• il y a 9 mois
C'est un droit des femmes : celui de choisir d'interrompre une grossesse. L'IVG est autorisée depuis 1975 et la loi Veil. En France, 1 femme sur 3 a recours au moins une fois dans sa vie à l'avortement. 220 000 interruptions volontaires de grossesse sont pratiquées chaque année. Un droit encore tabou.

En 2023, l'accès à l'avortement reste fragile et inégal. Victime des déserts médicaux et des choix de santé publique. Il dépend encore de l'engagement des professionnels.
Alors l'idée est née en France de constitutionnaliser le droit à l'IVG pour le protéger. Après son examen au Parlement puis devant le Congrès, la liberté des femmes d'accéder à l'interruption volontaire de grossesse est officiellement inscrite dans la Constitution depuis le 8 mars 2024.

Si sur le papier, le droit à l'avortement est acquis, son accès est-il garanti partout sur le territoire ? Comment sont prises en charge les femmes ? L'IVG est-il un acte médical comme un autre ?

Un reportage de Marion Becker, Pierre-Yves Deheuninck, Raphaël Lizambard et Ilana Azencot.

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Transcription
00:00 ...
00:03 C'est un droit des femmes.
00:05 Il est autorisé depuis 1975 et la loi veille.
00:10 -Je suis en France et j'aimerais
00:12 poursuivre un VGM et un TCA par mois.
00:15 -En France, une femme sur trois
00:17 a recours au moins une fois dans sa vie à l'avortement.
00:21 220 000 interruptions volontaires de grossesse
00:24 sont pratiquées chaque année.
00:27 Un droit encore jugé et stigmatisé.
00:30 -J'ai eu un personnel soignant
00:33 qui m'a énormément culpabilisé en disant
00:36 que si mon copain ne me forçait pas à le garder,
00:41 c'est que forcément il ne m'aimait pas,
00:43 que je tuais un être vivant, que j'étais une odieuse personne.
00:47 -Les gens gardent une idée négative
00:49 de la femme qui fait une interruption de grossesse.
00:52 Il faut changer ça.
00:53 -Un droit que ses opposants
00:55 aimeraient supprimer.
00:57 -L'abomination !
00:58 -Promise !
00:59 -Comme aux Etats-Unis,
01:01 depuis qu'il n'est plus garanti par la Cour suprême.
01:04 -Ce but que nous nous donnons, l'abolition de la loi veille !
01:07 -Veille !
01:09 -Alors, l'idée est née en France
01:12 de le constitutionnaliser pour mieux le protéger.
01:15 -Il faudrait inscrire l'avortement
01:17 comme un droit qui se questionne pas.
01:19 Ca veut dire quelque chose qui fait partie de la santé des femmes.
01:23 -En novembre 2022,
01:26 l'Assemblée adopta à une large majorité
01:28 l'inscription du droit à l'avortement
01:31 dans la Constitution.
01:32 -Collègues, je suis très, très émue
01:35 à la fois de ce vote et de ce signal historique
01:38 que l'Assemblée nationale s'honore
01:42 à envoyer à toutes les femmes de notre pays,
01:44 mais aussi à l'ensemble des femmes du monde.
01:47 -Prix ! -Prix !
01:49 -Première étape du chemin
01:52 vers sa constitutionnalisation.
01:54 -Les femmes...
01:56 -Si sur le papier, le droit à l'avortement semble acquis,
02:00 son accès est-il garanti partout sur le territoire ?
02:04 -Les femmes...
02:05 -Comment sont prises en charge les femmes ?
02:08 L'IVG est-elle un acte médical comme un autre ?
02:12 -Les femmes...
02:13 -Déprisons nos entraves...
02:18 -De nous !
02:19 -De nous !
02:20 -De nous !
02:21 Applaudissements
02:23 ...
02:26 Téléphone
02:28 -Le Planifamilial, bonjour.
02:31 -J'ai un retard de rail, en fait.
