Les envoyés spéciaux de BFMTV à Moscou, Jérémy Normand et Étienne Grelet, accompagnés de leur fixeur, sont contrôlés par la police russe en direct lors d'un duplex, alors que Vladimir Poutine célèbre sa réélection à la tête de la Russie sur la place Rouge
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00:00 Écoutez, c'est un jeu un petit peu de dupe, c'est-à-dire qu'on est photographiés environ
00:04 une centaine de fois par jour, parfois pendant nos duplex, vous ne le voyez pas derrière
00:09 la caméra, mais il y a souvent des policiers qui s'approchent.
00:11 C'est un travail dans des conditions évidemment particulières.
00:15 On a voulu aujourd'hui, avec Étienne Grelet, se rapprocher, voilà, exactement pendant
00:19 que je suis en train de vous parler, des policiers qui arrivent et qui vont s'approcher de moi.
00:22 Donc vous allez vivre en direct ce que l'on vit au quotidien, c'est-à-dire que dès
00:26 qu'on a la caméra allumée, dès qu'on commence à vous parler, vous voyez des policiers
00:32 qui viennent vérifier nos accréditations, nos identités et qui s'assurent que l'on
00:36 n'est pas là pour causer du désordre, qui vérifient aussi la chaîne, qui regardent
00:41 évidemment ce qu'on produit.
00:42 Bon voilà, je ne pensais pas vous le montrer en direct, mais c'est exactement notre réalité
00:46 de journaliste ici.
00:47 Je vous rassure, on travaille dans de bonnes conditions avec les accréditations nécessaires
00:52 pour couvrir cette élection.
00:53 On a pu, vous l'avez vu, nous rendre dans des bureaux de vote, on a pu rendre compte
00:56 vraiment de ce que l'on voit.
00:58 Pour ce qui est de ce qui est en train de se passer sur la place rouge, eh bien, il
01:06 était beaucoup plus difficile pour nous d'y entrer, parce que depuis ce matin, on le savait
01:09 que Vladimir Poutine allait finir par se montrer, rien n'était officiel, tout s'est organisé
01:13 dans le secret.
01:14 Mais lorsqu'on a rencontré des étudiants qui venaient parfois de plus de 6 heures de
01:17 route, ils nous avaient dit qu'ils étaient invités depuis deux semaines à venir ce
01:21 jour se rassembler pour voir Vladimir Poutine.
01:23 C'est vous dire à quel point cette élection est une farce, puisque tout était joué d'avance,
01:27 tout était organisé à l'avance.
01:28 Et lorsque nous avons approché de cette place rouge ce matin, il y avait un périmètre
01:32 de sécurité extrêmement important, un policier tous les 10 mètres autour de cette place
01:36 rouge qu'il faut plus de 45 minutes pour parcourir.
01:39 C'est vous dire la fébrilité des autorités pour évidemment éviter tout acte de dissidence,
01:45 tout acte de dégradation et pouvoir permettre à Vladimir Poutine d'avoir cette image
01:49 que vous diffusez, que vous voyez à l'instant, cette image d'un président entouré des autres
01:53 rivaux, entouré et acclamé par cette foule qui a été lourdement incitée, les étudiants
01:59 nous l'ont dit, incitée par le parti présidentiel lui-même pour venir l'acclamer.
02:02 Pendant que je vous lis tout ça, à côté de moi, 3, 4 policiers en uniforme en train
02:07 de nous demander nos papiers.
02:09 Voilà notre réalité de correspondant ici à Moscou.
02:12 Jérémy, vous faites votre duplex et c'est quand même assez surréaliste.
02:15 À quel moment des policiers moscovites sont en train de contrôler votre équipe, notamment
02:20 ce qu'on appelle le fixeur, c'est ça qui est avec vous, qui vous accompagne, qui vous
02:23 permet aussi de pouvoir faire votre travail.
02:25 Et ces contrôles sont incessants.
02:27 Absolument, je pense que s'il reste à côté de nous, c'est parce que je n'ai pas encore
02:34 sorti ce sésame, l'accréditation qui nous permet de travailler.
