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00:00 - 8h moins le quart, vous écoutez la première radio du Nord-Franche-Comté.
00:02 L'invité du 6-9 Thierry Compredon, vous recevez ce matin Arie Halimi.
00:06 - Un célèbre avocat parisien et membre de la Ligue des droits de l'homme
00:09 qui anime ce soir à la Maison du Peuple de Belfort
00:12 un débat sous le thème des violences policières
00:14 et l'évolution de l'usage de la violence par les forces de l'ordre.
00:17 Et ce matin on vous pose cette question.
00:19 Avez-vous le sentiment que la police s'est devenue trop violente ?
00:22 Dites-le franchement aux 0384 22 82 82.
00:26 Bonjour Maître Arie Halimi.
00:28 - Bonjour.
00:29 - Vous êtes spécialisé dans ces questions de violences policières.
00:34 L'an dernier, vous avez d'ailleurs ressorti un livre
00:37 intitulé "L'État hors la loi logique de violences policières"
00:40 aux éditions La Découverte.
00:41 Tout d'abord, quelle est votre définition des violences policières ?
00:46 - C'est vrai que c'est une bonne question
00:48 parce que lorsqu'on écoute la parole officielle,
00:51 en tout cas celle du gouvernement, d'Emmanuel Macron et de plusieurs ministres,
00:56 les violences policières ça n'existe pas.
00:57 Donc il faut définir ce terme.
00:59 Les violences policières, ce sont des violences qui relèvent du code pénal,
01:03 à savoir des violences qui portent atteinte à l'intégrité physique
01:08 et qui sont commises par des personnes dépositaires de l'autorité publique,
01:11 à savoir des fonctionnaires de police ou bien des gendarmes.
01:15 Voilà en gros ce que sont les violences policières.
01:18 Évidemment, toutes les violences commises par les forces de l'ordre
01:22 ne sont pas des violences punissables par la loi.
01:25 Il faut encore qu'il n'y ait pas de fait justificatif
01:29 ou qu'elles ne soient pas nécessaires ou proportionnées.
01:32 Voilà en gros ce que sont les violences policières.
01:36 - Alors vous défendez dans votre livre de faire un réquisitoire anti-police,
01:40 mais plutôt une réflexion sur l'usage de la force légitime par l'État.
01:45 Expliquez-nous.
01:48 - Ah bah oui, enfin si j'avais voulu faire un réquisitoire anti-police,
01:52 on aurait pu appeler ça les violences policières systématiques,
01:55 c'est-à-dire dire comme certains le pensent.
01:57 - Systémiques ?
01:58 - Totalement faux.
01:59 Alors oui, systématiques, ça veut dire que toutes les policiers sont violents,
02:02 ce qui est totalement faux et évidemment c'est aberrant.
02:05 En revanche, lorsque l'on parle de violences policières systémiques,
02:07 ça veut dire qu'elles viennent du système de l'administration policière,
02:11 ou bien des ordres qui sont donnés, ou des problèmes de formation,
02:14 ou des problèmes de recrutement,
02:16 et que toutes ces défaillances qui sont liées à l'administration
02:20 entraînent des violences, un certain nombre de violences,
02:23 que l'on a vu apparaître depuis une dizaine d'années.
02:26 Et évidemment, la question c'est qui est responsable de ça ?
02:31 Lorsqu'il n'y a que des pavures individuelles,
02:33 ce sont les policiers qui sont responsables.
02:35 Lorsqu'il y a des violences policières systémiques,
02:37 ça peut être à la fois le policier, mais également l'administration policière.
02:41 - Alors la société, vous le savez, est devenue de plus en plus violente,
02:44 les rapports entre les forces de l'ordre et la population
02:46 ont beaucoup changé ces dernières années.
02:50 - Je ne suis pas forcément certain de cela.
02:53 C'est vrai que c'est une petite musique que l'on entend souvent
02:57 de dire que la société est plus violente.
02:59 Lorsqu'on voit les chiffres de la criminologie,
03:04 les chiffres qui sont issus des études et de la sociologie,
03:09 il y a certaines violences qui augmentent, c'est vrai,
03:11 notamment les atteintes aux personnes, elles augmentent.
03:14 En revanche, lorsqu'on voit sur les cinquante dernières années,
03:17 on se rend compte que la criminalité,
03:20 c'est-à-dire les crimes contre les personnes,
03:23 c'est-à-dire les meurtres, les assassinats et autres,
03:26 ne cessent de diminuer.
03:28 Donc dire que la société est plus violente,
03:30 il faut peut-être rentrer un petit peu dans le détail.
03:32 Après, qu'il y ait une délinquance qui soit plus importante
03:36 et notamment liée à une plus grande précarisation de la société,
03:40 c'est en partie vrai.
03:41 Est-ce que ça explique l'augmentation des violences policières ?
03:45 Je ne pense pas.
03:46 Ici, vous avez la parole, comme tous les matins,
03:48 il est 7h49, avez-vous le sentiment que la police est devenue trop violente ?