02:34 Et je pense que...
02:37 Je pense que, voilà, je suis enceinte.
02:41 J'aimerais profiter, en fait, d'un IVG médical.
02:44 -Vous avez combien de jours de retard, aujourd'hui ?
02:47 -Pour être franche, je vais y avoir
02:50 la semaine dernière.
02:51 Mais du coup, je les ai pas...
02:54 J'avais des douleurs, et je pensais que c'était inacquérimé.
02:58 -Si elle souhaite réaliser une IVG par aspiration,
03:02 ça sera directement vers l'hôpital,
03:04 vers les centres IVG des hôpitaux.
03:06 -OK. Et ça se passe comment
03:09 si elle n'a pas d'assurance maladie en France ?
03:12 -Elle pourra se tourner vers le service social de l'hôpital
03:16 qui pourra lui prendre en charge son avortement.
03:19 -Au planning familial de Paris,
03:21 les conseillères conjugales reçoivent les appels
03:24 et orientent les femmes qui souhaitent mettre fin
03:27 à leur grossesse.
03:29 -Il y a tout type d'âge qui vienne au planning familial
03:34 pour demander un avortement,
03:36 parce que les personnes savent que ça va être un lieu bienveillant,
03:40 où elles vont pouvoir se sentir bien, être à l'écoute,
03:43 non jugées, non culpabilisées.
03:47 -Les femmes trouvent ici une écoute.
03:50 A aucun moment, on ne leur demande pourquoi elles font ce choix.
03:54 On ne juge pas leurs décisions.
03:56 Jusqu'à cette semaine de grossesse,
03:58 elles peuvent choisir la méthode d'IVG médicamenteuse
04:01 ou instrumentale.
04:02 Au planning, la médecin réalise les IVG médicamenteuses.
04:07 Une conseillère les accompagne.
04:09 -Vous vous êtes arrivée après ?
04:11 Vous, vous avez déjà fait les cours rapides de datation ?
04:15 Non, d'accord. Vous non plus, vous n'avez pas fait la dat...
04:18 Donc, il y a encore trois à passer.
04:20 Le groupe, on en discutera réellement après,
04:23 quand vous aurez fait l'échographie de datation.
04:26 -Après l'examen avec le médecin,
04:29 les femmes sont reçues en groupe.
04:31 C'est un temps d'échange avant la mise en place du protocole
04:35 et la prise des médicaments qui entraîneront la fausse couche.
04:39 Ce jour-là, elles n'ont pas accepté la présence de notre caméra,
04:44 même anonymement.
04:45 S'il est autorisé depuis près de 50 ans,
04:48 l'avortement reste tabou.
04:51 Musique douce
04:53 ...
04:56 -La question, elle est pas si simple,
04:58 et assez taboue.
05:00 Alors, il y a quelques milieux où ça l'est plus,
05:04 mais en règle générale, j'ai l'impression
05:06 que ça reste assez tabou, on n'a pas envie d'en parler.
05:09 -Là, encore une femme qui disait
05:11 qu'elle allait voir un gynécologue.
05:13 La première réaction, c'est "félicitations, c'est une bonne nouvelle".
05:18 Alors que pour plein de femmes, c'en est pas une.
05:20 ...
05:25 -On culpabilise encore les femmes qui ne passeraient pas
05:28 au sein d'une grossesse ?
05:29 -On n'arrête pas de les culpabiliser.
05:31 C'est de leur faute, elles auraient pu faire attention.
05:35 -Maintenant, avec la contraception qui existe,
05:39 comment on fait pour être enceinte ?
05:42 -Une partie des femmes qui viennent au planning familial
05:45 sont envoyées par leur généraliste ou leur gynécologue,
05:48 car tout médecin a le droit de refuser de pratiquer l'IVG.
05:52 C'est la clause de conscience.
05:54 -J'ai pas connu ça.
05:56 -Les gynécologues, ils disent plus qu'ils ont une clause de conscience.
