Guillaume ZELLER. Coup de force japonais du 9 Mars 1945 en Indochine. Paris/France - 11 Mars 2024

  • il y a 7 mois
Ces images sont disponibles à l'achat. Pour plus d'informations :
administration@agence-ligne-de-conduite.com


COPYRIGHT AGENCE LDC.NEWS ©2018. ATTENTION TOUTES LES UTILISATIONS COMMERCIALES OU NON COMMERCIALES SONT STRICTEMENT INTERDITES. AUCUNE REPRODUCTION PARTIELLE OU PLEINE DE VIDÉOS ET DE PHOTOGRAPHIE SONT LIBRE DE DROIT. POUR TOUTES ACQUISITIONS PARTIELLES OU TOTALES, VEUILLEZ NOUS CONTACTER SUR NOTRE SITE WEB DAILYMOTION.
AGENCE DE COPYRIGHT LDC.NOUVELLES ©2018. ATTENTION, TOUT USAGE COMMERCIAL OU NON COMMERCIAL EST STRICTEMENT INTERDIT. AUCUNES REPRODUCTIONS VIDÉOS ET PHOTOS PARTIELLES OU INTÉGRALES NE SONT LIBRES DE DROIT. POUR TOUTES ACQUISITIONS PARTIELLES OU INTÉGRALES, MERCI DE NOUS CONTACTER VIA NOTRE SITE DAILYMOTION.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 [Musique]
00:16 ...de la rédaction d'ITV et de Direct-8.
00:19 Diplômé de l'Institut de l'Issue Politique de Paris,
00:22 il est titulaire d'un DEA d'Histoire contemporaine.
00:25 Guillaume Zeller a été chargé d'enquête au service historique de l'armée de terre française.
00:30 Il a déjà publié aux éditions Talendiers, Oran, 5 juillet 1962, en 2012.
00:37 Un prêtre à la guerre, le témoignage d'un mémonier parasitiste en 2013,
00:42 avec le père Christian Venard.
00:45 La baraque des prêtres, Dachau, 1938-1945, en 2015.
00:51 Violette Sabot, de Londres à Ravennebruck, une escueule face aux SS, en 2022.
00:57 En 2019, il écrit "Les cages de la Côte d'Étaille",
01:01 ouvrage qui relate la tragédie du 9 mars 1945 et des jours qui ont suivi.
01:07 L'inspiration de cet ouvrage trouve sa souffle dans le passé familial de l'auteur,
01:12 dont le grand-père, le médecin militaire Michel de Rozanski,
01:16 a connu la captivité avec sa femme et ses enfants
01:19 dans le camp d'auternement de Pnopène, dont il sortira très éprouvé.
01:23 Cet épisode familial a attisé chez l'auteur le désir de comprendre ces événements.
01:28 Bonjour à tous et merci beaucoup de me recevoir.
01:32 Pour évoquer humblement l'épisode du 9 mars 1945 d'un point de vue historique,
01:40 je remercie les autorités militaires de nous recevoir dans ces lieux plus que prestigieux.
01:46 Merci M. le Président de m'avoir invité à intervenir sur cette question.
01:51 Vous l'avez dit dans votre introduction, en effet, je suis quelque peu concerné familialement
01:57 par cet épisode qui a beaucoup marqué ma famille.
02:00 C'est vrai qu'à l'âge de 40 ans passé, j'ai eu envie d'en savoir plus
02:05 sur le coup de force japonais en Indochine et sur ce qui s'était réellement passé.
02:11 Je l'ai oublié aussi qu'après la présentation rapide que vous avez faite au début de l'office,
02:17 M. le Président, ainsi que le résumé, il y a aussi très court mais très percutant,
02:22 de M. l'abbé Mangin, j'ai plus grand chose à rattraper et à raconter de plus,
02:28 même si je n'arrête pas forcément à s'immiler d'intervenir au poids jésus-christ,
02:32 mais je pense que la comparaison était parlante et en tout cas la conclusion était magnifique.
02:37 Aujourd'hui, nous repartons en Indochine, le 9 mars 1945, pour évoquer,
02:45 et je vais essayer de le faire de la plus pédagogique possible, le coup de force japonais,
02:49 même si j'imagine que beaucoup d'entre vous connaissent cette histoire,
02:52 sinon mieux que moi, en tout cas aussi bien,
02:54 ou en tout cas, vous l'avez peut-être sûrement vécu pour beaucoup d'entre vous familialement,
02:58 et donc peut-être que je ne vous apprendrai pas grand chose, en tout cas je vais quand même m'y efforcer.
03:02 Donc je rappelle que ce jour-là, le 9 mars 1945, les quatre protecteurs-radins de Chine,
03:07 plus la colonie qui compose l'Union Indochinoise, passent donc sous le contrôle japonais.
03:13 Pourquoi il me semblait intéressant de me pencher sur cette question ?
03:17 C'est parce que je pense que c'est un épisode qui est passé totalement sous les radars de l'histoire et de la mémoire,
03:23 et il me semblait intéressant de s'y attaquer d'une façon aussi humblement historique,
03:30 à partir des témoignages, des archives, pour comprendre vraiment quels étaient les tenants et les aboutissants.
03:36 Je disais que c'est une histoire qui est passée sous les radars de la mémoire et de l'histoire,
03:41 déjà pour une raison totalement historique, c'est-à-dire que nous sommes vraiment à la fin,
03:46 à l'ultime fin du second conflit mondial,
03:49 et la guerre d'Indochine telle que nous en avons une exception commune n'a pas réellement commencé,
03:54 pour beaucoup d'historiens, en tout cas dans l'opinion publique,
03:58 la guerre d'Indochine commence plutôt vers 1946, j'espère de montrer,
04:02 et je ne suis pas le seul, c'est en m'inscrivant dans les pas d'autres historiens,
04:05 qu'il n'en est rien, et que la guerre d'Indochine, en tout cas c'est une hypothèse de plus en plus partagée par les historiens,
04:10 commence le 9 mars 1945.
04:14 Quel est le contexte à l'époque ? Il faut savoir qu'en France, évidemment, on est bien loin de l'Indochine.
04:19 Ce 9 mars 1945, le territoire national est quasiment libéré, à l'exception de quelques poches,
04:26 quelques éléments sur le front en Europe, il faut savoir que Cologne est tombée entre les mains des alliés le 5 mars,
04:33 le 7 mars, pour ceux qui aiment le cinéma, et aussi l'histoire bien sûr,
04:37 les Etats-Unis ont franchi le fameux pont de Remagen, qui était le dernier pont qui permettait de franchir le Rhin,
04:43 donc la libération du continent est en route, et honnêtement, ce qui se passe en Indochine à l'époque,
04:48 est loin des préoccupations de la nation, ainsi que des autorités,
04:53 même si certains, évidemment, se préoccupent déjà à l'époque de l'avenir de cette partie de l'Empire français.
05:01 Si la métropole, comme on dit peut-être de façon impropre, se désintéresse à l'époque de ce sujet,
05:08 et pour des raisons qui ne sont pas forcément condamnables, on imagine quel était le contexte à l'époque,
05:12 et à quel point la libération était un moment absolument... qui supplantait toute autre préoccupation,
05:20 il faut savoir que c'est un véritable cauchemar, le terme n'est pas forcément celui d'un historien,
05:24 mais un véritable cauchemar qui va commencer pour 40 000 Européens.
05:29 Alors, vous verrez que souvent les bilans peuvent évoluer d'un travail à l'autre,
05:34 je suis resté sur ce comptage démographique qui me semble pertinent à partir de différentes sources,
05:41 40 000 Européens, dont 18 000 militaires, donc presque la moitié de la communauté européenne,
05:47 dont l'Union Indochine, en tout cas en Indochine, était composée de militaires.
05:53 Voilà, et donc pour eux va commencer un cauchemar qui va en effet s'étendre jusqu'au mois de septembre,
05:58 voire jusqu'au mois d'octobre pour certaines communautés qui étaient notamment à Hanne-Marie-Montigny.
