Ce documentaire retrace le procès de Gustave Flaubert pour "outrage à la morale publique et religieuse" suite à la publication de son roman "Madame Bovary" en 1857. Il explore les réactions de la société française de l'époque à l'œuvre de Flaubert et les enjeux du procès.
Le documentaire est réalisé par :
Stéphane Miquel
Alban Vian
Il est produit par :
Keren Production
France 3 Normandie
Le documentaire est réalisé par :
Stéphane Miquel
Alban Vian
Il est produit par :
Keren Production
France 3 Normandie
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TVTranscription
00:00 ♪ ♪ ♪
00:07 - Quand j'étais gamin, c'était mon héroïne.
00:10 - J'ai aimé "Commandant" de Madame Bovary.
00:13 - Tout le monde connaît "Madame Bovary" sans savoir
00:15 forcément que c'est un livre de Flaubert.
00:18 ♪ ♪ ♪
00:22 - À chaque fois que je le relis, je trouve autre chose,
00:24 je vois autre chose.
00:27 - Flaubert invente quelque chose avec Madame Bovary.
00:29 Il y a un avant et un après.
00:31 ♪ ♪ ♪
00:38 ♪ ♪ ♪
00:49 - J'ai commencé hier au soir mon roman.
00:52 J'entrevois maintenant des difficultés qui m'épouvantent.
00:55 ♪ ♪ ♪
00:58 - Mon cher Flaubert, ce roman que vous commencez
01:01 le 19 septembre 1851, c'est "Madame Bovary".
01:05 Aujourd'hui, ce livre inclassable est devenu un classique
01:08 dont on a effacé toute la puissance de subversion.
01:12 - "Madame Bovary", c'est un chef-d'oeuvre,
01:14 écrit par un génie littéraire.
01:15 Par conséquent, c'est un livre d'enjeu.
01:17 - Il faut faire comprendre que ce livre-là
01:19 était un objet de scandale au 19e siècle.
01:22 - "Madame Bovary", c'est quoi?
01:24 C'est une femme qui dit "je m'emmerde, donc je baise".
01:27 - C'est aussi ça, quand même.
01:29 - Le désir féminin, c'était ce qui était le plus tabou,
01:32 même s'il ne l'est pas encore.
01:34 ♪ ♪ ♪
01:36 - J'ai pensé, Gustave, que c'était à moi
01:38 de raconter cette histoire, de dire pourquoi ce livre
01:41 vous a valu le plus retentissant des procès.
01:44 - Messieurs, le véritable coupable, c'est l'auteur.
01:46 - Après tout, je vous devais bien ça,
01:50 puisque "Madame Bovary", c'est moi.
01:54 ♪ ♪ ♪
01:57 (toc, toc, toc)
02:00 - Accusé Flaubert, levez-vous!
02:03 - L'affaire Bovary commence ici,
02:06 6e chambre correctionnelle de la Seine, le 29 janvier 1857.
02:11 Pour comprendre ce qui vous a mené là, Flaubert,
02:15 il faut d'abord se replonger dans l'époque.
02:18 C'est le début du Second Empire.
02:20 Napoléon III règne sur la France,
02:23 d'une main de plus en plus ferme.
02:26 ♪ ♪ ♪
02:28 - Tous les écrivains, tous les essayistes,
02:30 tous les journalistes, tous les commentateurs
02:33 du Second Empire, on va dire lucides,
02:36 et non pas partisans ou quoi que ce soit,
02:38 disent tous comment Napoléon III,
02:40 qui au début est pris pour quelqu'un de peu sérieux,
02:42 pour faire simple, l'arrivée au pouvoir,
02:44 le coup d'état du 2 décembre, des choses comme ça,
02:47 on se dit, bon, voilà, c'est pas sympa,
02:50 mais on va faire avec.
02:51 Et puis au fur et à mesure, c'est un tour de vis,
02:54 un tour de vis, c'est un régime qui se durcit,
02:56 durcit, durcit de plus en plus.
02:58 Et on muselle les écrivains, les dramaturges, les peintres.
03:02 Tout le monde passe d'un seul coup
03:04 sous le rouleau compresseur d'une censure.
03:06 - En fait, la censure morale servait à protéger
03:10 l'ordre social, donc on veut limiter, interdire
03:15 tout ce qui est les attaques aux institutions,
03:18 tout ce qui relève de l'antagonisme
03:21 entre les classes sociales,
03:23 et puis tout ce qui serait la teinture des moeurs dépravées.
03:26 ♪ ♪ ♪
03:31 - Dans ce climat de retour à l'ordre moral,
03:34 qu'est-ce qui vous vaut, Flaubert,
03:35 d'être sur le banc des accusés ?
03:37 Vous êtes en réalité pour le pouvoir imparfait, inconnu.