02:37 Écoutez, je vais le faire devant vous, je pense que ça va rassurer tout le monde.
02:42 Voilà, je pense que c'est de cette accréditation qu'il s'agit.
02:47 Et juste pour vous dire, cette accréditation, elle est photographiée une centaine de fois
02:50 par jour, ainsi que nos passeports.
02:52 Tout nous est demandé en permanence.
02:54 Et souvent, les policiers sortent même leur téléphone pour nous filmer, nous filmer
02:57 lorsqu'on discute avec les gens, filmer aussi le visage des gens qui nous parlent.
03:01 C'est vous dire aussi le climat, c'est-à-dire que nous donnons la parole à des gens qui
03:04 nous disent "votez pour Vladimir Poutine", mais ceux qui nous disent le contraire, ceux
03:07 qui pensent l'inverse.
03:08 C'est beaucoup plus difficile pour eux de s'exprimer librement, et évidemment devant
03:12 notre caméra, parce qu'on est aussitôt identifié comme une télé hostile au pouvoir.
03:17 Et voilà, les policiers me demandent d'interrompre mon direct, donc je vais voir un petit peu
03:21 comment ça se passe.
03:22 Rassurez-vous, nous avons tout à fait le droit de travailler ici, nous n'avons pas
03:27 pris de risque inconsidéré pour vous parler en ce moment, alors que ces policiers vont
03:31 nous demander, je pense, quelques informations supplémentaires.
03:34 Donc là, on vérifie vos papiers en ce moment, en direct.
03:37 Tout ça n'était pas prévu, Jérémy, c'est assez incroyable, parce qu'on voulait avec
03:41 vous parler de la difficulté pour un journaliste français et occidental de travailler à Moscou,
03:46 on l'a vu en direct en fait.
03:48 Effectivement, vous êtes très surveillé.
03:50 Oui, mais ça traduit une seule chose, c'est la fébrilité du pouvoir.
03:57 Vladimir Poutine est allué avec 88% des voix, et regardez ce que les autorités ont besoin
04:01 de faire au quotidien pour s'assurer qu'il ne se passe rien.
04:05 Cette place rouge, elle est restée inaccessible depuis hier soir.
04:09 Nous étions toute la soirée hier pour l'édition spéciale à regarder ce qui se passait.
04:14 Aucun sympathisant, aucun électeur de Vladimir Poutine ne s'est rassemblé, ne s'est rendu
04:18 spontanément sur cette place rouge ou à proximité pour célébrer la victoire.
04:21 Rendez-vous compte, un président est allué avec 88% des voix, mais personne pour venir
04:25 fêter cela avec nos regards de français, quand un président est allué avec tout juste
04:29 53, 54% des voix.
04:31 Les gens se rendent sur les Champs-Élysées ou Place de la Concorde.
04:34 Ici à Moscou, c'est totalement différent.
04:36 Et ça nous a vraiment surpris lorsqu'on demandait aux gens pourquoi il n'y avait pas cela.
04:41 Ils nous disaient qu'en fait, ici, on ne fait rien si ce n'est pas organisé.
04:44 Et depuis ce matin, il y a une quantité de bus qui ont affrété tous ces citoyens venus
04:49 de toutes les régions de Russie.
04:51 Certains ont roulé toute la nuit pour venir remplir cette place rouge.
04:54 Et c'est cela, cette réalité de ce pays bureaucratique.
04:57 Tout doit être organisé, planifié.
04:59 Chacun doit rendre compte à un supérieur lorsque nous demandons, par exemple, de pouvoir
05:03 accéder à la place rouge.
05:04 Mais vous n'imaginez pas le nombre d'interlocuteurs que l'on a parce que chacun a peur de prendre
05:09 la mauvaise décision au mauvais moment et de devoir ensuite rendre compte à son supérieur.
05:13 Ces derniers jours, la tension est montée entre les deux pays, entre la Russie et la
05:18 France.
05:19 Quand on est journaliste français, quand on dit qu'on est français, est-ce que ça
05:22 change quelque chose pour vous ?