06:05 Le cauchemar, ce sera la seule allusion personnelle que je me permettrai au cours de cet exposé,
06:12 a pris fin grâce à un événement auquel vous vous songez certainement,
06:18 en tout cas je me remémore toujours une phrase que j'ai entendue dans ma famille,
06:22 c'est-à-dire essentiellement chez mes grands-parents,
06:25 "C'est la bombe atomique qui nous a sauvés",
06:27 phrase aujourd'hui un petit peu interpellante, je vois quelques visages qui hochent, qui opinent du bonnet,
06:35 ça veut dire je pense que dans ma famille on n'était pas les seuls à dire ça,
06:38 je crois que c'était vraiment une phrase qui a été unanimement partagée par les survivants de cet épisode,
06:44 on parlera du pilon tout à l'heure.
06:46 "C'est la bombe atomique qui nous a tués".
06:48 Alors on reparlera évidemment des circonstances un petit peu plus compliquées que ça,
06:51 mais de fait la bombe atomique d'Hiroshima accélère la capitulation japonaise
06:56 et incinait la libération des Européens.
07:00 Pour bien comprendre ce qui s'est passé, parce que la situation est très particulière en Indochine
07:05 pendant la Seconde Guerre mondiale,
07:08 je ne vais pas vous brosser toute l'histoire de la présence française dans la région,
07:13 ça, c'est à la fois trop long, passionnant et hors sujet.
07:16 Je vais simplement me fonder au mois qui précède l'effondrement en métropole de mai-juin 1940,
07:23 ce qui se passe dans les années 1938-39-40.
07:26 Il faut savoir, parce que ça va être évidemment la clé de notre réflexion aujourd'hui,
07:30 que le Japon commence à s'intéresser de près à la situation en Indochine.
07:34 Pourquoi ? Parce qu'ils sont engagés dans un conflit contre la Chine.
07:38 Vous connaissez cet épisode.
07:41 Et que même s'ils ont bien progressé, vous le savez, en Corée, en Manchurie
07:45 et sur la côte nord-ouest de la Chine,
07:49 ils ont plus de mal à progresser vers le sud.
07:53 Et quand ils observent la situation, ils constatent une chose très simple,
07:56 c'est qu'il y a une voie d'approvisionnement absolument fondamentale pour les forces du Comintern,
08:01 donc les forces nationalistes chinoises.
08:04 Et c'est ce train mythique, je vais dire, le train du Yulan,
08:08 qui part Taifeng et qui prolonge jusqu'à Kunming, en Chine,
08:13 en passant par la Hokkaï sur la frontière sino-tonguenoise.
08:17 Évidemment, les autorités japonaises, et surtout l'état-major japonais,
08:21 vit cette réalité de façon plutôt...
08:25 En tout cas, n'acceptent pas cet état de fait,
08:29 puisque, en effet, cette voie d'approvisionnement apporte non seulement des denrées,
08:32 mais aussi du matériel, des minerais, voire parfois de l'armement aux Chinois,
08:38 notamment de tout ce qui est arrivé dans le port d'Haïfeng.
08:41 Donc on assiste à de nombreuses tractations de la part des Japonais
08:45 pour mettre fin à ce trafic, dans le sens de cette circulation de biens et de marchandises.
08:52 Mais les autorités restent assez fermes face aux bras de fer
08:57 qu'engage le Japon à cette époque-là.
09:00 Le grand chef, si je veux dire, le gouverneur général à l'époque,
09:03 c'est le général Katrou, et le général Katrou,
09:06 en liaison étroite avec le ministère des Colonies,
09:10 refuse de céder au Japon.
09:13 Et pour cause, on est en 1939, l'armée française a la réputation
09:16 d'être l'une des plus performantes au monde,
09:18 et ils n'ont aucune raison de s'alarmer face à la poussée japonaise,
09:22 même s'il faut la prendre avec la plus grande prudence.
09:24 Mais la France se sent en position de force.
09:27 Inutile de vous dire qu'après la débâcle de mai 1940,
09:33 les choses vont largement changer,
09:36 et les autorités japonaises vont intensifier le bras de fer
09:41 en étant cette fois-ci en position de force,
09:43 puisque de fait, l'appareil militaire a quasiment,
09:48 non pas cessé d'exister, mais en position de faiblesse immense,
09:53 y compris en Indochine, puisque beaucoup de forces vives,
09:56 d'unités, sont allées se combattre en métropole,
09:59 et les unités qui restent en Indochine sont certes combatives et efficaces,
10:04 mais désormais en nombre bien réduit.
10:09 Voilà, donc le bras de fer s'intensifie.
10:13 Le général Katrou, quand on lit ses écrits et ses échanges avec Paris,
10:17 commence à vouloir négocier, tergiverser,
10:21 en tout cas il est vite rappelé par le gouvernement,
10:25 et le 25 juin 1940, il doit céder sa place à un marin,
10:29 qui est l'amiral Deku, surnommé "Pompon",
10:33 puisque vous savez que les marins aiment les jeux de mots,
10:35 donc "Deku", ça veut dire "Pompon".
10:37 L'amiral Deku va prendre les règles de l'Indochine,
10:40 le général Katrou va quitter l'Indochine,
10:43 vous savez que c'est sur le chemin du retour
10:45 qu'il va rejoindre la France libre, dont il deviendra un nom majeur.
10:49 Voilà.
10:51 Alors contrairement au général Katrou,
10:54 l'amiral Deku, lui, veut continuer à maintenir une position ferme face au Japon,
10:58 mais il ne va pas avoir totalement aucun gain de cause,
11:01 parce qu'on arrive encore à communiquer avec la métropole,
11:04 et depuis l'issue, puisque maintenant c'est à l'issue que les choses se jouent,
11:07 on lui fait comprendre qu'il va falloir négocier, si on veut tenir.
11:11 Donc il y a des accords, là je me réfère à mes notes,
11:15 parce que la chronologie est complexe,
11:17 qui datent du 30 août 1940, ce sont des accords importants
11:20 qui sont signés à Tokyo par l'ambassadeur de France qui s'appelle Arsène Henry,
11:24 avec son interlocuteur japonais, Matsuoko,
11:28 et cet accord a des conséquences lourdes,
11:31 puisqu'on va ouvrir un certain nombre de bases,
11:35 ou au Tonga, de bases aériennes,
11:38 on va les ouvrir aux forces japonaises, et surtout à l'aviation japonaise,
11:42 on va commencer à tarir la circulation des biens et marchandises
11:46 qui allaient vers la Chine,
11:49 et on accepte le déploiement de quelques premières unités japonaises.
11:55 Alors, vous l'aurez remarqué, et je pense que vous en conviendrez à la fin de cet exposé,
12:00 je vais vraiment adopter les choses à voix de vue très français, je l'assume.
12:04 Évidemment, j'ai essayé de travailler avec des sources japonaises,
12:08 vietnamiennes elles étaient moins pertinentes que les japonaises,
12:10 elles méritent encore d'être exploitées,
12:12 donc vraiment j'ai un point de vue très franco-français dans cette histoire,
12:14 je vois les choses d'un point de vue français.
12:17 Et donc, il est intéressant par rapport à ce qu'on va se dire ensuite
12:21 concernant l'événement du 9 mars 1945,
12:25 de voir les méthodes japonaises, une fois de plus sans forcément
12:29 mettre une dimension morale dans leur façon d'agir,
12:32 mais en tout cas plus une dimension méthodologique.
12:35 Et il est très intéressant de voir la duplicité qui s'établit déjà à l'époque
12:39 entre l'action diplomatique du Japon et l'action militaire, pourquoi ?
12:43 Parce qu'à la suite des accords du 30 août dont je vous parlais,
12:46 toute une série de négociations se poursuivent et débouchent sur la rédaction
12:51 de conventions d'application de ces accords.