03:40 "Madame Bovary" est votre premier roman publié.
03:44 ♪ ♪ ♪
03:46 - Messieurs !
03:47 Monsieur Gustave Flaubert est accusé devant vous
03:51 d'outrage à la moralité publique et religieuse
03:54 et aux bonnes moeurs.
03:56 Dans "Madame Bovary", l'offense à la morale publique
04:00 est dans les tableaux lassifs.
04:03 L'offense à la religion,
04:05 dans des images voluptueuses mêlées aux choses sacrées.
04:10 Tout cela, je le mettrai sous vos yeux.
04:14 ♪ ♪ ♪
04:17 ♪ ♪ ♪
04:21 - L'objet du délit le voilà.
04:23 C'est le dernier manuscrit de "Madame Bovary"
04:25 qui paraîtra en six livraisons, comme c'était l'usage à l'époque
04:28 dans une revue appelée "La Revue de Paris".
04:31 Ce manuscrit découle de milliers de notes, plans et brouillons,
04:34 sans compter des centaines de lettres
04:36 où se révèle tout votre processus d'écriture.
04:39 Grâce à vous, Flaubert, nous avons toutes les preuves
04:42 de la fabrication d'un chef-d'oeuvre.
04:45 - Au total, il y a 4 400 pages.
04:47 On a vraiment l'impression que tout ce qu'il a pensé est écrit.
04:50 Et donc, on a la totalité des phases d'écriture,
04:53 depuis les premières idées jusqu'à...
04:56 jusqu'aux versions finales.
04:58 Autre chose, c'est que Flaubert dit lui-même
05:00 qu'il n'a jamais jeté un papier de sa vie.
05:03 Des sortes de fétichisme, comme ça,
05:05 mais aussi d'intérêt pour l'aspect artisanal de l'écriture.
05:08 ♪ ♪ ♪
05:11 - Mon histoire, on la connaît.
05:13 Je la résume à ma façon.
05:15 C'est l'histoire d'une femme qui rêvait d'un destin romantique
05:18 comme ce qu'elle a lu dans les livres,
05:20 mais que rien ne pourra arracher à la médiocrité de la vie.
05:24 Ayonville, un bourre imaginaire de la campagne normande,
05:29 Emma, fille de paysans, croit échapper à sa condition
05:33 en épousant Charles Bovary, un veuf, officier de santé.
05:37 Très vite, elle déchante.
05:39 Elle prend deux amants, Rodolphe et Léon,
05:42 mais retrouve dans l'adultère toutes les platitudes du mariage.
05:45 Couverte de dettes et désespérée, elle se suicide à l'arsonique.
05:50 ♪ ♪ ♪
05:53 - On voit aujourd'hui dans "Madame Bovary",
05:57 on s'accroche en disant, mais quand même,
05:59 cette histoire, elle aurait pas dû faire scandale.
06:01 Mais si, elle est scandaleuse dès le début,
06:03 puisqu'on a une femme qui n'est pas amoureuse de son mari
06:07 et qui le dit ou le pense ou le montre dès le début,
06:10 donc on est contraire à tout ce qu'est le Second Empire
06:13 et tout ce qu'est la morale familiale du monde
06:15 dans lequel elle vit.
06:17 Et la grande force de Flaubert, évidemment,
06:20 et le grand risque que prend Flaubert,
06:22 c'est de décrire la réalité de ce monde.
06:24 - Avant vous, Flaubert, la littérature,
06:26 c'était des grandes sagas à la Balzac, à la Hugo.
06:29 Mais vous avez, vous, bouleversé l'ordre établi
06:33 en choisissant ce très banal fait divers
06:36 où tout se joue dès le titre du roman.
06:39 - Mme Bovary, on l'oublie souvent,
06:41 a un sous-titre qui est "Meur de province".
06:43 "Meur de province" apparaît de la main de Flaubert tardivement.
06:46 - Meur de province.
06:48 On devrait plutôt dire "Meur en province".
06:52 - Dans les contraintes que subit le personnage féminin,
06:55 il y a évidemment les contraintes de la province,
06:59 puisque l'un des rêves d'Emma,
07:02 c'est de sortir de cette province.
07:04 Elle rêve d'aller à Paris. Elle n'ira pas.
07:07 Elle rêve d'aller avec Rodolphe en Italie.
07:10 La fugue avec Rodolphe, ce serait l'Italie.
07:12 L'Italie de ses lectures romantiques,
07:14 évidemment, elle n'ira pas.
07:16 Et la seule grande ville qu'elle connaît,
07:18 c'est Babylone, comme dit Flaubert d'une manière dérisoire.
07:20 C'est Rouen.
07:22 - Vous m'avez plongé dans le milieu que vous connaissez le mieux.
