• il y a 8 mois
Synopsis :

Ce DébatDoc retrace la carrière politique de Bernard Tapie, homme d'affaires aux multiples facettes, de ses débuts à Marseille jusqu'à ses déboires judiciaires.

Au programme :

Un portrait de Bernard Tapie, figure controversée et charismatique
Une analyse de ses ambitions politiques et de ses réalisations
Un retour sur ses succès et ses échecs, notamment l'affaire VA-OM
Des témoignages de personnalités qui l'ont connu et côtoyé
Un débat entre historiens et politologues pour éclairer son parcours

Ce que vous réserve l'émission :

Une plongée dans l'histoire politique française des années 1980 et 1990
Un regard éclairé sur un personnage complexe et fascinant
Un débat enrichissant et argumenté

Pour les amateurs d'histoire politique et ceux qui s'intéressent à la vie de Bernard Tapie, c'est un rendez-vous à ne pas manquer !

Category

📺
TV
Transcription
00:00:00 (Générique)
00:00:16 Bienvenue à tous dans "Débat d'oct". Voilà deux ans, disparaissait Bernard Tapie.
00:00:20 Parti de rien, ou presque, longtemps, l'homme d'affaires avait tout gagné dans sa vie,
00:00:24 jusqu'au jour où il est entré en politique.
00:00:27 C'est ce que nous rappelle le documentaire qui suit, "Les mille et une vies de Bernard Tapie",
00:00:33 l'histoire d'un parcours hors norme, perçu par les Français avec au choix une réelle admiration,
00:00:38 une certaine délectation ou une profonde aversion, mais rarement en laissant totalement indifférent.
00:00:45 Je vous laisse découvrir ce film et je vous retrouverai juste après en compagnie du journaliste Yves Tréhard.
00:00:51 Il connaissait bien Bernard Tapie et avait réalisé pour LCP l'une de ses toutes dernières interviews
00:00:57 avant sa disparition. Bon doc.
00:01:00 - Bernard Tapie, quelle est votre image de marque ? - Mauvaise.
00:01:04 - Et votre argent, ça peut séduire ? - Beaucoup plus que mon charme. Beaucoup plus.
00:01:09 - Ça, je fais pas longtemps d'un autre. - C'est la vraie star des années 80.
00:01:13 C'est l'histoire d'un businessman acquis tout réussit.
00:01:18 Bernard Tapie est beau, riche et séduisant.
00:01:23 - 5, 6, 7, 8...
00:01:27 Chef d'entreprise, animateur télé, patron de l'OM, Tapie est une machine à gagner.
00:01:33 Mais tout va changer pour lui le jour où il va entrer en politique.
00:01:38 - Vous êtes un hableur, vous êtes un matamor, vous êtes un tartarin, un bluffeur. Voilà la vérité.
00:01:51 Devenu ministre de Pierre-Beret-Gauvoie, Tapie est soupçonné de piller les caisses de l'Etat avec l'aide du pouvoir.
00:01:58 - Bernard Tapie est dans mon gouvernement, je considère qu'il est honnête, je lui fais confiance.
00:02:05 Depuis que Tapie est proche du pouvoir, sa vie est marquée par des scandales politico-financiers.
00:02:12 Les mises en examen s'enchaînent.
00:02:14 - Votre réaction, s'il vous plaît. - Attends, Bernard, Bernard !
00:02:20 - Personne n'est dupe, on assiste à la chasse à Tapie. On veut ça.
00:02:23 Elle est organisée, mais avec un seul objectif, tuer Tapie.
00:02:26 - Nous sommes là parce qu'on vient de vous attribuer 400 millions d'euros d'argent public.
00:02:32 - Je ne souhaite pas porter un seul jour un nom qui devient une injure publique.
00:02:36 C'est comme si je m'appelais "enfoiré, pourri, ordure".
00:02:39 - Ma grande récompense dans cette affaire, c'est qu'aujourd'hui, il est seul.
00:02:43 La gauche l'a abandonné et la droite l'a abandonné.
00:02:48 Nous allons vous raconter les péripéties d'un flambeur qui a été flambé.
00:02:53 L'histoire d'un manipulateur ô combien manipulé.
00:02:57 - Qui veut battre Bernard Tapie ?
00:03:00 - Tout le monde ! Vous trouverez personne pour le défendre.
00:03:03 - C'est bon.
00:03:06 - C'est bon.
00:03:09 - C'est bon.
00:03:12 - C'est bon.
00:03:15 - C'est bon.
00:03:17 - Je ne sais pas faire ça.
00:03:19 - C'est un peu bizarre.
00:03:21 - C'est un peu bizarre.
00:03:23 - C'est un peu bizarre.
00:03:25 - C'est un peu bizarre.
00:03:27 - C'est un peu bizarre.
00:03:29 - C'est un peu bizarre.
00:03:31 - C'est un peu bizarre.
00:03:33 - C'est un peu bizarre.
00:03:35 - C'est un peu bizarre.
00:03:37 - C'est un peu bizarre.
00:03:39 - C'est un peu bizarre.
00:03:41 - C'est un peu bizarre.
00:03:43 - C'est un peu bizarre.
00:03:45 - Je ne sais pas faire ça.
00:03:47 - Allez, s'il vous plaît.
00:03:49 C'est l'une de ses toutes premières apparitions à la télévision.
00:03:58 Bernard Tapie a 40 ans et il est un homme d'affaires brillant
00:04:02 qui a bâti en un temps record une fortune colossale.
00:04:05 Parti de rien, ce fils d'ouvrier de la banlieue parisienne
00:04:11 est fier d'afficher son impressionnante réussite
00:04:14 dans cette émission d'Antenne 2
00:04:16 au titre un brin tapageur, mais qui annonce clairement la couleur.
00:04:20 - Avec le concours de Bernard Tapie,
00:04:30 président du groupe Bernard Tapie.
00:04:32 - Ce faiseur de fric a déjà tout compris à la télé.
00:04:37 En acceptant d'être filmé dans son intimité,
00:04:41 il cultive une image de chef d'entreprise moderne,
00:04:44 dynamique, un patron libéral sans aucun tabou.
00:04:47 - Il n'y a rien de plus redoutable de vivre dans un système capitaliste
00:04:52 avec des gens qui ne le sont pas.
00:04:54 Or, l'unité de mesure d'un système capitaliste, c'est l'argent.
00:04:57 Or, pour moi, mon unité de mesure étant l'argent,
00:05:00 j'entreprends mes affaires et je les fais entreprendre
00:05:03 par tout ce que ceux qui m'entourent
00:05:05 avec une volonté féroce de gagner beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent.
00:05:10 Bernard Tapie est l'un des premiers en France
00:05:13 à parler de manière aussi décomplexée des vertus de l'argent.
00:05:16 Il faut dire que les Français viennent d'élire 2 ans plus tôt
00:05:20 François Mitterrand, un président socialiste
00:05:23 pour qui l'argent et le capitalisme
00:05:25 sont, si l'on en croit ses discours, des ennemis à abattre.
00:05:29 - Celui qui ne consent pas à la rupture
00:05:32 avec l'ordre établi politique sur notre soir, c'est secondaire,
00:05:37 avec la société capitaliste,
00:05:40 celui-là, je le dis,
00:05:43 il ne peut pas être adhérent du Parti socialiste.
00:05:47 Autant dire que Tapie et son jet privé
00:05:54 font quelque peu mauvais genre dans cette France en pleine crise économique.
00:05:58 - Tapie a toujours secrété l'envie et la jalousie
00:06:02 parce qu'il était beau à mourir,
00:06:04 parce qu'il était riche,
00:06:06 parce qu'il était aimé des Français.
00:06:09 C'est cette espèce de rancœur accumulée
00:06:12 qui créera le phénomène Tapie.
00:06:14 Un phénomène qui fait polémique
00:06:20 car Tapie s'enrichit en rachetant des sociétés au bord du dépôt de bilan
00:06:24 sur les conseils de son avocat et ami Jean-Louis Borlot.
00:06:28 A l'époque, de nombreux entrepreneurs au bord du gouffre
00:06:32 consultent le duo Tapie-Borlot
00:06:34 pour tenter de sauver leur entreprise de la faillite.
00:06:37 Et l'homme d'affaires a un flair infaillible
00:06:40 pour miser sur celles qui vont lui rapporter très vite beaucoup d'argent.
00:06:44 Cette année 1983, par exemple,
00:06:49 Tapie rachète la petite entreprise Louk
00:06:52 qui fabrique des skis pour un petit franc symbolique.
00:06:55 5 ans plus tard, il réussit à la revendre
00:06:58 à un joli pactole de 40 millions d'euros.
00:07:00 Au milieu des années 80,
00:07:02 Tapie est à la tête d'une quarantaine d'entreprises
00:07:05 et réalise un chiffre d'affaires juteux de 800 millions d'euros.
00:07:08 - Ils avaient mis au point un système
00:07:11 qui leur permettait de racheter des boîtes en difficulté.
00:07:15 Ensuite, ils dégraissaient.
00:07:17 Et ensuite, ils revendaient au meilleur prix
00:07:19 une fois qu'ils avaient fait le nettoyage.