06:01 C'est affiché nulle part. Ils sont pas obligés de le dire.
06:04 Mais on a énormément de femmes
06:08 qui viennent faire des avortements,
06:10 qu'on a au téléphone et qu'on oriente,
06:12 parce qu'elles sont allées voir leur gynécologue
06:15 ou un gynécologue, ou une gynécologue,
06:17 femme ou homme, c'est pareil,
06:19 qui leur a dit que non, ils faisaient pas d'avortement.
06:22 C'est une manière détournée.
06:26 Mais en fait, ils disent pas qu'ils sont contre,
06:28 mais ils font pas.
06:29 Là, cet après-midi, la gynéco lui a dit que non,
06:35 elle était pas... -Habilitée.
06:36 -Elle était pas habilitée à faire de l'IVG.
06:39 -3 % seulement des gynécologues et des médecins en cabinet
06:43 pratiquent l'IVG.
06:45 Les femmes doivent alors se tourner vers l'hôpital
06:48 ou le planning familial.
06:50 Depuis 60 ans, ici, on lutte
06:53 pour le droit à la contraception et à l'avortement.
06:56 Pour sa présidente,
07:00 il y a un vrai danger qui plane sur l'IVG.
07:03 -Il y a toujours eu des antichoix,
07:05 ils ont gagné des batailles.
07:08 Aux Etats-Unis, ils ont gagné.
07:09 En Hongrie, ils ont gagné. En Italie, ils vont gagner.
07:13 Il faut être vigilante et se dire que pourquoi en France,
07:16 ça serait une exception.
07:17 Il faut faire en sorte que ce soit un droit fondamental,
07:20 d'essayer de le protéger un maximum,
07:22 en même temps de le rendre effectif,
07:25 car cette bataille est toujours au quotidien
07:27 pour le planning et les associations féministes.
07:30 ...
07:32 -Bonjour, la marche pour la vie ! Est-ce que vous êtes forts ?
07:35 Acclamations
07:38 On vous entend pas, est-ce que vous êtes forts ?
07:40 Acclamations
07:42 -Portés par leur victoire aux Etats-Unis et en Hongrie,
07:46 les anti-avortements donnent de la voix ce dimanche-là.
07:50 Depuis 2005, ces catholiques, conservateurs
07:53 et traditionnalistes organisent une manifestation à Paris,
07:57 la marche pour la vie.
07:58 Ils défilent tous les ans autour de l'anniversaire de la loi Veil.
08:02 A leur tête, leur porte-parole, Aliette Espieu.
08:07 Depuis deux ans, elle a pris les rênes de la manifestation.
08:11 -Défenseurs de civilisation !
08:13 -Elle est plus que jamais mobilisée
08:15 contre la constitutionnalisation de l'IVG.
08:18 -Défenseurs de civilisation !
08:22 -Ce qui est d'autant plus paradoxal,
08:24 avec cette constitutionnalisation de l'avortement,
08:27 qui, pour moi, donne quelque chose de dramatique
08:29 et de pervers de la part du gouvernement,
08:32 c'est que l'article 66.1 de la constitution
08:35 interdit, abolit la peine de mort.
08:38 Et l'article qui suivra sera donc l'autorisation
08:42 de mettre à mort des enfants.
08:44 C'est là où il y a un énorme paradoxe.
08:46 On interdit la peine de mort pour les criminels,
08:49 les violeurs, les pédophiles,
08:51 et à côté de ça, on va dire qu'un enfant,
08:53 selon la situation, le contexte dans lequel il est attendu,
08:56 on peut le tuer.
08:57 -Celles qui a rajeuni et modernisé le mouvement
09:01 espèrent bien abolir la loi Veil.
09:04 -Promis !
09:06 ...
09:08 -Moi, je souhaite envoyer un deuxième signal
09:11 au monde entier.
09:12 Celui d'une France réveillée !
09:15 -Promis !
09:16 ...