07:25 Vous êtes né en Normandie.
07:27 Vous y passerez toute votre vie.
07:29 Vous êtes fils de notables, de bourgeois.
07:32 Votre père était chirurgien-chef de l'hôpital de Rouen.
07:35 Dans ce bourg imaginaire
07:37 dont vous avez tracé vous-même la carte,
07:39 vous avez disséqué autour de moi
07:41 tout un troupeau de personnages,
07:43 figés dans les conventions,
07:45 de langages convenus.
07:47 À travers eux, entre grotesques et tragédies,
07:50 vous dénoncez votre pire ennemi,
07:52 la bêtise d'un petit monde
07:54 et de toute une époque que vous détestez.
07:57 - Et lorsqu'il prend cette espèce de... de... de...
08:01 de loupe binoculaire, de microscope sur cette société
08:05 d'une petite campagne, d'une petite ville...
08:08 Déjà, on est dans le petit.
08:10 Tout ça est une médiocrité totale,
08:12 mais c'est pas elle qui est attirée par la médiocrité.
08:15 - L'affaire Bovary, c'est donc d'abord l'histoire
08:18 d'un attentat littéraire au coeur de la société.
08:21 Longuement prémédité.
08:23 Vous y avez engagé, Flaubert,
08:26 toutes vos forces.
08:29 (musique douce)
08:32 ♪ ♪ ♪
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08:41 Dans cette histoire, je ne ferai que dire la vérité.
08:44 Mais elle sera cruelle, horrible et nue.
08:48 ♪ ♪ ♪
08:51 ♪ ♪ ♪
08:54 ♪ ♪ ♪
08:56 Et je crois que personne, depuis que l'on fait du style,
09:00 ne se sera donné autant de mal... que moi.
09:04 ♪ ♪ ♪
09:07 ♪ ♪ ♪
09:09 - Pour Madame Bovary, on a un travail colossal,
09:13 de toute façon, qui est un peu l'inverse
09:17 de ce qu'on attendrait d'un génie, quoi.
09:20 Parce que là, on a quelqu'un d'extrêmement laborieux.
09:23 Il écrit des plans de chaque scène,
09:25 il les écrit, les réécrit.
09:27 C'est une sorte de leçon d'humilité
09:29 pour tous les génies littéraires de la création.
09:31 Parce que là, on a quand même quelqu'un qui prémédite...
09:34 D'ailleurs, il le dit quelque part,
09:37 "livre prémédité", comme une oeuvre d'art
09:39 serait fabriquée dans un atelier.
09:41 ♪ ♪ ♪
09:43 - Flaubert travaille environ 10 heures par jour,
09:46 tous les jours.
09:48 Donc c'est un gouraud de travail.
09:50 Et il pense qu'il en a pas pour très longtemps.
09:53 Et assez rapidement, il se rend compte
09:55 que les problèmes s'accumulent.
09:57 Et au fond, il va mettre 4 ans et demi
09:59 à écrire "Madame Bovary".
10:01 ♪ ♪ ♪
10:06 Flaubert écrit, rature, recopie 10 fois un texte
10:10 avant d'aboutir à la page mise au net
10:13 et à la page imprimée.
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10:43 Quand on regarde les oeuvres de jeunesse de Flaubert,
10:45 ce qui est très frappant, c'est qu'il a pas du tout
10:47 la même méthode qu'avec "Madame Bovary",
10:49 c'est-à-dire il écrit d'un seul "G",
10:51 il écrit de la même marature.
10:53 Qu'est-ce qui fait qu'à partir de...
10:55 essentiellement de "Madame Bovary",
10:57 pourquoi c'est si difficile?
10:59 Probablement parce que Flaubert écrit contre lui-même.
11:01 - Flaubert va contre son désir profond,
11:04 parce que son désir profond d'écriture
11:06 sont naturels et lyriques.
11:08 Donc il décide d'aller vers ce plan un peu réaliste des choses,
11:12 c'est-à-dire cette histoire réaliste,
11:14 et tout lui déplait, en fait.
11:16 ♪ ♪ ♪
11:18 - Et puis il se donne des buts contradictoires.
11:21 Il a l'intention de raconter une histoire absolument banale
11:24 qui se passe dans un milieu médiocre
11:26 et pourtant d'en faire une oeuvre d'art.
11:28 Il veut, au fond, être le Homer
11:31 de la médiocrité provinciale.
11:33 Il veut écrire l'Iliade et l'Odyssée
11:35 se passant en Ormondie, quoi.
11:37 Mais dans un milieu et avec une histoire
11:39 complètement nulle sur le plan de l'intrigue ou des personnages.
11:42 Donc ça, c'est évidemment compliqué.