00:07:21 Et c'est comme ça qu'il a fait une fortune colossale
00:07:24 parce qu'à l'époque, il sautait vraiment sur tout ce qui bouge.
00:07:27 - Il reprend à la casse des entreprises pour les désosser.
00:07:32 Malgré des méthodes contestables,
00:07:34 l'entrepreneur est à l'époque un modèle de réussite
00:07:37 qui donne des conférences un peu partout en France.
00:07:40 Comme dans cette école de commerce
00:07:42 où, avec son ami Borlo,
00:07:44 il livre aux étudiants les clés du succès.
00:07:47 - 3 qualités.
00:07:48 Imaginatif, vendeur, meneur.
00:07:51 - Au continu de la vie virtuelle,
00:07:54 quelles formations donnez-vous à des gens comme nous ?
00:07:56 - Quel type de cours je donnerais ?
00:07:58 Vous serez tellement obligés de négocier
00:08:00 tout le temps, que ce soit avec vos fournisseurs,
00:08:02 avec vos concurrents, avec votre personnel,
00:08:04 avec vos banquiers, avec votre femme,
00:08:06 enfin, ou avec votre mari.
00:08:08 Vous serez tellement obligés de négocier.
00:08:10 Je vous apprendrai à vendre.
00:08:11 - À chaque fois, il remplit la salle,
00:08:13 il arrive avec son avion à Limoges ou à Angoulême,
00:08:16 il fait son show, les gens sont là,
00:08:18 se précipitent sur lui en disant
00:08:20 "Enfin, quelqu'un qui nous parle de l'entreprise
00:08:23 de façon décomplexée, etc."
00:08:25 - Invité sur le plateau d'Yves Mourouzi,
00:08:27 le président de la République lui-même
00:08:29 a-t-il vu être tombé sous le charme de l'homme d'affaires ?
00:08:32 - Ma conviction rencontre celle de Tapie et de bien d'autres.
00:08:36 Et j'admire ceux qui en sont capables.
00:08:40 Et dans la mesure de mes moyens,
00:08:42 et avec les moyens aussi de ma fonction,
00:08:44 vraiment, j'ai mes forces de les aider.
00:08:46 - Tapie, c'était vraiment l'ouverture.
00:08:48 L'ouverture vers le "capitalisme", entre guillemets.
00:08:50 Je pense que Mitterrand a eu l'intuition
00:08:52 de se dire "C'est un homme nouveau en politique,
00:08:55 et ça nous apportera une forme de fraîcheur."
00:08:58 - Tapie a tapé dans l'oeil du président.
00:09:01 Et cela tombe bien, car l'homme d'affaires
00:09:04 a très envie de se frotter à la politique.
00:09:07 - J'ai dit "Ne fais pas de politique, Bernard.
00:09:10 Ce sont des piranhas. Ils vont te dévorer.
00:09:12 Laisse ça de côté. Tu as tout pour réussir dans la vie.
00:09:15 Tu fais pour faire des affaires."
00:09:17 Il m'a dit "Oui, mais j'ai connu le business,
00:09:19 j'ai connu l'argent.
00:09:21 Je veux connaître ce pouvoir de la politique.
00:09:24 Et puis, je veux faire du bien aux Français."
00:09:28 - Quelques mois plus tard, le businessman et le président
00:09:32 vont finir par se rencontrer
00:09:34 grâce aux efforts d'une connaissance commune,
00:09:37 le publicitaire Jacques Seguéla.
00:09:39 - L'entourage de François Mitterrand ne voulait pas qu'il le voit.
00:09:42 En particulier Attali, qui nous disait de ne pas y aller.
00:09:45 Et tout le monde autour de lui qui disait "Attention,
00:09:48 on ne fréquente pas un Bernard Tapie.
00:09:50 Il faut s'écarter de tout ça."
00:09:52 Et ça excitait beaucoup François Mitterrand.
00:09:55 - Jacques Seguéla organise un déjeuner chez lui à Neuilly-sur-Seine.
00:09:59 Et il assiste au grand numéro de charme de Tapie sur le président.
00:10:04 - Il y a eu 3 heures d'une rencontre entre 2 personnages,
00:10:09 entre 2 forces de la nature et de l'esprit
00:10:12 qui ont échangé comme ça.
00:10:14 Et c'est là où j'ai vu la fascination de Mitterrand
00:10:18 qui lui a fait, comme il savait le faire, une cour extraordinaire
00:10:23 et qui l'a subjuguée à tout jamais.
00:10:25 Et qui lui a dit "Vous êtes fait pour la politique et on se retrouvera."
00:10:29 - En 1987, Tapie est donc dans les petits papiers du président de la République.
00:10:35 Il souhaite entrer en politique.
00:10:37 Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a bien choisi son camp.
00:10:47 - François Mitterrand vient d'être réélu, selon l'estimation Bull BVA,
00:10:51 avec 53,9% des voix.
00:10:54 - Le 8 mai 1988, Mitterrand est largement réélu face à Jacques Chirac.
00:11:00 Tapie va entrer en politique à gauche dans le camp socialiste.
00:11:05 Et cela tombe à pic pour le président, qui, après 7 ans au pouvoir,
00:11:09 a besoin d'ouvrir le parti à des hommes neufs et populaires.
00:11:13 - C'est vrai que Tapie, à ce moment-là,
00:11:16 incarne non seulement l'argent, mais l'argent financier.
00:11:20 Incarne la spéculation, incarne les dérèglements.
00:11:24 Voilà, Tapie a une tête de dérèglement financier.
00:11:27 Mais ça, ça ne fait pas peur du tout à François Mitterrand.
00:11:30 Il se dit immédiatement "Ça va intriguer, ça va déranger mes adversaires,
00:11:35 ça va m'apporter quelque chose."
00:11:37 Un mois seulement après la présidentielle,
00:11:40 les Français doivent retourner aux urnes pour élire leur député, cette fois-ci.
00:11:45 Mitterrand a là une occasion rêvée de lancer Tapie en politique,
00:11:50 et il choisit pour lui Marseille.
00:11:53 Marseille, car ici, l'homme d'affaires est presque un dieu vivant.
00:11:59 2 ans plus tôt, il vient de reprendre l'OM,
00:12:04 le mythique club de foot marseillais,
00:12:06 et il est en train de le faire renaître de ses cendres.
00:12:09 La popularité de Tapie à Marseille
00:12:11 devrait l'aider à remporter une élection compliquée.
00:12:15 Car Mitterrand mise beaucoup sur lui
00:12:19 pour affronter ici un adversaire coriace,
00:12:21 Jean-Marie Le Pen, également candidat à Marseille.
00:12:25 Son parti, le Front National,
00:12:28 a atteint dans cette région le score historique de 26% à la présidentielle,
00:12:32 et la gauche n'a pas encore trouvé le moyen de lui barrer la route.
00:12:36 Il faut l'abattre à tout prix.
00:12:38 - Le président Mitterrand se rend bien compte
00:12:40 qu'il y a un danger du Front National qui se précise,
00:12:43 et il demande à Tapie "J'ai besoin que vous m'aidiez.
00:12:46 Je vous demande de vous présenter en politique à Marseille
00:12:49 pour lutter contre le Front National."
00:12:52 - Et il me dit "Qu'est-ce que t'en penses, toi ?"
00:12:55 Je lui dis "Mais je pense que tu vas le faire.
00:12:58 Je pense que si Mitterrand te le demande,
00:13:01 bien sûr que tu vas le faire.
00:13:04 Rien ne pourra t'en empêcher.
00:13:06 T'as le meilleur d'envie et tu vas le faire."
00:13:09 Tapie se présente donc aux législatives,
00:13:12 persuadé d'avoir toutes les cartes en main.
00:13:15 Il va vite se rendre compte qu'en politique,
00:13:18 il n'est pas du tout le maître du jeu.
00:13:21 Pour l'heure, il fonce tête baissée
00:13:23 et tente une opération séduction auprès de son adversaire,
00:13:26 Jean-Marie Le Pen.
00:13:28 - Je me rappelle l'un coup de téléphone qu'il m'a donné.
00:13:31 Il m'a dit "Jean-Marie, c'est Bernard."
00:13:34 Je lui ai dit "Bernard qui ?"
00:13:37 Il m'a dit "Bernard Tapie. Il faudrait qu'on se voit."
00:13:40 "On se verra plutôt entre les deux tours.
00:13:43 Ça serait plus raisonnable."
00:13:45 Et puis ça s'arrête là.
00:13:47 C'était un copain. Il m'avait jamais vu de sa vie.
00:13:50 "Pas de problème. C'est Bernard."
00:13:53 - Qu'est-ce qu'il voulait ?
00:13:55 - Je ne sais pas.
00:13:57 Établir une relation apparemment cordiale
00:14:00 avec un candidat du Front national
00:14:04 ou le président du Front national.
00:14:07 Qui veut la fin, veut les moyens.
00:14:10 - Pour gagner, Tapie serait-il prêt à négocier
00:14:14 avec Jean-Marie Le Pen ?
00:14:16 Il n'en aura de toute façon pas l'occasion,
00:14:19 car les socialistes marseillais ont manoeuvré
00:14:22 pour empêcher ce face-à-face.
00:14:24 - Tapie se fait rouler, en fait, par les socialistes marseillais.