09:19 -Une France héroïque, prête à tout
09:22 pour refermer cette boîte de pandore
09:24 ouverte par Simone Veil.
09:26 Acclamations
09:28 -La bataille se joue aussi en coulisses.
09:31 Ses opposants à l'avortement s'infiltrent jusqu'au Parlement.
09:35 Pendant les débats sur la constitutionnalisation de l'IVG,
09:38 la députée Pascale Martin portait la parole de son groupe
09:42 dans l'hémicycle.
09:43 Quelques jours avant les débats,
09:45 elle a reçu une lettre particulière.
09:48 -L'avortement n'est pas un droit abstrait,
09:53 mais un acte semblant par lequel il est mis fin
09:56 à la vie d'un être humain tel que le fœtus de 12 semaines
09:58 que vous tenez entre les mains.
10:00 Pensez-vous sincère que cet acte soit un droit fondamental
10:04 ayant sa place dans la constitution ?
10:06 Voilà, donc ils sont persuadés qu'un fœtus,
10:09 c'est un être humain et qu'il a les droits d'être humain
10:12 comme s'il était déjà en vie.
10:15 Ce type de courrier, moi, ça m'a mis assez en colère.
10:20 Voilà, après, il y a un sentiment de dégoût
10:23 parce que ça joue sur le visuel, évidemment.
10:28 Donc moi, je connaissais pas cet organisme.
10:33 Tout de suite, on s'est renseignés, on a vu à qui on avait affaire.
10:36 -Cet organisme, c'est le Centre européen
10:39 pour le droit et la justice,
10:41 une association conservatrice chrétienne
10:43 très active au Parlement européen.
10:46 -Il y a tout un lobbying autour de ça
10:49 qui est vraiment insupportable,
10:50 mais ça veut aussi dire qu'ils ont de l'argent
10:53 et qu'il y a des gens qui les financent.
10:55 Voilà, donc c'est pour ça qu'il faut vraiment être en résistance
11:00 parce que ça peut tout à fait, demain,
11:03 basculer vers quelque chose que je ne souhaite pas
11:07 et que des millions de femmes ne souhaitent pas.
11:09 -Pour faire interdire l'avortement,
11:12 l'association ne se contente pas
11:14 d'envoyer des lettres au parlementaire.
11:16 Ce jour-là,
11:17 avant l'examen de la constitutionnalisation
11:20 de l'IVG au Sénat,
11:22 elle est invitée par le sénateur d'extrême droite Stéphane Ravier.
11:26 Ancien cadre du Rassemblement national,
11:29 passé depuis chez Éric Zemmour,
11:31 c'est un fervent opposant à la constitutionnalisation de l'IVG.
11:35 -Pour aborder ce débat
11:39 sur la constitutionnalisation de l'IVG
11:41 plutôt que de céder, encore une fois,
11:44 aux passions, aux exigences des individualités,
11:48 j'ai souhaité que nous élevions le débat,
11:50 qu'il y ait un débat, déjà,
11:52 car c'est difficile d'avoir un débat sur ce sujet,
11:55 et que nous élevions le débat avec des personnalités,
11:58 des professeurs qui sont, je dirais,
12:02 dépollués de toute considération
12:07 partisane, justement.
12:09 -Pourtant, les quatre conférenciers invités
12:12 sont tous fermement opposés à cette constitutionnalisation,
12:16 à l'image de Grégor Pupinck,
12:19 le président du Centre européen pour le droit et la justice,
12:22 celui qui envoie des lettres aux députés.
12:25 -L'avortement, on voit bien, fait mal.
12:27 Ce n'est pas un concept ni une liberté abstraite,
12:30 mais une réalité dure.
12:32 L'avortement ne sera jamais un véritable droit humain,
12:35 mais seulement une violation ou une dérogation
12:38 au droit, au respect de la vie.
12:40 -Nous sommes tous ici des universitaires,
12:42 enseignants, docteurs.
12:44 Nous écrivons des livres, des articles scientifiques.