11:45 - L'histoire ne lui plaît pas,
11:47 les personnages sont des personnages
11:50 qui sont des petites gens qui ne l'intéressent pas.
11:53 C'est très étrange d'avoir fait un chef-d'oeuvre,
11:56 d'avoir d'une certaine façon bouleversé l'histoire du roman,
11:59 comme elle l'est souvent, d'ailleurs,
12:01 en écrivant un livre que l'auteur...
12:04 dont l'auteur déteste à peu près tout, quoi.
12:07 À part le livre lui-même, à part la matière du livre.
12:10 Et c'est cette matière même qui va l'intéresser.
12:15 - Ce qui me semble beau,
12:18 ce que je voudrais faire,
12:20 c'est un livre sur rien
12:22 qui se tiendrait sur lui-même
12:24 par la force interne de son style.
12:26 - C'est un... un protocole assez génial
12:30 de prendre la forme pour...
12:34 pour seule tâche, en fait.
12:37 C'est-à-dire qu'en ce sens-là, l'écriture est un absolu,
12:40 c'est-à-dire qu'on ne transige pas.
12:42 Dans l'écriture elle-même,
12:44 il n'y a aucune désinvolture de la part de Flaubert.
12:47 - Il veut que le terme soit juste
12:49 et qu'il soit en même temps musical.
12:52 De telle sorte que les mots soient, dit-il, inchangeables.
12:56 - Il dit, "Mais si je me fais chier
12:58 "à surtout ne pas mettre un mot à côté de l'autre, etc."
13:02 Il se bat avec ça, tu sais, sur le...
13:05 Sur finalement...
13:08 Je dirais, c'est "écoute qu'est la lecture."
13:11 Il y a le cadencement d'une phrase.
13:14 Ça ne peut pas être qu'optique, enfin.
13:17 Et puis il y a cette espèce de réelle connaissance qu'a Flaubert
13:20 du son bref, de la façon dont il casse les phrases d'un coup
13:24 avec une férocité terrible, baf !
13:27 Et on entend tout. On entend tout.
13:30 - Quatre ans et demi de cette férocité terrible
13:34 à déchirer et recoudre vos phrases.
13:37 Ils allant faire passer la fameuse épreuve du gueuloir.
13:41 - Flaubert a une technique pour tester ce qu'il écrit à l'oreille.
13:45 Ce qu'il appelle le gueuloir.
13:47 Le gueuloir, même si ça sonne comme le fumoir,
13:50 c'est pas une pièce particulière où Flaubert gueulerait.
13:53 C'est là où il est. Il gueule n'importe où.
13:55 Il peut gueuler dans son cabinet de travail
13:57 comme il gueule dans la lit de Tiguel à l'extérieur.
13:59 Il déplace le gueuloir avec lui.
14:01 (musique de tension)
14:04 - Le gueuloir, je trouve ça assez intéressant.
14:09 Pourquoi ? Parce que si Flaubert le gueule,
14:12 c'est non pas pour éprouver la mélodie
14:15 mélodieuse et honteuse de sa phrase.
14:17 Il faut voir si ça résiste à la gueulade.
14:19 Si la phrase résiste à tous les assauts vulgaires.
14:24 - Pâleur, pâleur, pâleur !
14:26 Il a regardé étonné par sa pâleur !
14:28 Pâleur !
14:30 Et belle ! Belle et majestueuse !
14:33 Il a été étonné par sa pâleur !
14:35 Belle ! Belle et majestueuse !
14:39 Il a été étonné par sa pâleur !
14:40 Et elle est apparue !
14:42 Elle est apparue ! Belle et majestueuse !
14:45 Belle et majestueuse !
14:47 Bovary !
14:49 - Il met à l'épreuve le...
14:52 la... la... la...
14:54 comment ? Le bibelot, le...
14:56 le petit objet absolument magnifique, tu sais,
14:59 c'est toute petite sastouette qu'on aime.
15:01 L'ivoire de Madame Bovary.
15:03 Il la met à l'épreuve et ça tient.
15:05 Et ça tient, ça bouge en jamais.
15:08 Ça se ralasse, c'est du diamant pur, quoi, voilà.
15:12 - Et il la regardait étonnée par la pâleur de son visage.
15:25 Elle lui apparut extraordinairement belle et majestueuse,
15:29 comme un fantôme.
15:31 Sans comprendre ce qu'elle voulait,
15:37 il présentait quelque chose de terrible.
15:41 - Il vit dans sa littérature.
15:55 On sait pas s'il a dit un jour "Madame Bovary, c'est moi",
15:58 mais ce qui est sûr, c'est quand on lit sa correspondance
16:01 contemporaine de Madame Bovary, c'est qu'il se projette
16:04 à l'intérieur de son roman.