00:14:27 Tapie se lance en politique en étant persuadé
00:14:30 qu'il va lui-même affronter Jean-Marie Le Pen.
00:14:33 Et en fait, les socialistes locaux ont très bien compris
00:14:36 que Tapie est là pour leur voler la vedette
00:14:39 et probablement pour se préparer derrière
00:14:42 à une campagne municipale et à devenir
00:14:45 une espèce de leader de la gauche.
00:14:47 Évidemment, les socialistes marseillais
00:14:49 ne veulent pas de cette intrus dans leur jeu.
00:14:52 Et donc, ils vont lui monter un coup.
00:14:54 Et en réalité, ils vont l'envoyer dans une autre circonscription.
00:14:57 Tapie n'affrontera donc pas Jean-Marie Le Pen
00:15:00 et sera catapulté dans une autre circonscription de Marseille,
00:15:03 face à Guy Tessier,
00:15:05 un candidat de droite très difficile à battre.
00:15:08 Furieux, Tapie contacte le patron du PS local,
00:15:11 Michel Peset.
00:15:13 - Tapie m'appelle, à l'époque, en disant...
00:15:16 "Moi, c'est Le Pen qui m'intéresse, je n'en doute pas."
00:15:19 Mais moi, pas du tout.
00:15:21 Si vous allez chez Tessier, ça va.
00:15:23 Si vous allez pas chez Tessier, je ne suis nullement demandeur
00:15:26 à votre venue dans les bougies rouges.
00:15:28 Vous voyez arriver gros comme un soleil
00:15:30 l'idée de la candidature à la mairie de Marseille.
00:15:32 Bon, c'était ça.
00:15:34 Tapie s'est fait avoir comme un bleu par son propre camp.
00:15:38 Mais il ne lâche rien
00:15:40 et il va tout faire pour battre le très coriace Guy Tessier.
00:15:43 - Assure-toi qu'ils ont des cartes postales.
00:15:46 C'est ça qu'il faut, là.
00:15:48 - Des cartes postales, merde, je les ai faites pour ça.
00:15:51 C'est la 1re campagne électorale de sa vie,
00:15:55 mais Tapie applique les recettes qui ont fait son succès dans les affaires.
00:15:59 Bagoue, séduction et promesses de lendemain qui chantent.
00:16:03 - Quand je dis qu'il n'y aura plus un jeune chômeur sans formation
00:16:06 ici dans moins de 3 ans, je vais l'écrire, parce que je vais le faire.
00:16:09 Si c'est ça qu'ils veulent, je vais l'écrire et je vais m'y engager par écrite.
00:16:12 Les autres, ils passent leur temps à dire...
00:16:14 "Aimons-nous les uns les autres, il faut reculer..."
00:16:17 - Il parle, il bavasse, alors ça, ici, il y en a des parleurs.
00:16:20 - Il n'avait pas de code. Il était gonflé, solide et courageux.
00:16:24 C'était une façon de faire de la politique
00:16:26 et c'était une façon physique de faire de la politique.
00:16:28 - Sur le terrain, il est aussi bon que dans le foot, que quand il est...
00:16:31 Je veux dire, ça, personne ne lui a appris
00:16:34 comment il faut se comporter pendant une campagne électorale.
00:16:36 Mais la partie est loin d'être gagnée pour Tapie.
00:16:39 Guy Tessier, le candidat de droite qu'il affronte,
00:16:42 ne se laisse pas du tout impressionné par le show médiatique
00:16:45 de celui qu'il surnomme "le Parisien".
00:16:48 - C'est lui qui nous envoie ? - Tapie.
00:16:51 - Hein ? - Le milliardaire en Parisienne.
00:16:54 - Il s'appelle le Premier ministre. - Le milliardaire en Parisienne.
00:16:56 Tapie a un gros point faible, il n'est pas marseillais.
00:17:01 Alors, pour séduire les électeurs,
00:17:03 il décide de faire toute sa campagne sur un thème très médiatique,
00:17:06 lutter contre le Front national et contre Jean-Marie Le Pen,
00:17:10 qui n'est pourtant pas candidat face à lui.
00:17:14 - Allez, salut. - Au revoir.
00:17:16 - Et puis, pas Le Pen ici, hein.
00:17:18 - Nous, on y va. - Ah ouais ?
00:17:20 - À la France, avant tout. - C'est vrai.
00:17:23 - Au revoir, amis. - Et à bientôt.
00:17:26 Il faut effectivement battre le Front national.
00:17:32 Tapie s'érige en symbole de la lutte anti-Le Pen,
00:17:36 et l'effet est immédiat.
00:17:38 La France entière se délecte du duel entre les deux hommes.
00:17:42 - Pourquoi vous n'avez pas accepté de le rencontrer, Bernard Tapie ?
00:17:45 - Nous ne jouons pas dans la même division, si j'ose dire.
00:17:48 M. Tapie est un marginal de la politique,
00:17:51 un avide de publicité, y compris à l'occasion des élections.
00:17:56 - Un chef d'entreprise en politique, c'est utile ?
00:17:58 - Il réussit en général sur les débris des autres entreprises
00:18:01 et sur le licenciement massif des travailleurs
00:18:04 dans les entreprises qu'il rachète pour 1 franc à la case.
00:18:07 - C'est la raison pour laquelle vous ne voulez pas le rencontrer.
00:18:10 - J'ai pas besoin de le rencontrer.
00:18:12 Si M. Tapie s'était présenté dans ma circonscription...
00:18:15 Et puis nous sommes millionnaires l'un et l'autre,
00:18:18 moi en voix et lui en dollars.
00:18:20 Nous ne sommes pas, encore une fois, sur la même longueur d'onde.
00:18:23 Tapie a bien compris la puissance médiatique de cet affrontement.
00:18:26 Et toujours devant les caméras, il joue la surenchère
00:18:29 en accusant TF1 de faire de la publicité à Jean-Marie Le Pen.
00:18:33 - A force de lui servir la soupe, il a un bille comme ça,
00:18:37 il est plein de soupe, plein de soupe.
00:18:40 Tu vois ? Alors, la lune, j'ai proposé un débat face à face,
00:18:44 il a dit non. Alors à ce moment-là, ça intéresse les Français face à face.
00:18:48 Alors continue à lui servir la soupe,
00:18:50 de toute façon, on va quand même l'éjecter de Marseille.
00:18:53 - C'est un comédien, au moment où il était le grand adversaire du FN,
00:18:56 quand il nous croisait au Parlement européen dans les couloirs,
00:18:59 il nous faisait un clin d'œil.
00:19:01 Bon... C'est un ruffian !
00:19:03 C'est un personnage, je le reconnais.
00:19:06 Talentueux dans ses prestations, mais...
00:19:10 Voilà, le moins qu'on puisse dire, c'est pas très sérieux en politique.
00:19:15 - Et pourtant, le grand numéro de tapis fonctionne.
00:19:20 En combattant le FN, l'homme d'affaires se pose en sauveur de Marseille
00:19:25 et les Marseillais en redemandent.
00:19:28 Dans sa circonscription, il a désormais de bonnes chances
00:19:32 de battre son adversaire Guy Tessier.
00:19:35 - Il faut voter Bernard Tapie, le président.
00:19:39 Le 12 juin 1988, c'est le soir du 2e tour.
00:19:45 - Tapie !
00:19:47 A 20 h, les 1ers dépouillements sont très encourageants pour Bernard Tapie,
00:19:51 qui se voit déjà élu député face à Guy Tessier.
00:19:55 A sa permanence, on fête déjà l'événement.
00:20:02 Bernard Tapie et son épouse Dominique savourent le moment,
00:20:05 et à 20 h 30, le candidat rejoint le plateau d'antenne 2
00:20:09 pour faire une déclaration.
00:20:11 Tapie est tout sourire, certain d'avoir battu Guy Tessier.
00:20:15 Mais pendant le trajet, la situation a basculé.
00:20:19 - Tessier annonce qu'il a 99 voix d'avance sur toi.
00:20:23 Et les calculs... Attends, les calculs qu'on fait, c'est 300.
00:20:26 - Ah, d'accord. - Pour l'image.
00:20:28 - Pour la tête, oui.
00:20:29 - Et moi, je me vois contraint de lui annoncer la mauvaise nouvelle.
00:20:33 Je lui dis "T'as pas gagné, t'as perdu".
00:20:36 - Laurent, appelle la permanence.
00:20:39 - Qu'est-ce qu'il dit ?
00:20:41 - Il dit qu'il y a un résultat qui donne 99 voix de plus à Tessier,
00:20:46 et nos calculs, c'est 300 voix de plus.
00:20:50 On a appelé chez Tessier, Tessier dit qu'il a 99 voix de plus.
00:20:54 - Il est allé sur le plateau, et rien ne pouvait laisser deviner
00:20:59 la rage dans laquelle il était,
00:21:01 et la déception personnelle aussi qui était la sienne.
00:21:04 - Bernard Tapie est en direct avec nous à l'autre bout de Marseille,
00:21:08 à l'hôtel Sofitel. Vous nous entendez.
00:21:11 On attendait votre réaction tout à l'heure à 20 h au résultat qu'on donnait.
