vous disiez Anne-Cécile Violon.
04:40 Là si on parle de transition écologique, effectivement,
04:43 tout reste à faire dans le textile.
04:45 - Absolument, on parle d'impact environnemental, d'impact social,
04:48 c'est des conditions de travail déplorables.
04:50 - D'impact social, un tee-shirt à 1,50€ ou 2€,
04:53 on se demande où est le partage de la valeur.
04:55 On se demande où est la valeur, tout court.
04:57 - Tout à fait, tout à fait.
04:58 Et ça questionne bien aussi ce sens-là bien sûr.
05:01 Et une exposition aussi pour les gens qui travaillent
05:04 mais qui achètent aussi à des produits polluants.
05:06 On a de plus en plus d'allergies qui se développent avec ces vêtements.
05:09 - Autre mesure de votre proposition de loi, importante aussi,
05:12 les marques concernées seraient aussi interdites de pub.
05:15 Et alors là, sur tous les supports.
05:16 C'est-à-dire aujourd'hui, on voit l'influence des influenceurs justement,
05:19 eux aussi seraient écartés de la possibilité de faire de la pub
05:23 pour les marques de fast fashion.
05:25 - Oui, c'est vraiment la première fois qu'une loi va s'attaquer à cette problématique-là
05:30 et elle se veut vraiment ambitieuse.
05:31 Effectivement, cette disposition-là, c'est une ligne rouge.
05:34 C'est-à-dire qu'on doit absolument interdire toute publicité.
05:38 Je vous l'ai dit, c'est extrêmement agressif, c'est extrêmement intrusif,
05:40 et notamment chez les jeunes, via les réseaux qu'ils utilisent au quotidien.
05:43 - C'est une loi éveint de l'habillement que vous nous proposez en quelque sorte ?
05:46 - On peut faire le parallèle.
05:48 Il y a des vrais enjeux de santé derrière aussi,
05:51 vous faites le lien avec Eman, de santé, environnement encore une fois,
05:53 compte tenu de l'envahissement.
05:55 On n'a pas parlé des gaz à effet de serre, première industrie polluante,
05:58 beaucoup plus que les transports maritimes, aériens,
06:01 pollution des eaux, pollution des sols.
06:04 On est dans une catastrophe, une véritable catastrophe environnementale.
06:08 - Il est accueilli comment votre texte, votre proposition ?
06:10 Un de ces cils violents parmi vos collègues de l'Assemblée.
06:12 Il y a un large consensus, il a de bonnes chances d'être adopté.
06:15 Là vous êtes en commission aujourd'hui, mais quel va être son parcours ?
06:18 Qu'est-ce qui va déboucher ?
06:19 - Alors, il est plutôt très bien accueilli.
06:21 On a travaillé de manière transpartisane aussi,
06:23 puisque j'ai pu réunir mes collègues pour travailler sur justement les possibilités d'amendement.
06:27 On a un travail très intéressant qui est fait.
06:29 Alors bien sûr que de part à d'autre de l'hémicycle,
06:32 il y a peut-être des volontés d'aller un petit peu plus loin sur certains sujets.
06:35 Je suis confiante, mais après un vote reste un vote,
06:38 parce qu'il peut y avoir des points vraiment très irritants
06:40 et potentiellement de blocage chez mes collègues.
06:42 Mais globalement il est bien accueilli.
06:43 - Eh bien nous verrons le devenir de cette proposition de loi que vous portez,
06:46 qui vise à instaurer un malus à l'achat sur les produits de fast fashion, de mode jetable,
06:50 et d'interdire la publicité pour ces vêtements à très bas prix,
06:54 ces vêtements jetables en quelque sorte.
06:56 Merci Anne-Cécile Violand, députée Horizon des Hauts-de-Savoie,
06:58 auteure de cette proposition de loi, je le rappelle, pour réguler la fast fashion.
07:01 Merci. - Merci beaucoup.
07:02 Merci beaucoup.

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