12:54 Et donc les choses évoluent, pas forcément très vite,
12:57 l'amiral Lecou a aussi essayé de freiner les choses,
13:00 mais le 22 septembre, le document va être signé,
13:03 et donc chronologiquement, c'est quelques instants après la signature
13:08 de ces accords à Hanoï que les japonais vont déclencher
13:12 une offensive extrêmement violente au niveau de la frontière sino-donquinoise.
13:16 C'est encore un épisode qui est peu connu,
13:19 mais en effet les forces françaises ont déjà dû affronter
13:23 violemment les japonais dès le 22 septembre.
13:27 C'est une attaque qui est faite totalement par surprise,
13:29 vous ne s'y attendez absolument pas puisque cette convention
13:32 devait être signée. Je vous passe les détails, c'est très étonnant,
13:35 parce que les japonais vont s'excuser en disant que c'était un malentendu,
13:38 que les forces sont parties sans recevoir d'ordre, etc.
13:41 Bon, ce ne sont que des hypothèses de ma part,
13:43 mais on a vraiment le sentiment, et l'Athlète le confirmera,
13:46 qu'il y a quelque chose, une tactique qui consiste à la fois
13:49 de jouer la négociation et la violence opérationnelle.
13:55 C'est une attaque qui est très violente.
13:58 Pour les forces européennes, on va compter 35 morts.
14:01 Vous verrez que les bilans ultérieurs sont évidemment beaucoup plus lourds.
14:04 35 morts et 2500 prisonniers.
14:07 Je précise une chose ici, là aussi, jusqu'à la fin de cette exposé,
14:12 bien souvent, vous allez voir que je ne suis pas en mesure
14:14 de comptabiliser les morts indigènes, permettant d'utiliser cette expression.
14:18 On disait "les anamites" à l'époque, les vietnamiens.
14:20 En tout cas, à l'époque, on disait "les anamites".
14:22 Pourquoi ? Parce qu'ils n'ont jamais été décomptés.
14:24 Pourtant, Dieu sait, s'ils étaient en première ligne face aux japonais,
14:27 notamment dans les unités de tiraillère tonkinois et les unités coloniales.
14:33 Donc, qu'ils me pardonnent, on a prié pour eux aussi, tout à l'heure,
14:37 d'une certaine façon, en parlant des déficits militaires.
14:39 Elles sont comprises dans le décompte, mais aujourd'hui,
14:42 je vais surtout vous parler de bilans européens.
14:44 35 morts, 2500 prisonniers.
14:47 L'effet est catastrophique, parce que même si les circonstances
14:51 sont extrêmement particulières, voir 2500 officiers, sous-officiers, soldats,
14:57 essentiellement des fantassins, des représentants de l'armée de terre,
15:03 quelques marins, évidemment, quelques aviateurs, mais essentiellement des fantassins.
15:09 L'épisode, le spectacle est absolument désastreux auprès des populations anamites, notamment.
15:15 Soit celles qui étaient déjà en position de pré-révolte,
15:18 ou qui visaient mal la situation coloniale,
15:20 soit au contraire, auprès de ceux qui étaient fidèles,
15:22 mais qui voient que ceux qui devaient les protéger n'en n'ont pas été capables.
15:26 Je ne rentre pas dans les détails, mais il y a eu aussi des faits d'armes tout à fait remarquables,
15:30 produits par les forces françaises lors de cet épisode de septembre 1940.
15:34 Mais en tout cas, le bilan est là.
15:36 Je vais clore sur cet épisode fondateur.
15:40 En tout cas, ce qu'a bien compris également l'amiral Degout, son cabinet, ses états-majors, etc.,
15:47 c'est que le Japon ne sera pas du tout un partenaire facile à manier.
15:51 C'est un euphémisme.
15:52 Au cours des semaines, des mois, des années qui arrivent,
15:55 on n'en sait rien, parce que l'Indochine devient...
15:58 Je reprends une expression du général De Gaulle qui disait
16:01 "C'est un grand navire à la dérive".
16:03 Il y a quelques lignes où il écrit ça dans ses mémoires.
16:06 C'est vraiment une situation presque d'autarcie qui va se développer,
16:11 où l'Indochine va vivre un peu en solitaire, au bout du monde,
16:15 non pas loin du front, puisqu'on va parler de la guerre du Pacifique dans quelques instants,
16:19 mais loin de la métropole, loin des intérêts de la France libre,
16:22 loin des intérêts de différents protagonistes.
16:25 Donc c'est une situation très singulière.
16:27 C'est un face-à-face qui va se mettre en place entre les Français et les Japonais.
16:34 À court terme, on est à l'automne, à l'IVA 1940,
16:39 c'est un modus vivendi qui va se mettre en place avec les Japonais,
16:43 qui, on se rappelle pour l'instant, ne sont pas encore très présents, sinon autant qu'un.
16:46 La politique de l'amiral Degout, c'est tenir, tout simplement,
16:50 tenir la barre de l'Indochine, c'est le titre de ses mémoires d'ailleurs,
16:54 à la barre de l'Indochine.
16:56 Il faut tenir tout simplement sur le plan moral,
16:58 parce que les populations, qu'elles soient européennes, chinoises, anamites,
17:04 vont une fois de plus vivre dans cet espace totalement enclos,
17:07 sans possibilité d'échanger avec la métropole, de revenir en métropole, etc.
17:10 Donc on se prépare à ça.
17:12 Donc tenir au niveau moral et diplomatique,
17:15 survivre également au niveau économique,
17:18 un petit à petit, la situation va être de plus en plus compliquée,
17:21 en termes de ravitaillement, en termes de production industrielle,
17:24 manufacturière, etc.
17:26 C'est vraiment très important pour lui.
17:29 Il va aussi falloir tenir par rapport aux menaces militaires et diplomatiques.
17:36 Alors, j'ai envie de faire un épisode, même si on est un petit peu loin du sujet,
17:40 mais que j'ai découvert en faisant ce travail, parce que je l'ignorais totalement.
17:43 Je découvre qu'en janvier 1941, la France doit faire face à une attaque,
17:46 cette fois-ci des Thaïlandais.
17:48 J'ignorais, à vrai dire, il y a encore jusqu'à 5 ans,
17:51 que la France avait livré une guerre courte aux Thaïlandais,
17:54 donc qui attaque en janvier 1941.
17:57 Les forces françaises vont bien résister.
18:00 Et pour la petite histoire, sachez, je crois,
18:03 je crois qu'il n'y a pas de marins forcément dans la salle,
18:06 mais que c'est à Koh Chang, au large de la Thaïlande,
18:10 que la marine française va défaire la marine thaïlandaise,
18:14 et que cette fameuse bataille navale de Koh Chang est considérée
18:17 comme la dernière victoire navale homologuée de la marine dans ces ampleurs-là,
18:21 avec des navires de cette taille-là.
18:24 L'amiral Locu va aussi devoir faire face à des menaces,
18:29 on dirait, on le disait autrefois, le terme est un petit peu désuet, subversives,
18:32 notamment des sectes qui se développent,
18:34 caodaïsme, secte hoa-ao, je ne sais jamais dans quel sens on dit.
18:41 L'émergence du Vietminh, on en reparlera après,
18:44 mais si la chronologie est importante, il faut savoir que le congrès fondateur
18:47 du Vietminh a lieu en 1941, donc on est près des événements dont on en parlera,
18:52 en mai 1941 à Pha Kho au Tonkin, avec déjà Ho Chi Minh à l'époque,
18:58 un vieil alcool qui organise le Vietminh.
19:01 L'Indochine non seulement est en position d'autarcie,
19:04 elle est en faiblesse économique, menacée par le Japon, menacée à l'intérieur.
19:07 Donc c'est un jeu extrêmement compliqué pour les autorités françaises.