16:07 Il parle de l'avancée de son travail
16:08 comme si c'était sa propre vie qu'il engageait.
16:11 Par exemple, quand il va écrire la scène du bal
16:14 qui se passe à la Vaux-Biessart, il dit "Demain, je vais au bal".
16:18 Donc ça, c'est un premier rapport au corps.
16:20 Puis le deuxième rapport au corps, c'est que,
16:22 comme il somatise la littérature,
16:25 il se gratte comme s'il avait un eczéma.
16:28 Enfin, alors, on se demande d'ailleurs jusqu'à quel point
16:31 la littérature ne lui donne pas un véritable eczéma.
16:34 C'est quelqu'un qui souffre physiquement.
16:37 En fait, dans l'écriture, et ça se sent dans les brouillons,
16:40 dans l'écriture, tout le corps est convoqué.
16:43 "Votre corps, c'est celui d'un trentenaire
16:47 "qui paraît dix ans de plus.
16:49 "Quand vous commencez Madame Bovary,
16:51 "vous revenez d'un fameux voyage en Orient.
16:53 "Vous y avez perdu vos cheveux,
16:56 "vous gagnez du ventre, vous écrivez..."
16:59 "Je deviens peu d'aine.
17:01 "J'entre dans la catégorie
17:04 "de ceux que la putain est embêtée de piner."
17:07 Il était habillé d'ailleurs avec une sorte de robe de moine.
17:12 Il avait cet habit qui était à la fois oriental
17:14 et puis un peu ecclésiastique, quoi.
17:16 Puis cette vie un peu ecclésiastique aussi, bien sûr,
17:18 cette vie de reclus.
17:20 "Ce livre me torture tellement que j'en suis malade physiquement.
17:26 "Quelle sacrée maudite idée j'ai eue de prendre un sujet pareil.
17:34 "Ah, je les aurais connus, les affres de l'art."
17:38 Schauber se plaint constamment de ce qu'il appelle les affres du style,
17:43 c'est-à-dire la souffrance du style.
17:45 Et en même temps, il en jouit, bien sûr.
17:47 Est-ce que c'est une souffrance ou une jouissance,
17:49 d'arriver à la perfection ?
17:51 Parce qu'il y aura une peine pour arriver à cette perfection,
17:55 mais est-ce que c'est pas le plaisir total
17:58 d'arriver ou de croire être parvenu à cette perfection ?
18:02 Les deux choses sont exactes.
18:05 "Oui, pendant ces années d'écriture, vous avez jubilé, Gustave,
18:09 "parce que vous n'écriviez pas un bon petit livre à la mode.
18:12 "Vos fomentiers d'une révolution."
18:15 "Je sens contre la bêtise de mon époque
18:19 "des flots de haine qui m'étouffent.
18:21 "Il me monte de la merde à la bouche.
18:24 "J'en veux faire une fête
18:26 "dont je barbouillerai tout le 19e siècle."
18:28 "S'il s'agissait de semer la merde, Gustave,
18:31 "vous avez atteint votre but au-delà de vos espérances.
18:34 "Quatre ans et demi après le début de sa rédaction,
18:37 "Madame Bovary est finie et pour vous les ennuis commencent."
18:40 Messieurs, le véritable coupable, c'est lui.
18:49 C'est l'auteur.
18:52 C'est à M. Gustave Flaubert que vous devez réserver toutes vos sévérités.
18:56 Dans ce roman, il n'a pas voulu suivre tel ou tel système philosophique
19:00 vrai ou faux, non.
19:02 Non.
19:04 M. Gustave Flaubert a voulu faire des tableaux de genre.
19:10 Et vous allez voir quels tableaux.
19:13 "Votre erreur, Gustave,
19:17 "c'est d'avoir fait publier votre roman en six livraisons
19:20 "dans la revue de Paris.
19:22 "Cette revue est dirigée par l'un de vos plus vieux amis,
19:25 "l'écrivain Maxime Ducamp,
19:27 "et elle est dans le collimateur du pouvoir.
19:31 "La revue de Paris était de tendance républicaine
19:35 "et elle avait reçu en 1956 déjà deux avertissements."
19:40 Troisième avertissement, elle sera supprimée.
19:43 Et donc, évidemment, les directeurs de la revue de Paris,
19:47 et en particulier Maxime Ducamp,
19:49 sont très soucieux de ne pas avoir d'ennuis
19:52 avec le ministère de l'Intérieur et avec la justice.
19:55 "Maxime Ducamp décide donc d'amputer votre roman de 71 ans.
20:00 "Il a fait 11 passages.
20:02 "Pour se justifier, il vous envoie une lettre.
20:05 "Restez célèbre."
20:07 "Laisse-nous mettre de ton roman.
