• il y a 8 mois
Transcription
00:00 Le cinéma doit-il représenter la justice de manière réaliste ?
00:03 « Anatomie d'une chute », le film de Justine Trier, auréolée de succès,
00:07 nous montre une justice parfois fantasmée, parfois réaliste,
00:10 qui en tout cas interroge le système judiciaire.
00:12 Le film raconte le procès de Sandra, soupçonnée d'avoir poussé son mari du haut de leur chalet.
00:16 On y voit d'abord un avocat général, le magistrat censé défendre l'intérêt de la société,
00:21 plutôt virevoltant, directif.
00:23 - Allez, écoutez-vous, on a l'impression que vous l'avez trompé continuellement.
00:25 - C'est vrai que l'avocat général est omniprésent.
00:28 Il descend, il monte, il fonce sur sa proie et il fait des raisonnements tout le temps.
00:33 En fait, c'est lui qui dirige les débats et ça, c'est absolument pas possible.
00:36 Habituellement, le président distribue la parole.
00:39 Or, la présidente ici est en retrait.
00:41 Dans un vrai procès, elle aurait la charge de la police de l'audience.
00:44 Gérer les débats, en assurer la sérénité, répartir la parole, l'interrompre, etc.
00:49 Quant à l'avocat de la mise en examen, il a des liens intimes avec sa cliente,
00:53 ce qui n'est pas interdit, mais…
00:54 - Dans la pratique, je l'ai rarement vu.
00:56 Il faut prendre du recul pour pouvoir bien défendre une personne.
00:58 Et quand on a des liens d'intimité avec une personne, ça peut être compliqué.
01:02 On voit ensuite une nounou judiciaire, chargée d'épauler Daniel, le fils, chose qui n'existe pas.
01:07 - Je pense que dans la vraie vie, on aurait placé l'enfant chez un membre de sa famille.
01:12 L'enfant se verrait désigné à un administrateur légal pour le représenter en justice.
01:17 Et c'est ce qui permet de préserver l'enfant de tout risque de pression.
01:22 Mais il n'y aurait pas de nounou judiciaire.
01:23 Ça, c'est sûr, ça n'existe pas, mais peut-être que ce serait une bonne idée de l'instituer.
01:27 Et c'est là où on arrive à un point essentiel.
01:29 Le cinéma véhicule parfois des inexactitudes,
01:31 mais ses invraisemblances apportent une réflexion sur la justice.
01:34 - Ce qui est intéressant dans ce film, c'est que la caméra est souvent portée à l'épaule et elle suit les personnes.
01:38 Et peut-être que ça incite à réfléchir sur la place spatiale qu'on a
01:43 et la manière dont on bouge dans une salle d'audience.
01:45 Est-ce qu'on doit toujours rester figé ?
01:47 Est-ce qu'il n'y a pas une manière d'agir autrement ?
01:49 Derrière le choix de nombreux films français de montrer des avocats ou des magistrats hyperactifs, écrasants,
01:55 se cacherait aussi l'influence culturelle américaine.
01:57 - Il y a quelque chose d'assez curieux, c'est que les films de procès français,
02:01 en réalité, reflètent parfois des éléments de procédure à l'américaine.
02:05 Comme s'il y avait une forme de globalisation des procédures,
02:07 et puis sur France, en quelque sorte, on appliquait les principes américains.
02:10 L'anatomie d'une chute se situe un peu à la croisée, je trouve.
02:13 Alors évidemment, un film n'est pas un documentaire.
02:16 Si certaines libertés sont prises, c'est pour mieux embarquer le spectateur dans l'histoire et dans la tension d'un procès.
02:21 De ce point de vue, un film est souvent bien plus évocateur qu'un documentaire.
02:24 - J'ai deux étudiantes qui sont venues me voir il n'y a pas très longtemps à la fin d'un cours en amphithéâtre,
02:27 en me demandant ce que moi j'en avais pensé, est-ce que je pensais qu'elle avait tué ou pas son mari.
02:31 Et je trouve ça très intéressant parce que finalement, peu importe en réalité,
02:34 parce que la vérité judiciaire n'est pas forcément la vérité factuelle, elle l'est parfois,
02:38 mais c'est pour ça qu'il faut avoir confiance en sa justice.
02:39 Le cinéma reste le moyen numéro un de se faire une idée visuelle du fonctionnement de la justice,
02:44 et d'entrer dans le tribunal.

Recommandations