19:11 Un petit mot également, parce qu'on ne peut pas passer cette question sous silence,
19:16 évidemment l'amiral Lecoultre a été nommé par Vichy,
19:20 il est gouverneur général, il relève de l'autorité de Vichy,
19:23 et disons clairement qu'il va essayer de décliner sur le territoire indochinois
19:28 les grands principes de la Révolution Nationale de façon assez soft.
19:31 Pardonnez-moi pour ce nouvel anglicisme,
19:33 c'est Vichy sous les tropiques pour reprendre un terme d'un historien,
19:38 mais néanmoins il faut savoir qu'il y a des mesures d'exclusion
19:42 devant de l'armée de la fonction publique des personnalités juives,
19:45 francs-maçons et plus tard des personnalités gaullistes.
19:48 Donc ça existe dans les rues de Saïgon, dans les rues d'Hanoï,
19:51 on a des grands portraits du maréchal Pétain,
19:53 des brochures diffusées auprès des populations autochtones
19:56 où on voit le maréchal qui est assimilé à un mandarin
20:01 pour essayer de s'acculturer à la culture aux intents de la population locale.
20:10 Certains historiens font une focalisation sur cette question-là,
20:13 je serai un petit peu plus mesuré au regard des témoignages qu'on a eus.
20:16 Les habitants d'Adochine sous le gouvernement de l'admiral Lecou
20:20 ne sont pas obsédés par l'application de la Révolution Nationale
20:23 ou pour l'obtention d'une francisque.
20:25 Une fois de plus, les priorités, vous l'avez compris, sont vraiment ailleurs.
20:29 En tout cas, il fallait quand même le rappeler.
20:31 Je vais faire un saut rapidement en avant,
20:34 parce que sinon on n'arrivera pas aux événements.
20:37 Évidemment, la grande inflexion, c'est l'événement de la guerre du Pacifique,
20:41 à partir de Pearl Harbor en décembre 1941
20:44 et surtout à partir de la bataille de Midway en juin 1942.
20:47 Vous avez une progression fulgurante des forces nippones
20:50 de décembre 1941 jusqu'à Midway,
20:53 et ensuite, les forces américaines, enfin anglo-saxonnes même,
20:57 puisque les australiens et les anglais sont très impliqués,
21:00 vont mettre un coup d'arrêt à cette progression
21:02 et petit à petit, très lentement, vont commencer à reprendre du terrain.
21:06 Et c'est là que, une fois de plus, je vous avais parlé d'un saut rapide,
21:09 ça va vraiment être très rapide.
21:11 En tout cas, les japonais comprennent assez vite,
21:13 mais ça ne sera pas la seule raison,
21:15 que parmi les voies de repli pour les forces japonaises
21:18 déployées notamment en Birmanie, en Malaisie,
21:21 dans les Indes néerlandaises, etc.,
21:23 il y a une voie de repli vers le nord
21:25 et une voie de repli passe par l'Indochine.
21:27 Donc pour eux, il est essentiel de sécuriser cette voie.
21:32 Je voudrais simplement aussi faire un tout petit retour en arrière.
21:36 Sachez, parce que j'ai oublié de vous le dire, c'est important,
21:38 que l'accord dont je vous avais parlé,
21:40 entre Arsène Henry et Matsuoko,
21:42 qui avait ouvert le Tonkaï aux japonais,
21:44 a été élargi avec un autre accord très important,
21:47 signé par l'amiral d'Arland et l'ambassadeur Kato à Vichy,
21:50 qui a ouvert l'Indochine à l'ensemble des forces japonaises.
21:54 J'aurais pu vous le dire plus tôt, pardonnez-moi pour ce léger oubli,
21:57 donc on met un petit peu les choses en place.
21:59 Cet accord existe avant le déclenchement de la guerre du Pacifique,
22:01 en tout cas, ça veut dire que les japonais disposant de l'Indochine,
22:04 je reprends l'expression d'un historien qui a beaucoup travaillé sur le sujet,
22:07 d'un véritable porte-avions avancé sur le théâtre du Pacifique.
22:11 Donc voilà, je reprends le fil un petit peu des événements,
22:14 donc, comment dire, préoccupations des japonais
22:17 qui veulent sécuriser cette voie de repli pour leurs troupes,
22:21 et tout va s'accélérer en fait à partir de l'automne 1944.
22:26 À partir d'automne 1944, quelques éléments rapidement,
22:30 le général MacArthur débarque aux Philippines en novembre d'octobre 1944,
22:34 et à partir de décembre 1944, c'est la reconquête de la Birmanie
22:38 qui est largement enclenchée par les forces essentiellement britanniques et australiennes,
22:45 et donc les deux, pour reprendre une expression, un cliché, se resserrent.
22:50 Évidemment, les japonais s'inquiètent de cette situation,
22:55 d'autant plus que leurs services de renseignement, à droite et à gauche,
22:59 les avertissent de la constitution et la structuration de réseaux de renseignement
23:04 au sein de la population européenne d'Indochine.
23:07 C'est pas le pire du sujet ici, mais c'est quand même très important
23:10 de rappeler que des mouvements relevant soit d'Alger,
23:16 soit plutôt du général de Gaulle, soit plutôt du général Giraud,
23:20 soit plutôt des services britanniques, soit des services américains,
23:22 se mettent en place, c'est d'une grande complexité pour démêler le fil,
23:27 cette pelote qui est en train de se constituer,
23:31 puisque certains qui sont à la fois renseignes, les britanniques,
23:35 sont aussi affiliés au général Giraud, pendant que d'autres sont affiliés au général de Gaulle.
23:38 C'est très compliqué, en tout cas ils sont tous animés du même désir.
23:44 Parce que tout le monde en parle quand même.
23:46 C'est d'anticiper une éventuelle attaque japonaise,
23:49 et surtout de faire en sorte que la libération, la France, soit bien présente au rendez-vous.
24:00 Donc, néanmoins, tous ces signaux qui sont les reflux militaires,
24:06 l'émergence de réseaux d'enseignement commence à inquiéter Tokyo,
24:14 et accessoirement, ne les oublions pas,
24:18 le dispositif militaire qui relève de l'autorité de l'administration de coups,
24:23 au total 63 000 hommes, ce qui n'est pas une force à négliger,
24:30 même si vous en doutez bien, au bout de 4 ans de tarsie,
24:33 l'armement est devenu parfois obsolète,
24:36 parfois les cartouches, les obus ne sont plus en état de servir,
24:40 surtout les hommes sont fatigués, 4 ans de séjour colonial ininterrompu,
24:43 les choses ne sont pas simples, mais il y a 63 000 hommes,
24:46 appartenant à des unités dont certaines sont tout à fait prestigieuses.
24:50 Donc, cette cristallisation s'occléra, j'arrive finalement au cœur de notre sujet,
24:58 j'arrive au 9 mars.
25:00 Gagnons du temps, accélérons un petit peu le processus,
25:03 le 9 mars, en effet, c'est le coup de force,
25:06 c'est vraiment la stupéfaction intégrale,
25:09 même si les éléments n'imaginaient pas cette hypothèse,
25:13 mais ce coup de force des japonais déstabilise tout le monde.
25:17 On a retrouvé dans les archives quelques rapports de la sûreté,
25:20 notamment au Donkin, qui commence à avoir des signaux
25:23 dans les casernes occupées par les japonais,
25:25 qui indiquent qu'il se passe quelque chose d'inhabituel.
25:27 Donc tout simplement, on voit les japonais acheter par centaines des lampes de poche,
25:31 des semaines de crêpes, etc.
25:33 Donc on voit qu'il se passe quelque chose,
25:35 mais ni à Hanoi, ni à Saigon, on écoute ces avertissements.
25:39 Le coup de force, pour schématiser les choses,
25:43 c'est l'ensemble des soldats japonais qui étaient stationnés dans les casernes,
25:48 dans les commissariats, dans toutes les infrastructures qu'ils avaient occupées,
25:53 souvent en périphérie des grands centres, des grandes métropoles,
25:56 ce sont toutes ces forces qui attaquent simultanément partout
26:00 dans les cinq entités qui constituent l'Indochine.