20:11 "Pour le publier dans la revue,
20:13 "nous y ferons les coupures que nous jugeons indispensables.
20:16 "Tu débutes par une oeuvre embrouillée..."
20:18 "Avec quel style ne suffit pas pour donner de l'intérêt ?
20:22 "Sois courageux. Ferme les yeux pendant l'opération."
20:25 Alors, retrospectivement, évidemment,
20:27 cette lettre condamne Ducamp,
20:29 car pour nous, "Madame O'Harry" est un chef-d'oeuvre de style.
20:32 Or, il trouve que le style ne suffit pas à donner de l'intérêt.
20:35 Ducamp parle d'une oeuvre embrouillée
20:37 parce que ce qui l'intéresse, c'est un récit très rapide.
20:40 Flaubert ne s'intéresse pas à l'intrigue,
20:42 mais ce qui lui importe, c'est de décrire
20:45 et de s'étendre sur la psychologie du personnage.
20:48 Alors, sa réaction, d'abord, il a gardé la lettre.
20:51 Il l'a gardée pour le montrer
20:53 comme preuve de l'incompréhension de son texte.
20:56 Et il a écrit au verso
20:58 un seul mot resté célèbre.
21:01 "Gigantesque."
21:03 "Mais c'est un gigantesque ironique.
21:08 En vérité, vous êtes fou de rage.
21:10 Vous acceptez que le roman paraisse dans la revue,
21:13 mais à certaines conditions."
21:15 Il exige, un, qu'on indique qu'il n'est pas d'accord
21:18 avec les coupes qui ont été faites,
21:20 et il demande qu'il y ait des notes pour expliquer
21:23 qu'on a coupé le texte de l'auteur pour éviter les problèmes.
21:26 À partir du moment où vous sortez un feuilleton de Mme Bovary
21:29 dans une revue dans laquelle vous dites
21:31 "on a dû changer le feuilleton, sinon il aurait été interdit",
21:34 c'est pas dit comme ça, mais c'est "laisse s'entendre ça tout de suite".
21:37 Le procès est prêt.
21:38 Toutes les pièces sont là à charge pour attaquer Flaubert.
21:41 Vous publiez le livre et vous dites "je me suis auto-censuré
21:44 parce que sinon on avait des emmerdements."
21:46 Les emmerdements viennent.
21:48 "C'est donc un comble.
21:50 C'est la censure de vos propres amis
21:52 qui a attiré le regard des autorités.
21:54 Dans un échange de lettres,
21:56 on voit comment s'emballe contre vous
21:58 la justice politique du Second Empire."
22:01 "Monsieur le procureur général,
22:03 j'ai l'honneur d'appeler votre attention
22:05 sur un fragment de roman publié par la revue de Paris."
22:08 "Monsieur le ministre, les passages que votre excellence a bien voulu me signaler..."
22:12 "J'ai signalé dans l'exemplaire 6.1 les passages
22:15 qui me paraissent constituer le délit d'outrage à la morale publique."
22:19 "Nous allons immédiatement engager des poursuites contre M. Flaubert."
22:23 "Il a une bonne famille rouennaise
22:25 qu'il pense pouvoir le mettre à l'abri
22:27 parce qu'il dit qu'il appartient à une famille au Flaubert."
22:30 "Il se rende pas compte ces gens qui je suis.
22:34 Je suis le fils de Flaubert, le chirurgien,
22:37 je suis le frère, etc.
22:39 C'est à ce titre-là qu'il est choqué."
22:41 "C'est en tant que bourgeois et fils de bourgeois
22:44 qu'il va commencer à se défendre.
22:46 Il fait jouer le préfet de telle sorte
22:49 qu'il y ait une pression qui soit faite sur le plan politique."
22:52 "Mais l'affaire s'emballe.
22:54 On vous lit dans les hautes sphères.
22:56 Ils montent comme un parfum de scandale.
22:59 Vous résumez ça bien à votre manière."
23:02 "Toutes les hautes garces arrachent ma beauvarie
23:05 pour trouver des obscénités qui n'y sont pas."
23:08 "Malgré votre mépris, le risque est bien là."
23:12 "La loi, dans ces cas-là, prévoit jusqu'à un an de prison.
23:16 Et je pense que c'est un risque qui est bien là."
23:19 "La loi, dans ces cas-là, prévoit jusqu'à un an de prison
23:22 et une forte amende.
23:24 Et puis surtout, Flaubert serait surveillé.
23:27 Et du coup, il ne pourrait peut-être pas continuer à publier."
23:31 "Dans une lettre à votre frère, vous vous imaginez même en prison."
23:36 "Mon cher Achille, on fera mon portrait
23:39 sur la paille humide des cachots et avec des fers."
23:42 "L'enjeu pour vous est immense.