12:48 Ce n'est pas du lobbying que de donner
12:50 une analyse juridique,
12:53 une analyse sociologique sur ce sujet.
12:55 -Aucun sénateur n'a répondu à l'invitation.
12:59 Deux jours plus tard,
13:01 le Sénat votait pour la constitutionnalisation de l'IVG.
13:05 Musique douce
13:07 ...
13:12 Loin du combat politique,
13:14 le droit à l'avortement reste fragile sur le terrain.
13:17 Victime des déserts médicaux
13:19 et des choix de santé publique,
13:22 en 2023, l'accès à l'IVG est inégal.
13:25 En 20 ans, 130 maternités ont fermé,
13:30 et avec elles, la possibilité pour les femmes d'avorter.
13:33 C'est l'histoire de Rotel, dans les Ardennes,
13:38 une ville de 8 000 habitants, à 45 km de Reims.
13:43 En 2010, la maternité ferme ses portes,
13:47 le centre périnatal n'assure plus que les suivis de grossesse.
13:51 Il faudra attendre 2016 et l'engagement du Dr Odile Maurice
13:55 pour que les femmes aient à nouveau accès à l'IVG.
13:59 -C'est une population qui est très rurale,
14:03 souvent...
14:06 Alors...
14:08 Le niveau socio-économique, bien sûr, bat,
14:12 avec des difficultés
14:16 de transport.
14:18 Souvent, c'est des patientes qui n'ont pas de voiture,
14:21 qui ne conduisent pas,
14:23 dont les maris, des fois, ne sont pas véhiculés non plus.
14:27 Donc l'avantage d'avoir la consultation sur place,
14:31 c'est qu'elles peuvent être un peu plus autonomes.
14:34 Et moi, j'ai vu, à l'époque où...
14:37 où c'était pas possible à Rotel,
14:40 ou même quand, des fois, je suis pas là,
14:43 je vois des patients garder leur grossesse,
14:45 parce qu'elles ne pouvaient pas venir jusqu'à Reims.
14:48 C'est important d'avoir la possibilité,
14:50 d'avoir le choix ou pas de garder une grossesse.
14:53 Voilà.
14:54 Je ne défends pas l'IVG à tout prix,
14:57 mais je défends le droit au choix
15:00 dans de bonnes conditions.
15:02 -Médecin au CHU de Reims,
15:07 Odile Maurice vient ici tous les vendredis.
15:12 Elle assure les consultations
15:14 et prend en charge les IVG chirurgicales par aspiration
15:17 pour les femmes qui le souhaitent
15:19 et pour celles qui ont dépassé les 7 semaines de grossesse.
15:22 C'est alors la seule méthode possible.
15:25 -21 ans.
15:27 Vous êtes en couple ?
15:29 -Oui.
15:31 -Ca fait combien de temps ?
15:32 -Ca fait 2 ans. -D'accord.
15:34 Ca se passe bien ?
15:36 -Oui. -Il est gentil ?
15:38 -Très bien. -Pas de violence ?
15:40 -Non. -Du tout.
15:41 -J'ai été chez mon médecin d'abord pour quelques symptômes.
15:45 Il m'a conseillé d'aller faire une prise de sang.
15:48 J'ai été en faire une et j'ai eu les résultats le soir même.
15:51 Du coup, j'étais un peu stressée quand même.
15:54 Enfin, c'est pas anodin, quoi.
15:57 J'ai déjà eu assez de mal pour avoir un rendez-vous.
16:00 De base, j'avais déjà appelé Charleville.
16:02 Ils m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas avant un certain temps.
16:06 -Combien de temps ? -Charleville ?
16:08 -Charleville, c'était pas avant 2 semaines.
16:10 C'était quand même plus pratique de savoir assez rapidement
16:13 parce que j'étais déjà assez, comment dire,
16:16 loin dans la grossesse, donc voilà.
16:19 -Vous êtes pas loin dans la grossesse, d'accord ?
16:22 Franchement, vous êtes dans les délais.