26:04 Ils sont 70 000 à peu près,
26:07 ils attaquent avec énormément de publicité, de violence,
26:10 et en quelques heures, c'est-à-dire entre le 9 mars et le 10 mars,
26:16 les principales villes de l'Indochine sont tombées.
26:21 Saigon, Limpène, Hué, Vientiane tombent en quelques heures.
26:26 Avant d'entrer un petit peu dans le détail sur l'amiral Lecou,
26:30 puisque tout à l'heure le père nous a donné quelques éléments
26:33 sur son arrestation, c'est exactement ce qui s'est passé.
26:36 C'est-à-dire qu'il était parti d'Hanoi pour descendre à Saigon
26:40 pour un entretien avec son homologue Matsumoto,
26:46 et l'ordre du jour de cette réunion, qui se tient, je crois,
26:50 à la résidence du palais du gouverneur, j'imagine,
26:53 l'ordre du jour est très simple.
26:55 Il s'agit de régler des approvisionnements en riz, du coproi,
26:57 ce type d'éléments.
26:59 Matsumoto dit, un des témoins de cet entretien,
27:02 parce que Lecou n'était pas seul face à Matsumoto,
27:04 qu'il était assez nerveux, manifestement,
27:07 et donc il joue la montre, il est évidemment au courant
27:09 de ce qui va se passer, et en effet, à 18h,
27:11 il sort de sa poche l'ultimatum qu'il donne à l'amiral Lecou
27:15 en lui demandant de mettre toutes ses forces à disposition des japonais,
27:19 ce que l'amiral Lecou, un, refuse, et deux, en fait,
27:23 on n'imagine même pas qu'il refuse, son sort était déjà joué d'avance,
27:26 il fallait l'interner, et il est immédiatement mis aux arrêts.
27:31 C'est le cas d'à peu près tous les très hauts fonctionnaires
27:34 de l'Union de Chine, ainsi que des chefs d'unités
27:38 les plus prestigieux, en tout cas au niveau des brigades.
27:43 Alors si on zoom un tout petit peu sur des situations locales,
27:48 je voudrais quand même vous parler un tout petit peu plus du Tonkin,
27:51 parce que c'est là où vont avoir lieu les combats les plus durs.
27:54 Partout, vous entendez des coups de feu, des rafales, des explosions d'obus,
27:58 à Saigon, à Phnom Penh, partout, il y a des combats absolument partout.
28:04 Au Tonkin, ça va être beaucoup plus apte.
28:07 Alors tout d'abord, à Haiphong, là pour le coup je ne rentrerai pas dans les détails,
28:12 mais sachez qu'il y a eu des faits d'armes admirables à la caserne Bué,
28:16 ou Buét, je ne l'ai jamais su prononcer, mais j'imagine qu'il s'agit d'un grand nom
28:20 de la conquête de l'Indochine, où va s'illustrer le colonel Lapierre.
28:25 Je ne peux pas aussi ne pas vous parler des combats dans la citadelle d'Hanoï
28:29 qui sont héroïques, là sous les ordres du général Massimi.
28:33 Voilà, dans toutes ces circonstances-là, une fois de plus, je vous parle d'unités fatiguées,
28:39 sous-équipées ou mal équipées, bien entraînées, parce qu'on n'avait pas relâché la discipline,
28:44 mais voilà, on est quand même, je répète, à quatre ans des gens coloniaux pour les plus chanceux.
28:48 Et donc, pour ceux qui connaissent cette histoire et qui ont vu cette séquence émouvante
28:53 du film "Dienne Bien fou" de Schoenhofer, on est vraiment sur le même...
28:57 comme l'artilleur Pierrot, je crois, on met les canons sur E0 à la fin pour tirer les derniers obus,
29:02 et on finit par se vendre quand il n'y a vraiment plus une seule cartouche.
29:05 Les unités qui vont se distinguer pendant ces combats, le 19ème RMIC,
29:11 le 9ème RIC, je ne développerai pas les acronymes, le 1er RTT, le 4ème RAC,
29:17 donc essentiellement deux forces coloniales, un peu d'artillerie, pour l'essentiel.
29:23 Souvent, ce sont des unités entremêlées qui se retrouvent face à l'attaque,
29:27 qui se fusionnent et qui essaient de reprendre le combat de façon coordonnée.
29:31 Si vous quittez les deux grandes îles du Tonkin, c'est-à-dire Hanoi et Haiphong,
29:37 sachez qu'évidemment, des combats aussi épouvantables vont se dérouler dans des noms
29:43 qui vont résonner pour ceux qui connaissent l'histoire ultérieure de la Landochine.
29:47 Je vous parle évidemment de Langsong, ça fait très longtemps, depuis l'incident Langsong.
29:50 Je vous parle de Laokhai, de Dachlang, de Kaobang, de Yenmei, de Dongdang.
29:56 Ce sont tous ces combats extrêmement durs qui mettent... comment dire...
30:00 qui sont souvent les mêmes unités, ce sont souvent des bataillons, des compagnies de ces unités
30:04 qu'on va retrouver à la frontière sino-tonkinoise.
30:07 Tout le monde se bat avec héroïsme.
30:09 Ainsi faut-il que je ne le dise que des légionnaires de l'unité mythique de Landochine,
30:13 qui est le cinquième, Héroï.
30:15 C'est au cours de ces combats qu'on va commencer à s'illustrer le lieu de Tangoupil,
30:21 qui est je crois au troisième RTT, si je ne dis pas de bêtises, à l'époque.
30:25 Et alors, en préparant cette petite intervention, j'ai pas su identifier dans quelle ville il était stationné,
30:31 mais il est de ces combats, et ce sont des combats terribles.
30:35 Quelques faits, là aussi, sur ces combats.
30:40 Sachez que à Langsone, donc là aussi, les forces françaises se battent vraiment avec héroïsme.
30:46 Ce sont des faits d'armes magnifiques.
30:48 Troisième RTT, on en a parlé, dixième RIC, quatrième RAC, cinquième Héroï.
30:52 Ils se battent comme des loups, finissent par devoir rendre les armes comme partout,
30:57 après s'être battus pendant souvent 24 heures.
31:00 Et vous savez que c'est à cet énime.
31:03 Je vais commencer à vous parler, hélas, des exactions commises par les forces japonaises,
31:08 puisque évidemment ça fait partie des singularités de cette attaque,
31:11 c'est de voir l'action militaire se doubler à chaque fois, on va dire de crimes de guerre,
31:16 pour aller vite, pour dire les choses simplement.
31:18 Donc à Langsone, dont je vous parlais, après la bataille héroïque,
31:21 environ, on a décompté 1125 militaires français, enfin, pardon, européens et indigènes,
31:28 qui vont être massacrés immédiatement par les japonais à la mitrailleuse ou à la baïonnette,
31:33 sur les parois de la citadelle ou dans une rivière à proximité de la citadelle de Langsone.
31:38 Le général Lemoyne, Emile Lemoyne, dont vous connaissez peut-être le nom,
31:42 qui était sur place et capturé, on l'emmène dans des grottes, dans un endroit appelé Kiloa,
31:48 où il va être décapité à coups de sabre quelques jours plus tard, avec quelques hommes autour de lui.
31:52 Sans jugement, évidemment.
31:54 À Hà Giang, on assiste à des massacres terribles également,
31:58 et malheureusement à des viols sur les civils, puisque les civils ne sont pas épargnés par les japonais.
32:03 Je voudrais vous parler également de Dong Dang, parce que vous connaissez peut-être cet épisode.
32:07 Alors Dong Dang est en une qualité encore plus petite.
32:09 Et cette fois-ci, je voudrais vous parler du soldat Fernand Cron.
32:13 C'est un épisode qui a été largement raconté après la guerre à la Proloquo,
32:17 même si je vous disais que cette histoire était méconnue.