23:45 Ce ne serait plus Flaubert au guêloir,
23:48 mais à vos parloirs."
23:50 "Et puisque "Madame Beauvary" est votre premier roman publié,
23:53 vous risquez de voir s'arrêter une carrière littéraire
23:56 qui n'a même pas débuté."
23:59 Pour Flaubert, écrire un premier roman aussi extraordinaire,
24:06 ça devrait être des applaudissements généraux.
24:09 Ça devrait être quel chef-d'oeuvre.
24:11 Et ça permettrait de passer par-dessus tout.
24:14 Ses amis lui disent, "Tu ne te rends pas compte.
24:17 Ce que tu fais, dans le pays où on est,
24:20 dans le régime où on est, ça n'est pas possible.
24:23 Tu seras jugé."
24:25 "Oui, vous serez jugé, Flaubert.
24:27 La justice vous appelle.
24:29 Vous montez à Paris."
24:31 "Quelques années plus tôt,
24:33 vous aviez écrit à un ami une lettre pleine d'ironie.
24:36 Je trouve prémonitoire."
24:46 "Le siècle où tu es né est un siècle heureux.
24:50 Les chemins de fer sillonnent la campagne.
24:52 Il y a des nuages de bitume et des pluies de charbon de terre,
24:56 des trottoirs d'asphalte et des panaches en bois,
24:59 des pénitenciers pour les détenus.
25:01 On met en prison les écrivains et on paie les pamphlétaires.
25:05 Mais ce qu'il y a de plus grotesque,
25:08 c'est la magistrature qui protège les bonnes mœurs
25:11 et les attentats aux idées orthodoxes.
25:15 La justice humaine est d'ailleurs pour moi
25:18 ce qu'il y a de plus bouffon au monde.
25:21 Un homme enjugeant un autre est un spectacle
25:24 qui me ferait crever de rire s'il ne me faisait pitié."
25:28 "Un homme a décidé de mettre bon ordre à tout ça.
25:57 Il s'appelle Ernest Pinar.
25:59 Il a 34 ans et contrairement à vous, il en paraît 10 de moins.
26:03 Il est procureur impérial."
26:06 "Le procureur Pinar est un personnage très intéressant et très fascinant.
26:10 Pinar, il est porté par la carrière, par l'ambition,
26:13 par la volonté de payer au régime.
26:15 Et puis, il est quand même, je pense, fasciné par la littérature.
26:19 Vraiment fasciné.
26:20 C'est un très bon lecteur, capable de faire le tri.
26:23 Il fait trois procédés en 1857.
26:25 Il attaque Madame Bovary, les fleurs du mal
26:28 et les mystères du peuple de Gensu.
26:30 Il attaque trois grands livres, trois chefs-d'oeuvre,
26:33 alors qu'il y a beaucoup de livres qui paraissent.
26:36 Madame Bovary, c'est un chef-d'oeuvre,
26:38 écrit par un génie littéraire.
26:40 Pinar, sexe, c'est un grand livre
26:42 et que par conséquent, c'est un livre d'enjeu."
26:45 "Le réquisitoire va durer deux heures.
26:48 Et pendant ces deux heures,
26:50 Ernest Pinar va lire des passages entiers du livre
26:53 et toutes les offenses.
26:55 La parole est à l'accusation."
26:58 "Ce livre s'appelle Madame Bovary,
27:06 mais vous pouvez lui donner un autre titre.
27:09 'Histoire des adultères d'une femme de province'.
27:13 Ce que l'auteur vous montre,
27:15 c'est la poésie de l'adultère."
27:18 La plupart des romans tournent autour de ces histoires d'adultères.
27:22 C'est pas ce qu'on reproche à Flaubert.
27:25 On lui reproche d'avoir exalté l'adultère,
27:28 de l'avoir rendu aimable,
27:30 d'avoir montré qu'Emma s'épanouit dans l'adultère."
27:33 "Ce n'est pas le fait de s'envoyer en l'air,
27:36 c'est simplement le fait qu'elle casse
27:39 l'exclusivité du mariage
27:41 et le contrat social par lequel elle est liée
27:44 à son mari, à sa société,
27:46 au fait que son mari travaille
27:48 et qu'elle s'affranchit de tout ça."
27:50 Je lis.
27:52 "Ah, si dans la fraîcheur de sa beauté,
27:55 avant les souillures du mariage
27:58 et les désillusions de l'adultère."
28:02 Alors, bien sûr, bien souvent, quand on est marié,
28:06 on rencontre quelquefois les sacrifices, les amertumes.
28:10 Le mot "désillusion" peut être justifié.
28:13 "Celui de souillure ne saurait l'être."
28:17 Pinardi, il aurait fallu dire l'inverse,
28:20 parce que le mariage étant un sacrement religieux,
28:24 il ne peut pas être l'objet d'une souillure.