00:21:15 Vous êtes déçu, j'imagine.
00:21:17 - Bah oui, je suis d'autant plus déçu qu'il y a 1 h,
00:21:21 on m'annonçait vainqueur avec 277 voix d'avance.
00:21:25 Et puis, lorsque toutes les serviettes se sont ramassées
00:21:28 pour aller au bureau central, on est revenus avec 80 de retard.
00:21:33 C'est la dernière chose à laquelle je m'attendais.
00:21:37 Mais enfin, je me suis effectivement heurté,
00:21:39 pendant toute cette campagne, à un métier nouveau.
00:21:42 - Quelques heures plus tard, c'est officiel.
00:21:45 Tapie perd l'élection de 83 voix à peine.
00:21:49 La droite marseillaise exulte, à l'image du député Jean-Claude Godin,
00:21:53 qui trouve un malin plaisir ce soir-là
00:21:55 à moucher en direct le protégé de François Mitterrand.
00:21:59 - Que M. Tapie soit battu, ça, ça me fait très plaisir,
00:22:03 parce que la campagne avec laquelle M. Tapie est venu,
00:22:06 pensant qu'il pouvait acheter Marseille, un coin de Marseille,
00:22:09 repartait à Paris. - Vous arrêtez de nous saouler un peu
00:22:11 avec vos langues. - Repartez à Paris avec vos avions et vos milliards.
00:22:14 - Vous ne savez rien faire d'autre que ça, parler, blablater.
00:22:17 - Vous ne savez pas de mon billard. - Raconter, blablater.
00:22:19 Voilà ce que vous faites. - Repartez à Paris...
00:22:21 - Je peux répondre. - ...et avec vos milliards.
00:22:23 - Si au moins vous aviez la politesse de laisser parler les autres.
00:22:26 Ce soir-là, à gauche, dans le propre camp de Tapie,
00:22:30 on se réjouit aussi de la défaite du Parisien.
00:22:33 - Je suis pas mécontent. Ca, c'est vrai.
00:22:37 C'est vrai, je le dis, réellement. Ouf !
00:22:40 C'était ouf, quand même, hein, parce que c'était une déferlante, Tapie.
00:22:44 S'il avait gagné à ce moment-là, il gagnait les municipales.
00:22:47 Au lendemain de l'élection, Tapie est hors de lui.
00:22:51 Il s'aperçoit qu'à droite comme à gauche,
00:22:54 tous les moyens ont été utilisés pour le faire perdre,
00:22:57 même les plus illégaux.
00:22:59 - Il y a fraude à gauche et fraude à droite.
00:23:02 Voilà, tout simplement parce qu'il y a à droite et à gauche,
00:23:05 on ne veut pas de la présence de Tapie à Marseille
00:23:07 parce qu'il le considère comme un intrus.
00:23:11 Cette enquête du Conseil constitutionnel
00:23:13 va confirmer l'existence de fraudes lors de cette élection.
00:23:17 Des irrégularités et des vices de forme
00:23:22 ont bien été constatés à l'encontre de Bernard Tapie.
00:23:25 Et ses ennemis n'ont pas lésiné sur les moyens pour l'empêcher de gagner.
00:23:31 333 fausses procurations ont été établies par des électeurs fantômes.
00:23:36 Et comme si ça ne suffisait pas,
00:23:39 une mallette pleine de bulletins en faveur de Tapie
00:23:42 aurait mystérieusement disparu.
00:23:44 Résultat, le Conseil constitutionnel annule l'élection
00:23:49 et organise un nouveau vote quelques mois plus tard.
00:23:52 Suite à ce nouveau scrutin face à Guy Tessier,
00:24:06 Tapie est officiellement élu député des Bouches-du-Rhône.
00:24:09 Je vous avais promis qu'on la gagnerait, on l'a gagnée !
00:24:13 Maintenant, expliquez-moi comment ils pourront en gagner une
00:24:19 puisque là où c'était leur propriété,
00:24:22 ils n'ont pas été capables de nous battre.
00:24:24 Quand vous reprenez son histoire politique,
00:24:29 quand vous voyez comment il se fait élire député dans les Bouches-du-Rhône,
00:24:33 ce qu'il promet partout, "Votez pour moi, vous aurez du boulot, etc."
00:24:37 Et qu'est-ce qui se passe ? Rien, bien entendu.
00:24:40 Il n'en a rien à faire. C'est un démagogue.
00:24:43 Quand il était député, il faisait rien.
00:24:47 Il ne se passait rien.
00:24:49 C'est vrai que Bernard Tapie ne laissera pas
00:24:52 un souvenir inoubliable de sa carrière de député
00:24:55 parce que ça l'intéresse très modérément.
00:24:58 Le député Tapie s'ennuie en politique.
00:25:02 Les bancs de l'Assemblée nationale lui paraissent finalement
00:25:05 beaucoup moins excitants que le sport ou les affaires.
00:25:08 D'ailleurs, le businessman qui saute sur tout ce qui bouge
00:25:12 a flairé un très bon coup et il va réaliser la plus belle affaire de sa carrière.
00:25:17 Adidas décidément sous les feux de l'actualité, comme on dit,
00:25:27 puisque cette firme allemande, numéro 1 mondial des articles de sport,
00:25:30 est officiellement passée cette semaine sous contrôle de Bernard Tapie Finance
00:25:34 qui a racheté 80% des actions au terme de 9 mois d'une difficile négociation.
00:25:39 Le ballon Adidas, celui de la Coupe du Monde, dans les filets de Bernard Tapie.
00:25:43 C'est une entreprise qui, d'abord, elle correspond bien à ce que j'aime.
00:25:47 C'est une vraie société qui fait du sport et elle est très politique.
00:25:52 C'est une démarche qui est beaucoup plus stratégie politique à l'échelle mondiale
00:25:57 que quand je vends des piles.
00:26:00 Bernard Tapie, il scénarise.
00:26:02 Donc, il choisit d'annoncer le jour de la finale de la Coupe du Monde de football 1990
00:26:08 qu'il a réussi un coup fantastique.
00:26:10 Mais il ne dit pas "moi", il dit "la France".
00:26:13 C'est-à-dire que c'est moi, Bernard Tapie, qui réalise cette affaire,
00:26:16 mais c'est une affaire qui fait la fierté de la France.
00:26:19 Un joli coup médiatique, mais en réalité, un coup de bluff.
00:26:25 Tapie n'a pas les moyens de s'offrir à Didas.
00:26:28 Il doit trouver au plus vite 244 millions d'euros pour financer son projet.
00:26:34 Et donc, pour que l'affaire puisse se réaliser, maintenant qu'il l'a annoncé
00:26:40 et maintenant qu'il l'a mise en quelque sorte au service de la France,
00:26:43 de façon tout à fait logique, le gouvernement va se mobiliser.
00:26:47 Au gouvernement, Bernard Tapie a un ami, en tout cas une relation proche et ancienne
00:26:54 qui s'appelle Pierre Bérégovoy.
00:26:55 Ça tombe bien, Pierre Bérégovoy est ministre de l'économie et des finances.
00:26:58 Tapie et Bérégovoy se connaissent bien.
00:27:02 Il y a quelques années, l'homme d'affaires a racheté l'entreprise Look,
00:27:05 située à Nevers, le fief de Bérégovoy.
00:27:09 Lorsque Tapie veut racheter Adidas, Pierre Bérégovoy est ministre des finances,
00:27:16 bien placé pour lui donner un coup de main.
00:27:20 Grâce à son soutien, les banques publiques acceptent de financer le projet du businessman.
00:27:26 Et elles lui signent un très gros chèque.
00:27:29 Bernard Tapie absorbe ainsi une multinationale 15 fois plus grosse que sa propre entreprise.
00:27:36 - Dans la vie ordinaire des affaires, un banquier, quand il voit un de ses clients qui lui dit
00:27:42 "J'aimerais racheter une entreprise 15 fois plus grosse que la mienne
00:27:45 et j'ai pas un sou à mettre dedans, même pas 5% pour la racheter",
00:27:48 le banquier lui dit "Vous vous moquez de moi".
00:27:50 Non, là, on lui dira pas ça.
00:27:52 Le lunet dira "Banco, allons-y".
00:27:54 Je veux dire, honnêtement, dans la vie des affaires, on n'a jamais vu un deal pareil.
00:27:58 Et c'était un cadeau des socialistes à l'époque.
00:28:01 Est-ce un cadeau empoisonné ?
00:28:05 Bernard Tapie est désormais à la tête d'un empire
00:28:08 qui vend des articles de sport dans le monde entier, mais qui est en mauvaise santé.
00:28:12 Adidas est dans le rouge depuis des années.
00:28:17 Mais pour sa 1re visite au siège français de la marque en Alsace,
00:28:21 Tapie se pose en chef de guerre industriel, sûr de redresser l'entreprise.
00:28:26 - Les pertes cette année 90 seront 0.
00:28:31 Adidas perdra pas l'argent en 90, c'est absolument certain.
00:28:35 Et non seulement elle perdra pas l'argent en 90, mais elle va en gagner beaucoup en 91.
00:28:39 Ca aussi, c'est aussi sûr.
00:28:41 Prenostiqués, pas de fermeture, y en a pas de prévues.