16:25 Il y a pas de... Non, non.
16:27 -Laura est à 9 semaines de grossesse.
16:30 -Par rapport à l'âge de la grossesse,
16:33 la méthode possible, c'est la méthode instrumentale
16:36 au bloc opératoire.
16:37 Vous avez lu sur la feuille,
16:39 vous avez vu comment ça se passait,
16:41 avec deux possibilités, soit sous anesthésie générale,
16:45 où vous dormez complètement,
16:47 soit sous anesthésie locale,
16:48 où on endort juste la zone où on passe les instruments.
16:52 Il faut savoir que c'est pas complètement sans douleur.
16:55 Vous allez ressentir un certain nombre de choses.
16:58 -D'accord.
16:59 -Nous retrouverons Laura pour son opération
17:01 quelques jours plus tard.
17:03 Sans la présence du médecin à Rotel,
17:05 son parcours aurait été plus compliqué.
17:07 Plus d'attentes et de kilomètres
17:09 pour pouvoir interrompre sa grossesse.
17:12 Pour proposer plus de consultations,
17:14 les sages-femmes de Rotel se sont formées.
17:17 Depuis deux ans,
17:18 elles prennent en charge les IVG médicamenteuses,
17:21 une quarantaine chaque année.
17:22 Maude Cornu avait déjà suivi Aurélie pour une grossesse.
17:27 Elle l'accompagne aujourd'hui pour son avortement.
17:30 -Bien. Comment ça va, aujourd'hui ?
17:32 -Bien, ça va.
17:33 Dans mon cas, c'est évolué.
17:35 Finalement, le projet s'est interrêté.
17:37 Et voilà, donc...
17:39 On a le droit de changer d'avis et...
17:44 Heureusement que ça existe, parce que sinon...
17:47 On serait avec un IP et...
17:51 -Vous trouvez qu'il y a toujours un tabou autour de cette question ?
17:55 -Oui. Même en parlant à la famille,
17:57 c'est compliqué.
18:00 -Vous, vous avez pu en parler autour de vous ?
18:02 -Non, on varie qu'au courant, mais sinon, personne d'autre.
18:06 Heureusement qu'on a les professionnels pour se confier,
18:12 sinon, c'est dur, en fait.
18:30 -Généralement, après la prise de ce premier médicament-là,
18:33 la plupart du temps, il se passe rien de particulier.
18:36 Il est très important de prendre,
18:38 dans la enquête à 48 heures après,
18:40 les deux autres, d'accord ?
18:41 Comme on est au-dessus de cette semaine améliorée,
18:44 c'est deux qu'on prime à prendre.
18:46 Si jamais vous êtes inquiète,
18:48 si tout compte fait, ça a beau être noté,
18:50 on l'a beau avoir abordé, si c'est pas clair,
18:52 vous savez plus trop, n'hésitez pas à appeler,
18:55 il y aura toujours un médecin en sachant le goût du chiffre.
18:58 D'accord.
19:00 -A Reutel,
19:01 le délai de prise en charge des femmes est de cinq jours.
19:04 Ici, comme partout en France,
19:07 l'accès à l'avortement est avant tout
19:10 une histoire d'engagement des professionnels.
19:12 Depuis un an, la loi permet aux sages-femmes
19:17 de pratiquer les IVG chirurgicales.
19:19 C'est l'une des pistes pour garantir l'accès à l'avortement.
19:22 Maud, en tout cas, est prête à s'y former.
19:30 -Si une nouvelle compétence, je m'en saisirais, c'est certain.
19:35 S'il y a pas le docteur Maurice,
19:37 dans les années, on sait jamais,
19:40 ça serait une offre, au moins,
19:42 parce que je vois pas, à l'heure actuelle,
19:44 qui pourrait la remplacer pour l'IVG chirurgicale.
19:48 Même si, effectivement, les trois quarts des IVG
19:50 qu'on réalise actuellement sont des IVG médicamenteuses,
19:53 quand même, des fois, il y a besoin de l'autre méthode.