32:19 L'épisode du soldat Fernand Cron est connu,
32:21 puisque lui-même a été arrêté avec ses camarades tonkinois.
32:25 Et là, pour le coup, ce sont les fosses qui sont creusées,
32:30 aux bords desquelles on fait aligner les hommes partisaines,
32:33 et on les décapite les uns après les autres.
32:35 Et le soldat Fernand Cron vient de décapiter.
32:37 Mais il va y échapper. C'est une histoire totalement folle.
32:39 C'est-à-dire qu'il bascule dans le fossé. Pardonnez-moi le directeur, qui sourit,
32:42 c'est plutôt un sourire de reconnaissance à la Providence.
32:44 Il va basculer dans le fossé avec une plaie épouvantable sur la nuque.
32:48 Mais je ne sais pas par quel miracle le sabre de son bourreau a dévié.
32:54 Donc le lendemain, il va pouvoir s'extraire de sa fosse,
32:56 marcher sur les kilomètres, et être récupéré par une unité française pour fuite.
33:01 Voilà, c'est pour la petite histoire, mais c'est une histoire assez étonnante.
33:04 Et je terminerai par une évocation rapide du combat de Raccoy,
33:08 où le capitaine Réillet, qui dirigeait le poste, s'est sacrifié.
33:14 On l'avait conduit dans sa femme et sa fille, qui étaient sur place, menaçant de l'exécuter.
33:20 Il a accepté, évidemment, de se faire exécuter, plutôt que de céder,
33:23 d'être exécuté sous les yeux de son épouse et de sa fille.
33:27 Pourquoi je parle de cet épisode ? Parce qu'il y a une figure légendaire
33:30 qui, à ce moment-là, va essayer de venir à son secours, qui n'était pas très loin,
33:34 qui est le colonel Lecoque, qui, c'est en allant au secours du capitaine Réillet,
33:38 qu'il va être tué d'une balle en plein cœur. Pourquoi j'en parle ?
33:40 C'est parce qu'il a donné également son nom à une promotion de l'école spéciale militaire.
33:45 Voilà. Pour vous donner quelques autres éléments sur cette...
33:50 On en a parlé tout à l'heure, vous l'avez dit lors de votre intervention,
33:53 je ne peux pas m'étendre sur tout. Sachez que beaucoup de ceux qui ne sont pas carcurés,
33:57 pour reprendre l'exception, prennent la brousse. C'est-à-dire qu'ils partent parfois
34:01 avec un bermuda, des souliers, une chemisette, un vague, une arme, éventuellement,
34:07 quand il y en a une, pas de médicaments, pas de vivres, et ils partent en brousse.
34:11 Alors la brousse, c'est de la jungle, la mangrove, les herbes à l'éphpant, c'est ce que vous voulez.
34:15 C'est très différent, c'est une expression générique. Et donc ces gens partent,
34:19 certains vont être capturés, abattus sommairement, vont mourir d'épuisement,
34:24 certains vont disparaître pour jamais, on ne les connaîtra pas.
34:26 D'autres arrivent à se structurer. Donc je voudrais vous parler, par exemple,
34:30 de ce qu'on appelait la colonne Rago, qui a pu se structurer en Anam,
34:33 enfin Kosho Shinpu en Anam, qui a réussi à marcher longtemps, et à se battre,
34:39 et à affliger des pertes aux japonais. Et je vous parlerai évidemment de la colonne Alessandri,
34:45 que vous connaissez peut-être de nom, qui s'est constituée au confluent de la rivière Noire
34:49 et du fleuve Rouge, et donc qui est là pour le coup, qui est substantielle,
34:52 avec une forte présence de légionnaires parmi les hommes qui sont montés, mais pas que,
34:56 et donc qui a réussi cet exploit de remonter de cette région un petit peu située à l'ouest.
35:01 Donc tout à l'heure je vous parlais de la Chine de l'ouest, c'était la Chine de l'est.
35:04 Bon alors, je me suis trompé. En tout cas, qui va repartir de cette région située à l'ouest d'Hanoï,
35:10 et qui va réussir en 750 km à gagner la Chine. Et je vous donne ce petit épisode au passage.
35:16 Il y a parmi ces légionnaires un homme qui s'appelle le capitaine Gaucher, du 5e RUI,
35:21 et le capitaine Gaucher passe par Dien Bien Phu. Parce que c'est à quelques années,
35:28 il y a un peu plus de 100 ans, que vous retrouvez dans les archives, des journaux de marche opération
35:31 de ces hommes qui sont dans un état de dérédiction complète, mais le GMO est parfaitement tenu.
35:37 Et le capitaine Gaucher, à propos de Dien Bien Phu, écrit, ici c'est vraiment une cuvette indéfendable.
35:43 Il sera tué lui-même à Dien Bien Phu, à la tête de son unité, à la tête de la 13e DBV2,
35:48 9 ans plus tard. Il avait déjà vu les choses. C'est un des éléments qui m'a le plus saisi
35:52 quand j'ai travaillé là-dessus. Le temps passe malheureusement trop vite. Je dois évidemment vous parler,
35:59 une fois qu'on a parlé de ces combats, de ces unités qui ont essayé de s'enfuir.
36:04 J'aime pas ce mot-là, mais c'est ça. C'est quand même d'échapper aux mains des japonais,
36:08 souvent pour reprendre le combat. Il ne s'agit pas d'une fuite, d'une débandade, même si ça a pu exister,
36:13 mais ce n'était pas le cas, en tout cas dans les exemples dont je vous ai parlé.
36:16 Que se passe-t-il pour ceux qui sont tombés sous la bonne japonaise ?
36:20 C'est ce que j'ai appelé dans un de mes chapitres "l'heure de la quempétaille",
36:23 c'est un petit peu facile. La quempétaille, c'est la gendarmerie militaire japonaise.
36:27 Mais les survivants de l'époque parlent de la "gestapo japonaise", et on peut penser que le terme n'est pas impropre,
36:34 car les objectifs et les méthodes, en tout cas les méthodes, sont les mêmes.
36:39 Donc il faut savoir que cette quempétaille va ouvrir des centres d'emprisonnement et de collecte de renseignements,
36:46 c'est un euphemisme pour dire "torture", dans les principales villes du Vietnam.
36:50 Hanoi, Haiphong, Nam Dinh, Dalat, Vinh, Hue, Nha Trang, Saigon, Phnom Penh, Vientiane.
36:56 Partout, il y a des antennes de la quempétaille qui sont ouvertes, dans lesquelles les conditions sont absolument insupportables.
37:04 On y enferme tous les suspects, tous ceux qui sont susceptibles d'appartenir à un réseau d'enseignement,
37:09 tous les gens qui appartiennent aux élites locales, aux cadres locaux apportants, aux personnalités.
37:15 Et pas que, des Kidans aussi sont arrêtés pour des motifs futiles,
37:20 sont enfermés dans des cages à tigres absolument infectes, sordides,
37:26 torturés de la façon la plus ignoble qui soit, je ne passe pas sur les détails,
37:31 mais voilà, la Gestapo n'a rien inventé, tout a été fait également par la quempétaille.
37:35 De ces cages à tigres, on sort parfois dans un très sale état, on sort surtout morts.
37:42 Beaucoup de ces suspects meurent sous la torture, ou quelques jours après, quelques heures après, à peine libérés.
37:49 Certains disparaissent à tout jamais.
37:54 D'autres, ça c'est une subtilité de la quempétaille, sont incinérés, et on va très poliment rendre lieu à la famille ensuite,
38:01 ce qui est absolument en plus, un, inhumain, mais deux, terrorisant.
38:04 Pardonnez-moi, c'est quand même assez jeuvant de valeur, mais ils sont assez justes.