00:28:44 Pas de déménagement, y en a pas de prévues.
00:28:47 Et pas de vente de filiales, y en a pas de prévues.
00:28:50 Donc pour l'instant, y a rien de tout ça. Y a pas de catastrophe en vue.
00:28:55 - On ne peut que voir les choses positivement.
00:28:57 On oublie quelque peu la personnalité.
00:28:59 On voit le grand coup et on parle de nous.
00:29:02 Alors là, ça nous a tous fait du bien, oui.
00:29:05 Il comprend notre problématique, il est dans le monde du sport,
00:29:09 il est avec l'Olympique de Marseille, il a fait quand même un certain nombre de choses.
00:29:12 On se dit "Ah, allez".
00:29:15 - Mais Tapie ne tient pas ses promesses.
00:29:18 Et il se produit tout le contraire de ce qu'il avait annoncé.
00:29:21 Plusieurs plans sociaux, des centaines de licenciements, et il délocalise.
00:29:28 - Et on vient de nous informer que votre site sera totalement arrêté.
00:29:33 Donc il y aura 233 suppressions d'emploi.
00:29:36 Adidas ne veut plus de vous, il faut donc trouver des compensations.
00:29:40 - Monsieur Tapie, c'est un bon parleur, c'est un bon parleur.
00:29:43 Et il passe par les banques, il veut les sous.
00:29:46 Et quand les sous, il les a, il les sauve.
00:29:48 Parce que partout où il passe, ça ne te fait pas de sous.
00:29:51 2 ans après l'arrivée de Tapie aux commandes,
00:29:54 de nombreux salariés ne font plus du tout confiance en l'homme d'affaires.
00:29:58 - C'est un opportuniste, donc c'est un homme qui fait des coups.
00:30:02 Et il a fait un coup de communication.
00:30:04 Et Adidas était le prétexte à cette communication pour servir ses intérêts.
00:30:07 Ça a toujours été ça.
00:30:09 Monsieur Tapie, tout ce qu'il a fait, il a fait pour servir ses intérêts.
00:30:13 Il ne connaissait pas du tout son sujet.
00:30:15 Il était homme politique, soi-disant propriétaire d'Adidas.
00:30:19 En 2 ans, Tapie n'est pas parvenu à redresser Adidas.
00:30:25 Et il semble déjà prêt à quitter le navire.
00:30:28 - Il n'a pas les succès qu'il espérait à la tête d'Adidas.
00:30:33 Il est dans une sorte de fuite en avant.
00:30:36 Et donc cette fuite en avant le conduit à accélérer le tempo sur la politique.
00:30:41 Paradoxalement, c'est une sévère défaite des socialistes au régional
00:30:46 qui va à nouveau propulser Tapie sur le devant de la scène politique.
00:30:50 En avril 1992, une semaine après la débat clélectorale,
00:30:55 Mitterrand est contraint au remaniement.
00:30:58 Il faut du sang neuf chez les socialistes.
00:31:00 Le président catapulte Bernard Tapie, ministre de la Ville,
00:31:04 dans le gouvernement de Pierre Berricovoie.
00:31:07 - Il fallait trouver quelqu'un capable, dans des banlieues, dans des quartiers,
00:31:20 d'avoir un langage et un instinct totalement compréhensibles par un électorat.
00:31:26 Et ça, évidemment, il trouvait pas ça au Conseil d'Etat ou à la Cour des comptes.
00:31:30 Tout ça n'est que... que calcul politique chez Mitterrand.
00:31:34 Ca l'amuse. Non, ça l'amuse.
00:31:37 C'est le... C'est le...
00:31:39 C'est une vision de l'anthropologue qui voit marcher des fourmis
00:31:43 et qui dit "Ah, c'est pas mal.
00:31:45 "Si je mets une goutte de vinaigre, qu'est-ce que ça donne ?"
00:31:47 Et je crois que c'était plutôt ça.
00:31:50 Tapie est toujours le grand patron d'Adidas,
00:31:55 mais il n'hésite pas une seconde à endosser aussi le costume de ministre.
00:32:00 - Il n'a jamais été aussi heureux de sa vie.
00:32:04 - Ca le mettait en transe. C'était un truc fantastique pour lui.
00:32:08 Et s'il voulait dans la catégorie bonbons, c'est le plus gros des bonbons.
00:32:12 - Et dès le lendemain, nous sommes allés au ministère.
00:32:15 C'était un samedi. Le ministère était fermé, naturellement.
00:32:18 Et nous avons visité le ministère et on a commencé à faire des projets,
00:32:21 effectivement, sur ce qu'il allait faire de son ministère.
00:32:25 Mais l'enthousiasme de Bernard Tapie est loin d'être partagé par les autres ministres.
00:32:31 Pour la plupart, Tapie est un homme d'affaires sulfureux
00:32:34 dont l'éthique et la morale n'ont rien à faire dans un gouvernement socialiste.
00:32:39 - C'est évident qu'il y a toute une partie de la gauche qui est offusquée, choquée.
00:32:46 Moi, je me rappelle très bien Lionel Jospin.
00:32:48 Il était scandalisé, en fait.
00:32:52 - Ceux qu'on pourrait considérer comme les socialistes pur sucre
00:32:56 trouvaient qu'en effet, ils faisaient tâche dans le tableau.
00:33:00 Mais Tapie n'est pas du genre à faire profil bas.
00:33:04 Et dès sa première intervention en Conseil des ministres, son attitude dérange.
00:33:10 - Au Conseil des ministres, il faut bien comprendre
00:33:16 que c'est pas un endroit de débat du tout.
00:33:20 On n'est pas là pour parler, pour étaler sa science, si j'ose dire.
00:33:24 On n'est pas là pour faire le malin.
00:33:26 Lui, il faisait le malin, il était un des plus populaires de France.
00:33:29 Il envahissait la pièce, vous savez.
00:33:32 C'est un moment très attendu. Tapie doit exposer son plan pour la ville.
00:33:40 Selon le protocole, il est censé lire en 2 minutes
00:33:43 les notes de ses collaborateurs et passer son tour.
00:33:47 Mais Tapie veut se faire remarquer et face à ses collègues médusés,
00:33:51 il monopolise la parole pendant de longues minutes.
00:33:55 - Mais il a bien parlé.
00:33:58 Et donc, je l'ai félicité, mais je lui ai dit "tu t'es fait beaucoup d'ennemis".
00:34:01 - Il dérangeait et en plus, comme Mitterrand l'appréciait,
00:34:04 il dérangeait encore davantage.
00:34:06 Et s'il n'y avait pas assez de raisons pour le détester,
00:34:09 un mois seulement après sa nomination,
00:34:12 une nouvelle affaire Tapie va mettre le feu aux poudres.
00:34:16 Le coup est porté par le député RPR, Georges Tranchant.
00:34:21 Ce dernier accuse Bernard Tapie de l'avoir arnaqué lorsqu'ils étaient associés.
00:34:25 C'est le début de l'affaire Toshiba.
00:34:28 Les 2 hommes sont propriétaires depuis 1982
00:34:32 d'une société de matériel électronique, NAVS,
00:34:35 qui sommeille depuis des années.
00:34:38 Récemment, Tapie parvient à la revendre au japonais Toshiba
00:34:41 pour la somme d'1,8 million.
00:34:44 Du moins, c'est ce qu'il raconte à son associé.
00:34:47 - Belle vente. 1,8 million. Amitié, Bernard.
00:34:50 - En fait, Tranchant vient d'apprendre que Tapie aurait encaissé 13 millions,
00:34:53 presque 10 fois plus.
00:34:56 - Tapie a été à Tokyo avec le président de la société
00:34:59 et il a négocié une indemnité de 13 millions.
00:35:02 Il s'est dit "puisque Tranchant est d'accord pour 1,8 million,
00:35:05 il a obtenu 13 de mieux, ce serait quand même pas normal qu'il les touche".
00:35:08 - Quand on a une conversation avec lui, il dit "écoute,
00:35:11 t'as pas beaucoup le temps de t'occuper de cette affaire et tout,
00:35:14 tu es débordé, t'inquiète pas, tu es mon ami, tu es mon frère,
00:35:17 je te mets la main sur l'épaule, je vais régler tout ça,
00:35:20 je m'occupe de tes intérêts".
00:35:23 Puis quand vous avez passé la porte de son bureau,
00:35:26 il dit à ses collaborateurs "vous avez vu ce couillon, il me croit".
00:35:32 - Quand Tranchant s'aperçoit du pot au rose,
00:35:35 évidemment, avec le RPR,
00:35:38 il voit là une occasion rêvée
00:35:41 de déstabiliser Tapie,
00:35:44 les socialistes,
00:35:47 François Mitterrand, puisque Tapie apparaît quand même
00:35:50 comme le protégé de François Mitterrand à l'époque.
00:35:53 - Donc je revois Tapie et là je lui dis
00:35:56 "dis donc, je voudrais nettoyer cette affaire
00:35:59 que tu as gérée de A jusqu'à Z".
00:36:02 Et là, il m'a dit...
00:36:05 Et là, il m'a dit "va te faire foutre".
00:36:08 Et il m'a dit "nous sommes au pouvoir
00:36:11 et tu ne pourras rien faire". Tu m'as entendu ?