19:57 Et oui, je pense que c'est important,
19:59 parce que ça va clairement permettre
20:01 de réduire les inégalités d'accès sur le territoire,
20:04 ça, c'est certain, parce que bon,
20:06 on est quand même 26 000 en France.
20:09 Musique douce
20:11 ...
20:13 -Former et spécialiser les soignants dans ce domaine,
20:16 c'est l'objectif du diplôme universitaire
20:19 de régulation des naissances.
20:21 A Paris, Nathalie Trignole enseigne et transmet son expérience
20:25 auprès de futurs médecins et de sages-femmes.
20:28 -L'interruption volontaire de grossesse,
20:31 c'est simplement la situation d'une femme qui est fertile,
20:34 qui a eu un rapport sexuel et qui se trouve enceinte
20:37 à un moment où c'est pas le moment pour elle,
20:40 et donc, il y a une différence entre la possibilité
20:43 d'être enceinte et le désir d'être mère.
20:45 Et il y a plus de grossesses qui surviennent
20:48 de façon inopinée que ce qu'on pense,
20:50 et parmi ces grossesses qui apparaissent de façon inopinée,
20:53 il y en a un tiers qui vont être interrompus.
20:56 -Ces élèves viennent approfondir leur connaissance
20:59 sur cet acte délaissé de la médecine.
21:01 -Du coup, c'est abordé dans nos études,
21:03 plus la contraception que l'IBG, selon moi,
21:06 mais je trouve que c'est survolé,
21:08 ça nous donne pas les outils pour, en pratique,
21:11 pouvoir répondre de manière adaptée et complète
21:14 à la demande des patients.
21:16 -Au-delà de la technique médicale,
21:19 ils sont sensibilisés à l'accueil des femmes.
21:22 C'est ce qui a poussé Calistine à se former.
21:24 L'une des patientes qu'elle suit a été traumatisée
21:27 par un psychologue.
21:29 -Vous avez demandé, si vous pouviez vous aider...
21:31 -En fait, elle lui avait demandé,
21:33 mais j'ai peur de ce qui va sortir de moi,
21:36 qu'est-ce que je vais voir, en fait, après l'IVG.
21:39 Et il lui avait répondu "Vous verrez pas grand-chose,
21:42 "vous allez perdre un petit oeuf, mais il y aura deux points noirs
21:45 "et ce sera les yeux de votre conscience."
21:48 Et en fait, du coup, cette patiente n'a pas réalisé cet IVG,
21:52 et là, elle revenait, du coup, dans le cadre d'une grossesse
21:55 qu'elle ne souhaitait pas garder,
21:59 parce que c'était un contexte très compliqué
22:01 avec son conjoint, avec sa situation professionnelle, etc.,
22:05 qu'elle avait déjà quatre enfants.
22:07 Et elle me disait "Je ne peux pas le garder, je ne veux pas,
22:10 "mais j'ai peur de ces deux points noirs que je verrai."
22:13 C'est une phrase qu'elle avait entendue 10 ans auparavant.
22:16 Et finalement, elle a gardé cette grossesse.
22:18 Et... Voilà.
22:20 Et j'aurais aimé être là il y a 10 ans pour lui dire
22:23 "Tout va bien se passer."
22:25 -Le regard des autres, le jugement.
22:28 Ces professionnels y sont eux-mêmes confrontés.
22:31 -On sent quand même, de la part de certains collègues,
22:34 quelque chose de l'ordre de "Pourquoi tu fais ça ?"
22:38 Un peu... C'est pas du soin, en fait.
22:41 C'est pas considéré parfois comme du soin
22:44 ou comme intéressant intellectuellement,
22:46 ou comme...
22:48 Enfin voilà, il faut bien qu'il y ait des gens qui le fassent,
22:51 donc tant mieux que toi, tu t'en occupes.
22:53 Mais voilà, c'est jamais dit complètement frontalement.