03:52 Dites-le franchement, dès maintenant.
03:53 0384 22 82 82
03:55 Maître Harrier, Alimi, vous le savez,
03:57 ce terme de violence policière fait très souvent bondir les syndicats de police.
04:01 Je vous propose d'ailleurs d'écouter Christophe Dalongeville,
04:04 il est secrétaire du syndicat Alliance Police dans le Doubs,
04:07 et il accuse une partie de la classe politique et médiatique
04:10 dont vous faites partie d'attiser la haine anti-police.
04:13 Écoutez.
04:14 On sait très bien que la majorité de la population soutient sa police,
04:18 mais il y a une infime partie de la population qui,
04:21 main dans la main avec ces politiques qui attisent la haine contre la police,
04:25 ne cherche le moindre prétexte pour mettre le feu dans les cités.
04:30 Maître Alimi, vous attisez la haine contre la police ?
04:34 Je crois malheureusement que c'est une analyse un peu binaire
04:39 que celle de beaucoup de syndicats de police.
04:41 Syndicats de police qui participent à l'idéologisation de la police,
04:45 et effectivement on voit également pas mal de statistiques et de sondages,
04:50 notamment en Jordi Durnes,
04:52 où il y a une extrême droitisation du corps policier,
04:58 qui peut notamment être liée à aussi l'extrême droitisation de la société,
05:02 puisqu'on voit que l'extrême droite est à le vent en poupe.
05:06 Mais globalement, le but n'est certainement pas d'attiser la haine,
05:10 et c'est au contraire d'expliquer les dysfonctionnements
05:13 et la confrontation qui existe entre les forces de l'ordre,
05:18 les manifestants, les forces de l'ordre, les quartiers populaires,
05:21 les expliquer historiquement, sociologiquement, et trouver des solutions.
05:24 Puisque l'objectif évidemment, c'est de restaurer la paix sociale,
05:28 et de permettre à ce qu'il y ait un rapport normal,
05:32 un rapport moins conflictuel, moins violent,
05:35 entre les forces de l'ordre et certaines parties de la population.
05:39 – Alors, depuis le 2 février dernier, les policiers municipaux,
05:42 cette fois de Belfort, sont équipés de LBD,
05:45 c'est lanceurs de balles de défense, des armes non létales,
05:48 qui avaient fait beaucoup parler d'elles pendant la crise des Gilets jaunes.
05:51 Qu'est-ce que vous pensez de cet armement pour les policiers municipaux ?
05:54 Est-ce que ça va dans le bon sens ? Est-ce que c'est préventif ?
05:57 Comment vous jugez cela ?
06:00 – Je ne peux que constater en tant qu'advocat
06:03 qui défend beaucoup de victimes de violences policières,
06:05 les dégâts que cause cette arme.
06:07 J'ai énormément de personnes qui ont perdu un oeil,
06:10 qui ont eu le crâne fracassé,
06:13 qui ont eu des os abîmés ou fracturés à cause de ces armes,
06:19 et dont la vie s'en est retentie.
06:21 Et puis, des personnes comme vous et moi,
06:23 qui viennent dans les manifestations de manière pacifique,
06:26 des personnes dans les quartiers populaires
06:28 qui sont visées lors d'interventions.
06:31 – Vous le savez, toutes les manifestations ne sont pas pacifiques,
06:34 loin de là.
06:36 Il y a des Black Blocs qui s'intégrent par faire des manifestations
06:38 pour casser de la police, justement.
06:41 – La question c'est de savoir quand est-ce qu'on utilise
06:43 et pourquoi on utilise telle ou telle arme.
06:45 Qu'il y ait de temps en temps, et même souvent,
06:48 des confrontations entre les manifestants et les forces de l'ordre,
06:50 c'est indéniable, il suffit de regarder les images.
06:54 La question c'est de savoir qui est visé.
06:56 La plupart du temps, ce ne sont pas des personnes,
06:57 moi je le vois à travers les dossiers,
07:00 qui ont commis des violences contre les forces de l'ordre.
07:02 Ce sont des personnes qui sont visées,
07:04 ce qu'on appelle des dommages collatéraux dans les manifestations.
07:07 Pourquoi ? Parce que cette arme, dans des populations en mouvement,
07:11 elle touche des personnes qui ne correspondent pas forcément
07:14 aux violences alléguées par les policiers.
07:17 Donc voilà, ce que je veux dire simplement,
07:19 c'est qu'il ne devrait pas y avoir de victimes innocentes,
07:23 et ce type d'arme cause énormément de victimes innocentes.
07:26 – Merci beaucoup Maître Ayalimi,
07:28 vous allez développer tous ces thèmes ce soir,
07:29 à l'occasion d'une conférence débat à partir de 20h à la Maison du Peuple.
07:32 Je rappelle votre dernier livre,
07:35 "L'État hors la loi, logique de violences policières",
07:37 paru aux éditions "La Découverte".
07:39 Merci beaucoup Maître, bonne journée.