00:36:14 Il m'a en plus menacé.
00:36:16 Mais Georges Tranchant dit avoir des preuves
00:36:19 et il porte l'affaire en justice.
00:36:22 Tapie risque d'être inculpé pour détournement de fonds.
00:36:25 Le soir même, le ministre de la Ville en poste
00:36:28 et après 2 mois, n'a plus qu'une solution
00:36:31 et elle est radicale.
00:36:34 ...
00:36:42 - Bonsoir, l'information se bouscule ce soir.
00:36:45 Démission de Bernard Tapie du gouvernement,
00:36:48 l'homme d'affaires, président de l'OM,
00:36:51 est convoqué la semaine prochaine par un juge d'instruction parisien
00:36:54 probablement inculpé dans l'affaire Toshiba.
00:36:57 - C'est le coup de tonnerre dans le camp socialiste
00:37:00 et le 1er choc d'une longue série pour Bernard Tapie.
00:37:03 ...
00:37:06 Mais quelques jours plus tard, le président de la République
00:37:09 en personne annonce qu'il ne souhaite pas
00:37:12 que son poulain lâche la politique.
00:37:15 - C'est un homme tout à fait remarquable
00:37:18 dans le domaine qui lui a été confié. J'en attendais beaucoup.
00:37:21 - Je n'ai pas dit qu'il ne sera pas en mesure
00:37:24 de reprendre des fonctions de ce type dès lors que la justice
00:37:27 aura mis au clair cette affaire de caractère privé.
00:37:30 ...
00:37:33 - En réalité, dans l'affaire qui oppose Tapie à Tranchant,
00:37:36 Mitterrand n'a pas l'intention d'attendre la décision de la justice.
00:37:39 En coulisse, il oeuvre même pour que son ministre
00:37:42 revienne au plus vite au gouvernement.
00:37:45 - Le président de la République me téléphone, je suis un jour au bureau,
00:37:48 je suis en train de téléphoner. - Vous téléphonez souvent, M. Mitterrand ?
00:37:51 - Jamais, jamais. Et donc, j'ai réellement Mitterrand au téléphone
00:37:54 qui me dit "Qu'est-ce que c'est que cette affaire ?
00:37:57 Est-ce que c'est commercial ?"
00:38:00 Ah, je lui dis "Oui, c'est une escroquerie commerciale,
00:38:03 mais c'est un délit grave".
00:38:06 "Ah bon, ah bon ?" Et je lui dis "Bah écoutez,
00:38:09 puisque vous êtes proche de Bernard Tapie,
00:38:12 s'il me rembourse avec les intérêts
00:38:15 et avec un dédommagement, moi, je suis tout prêt
00:38:18 à retirer ma plainte".
00:38:21 Bon, j'ai pas fait d'autres commentaires auprès du président de la République.
00:38:24 L'intervention du chef de l'Etat
00:38:27 fait peu de cas de l'indépendance de la justice,
00:38:30 mais elle fonctionne à merveille.
00:38:33 Tapie accepte de rembourser Tranchant.
00:38:36 Tranchant retire sa plainte. L'avenir politique de Tapie
00:38:39 s'éclaircit, comme par enchantement.
00:38:43 "Oui, Bernard Tapie revient au gouvernement".
00:38:46 7 mois après sa démission, Tapie retrouve son fauteuil de ministre.
00:38:49 Mais cette fois-ci, il y a des conditions.
00:38:52 Il doit se retirer totalement des affaires
00:38:55 et revendra Didas.
00:38:58 Tapie revend sans attendre
00:39:01 et réalise une belle plus-value de 60 millions d'euros.
00:39:04 Et une fois encore, les banques publiques ont dû mettre la main à la poche
00:39:07 en rachetant elles-mêmes 42% du capital
00:39:10 de la marque de sport.
00:39:13 - Ce sont des banques nationalisées
00:39:16 qui participent à un montage financier
00:39:19 au profit de quelqu'un qui est devenu ministre.
00:39:22 Et donc, vous voyez bien, la suite, c'est une conflit d'intérêts.
00:39:25 On a un système qui est incompatible
00:39:28 avec une démocratie normale.
00:39:31 - L'affaire porte un nouveau coup à l'image des socialistes
00:39:34 qui n'avaient pas besoin de ça.
00:39:37 Après 12 ans au pouvoir,
00:39:40 c'est une débâcle historico-législative.
00:39:43 En 1993, une vague bleue déferle sur la France.
00:39:46 - Une très large victoire.
00:39:49 Le parti de Jacques Chirac compte 247 députés.
00:39:52 L'ancienne majorité présidentielle est laminée, 70 députés,
00:39:55 dont 54 socialistes.
00:39:58 - François Mitterrand doit se résoudre à cohabiter avec la droite.
00:40:05 - Tapie, lui, n'est plus ministre
00:40:08 et il n'est plus le patron d'Adidas.
00:40:11 Mais il reste le très populaire président de l'OM,
00:40:14 avec qui il va remporter une victoire historique.
00:40:17 Quelques semaines plus tard, son club,
00:40:28 l'Olympique de Marseille, remporte la Coupe d'Europe,
00:40:31 une première pour un club français.
00:40:34 Grâce à un but de la tête de Basile Boli,
00:40:37 l'OM bat le Milan AC 1-0.
00:40:40 En finale de la Ligue des champions,
00:40:43 le président Tapie est ému aux larmes.
00:41:03 Bernard Tapie n'est plus ministre depuis 2 mois,
00:41:06 mais grâce à cette victoire, il trouve une nouvelle occasion
00:41:09 de s'afficher aux côtés du président de la République.
00:41:12 Chacun l'ignore,
00:41:15 mais la retentissante affaire OM-Valenciennes
00:41:18 est sur le point d'éclater.
00:41:21 Pour comprendre l'affaire, il faut revenir 4 jours
00:41:29 avant la finale de Coupe d'Europe.
00:41:32 L'OM joue alors face au club de Valenciennes.
00:41:35 Le maire de la ville, Jean-Louis Borlot,
00:41:38 est heureux de revoir son vieil ami Bernard Tapie.
00:41:41 Mais à la mi-temps, un défenseur de Valenciennes
00:41:44 affirme qu'un dirigeant de l'OM a tenté de l'acheter
00:41:47 pour qu'il lève le pied.
00:41:50 - Il me propose une somme d'argent
00:41:53 et certains avantages
00:41:56 si je laissais les Marseillais passer
00:41:59 ou si je jouais pas sur ma valeur.
00:42:02 - Est-il vrai que cette personne vous a proposé 200 000 francs ?
00:42:05 - Oui, c'est exact.
00:42:07 - L'OM aurait tenté de corrompre plusieurs joueurs de Valenciennes
00:42:10 afin de ménager son équipe 4 jours avant la grande finale
00:42:13 en Ligue des champions.
00:42:16 Jusque-là, Bernard Tapie n'est pas impliqué,
00:42:19 mais il va se jeter seul dans la gueule du loup.
00:42:22 Alors qu'il n'est pas convoqué, il demande à être reçu
00:42:25 par le procureur chargé de l'affaire, Eric de Montgolfier.
00:42:28 Il veut le convaincre que tout cela n'est qu'un tissu de mensonges.
00:42:31 - Tapie décide de se mettre au 1er rang,
00:42:36 ce qui est toujours une de ses faiblesses.
00:42:38 Il ne résiste pas à occuper le devant de la scène.
00:42:41 Quand même, il aurait tout intérêt à rester en coulisses.
00:42:44 Il m'explique qu'il va m'expliquer.
00:42:47 "Voilà, ça sent, ça sent, ça sent, ça sent, ça sent, ça sent."
00:42:50 "Je vais vous expliquer."
00:42:52 Et il m'explique des choses intéressantes, d'ailleurs,
00:42:55 sans même bien se rendre compte,
00:42:57 parce que c'est grâce à lui que je comprendrai ensuite
00:43:00 pourquoi il y avait un intérêt à truquer ce match.
00:43:03 Du coup, même si on n'avait pas franchement pensé à lui,
00:43:06 là, il a bien fallu se poser la question.
00:43:09 - Le procureur a un avantage sur Tapie.
00:43:12 Il détient la preuve qu'il y a bien eu corruption.
00:43:15 Il vient de découvrir 38 000 euros
00:43:17 enterrés chez la tente d'un joueur de Valenciennes.
00:43:20 Tapie l'ignore, et il continue de pavoiser
00:43:24 dans le bureau du procureur, à qui il rappelle
00:43:27 qu'il est encore très proche du pouvoir.
00:43:30 - Il m'explique que d'entrée de jeu, je suis en retard.
00:43:33 "Monsieur le procureur, je sors de l'Elysée."
00:43:36 "J'étais avec le président de la République."
00:43:39 Et puis après, il est embrayé.
00:43:41 Après m'avoir présenté quelques arguments sur le thème,
00:43:44 comment un homme comme vous,
00:43:47 dans ce petit parquet,
00:43:50 méritait mieux que ça.
00:43:52 Bon, ça veut dire que...
00:43:54 Soyez compréhensif.
00:43:56 Et puis vous verrez, vous aurez mieux.