05:23 Oui, ça change quelque chose parce que vous avez vu sur la télévision d'État russe,
05:33 les mots d'Emmanuel Macron ont été diffusés le jour même du vote.
05:36 C'est-à-dire que quand toute la Russie est amenée à se rendre aux urnes, tout le monde
05:40 voit le visage du président français et entend ces mots traduits en russe lorsque
05:44 le président français désigne la Russie comme un adversaire, lorsque le président
05:48 français se dit prêt à ne pas s'imposer de limites, se dit prêt à défendre l'Ukraine.
05:53 Ces mots sont entendus ici parce qu'ils font le jeu de Vladimir Poutine.
05:57 Piotr Tolstoy, le vice-président de la Duma, l'équivalent de l'Assemblée nationale,
06:02 disait hier soir qu'il remerciait Emmanuel Macron parce qu'il disait que ce score de
06:06 la participation de 75% ici en Russie, c'est le résultat de cette campagne occidentale
06:12 qui fait pression sur Vladimir Poutine et qui évidemment galvanise les sympathisants
06:16 et les électeurs de Vladimir Poutine.
06:17 Voilà comment ici est perçu et instrumentalisé par le pouvoir en place les pressions, les
06:23 mots de notre président français.
06:25 Cela joue aussi sur le comportement des gens.
06:28 Beaucoup de gens qui nous reçoivent, je vais vous le dire franchement, nous reçoivent
06:31 avec beaucoup de sympathie, parfois de courtoisie.
06:34 Lorsque nous leur demandons s'ils se sont rendus en France, certains ont visité Paris,
06:38 certains parlent même quelques mots de français.
06:40 Mais dès que l'on parle politique, dès que l'on parle de cette menace de troisième
06:44 guerre mondiale que Vladimir Poutine n'a pas hésité à faire planer dès son discours
06:47 de victoire hier soir, et bien tout de suite les gens se raidissent et les gens nous parlent
06:51 évidemment de la force que Vladimir Poutine leur donne parce qu'ils nous le disent certains,
06:56 il leur a rendu leur fierté, leur sentiment de patriotisme, il a rendu sa grandeur à
07:01 la Russie.
07:02 Et je discutais tout à l'heure avec une dame assez âgée qui me disait, écoutez
07:04 bien, qui me disait que et Macron et Joe Biden rêvaient en réalité d'être Vladimir
07:09 Poutine, d'être ce président capable de durer au pouvoir autant d'années mais qu'il
07:14 n'en avait évidemment pas le charisme.
07:15 Voilà comment d'ici on vit à Moscou cet échange, cette escalade des mots entre nos
07:22 deux pays et puis voilà le nombre de policiers autour de moi ne cesse d'augmenter.
07:26 Je vais me permettre, sans provocation bien sûr, mais de panoter un tout petit peu si
07:30 Étienne Grelais le veut bien, il ne s'agit pas de provocation, il s'agit juste de vous
07:35 rendre compte de la façon dont nous, journalistes occidentaux, pouvons ou ne pouvons pas toujours
07:39 correctement travailler ici.
07:41 Le fourgon est ouvert, bon je ne sais pas s'ils vont nous inviter à entrer ou pas
07:48 dedans, on va essayer de pouvoir continuer à faire notre travail, on est là pour ça,
07:50 on le fait dans le bon droit et on respecte évidemment.
07:53 Et voilà, et ces messieurs, bon vous le voyez, pardon je vous tiens un petit peu à l'antenne
07:57 mais voilà, tout rentre dans l'ordre, je pense que les vérifications ont été bien
08:01 menées grâce à notre fixeur que je remercie.
08:02 Voilà, nous pouvons quand même travailler, j'espère que la lumière allumée en face
08:07 de moi et le direct jouent en notre faveur.
08:10 Je ne veux pas vous garder à l'antenne plus longtemps pour gagner du temps mais voilà,
08:14 je pense que c'est en train de rentrer dans l'ordre.
08:15 Bon ben tant mieux Jérémy, merci.
08:17 Merci Jérémy, Étienne Grelais donc contrôlé en direct par la police russe simplement
08:22 parce qu'ils font leur travail.