28:27 La souillure se rapporte automatiquement à l'adultère.
28:30 Il aurait fallu dire les désillusions du mariage
28:33 et les souillures de l'adultère,
28:35 parce que, encore une fois,
28:37 c'est la religion qui va sacraliser le mariage.
28:40 Et la justice est rendue dans des salles
28:43 où se trouve accroché un crucifix.
28:46 "Le prêtre se releva pour prendre le crucifix.
28:50 "Alors, elle allongea le cou comme quelqu'un qui a soif
28:56 "et, collant ses lèvres sur le corps de l'homme-dieu,
29:00 "elle y déposa de toute sa force expirante
29:04 "le plus grand baiser d'amour qu'elle eût jamais donné."
29:08 Ah oui, non, ça, c'est pas possible, ça.
29:10 On peut pas mêler des choses voluptueuses aux choses sacrées.
29:13 C'est de la plus grande connerie que les religieux nous ont amené.
29:16 De planquer, à ce point-là, le corps, de le giletter,
29:19 comme dirait Jung, c'est Flaubert aussi,
29:22 on parle très bien du gilet.
29:24 De le cravatouiller, c'est l'horreur.
29:26 Et ce procès est absolument...
29:28 En fait, il est très symbolique, je dirais, parce qu'il est nécessaire,
29:31 puisqu'il montre à quel point
29:33 il y a une hypocrisie, mais considérable, dans cette histoire.
29:37 L'autre passage qui scandalise Spinar,
29:39 c'est le fait qu'il y ait un rendez-vous amoureux dans une cathédrale.
29:42 Et Léon lui-même, lorsqu'il attend Emma, qui ne vient pas,
29:46 compare la cathédrale à un gigantesque boudoir.
29:50 Le rapprochement entre boudoir et cathédrale,
29:53 c'est de l'ordre de la profanation.
29:55 Les accusations dansent autour de vous, Flaubert.
30:00 Outrage à la moralité publique. Outrage à la religion.
30:05 Et voici la plus virulente.
30:07 L'érotisme du roman.
30:10 Outrage aux bonnes mœurs.
30:14 Alors, je continue mon exposé.
30:17 Madame Bovary doit très bien valser et la voici valsant.
30:22 "Ils commencèrent lentement, puis allèrent plus vite."
30:28 "Ils tournaient."
30:38 "Tout tournait autour d'eux."
30:41 "Les lampes..."
30:43 "Les meubles, les lambrillers, le parquet, comme un disque sur un pivot."
30:48 "En passant auprès des portes..."
30:51 "La robe d'Emma par le bas s'y reflète aux pantalons."
30:55 "Leur jambe entrait l'une dans l'autre."
31:00 "Il baissait ses regards vers elle."
31:03 "Elle levait les siens vers lui. Une torpeur la prenait."
31:09 "Le vicomte l'entraînant disparut avec elle."
31:12 "À l'autante, elle faillit tomber et en un instant s'appuya la tête..."
31:17 "contre sa poitrine."
31:19 "Je sais qu'on valse parfois comme ça, mais ce n'est pas plus moral pour autant."
31:25 Il y a un très grand érotisme,
31:27 mais pas celui qu'on a à l'esprit quand on dit quelque chose d'érotique.
31:31 Quand on pense que nous, quelque chose est érotique,
31:34 on s'attend à des personnages tous nus qui copulent dans des positions incroyables.
31:39 On ne sait rien d'Anne Flaubert. On ne sait pas grand-chose.
31:43 Mais le fait qu'elle fasse l'amour avec d'autres que son mari
31:47 et qu'on le dise et qu'elle ait du désir,
31:50 c'est terriblement transgressif et érotique pour la société de 1857.
31:55 Ceci encore, ce tableau que je ne puis omettre, page 73.
32:06 "Emma revenait à lui plus enflammée, plus altente, plus avide.
32:12 Elle se déshabillait brutalement,
32:16 arrachant le lacet mince de son corset qui sifflait autour de ses hanches
32:20 comme une couleuvre...
32:22 une couleuvre qui glisse.
32:25 Puis elle faisait d'un seul geste tomber ensemble
32:31 tous ses vêtements.
32:34 Elle se sentait comme une pomme.
32:37 Elle se sentait comme une pomme.
32:40 Elle se sentait comme une pomme.
32:43 Elle se sentait comme une pomme.
32:46 Elle se sentait comme une pomme.
32:49 Elle se sentait comme une pomme.
32:52 Elle se sentait comme une pomme.
32:55 Elle se sentait comme une pomme.
32:58 Elle se sentait comme une pomme.
33:01 Elle se sentait comme une pomme.
33:04 Elle se sentait comme une pomme.
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