00:43:58 - Après cette rencontre,
00:44:01 Tapie devient plus suspect que jamais aux yeux du procureur.
00:44:04 La guerre est déclarée entre les 2 hommes
00:44:07 qui vont s'affronter désormais par caméra interposée.
00:44:10 - J'ai cru comprendre qu'il souhaitait
00:44:12 me donner une information complète
00:44:14 sur les mœurs dans le football français
00:44:17 et compléter mon éducation d'apprenti footballeur.
00:44:20 - Personne n'est dupe. On assiste à la chasse à tapis.
00:44:23 On veut ça.
00:44:25 - J'ai cru entendre de M. Tapie un appel clair
00:44:28 à la hiérarchie judiciaire
00:44:30 pour museler le procureur de la République.
00:44:32 C'est dommage.
00:44:34 - Il s'appelle de la chasse à cour.
00:44:36 Elle est organisée avec un seul objectif.
00:44:38 Tuer Tapie.
00:44:40 - Il faut savoir la connaître. Elle est extrêmement malléable.
00:44:43 C'est souvent celui qui parle le plus fort qui a raison.
00:44:46 Surtout si on se tait en face.
00:44:48 Lui, il y allait vraiment frangeux.
00:44:50 Je l'ai se fait ou pas ? Non.
00:44:52 Faux témoignage, subornation de témoin,
00:44:55 au fil des semaines, les charges s'accumulent contre Tapie,
00:44:59 dont la mise en examen semble inéluctable.
00:45:02 Cela tombe mal, car au même moment,
00:45:05 il doit faire face à une cascade record
00:45:08 de problèmes financiers.
00:45:10 - Le FAUSEA, le 4 mât de 74 m de Bernard Tapie,
00:45:14 est la cible de 2 procédures distinctes.
00:45:17 Le FAUSEA vote à Bernard Tapie 2 mises en examen.
00:45:21 L'une pour fraude fiscale,
00:45:23 l'autre pour abus de biens sociaux.
00:45:26 - Le 2e dossier, celui d'abus de biens sociaux,
00:45:29 instruit par la juge Eva Joly,
00:45:31 vise la gestion du FAUSEA.
00:45:33 La juge d'instruction Eva Joly
00:45:35 ordonne la garde à vue de Bernard Tapie,
00:45:37 qui, une fois de plus, fait les gros titres des journaux.
00:45:40 - Bernard Tapie, visiblement très surpris
00:45:42 par l'arrivée matinale des 10 policiers, s'est défendu.
00:45:45 - Je cite "bande d'enculés", "police fasciste",
00:45:49 "salopard", "anne-battée", je me rappellerai de vos têtes.
00:45:52 - Pour Tapie, toutes ces affaires
00:45:54 sont destinées à l'abattre politiquement.
00:45:57 - Est-ce que, pour vous, c'est encore une fois
00:45:59 l'acharnement que vous dénoncez souvent ?
00:46:01 - D'après nous, d'après vous,
00:46:03 je sais pas s'il existe encore un seul Français
00:46:06 qui en doute.
00:46:08 Les affaires s'abattent sur Bernard Tapie
00:46:11 à une fréquence inouïe.
00:46:13 Mais l'estocade qui va le mettre à terre
00:46:15 est porté par son banquier.
00:46:17 Le Crédit Lyonnais, qui le soutenait depuis des années,
00:46:21 est au bord de la faillite.
00:46:23 Son nouveau directeur, Jean Perlevade,
00:46:25 tente de sauver ce qui peut l'être
00:46:27 et réclame à Bernard Tapie
00:46:29 le paiement immédiat de ses dettes envers la banque.
00:46:32 Car l'homme d'affaires n'a toujours pas fini
00:46:34 de rembourser l'emprunt qui lui avait permis
00:46:36 d'acheter Adidas en 1990.
00:46:38 Et il doit encore au Crédit Lyonnais
00:46:40 200 millions d'euros.
00:46:42 - Le Crédit Lyonnais a demandé
00:46:45 une saisie conservatoire des biens du président de l'OM.
00:46:48 Les huissiers se sont donc présentés au domicile
00:46:50 de Bernard Tapie.
00:46:52 - Le bras de fer entre Tapie et sa banque est spectaculaire.
00:46:55 Le Crédit Lyonnais fait saisir les meubles
00:46:57 de l'homme d'affaires devant les journalistes
00:46:59 qui n'en perdent pas une miette.
00:47:02 - On s'est retrouvés avec son épouse.
00:47:04 On était assises par terre toutes les deux avec lui
00:47:06 parce qu'il n'y avait plus de meubles.
00:47:08 Et elle lui disait, Dominique,
00:47:10 pourquoi tu as fait de la politique ?
00:47:12 Et je lui disais pareil, j'ai dit, Bernard,
00:47:14 pourquoi avez-vous fait de la politique ?
00:47:16 Il a vraiment signé son malheur le jour où il est entré en politique.
00:47:18 Bernard Tapie est au bord de la faillite.
00:47:20 Il n'a pas les moyens de rembourser
00:47:22 les 200 millions d'euros qu'il doit au Crédit Lyonnais.
00:47:25 Tout le monde s'attend alors
00:47:27 à ce que le tribunal de commerce prononce sa faillite personnelle.
00:47:31 Contre toute attente,
00:47:33 la cour prend une décision plutôt inespérée
00:47:35 pour l'homme d'affaires.
00:47:37 - Curieusement, au dernier moment,
00:47:41 sans que personne ne s'y attende,
00:47:43 le tribunal de commerce décide de lui offrir un répit.
00:47:46 Donc on donne à Bernard Tapie
00:47:49 une période de 6 mois,
00:47:51 au fond, pour qu'il ait une chance
00:47:53 de se refaire en quelque sorte.
00:47:55 Et donc, à ce moment-là,
00:47:57 on comprend que
00:47:59 une instruction, une pression,
00:48:02 une recommandation a dû forcément être faite
00:48:05 au tribunal de commerce de Paris
00:48:07 pour offrir ce répit à Bernard Tapie.
00:48:10 - Mais qui aurait donc intérêt
00:48:13 à protéger Bernard Tapie ?
00:48:15 La presse soupçonne à l'époque
00:48:17 le Premier ministre Édouard Balladur
00:48:20 et son ministre du budget Nicolas Sarkozy
00:48:23 d'être à l'origine de la clémence du tribunal.
00:48:27 - Y a des échos de presse
00:48:29 qui paraissent un peu partout,
00:48:31 notamment dans le monde,
00:48:33 qui disent "mais c'est curieux,
00:48:35 "on a vu à plusieurs reprises
00:48:37 "le président du tribunal de commerce de Paris,
00:48:39 "qui, à l'époque, s'appelait M. Rouget,
00:48:41 "on le voit à Matignon, par des portes dérobées.
00:48:43 "Mais pourquoi est-il reçu à Matignon ?"
00:48:45 - Selon les observateurs,
00:48:47 les démarches de Matignon en faveur de Tapie
00:48:49 ne sauraient pas désintéresser.
00:48:51 Le Premier ministre Balladur
00:48:53 aurait besoin de lui pour remporter la présidentielle,
00:48:56 qui aura lieu dans quelques mois.
00:48:58 - Et donc, y a des contacts secrets
00:49:00 qui sont très intéressants,
00:49:02 et Nicolas Sarkozy lui-même
00:49:04 qui rend compte d'être un tapis.
00:49:06 - La presse rapporte que, lors de ces rendez-vous,
00:49:09 Tapie aurait accepté de changer secrètement de camp.
00:49:12 Il serait prêt à être candidat à la présidentielle
00:49:15 pour affaiblir à gauche
00:49:17 le plus sérieux concurrent de Balladur,
00:49:19 Jacques Delors.
00:49:21 - La droite se dit "mais si Delors a quelqu'un en face de lui,
00:49:25 "elle va être à gauche."
00:49:27 Et si Tapie était ce candidat ?
00:49:29 Un tapis qui va affaiblir Delors, c'est du bon pain pour nous.
00:49:32 - Quels étaient les intérêts mutuels ?
00:49:34 "Je suis la torpille anti-Delors,
00:49:37 "et la grande partie, c'est quoi ?
00:49:39 "Une protection."
00:49:41 - Tapie, protégé par la droite à des fins électorales,
00:49:45 Sarkozy et Balladur démentent catégoriquement
00:49:48 cette version des faits.
00:49:50 - C'est d'une absurdité extraordinaire.
00:49:52 C'est vraiment... On marche sur la tête,
00:49:54 si on en est, à dire des choses pareilles.
00:49:56 Vraiment, ça prouve que la campagne électorale est commencée,
00:49:58 qu'elle va voler très bas si ça continue comme ça.
00:50:00 Alors il faudrait vraiment que je sois un personnage totalement absurde
00:50:04 pour m'être comporté comme on le prétend.
00:50:07 C'est invraisemblable.
00:50:09 - Pas une seule procédure n'a été ni freinée,
00:50:12 ni accélérée depuis que je suis ministre du budget.
00:50:15 Que ça plaise ou non, je continuerai ainsi.
00:50:18 Et tant qu'on ne m'amènera pas un fait
00:50:21 montrant que j'ai freiné une procédure,
00:50:24 je traiterai ceci comme on traite le grand guignol.