22:56 -C'est pas valorisé. -Non, pas du tout.
22:59 -Quand on s'intéresse à la question,
23:01 et qu'on est soignant, et qu'on est dans l'humain,
23:03 et qu'on est dans l'empathie, et qu'on veut aider les autres,
23:07 je ne comprends pas comment on peut être soignant, humain,
23:10 faire de la médecine des femmes et ne pas considérer
23:13 que l'avortement, c'est la base.
23:15 On est ravis de voir que, dans la jeune génération,
23:18 il y a une relève qui arrive pour ce champ de la médecine.
23:21 Musique intrigante
23:23 -A Retel,
23:25 nous retrouvons au bloc opératoire Laura,
23:28 la patiente du docteur Maurice.
23:30 La jeune femme a choisi l'anesthésie locale.
23:35 ...
23:45 -Ca va ?
23:47 Vous êtes assez confortable ?
23:48 Je vais commencer l'anesthésie.
23:53 Voilà. Voilà. C'est super.
24:02 ...
24:14 C'est fini. Ca va ?
24:15 -Oui. Ca a été ?
24:17 Comment ?
24:18 -Elle est déçue. Elle pensait que ça allait être fini.
24:21 -Je vous embête pas. On va vous remettre correctement.
24:24 -Vous êtes en bien.
24:26 -Du coup, la douleur entre 0 et 10, c'était à combien au maximum ?
24:30 -Je dirais que tout ça, c'était plus des agraves.
24:35 -Oui.
24:36 -C'était plus ça. -D'accord.
24:38 -On attendait vraiment à le savoir. -Tant mieux.
24:41 -L'intervention a duré 15 minutes.
24:44 Depuis qu'elle est pratiquée de manière légale,
24:47 l'interruption volontaire de grossesse
24:49 est sans danger pour la santé ou la fertilité des femmes.
24:53 Ca va ?
24:56 -Ca va.
24:57 -Vous avez une petite collation, ça y est ?
24:59 -Oui. -D'accord.
25:00 La douleur, là, c'est comment, maintenant ?
25:03 -Là, actuellement, j'ai pas mal. -Il y a plus de douleur.
25:06 -Donc ça va. -OK.
25:07 Vous avez vérifié les saignements ? Ca saigne normalement ?
25:10 -Oui. -OK.
25:12 -C'est une page qui se tourne pour Laura,
25:14 un événement dans sa vie de femme
25:16 auquel elle donnera la place qu'elle souhaite.
25:19 -Vous leur aviez dit que c'était pour une...
25:21 -J'ai pas de honte à faire ça.
25:23 Je trouve que c'est mieux comme ça. -Tant mieux.
25:26 -Voilà.
25:27 Je me sens rassurée et soulagée, surtout.
25:31 Je m'attendais vraiment à pire, et en fait, ça a été, je trouve...
25:35 C'était surtout angoissant, en fait,
25:37 parce que je savais pas à quoi m'attendre.
25:40 Comment dire ? Déjà, je vais mieux dormir,
25:42 parce que j'arrivais plus à dormir, je pensais beaucoup,
25:45 donc c'était compliqué, et puis, ouais, non,
25:48 je pense que ça ira mieux,
25:49 pour à peu près tout.
25:51 Puis je vais reprendre une vie normale.
25:53 Rires
25:54 Musique douce
25:56 -Un accueil bienveillant,
25:59 dans des délais raisonnables,
26:01 le choix de la méthode,
26:03 c'est ce que garantit, en théorie, la loi.
26:05 Le 4 mars, le Parlement réunit en Congrès
26:09 à Versailles à adopter à une large majorité
26:12 l'inscription de la liberté d'avoir recours
26:15 à une interruption volontaire de grossesse
26:18 dans la Constitution.
26:20 S'il est désormais garanti,
26:22 les professionnels et les femmes
26:24 attendent que ce droit à l'IVG soit effectif.
26:27 Partie en France.
26:29 ...

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