38:10 Je vous parle de ces personnalités incinérées, il y en a une qui a marqué beaucoup de gens,
38:14 il y a des exemples pour se multiplier à l'infini, je suis sûr que dans l'assistance, il y a des gens qui auraient des idées,
38:18 des noms à donner. Je pense à Georges Groslier, par exemple, qui était le conservateur du musée de Plumden,
38:23 qui est un homme d'une très grande érudition, spécialiste des ruines d'Angkor,
38:26 et qui sera affreusement torturé, incinéré, et rendu à sa famille dans une urne.
38:33 Ça a été dit également tout à l'heure, les japonais vont ouvrir, je baisse mes mots,
38:37 mais deux camps de concentration, c'est exactement ça. Ce sont des camps d'internement de Morlant à Hoabin,
38:42 au Tonkin, à Pakchong, au Laos, où là l'objectif est clair, c'est de faire mourir en quelques semaines les détenus,
38:48 par le travail évidemment, par la sous-nutrition, par les coups, par la torture, par les exécutions.
38:54 Sachant qu'en plus dans le climat équatorial, les maladies se ruent immédiatement sur les organismes affaiblis,
38:59 la bourbouille, le paludisme, la dysenterie, et j'en passe.
39:02 Et donc la mortalité est absolument effrénante, et se rapproche en très peu de temps
39:07 de celle enregistrée dans les camps où étaient enfermés australiens, britanniques, etc.
39:11 Vous connaissez ces histoires affreuses.
39:14 Voilà, ça c'était pour brosser un peu le tableau de l'horreur, il n'y a pas d'autres mots.
39:20 Néanmoins, la situation militaire évolue, trop lentement pour les européens dans le Chine, mais elle évolue.
39:27 Le 1er avril, c'est la bataille d'Okinawa, la fin de la bataille d'Okinawa qui marque quasiment l'effondrement japonais.
39:33 Le 2 mai 1945, les anglais sont à Rangoon, en Pyrénées.
39:38 C'est le moment où le Vietmine commence à s'organiser.
39:42 Ho Chi Minh disait tout le temps qu'il attendait l'occasion favorable pour frapper.
39:45 Il commence à se bannir, il voit que les choses évoluent, il se dit qu'il y a une possibilité d'action.
39:50 Ce n'est pas le cœur de mon sujet, on va parler du Vietmine, mais je vais vous en dire quand même quelques-unes.
39:55 Il faut savoir que ce Vietmine qui voit l'occasion favorable, c'est le 2ème élément que je voulais rappeler,
40:02 parce qu'il est quand même très saisissant.
40:04 A l'époque, il est soutenu objectivement par les services spéciaux américains.
40:08 C'est extraordinaire, les services spéciaux américains soutiennent le Vietmine,
40:12 et 20 ans plus tard, la CIA les affronteront de la façon la plus violente, 25-30 ans plus tard.
40:20 Très paradoxal, mais pourquoi ? Parce que Roosevelt, admis de ses idées de...
40:25 enfin, de judication avec objectivité, mais sa vision très... des droits, des droits de l'Homme,
40:31 de la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes, de judication de peuples sans réserve,
40:36 voulait évincer, il a dit objectivement autour de lui, voulait évincer les Français d'un doji.
40:40 Pour lui, la défaite des Japonais devait s'accompagner du départ des Français.
40:45 J'avance un petit peu dans la chronologie.
40:48 Roosevelt, vous le savez, va mourir, il était très malade.
40:51 Il est remplacé par Truman, qui décide d'envoyer, de bombarder Hiroshima et Nagasaki.
40:57 6 août, 9 août, 150 000 morts, entre 120 et 220 000 morts en deux bombardements.
41:04 Le 15 août, Hirohito capitule.
41:07 Il y a tout un débat historiographique pour savoir si c'est la bombe atomique qui a accéléré la capitulation.
41:11 On n'entre pas dans ces détails, on voit juste le rapprochement chronologique.
41:15 Et le 2 septembre, puisqu'il faut avancer vers la fin,
41:19 c'est la signature de la capitulation officielle par l'état-major japonais et les alliés
41:26 à bord du Missouri, le navire américain au large de Tokyo.
41:30 Le général Leclerc, il représente la France, quand même.
41:34 Alors évidemment, la nouvelle fin est arrivée chez les prisonniers de l'effondrement des Japonais,
41:39 de l'effondrement annoncé. C'est là qu'elle est, cette fameuse phrase.
41:42 C'est la bombe atomique qui nous a sauvés. Elle naît précisément à ce moment-là.
41:46 Mais ce qui est absolument déchirant, là aussi je prends position,
41:51 en tout cas j'utilise un terme connoté, c'est que tous ceux qui s'imaginaient un retour,
41:55 non pas forcément à la normale, mais à la fin de la peur, d'une certaine façon,
42:00 ne sont pas, pardonnez-moi, au bout de leur pelle, si j'ose dire.
42:04 Car vous savez qu'à la conférence de Potsdam, à laquelle de Gaulle n'était pas invité,
42:08 a été décidé notamment... Ah ! Ça, ça veut dire que j'ai dépassé mon temps.
42:13 Je vais vite conclure. La conférence de Potsdam a décidé qu'après la chute du Japon,
42:18 le Nord serait confié aux Chinois, le Sud aux Britanniques.
42:22 Vous m'accordez 5 minutes ou pas ? C'est vrai ? Merci.
42:25 Et c'est ce qui va se passer. C'est-à-dire que les prisonniers,
42:28 tous les hommes, j'ai envie de vous le dire, qui ont été aussi enfermés à la citadelle d'Hanoi,
42:31 Huai-Hsiong, etc., voient que les Japonais sont toujours là,
42:35 l'arme au pied, armés, et qu'ils attendent les Chinois.
42:38 Donc c'est ce qui va se passer. Les Chinois vont se substituer aux Japonais
42:43 dans tout le Nord de la Môchire, avec... Je n'ai pas le temps d'entrer dans le détail,
42:48 avec en plus la présence désormais officielle, visible, du Vietmine,
42:51 qui est arrivé à Hanoi, qui a déployé le drapeau de l'étoile rouge sur le fond jaune
42:55 et qui essaie de prendre le pouvoir à ce moment-là.
42:57 Donc pour les Français qui sont encore enfermés, ils ont des Japonais qui les gardent,
43:01 des Chinois qui arrivent et des Vietmines qui veulent les tuer.
43:03 C'est pour ça qu'on est passé de la peste au choléra.
43:07 Dans le Sud, la situation est toujours lente, parce que les Britanniques vont mettre du temps à arriver.
43:12 Donc là aussi, les Français qui étaient parqués dans des camps,
43:19 puisqu'il faut savoir qu'aussi dans les villes européennes, il y a eu de véritables ghettos
43:22 qui ont été montés, il n'y avait pas que des militaires emprisonnés,
43:24 mais des populations civiles étaient parquées dans... J'emploie ce terme de ghetto,
43:27 attention aux associations d'idées, évidemment, mais c'est ça,
43:30 c'est un quartier clos, fermé, surveillé, dans lequel on mourrait de faim également.
43:34 Mais donc dans ces ghettos, dans ces camps, on doit attendre l'arrivée des Britanniques
43:38 qui n'arrivent pas. Et donc on continue à avoir des Japonais avec leur sabre,
43:41 leur fusil et baïonnette qui gardent les entrées.
43:44 Les choses vont se venir par se dégranter.
43:46 Vous savez que le général Leclerc arrive à Saigon en octobre,
43:49 mais il n'arrivera dans le nord de l'Indochine que bien plus tard, au début de 1946.
43:53 Et donc pour la population du Sud, les choses vont commencer à se détendre un petit peu plus tôt
43:57 et il faudra attendre le début de 1946 pour que les habitants du Tonkin
44:01 commencent à respirer un tout petit peu plus.
44:04 Voilà, tout ça est vraiment très dur et très humiliant également.
44:07 Il faut savoir que tous les hommes de la colonne alésandrie qui avaient réussi à arriver en Chine
44:10 de façon héroïque, on leur a interdit de redescendre en Indochine
44:13 pour venir au secours de leurs compatriotes.
