• il y a 8 mois
Transcription
00:00 Le 9 décembre 1938 paraissait dans l'Action française la critique de François Vinoy du film "Remontons les Champs-Elysées" (texte intégral)
00:13 "Il est assez cocasse d'imaginer une jeune américaine, nous connaissant à la façon de ses compatriotes, et qui viendrait s'instruire de notre histoire, sagement, un bloc épais aux doigts, devant le dernier film de M. Sacha Guitry, "Remontons les Champs-Elysées".
00:31 Elle y apprendrait qu'un fils bâtard de Louis XV épousa la fille d'une tricoteuse et de Marat, et que le rejeton de cette union prit pour femme une fille née de Napoléon à Saint-Hélène, laquelle se prénommait Léone.
00:49 Le petit-fils de Léone, descendant du bien-aimé, du petit-ondu et de l'ami du peuple, aurait également pour mère la fille non reconnue d'un président de la Troisième République.
01:02 On voit que M. Sacha Guitry a pris pour point de départ les bévues du cinéma historique, et s'est beaucoup diverti, on l'espère du moins pour lui, à les parodier.
01:16 Il est un peu ennuyeux que le spectateur n'y prenne pas toujours le même plaisir que lui. Nous ne retrouvons pas toujours les agréables inventions des "Perles de la Couronne" (1937).
01:30 On voit bien Wagner, famélique, en 1839, et se faisant congédier du café-concert qu'il emploie pour avoir joué "La Marche de Tannhauser", ce qui est d'ailleurs un peu prématuré.
01:47 Il y a aussi des bons mots, naturellement. Comme toujours encore, M. Guitry, en éternel enfant gâté qui se sait tout permis et ne contrôle plus rien, se laisse aller à quelques effroyables calembours.
02:05 Mais, dans l'ensemble, la fantaisie, tout en étant sur le papier très corsé, comme on vient de le voir, n'ose pas s'affirmer suffisamment.
02:15 Son mariage avec la réalité, qui intervient aussi le plus souvent sous forme de menus curiosités historiques, offre quelque chose d'hybride.
02:27 Cette promenade le long des Champs-Elysées, de Louis XIII jusqu'à M. Le Brun, devient un peu traînante.
02:35 L'album que nous feuilletons, au costume changeant de décade en décade, est un peu figé, un peu froid.
02:44 Bien que M. Guitry se familiarise de plus en plus avec le cinéma et commence à connaître mieux ses ressources que main professionnelle, perpétuellement attelée à photographier des dialogues entre deux décors.
03:02 Je crois que c'est le genre adopté qui est en cause. Ces galopades, de siècle en siècle, pendant une heure et demie de projection, sont fatalement superficielles, écourtées, papillonnantes.
03:16 Il y faudrait pour lien un bon scénario, bien construit et mené, comme celui de M. Guitry dans Les Perles de la Couronne.
03:26 Mais cette fois, M. Guitry reste nonchalant et que d'allusions mélancoliques aux cheveux gris.
03:34 Est-il vraiment si affligeant de compter 54 ans ?
03:39 M. Guitry, comme dans ses Histoires de France, nous donne ses opinions sur des personnages illustres.
03:50 "Sans doute", dit-il en substance, "Louis XIV prenait notre argent sans nous demander conseil, mais puisqu'il a construit Versailles, ne plaçait-il pas fort bien cet argent ?"
04:03 Il est regrettable qu'il n'ait recueilli sur Louis XV que les plus douteuses anecdotes, mais il rend à Louis Philippe, roi de la paix, un hommage tout à fait de saison.
04:18 L'auteur, à son habitude, se prodigue avec complaisance en Louis XV, en Napoléon III, en glacier restaurateur, en montreur de marionnettes.
04:31 Autour de lui, une forte troupe de comédiens qui portent presque tous un nom, est réduite à peu de choses près à de la figuration intelligente, et le fait très bien.
04:45 Les femmes sont presque toutes choisies avec goût.