44:15 Ils ont dû se soumettre aux autorités chinoises la mort dans la main.
44:20 J'en arrive à l'heure du bilan. Là aussi, les bilans sont extrêmement difficiles à établir.
44:26 Et puis, en tamisant, en croisant des bilans, en fondant sur un certain nombre de sources,
44:32 on estime qu'environ 3 000 Européens, voire un petit peu plus, sont morts pendant cet épisode.
44:37 Je vous rappelle que la population était de 40 000 Européens.
44:41 3 000 morts, honnêtement, on peut se dire que c'est très lourd.
44:45 Je vous donne un autre exemple.
44:47 Les comparaisons des plans aux hommes. Le 9 mars 1945, le jour où les Japonais attaquent,
44:52 l'aviation américaine, l'aviation de bombardement, va attaquer, bombarder Tokyo,
44:57 à force d'un coup de bombe, d'incendiaire, va raser 50 % de Tokyo.
45:00 Cette nuit du 9 mars 1945, c'est 100 000 morts pour les Japonais.
45:04 Donc voilà, je ne fais pas de comparaison. Mais je vais quand même en faire une autre,
45:06 si vous m'y autorisez. Cette fois-ci, évidemment, pour montrer l'horreur
45:11 de ce qu'ont vécu les Européens d'Indochine. 3 000 morts sur 40 000 personnes,
45:16 c'est comme si en France, 3 millions de Français métropolitains étaient morts
45:19 sur une population à l'époque de 40 millions de métropolitains, en 6 mois.
45:24 C'est absolument colossal. Il n'y a pas eu une famille ou une presse qui n'a pas connu
45:28 un disparu, un mort, un torturé, un camarade, un frère ou une soeur,
45:33 plutôt un frère, un bon, un bon.
45:36 Qu'en est-il de la justice ? La justice est à peine passée.
45:40 La justice qui était là pour juger le crime de guerre, le massacre de Langsone,
45:44 de Kowloon, oui, Kowloon aussi, la justice est à peine passée.
45:49 Les Français ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour essayer de dresser
45:52 des listes de suspects, aller les chercher.
45:56 Le Japon commençait à passer dans l'orbite américaine et devait née,
45:59 on va dire, un socle important pour faire barrage à l'Union soviétique.
46:04 Donc on s'est un peu accommodé du Japon qui devenait un allié,
46:08 en tout cas économique et géostratégique.
46:11 La guerre d'Indochine, dans l'acception commune du terme, avait commencé,
46:14 donc le rendre justice pour les victimes de mars à septembre 1945
46:19 passait au second rang. Néanmoins, il y a eu un procès qui s'est tenu à Saïgon
46:23 de 1946 à 1950, 229 accusés au cours de 39 procès différents,
46:29 quelques chiffres rapidement, à l'infini, 63 condamnations à mort,
46:32 dont 37 par coup de coup de tumas.
46:35 Donc en tout, 26 criminels de guerre japonais, en tout cas jugés comme tels,
46:39 ont été fusillés à Saïgon en réponse aux crimes perpétrés pendant ces six mois.
46:45 Je vous promets que je vais presque finir pour vous parler évidemment
46:48 de ce qu'il advint de la population européenne d'Indochine
46:52 qui s'est réjouie de voir arriver les hommes de Leclerc,
46:56 de voir arriver ces Français qu'on attendait tellement
47:00 et qui se sont retrouvés pour beaucoup considérés comme des collabos.
47:04 Collabo du régime de l'amiral Lecoux, lui-même étant nommé par Vichy,
47:07 donc par un ricochet cruel, on a considéré que les Français d'Indochine
47:12 étaient pétinistes, vichystes et donc passibles de l'épuration.
47:16 De fait, il y a eu des commissions d'épuration qui se sont mises en place.
47:20 Dans certains cas, je vous en parlais, il y a eu quelques éléments problématiques,
47:23 évidemment, par rapport à l'application des mesures discriminatoires de Vichy,
47:27 mais ces commissions ont fait un énorme travail, si je puis dire,
47:32 et ont brisé énormément de carrières, ont repris des sanctions lourdes.
47:36 Beaucoup de ces Européens sont revenus en métropole discrètement,
47:40 pas honteusement, ils n'avaient pas honte de ce qu'ils avaient vécu,
47:42 mais en tout cas, ils n'ont pas été bien accueillis du tout.
47:45 Et pour beaucoup, je ne voudrais pas entrer dans la psycho-histoire,
47:48 mais ça reste quand même un épisode traumatique, parce que finalement,
47:50 justice n'a jamais été rendue pour les souffrances qu'ils avaient endurées.
47:54 J'ajoute que d'un point de vue tactique, épurer tous les cadres de l'Indochine,
47:59 notamment ceux de l'autorité civile, a été, je me permets ce que je demande de valeur,
48:03 une véritable erreur. C'est-à-dire qu'il y avait des gens comme Georges Gauthier,
48:06 par exemple, et d'autres, qui connaissaient par cœur le théâtre indochinan,
48:09 et qui ont été très utiles dans la négociation qui a été conduite
48:12 avec le Viet Minh pendant la guerre d'Indochine.
48:14 Tous ces gens, toutes ces intelligences, n'étaient plus là de fait.
48:18 L'amiral de Gault a eu droit à un procès, il est allé voir le général de Gault
48:22 en revenant en métropole, il a bien senti que le général de Gault,
48:25 ça ne l'intéressait pas, et qu'il était passé à autre chose,
48:28 donc il a eu pas mal de dédains, donc procès, épuration, non lieu en 1949.
48:33 Donc 4 ans de procédure judiciaire. Voilà. Je m'arrête là.
48:38 En tout cas, ce qu'on peut retenir de cet épisode, au-delà des souffrances,
48:41 ce que j'ai essayé de retracer, mais ce n'est pas le cœur des choses,
48:44 c'est aussi tout simplement de dire l'histoire telle que c'est passé.
48:47 Ça me semble en effet pas superflu, pas absurde de considérer que la guerre d'Indochine,
48:54 qui s'achèvera à des mille fois en 1954, elle commence vraiment le 9 mars 1945
48:59 lors du coup de force japonais. Ce n'est pas une vue d'esprit, très clairement,
49:03 toutes les forces qui vont s'affronter se cristallisent à ce moment-là.
49:08 Même les japonais vont rester dans la boucle, puisque certains d'entre eux,
49:11 c'est quelques centaines d'entre eux, vont prendre à leur tour la brousse
49:14 pour aller encadrer le Vietnam. Je ne veux pas me si vous vivrez une autre hypothèse,
49:19 je ne suis pas le seul à la formuler. On peut aussi considérer,
49:22 si vous faites la chronologie, que les grandes guerres de décolonisation,
49:25 les grands conflits de décolonisation, commencent vraiment le 9 mars 1945 en Indochine.
49:29 Vous savez qu'en Indonésie, soit Carnaux a commencé aussi à faire de l'agitation,
49:34 mais ce grand mouvement de décolonisation qui va se poursuivre jusqu'en 1970
49:38 doit commencer à ce moment-là. Voilà, je m'arrête ici, pardon d'avoir déplacé
49:42 sur l'arrière, désolé.
49:47 On remercie Guillaume Zeller pour cette présentation très brillante du coup de force.
49:52 On vous conseille aussi, je vous conseille très fortement de lire son ouvrage
49:57 "Les cages de la campétaille", qui sont vraiment l'ouvrage de référence sur le sujet.
50:01 Je ne crois pas qu'il y ait eu d'équivalent jusqu'à présent, à la fois en termes de synthèse
50:05 sur le sujet et aussi de... Vous voyez tous les lieux d'intervention,
50:12 il y a vraiment quelque chose de très exhaustif et je pense qu'il n'y a pas eu
50:16 d'équivalent jusqu'à présent. Vraiment un livre à conseiller.
50:20 [Musique]
50:40 [SILENCE]

Recommandations