00:50:27 Le ministre du budget nie toute intervention de sa part
00:50:31 en faveur de Bernard Tapie.
00:50:33 Pourtant, à la même période,
00:50:35 il aurait tenté de convaincre Jean-Père Levade,
00:50:38 le patron du Crédit Lyonnais,
00:50:40 de cesser les hostilités envers l'homme d'affaires.
00:50:43 C'est en tout cas ce qu'affirme Jean-Père Levade 20 ans plus tard.
00:50:47 - L'entourage de M. Balladur,
00:50:50 Nicolas Bazir, Nicolas Sarkozy,
00:50:52 qui apparemment avait l'intention d'utiliser M. Tapie
00:50:56 contre une éventuelle candidature de M. Jacques Delors
00:50:59 à l'élection présidentielle, m'appelait en me demandant
00:51:02 pourquoi faites-vous des ennuis à ce pauvre M. Bernard Tapie.
00:51:05 - 6 mois avant la présidentielle,
00:51:08 Bernard Tapie semble donc bénéficier du soutien
00:51:11 de l'équipe d'Edouard Balladur.
00:51:13 Mais leur alliance secrète va voler en éclat
00:51:16 le jour où Jacques Delors crée la surprise
00:51:19 sur le plateau d'Anne Sinclair.
00:51:21 - Bien, Jacques Delors, je vous repose.
00:51:24 Ma question du début de l'émission, est-ce que vous êtes, oui ou non,
00:51:27 candidat à l'élection présidentielle ?
00:51:29 - J'ai décidé de ne pas être candidat à la présidence de la République.
00:51:32 - Comme Delors, pour des raisons auxquelles on ne va pas revenir,
00:51:35 renonce à se présenter,
00:51:37 Bernard Tapie, il sert plus à rien.
00:51:40 Est-ce le hasard du calendrier ?
00:51:44 Dès le lendemain de l'annonce de Delors,
00:51:46 le fisc réclame à Bernard Tapie 23 millions d'euros d'arrière et d'impôts.
00:51:51 Coïncidence encore, le surlendemain, c'est le coup de grâce.
00:51:55 Le tribunal de commerce annule le sursis de 6 mois
00:51:58 qu'il lui avait pourtant accordé quelques jours plus tôt.
00:52:01 Estimant que Bernard Tapie n'a pas les moyens de rembourser le crédit lyonnais,
00:52:05 il décide finalement de le mettre en faillite.
00:52:08 Tapie, ruiné et inéligible pendant 5 ans.
00:52:11 C'est le point de départ
00:52:13 d'une très longue traversée du désert.
00:52:15 (Musique)
00:52:17 Tapie n'a plus aucun soutien politique
00:52:28 et ses ennuis judiciaires ont fini par le rattraper.
00:52:31 Accusé de corruption et de subornation de témoins
00:52:34 dans l'affaire du match truqué OM-Valenciennes,
00:52:37 il va devoir affronter la prison.
00:52:39 Le procureur de Montgolfier a requis 6 mois de prison ferme.
00:52:44 (Cris)
00:52:46 En appel, l'ancien ministre est condamné
00:52:52 à une peine de 8 mois de détention.
00:52:55 - Je suis pas sûr que les faits justifiaient la peine ferme.
00:53:00 Je vous le dis avec le recul, de manière emblématique,
00:53:04 parce que c'était un personnage emblématique.
00:53:07 Pour le symbole, oui, mais...
00:53:11 Je suis pas sûr aujourd'hui que je le referais.
00:53:14 Après 165 jours de détention,
00:53:20 Bernard Tapie sort de prison très éprouvé.
00:53:23 Il est libre, mais il est inéligible
00:53:26 et il n'a pas le droit de faire des affaires
00:53:29 ni d'exercer une fonction dans le football.
00:53:32 La star déchue des années 80 doit repartir de zéro.
00:53:35 - Je me suis encore garé là-bas.
00:53:41 Après 2 années d'une lente reconstruction,
00:53:44 le voilà, animateur radio.
00:53:46 - Vous avez combien de questions prévues aujourd'hui ?
00:53:49 - Il y en a 11. - 11, Bernard.
00:53:51 - Ils sont pas foulés, hein, je te signale.
00:53:53 C'est nullissime, hein, vos mecs.
00:53:55 Y a rien de... Bon, j'ai que de la merde.
00:53:57 - On a celui-là en ligne. - Alors, vas-y, explique-moi les boutons.
00:54:00 - Bonjour, Bernard Tapie. - Bonjour.
00:54:02 - Pendant les années 80, il y avait les pro-tapis,
00:54:04 il y avait les anti-tapis.
00:54:06 Comment vous vous situez, vous, intimement
00:54:08 par rapport à ces 2 extrémités ?
00:54:10 - Ah, je vais vous dire, je suis beaucoup moins magouilleur qu'on le disait.
00:54:13 Ouais. Et puis beaucoup moins...
00:54:15 Beaucoup moins exemplaire que ceux qui m'aimaient bien le disaient aussi.
00:54:18 Pour faire oublier sa réputation de magouilleur,
00:54:23 Tapie se reconvertit en faisant ce qui lui a toujours réussi dans la vie,
00:54:27 le comédien.
00:54:29 - Et voilà, et là, c'est fini.
00:54:33 Là, y a plus de... Là, y a plus de baratin.
00:54:36 Et il faut y aller.
00:54:38 Voilà, son rêve, vous voyez, c'est de me frapper.
00:54:40 C'est de me faire du mal.
00:54:42 Fini la politique, fini les affaires,
00:54:45 le nouveau Tapie est désormais un acteur et un chanteur
00:54:48 qui entonne gentiment "C'est beau, la vie"
00:54:51 en chœur avec Doc Gineco.
00:54:53 - C'est beau, la vie.
00:54:55 - Alors, putain, dis-moi, ce match, on te l'a vendu ?
00:54:58 - Mais tu rigoles. Je les aime, ma Valencienne.
00:55:00 - J'arrive sur la planète Terre
00:55:02 dans le foot, les affaires, le rap, les ministères.
00:55:05 C'est toujours le gangsta qui contrôle l'affaire.
00:55:08 Tout le monde pense à cette époque
00:55:12 que l'odeur de la poudre est derrière lui.
00:55:14 Mais Tapie a une obsession,
00:55:16 récupérer sa fortune,
00:55:18 subtilisée selon lui par le crédit lyonnais.
00:55:21 - Ils m'ont ruiné, humilié.
00:55:25 Ils ont fait déménager ma maison
00:55:27 avec des caméras de télévision dans la cour.
00:55:29 Ils ont fait visiter ma maison par 2 000 personnes
00:55:32 et ils m'ont mis en liquidation des biens.
00:55:34 Pendant ce temps-là, ils faisaient fortune sur mon dos.
00:55:36 Pour comprendre la guerre qui oppose Tapie au crédit lyonnais,
00:55:40 il faut remonter à 1992.
00:55:43 Devenu ministre, l'homme d'affaires
00:55:46 charge sa banque de revendre Adidas pour lui
00:55:48 au prix de 300 millions d'euros.
00:55:50 Tapie pense avoir fait un bon coup,
00:55:52 mais il va découvrir que c'est sa banque
00:55:54 qui a fait une bonne affaire,
00:55:56 car elle a en fait revendu Adidas
00:55:58 non pas 300, mais presque 700 millions d'euros
00:56:01 dans son dos.
00:56:02 Tapie va tout faire pour récupérer
00:56:04 les 400 millions d'euros qu'il lui manque.
00:56:07 Il décide donc d'attaquer le crédit lyonnais,
00:56:12 mais la justice est lente et incertaine.
00:56:15 Alors Tapie aurait tenté en même temps
00:56:17 de négocier son dossier directement avec le pouvoir.
00:56:20 - Ils les invitent à déjeuner.
00:56:23 Certains s'aident, certains acceptent
00:56:25 ces invitations à déjeuner dans des restaurants luxueux.
00:56:28 C'est la force de Bernard Tapie.
00:56:30 - Il est un peu pugnace, intrusif.
00:56:32 Il ouvre un peu la porte, il met le pied dedans.
00:56:34 Il l'a fait chez Dominique Strauss-Kahn
00:56:36 quand Dominique Strauss-Kahn était ministre des Finances.
00:56:38 Il l'a fait ensuite chez Laurent Fabius
00:56:40 quand Laurent Fabius succède à Dominique Strauss-Kahn.
00:56:42 Il le fait ensuite avec Thierry Breton.
00:56:46 Et à chaque fois, il a le sentiment
00:56:48 qu'il est à 2 doigts d'y arriver.
00:56:50 Après 5 années de siège
00:56:58 et 3 ministres assaillis sans succès,
00:57:00 l'arrivée d'un nouveau patron à Bercy
00:57:02 redonne à Tapie de sérieuses raisons d'espérer.
00:57:05 Nicolas Sarkozy vient d'arriver aux finances
00:57:09 et il n'est pas opposé à l'idée de régler son affaire à l'amiable.
00:57:12 Un médiateur est désigné
00:57:16 et une somme de 50 millions d'euros est même envisagée.
00:57:19 Mais ce n'est pas suffisant pour Tapie
00:57:22 qui quitte la table des négociations.
00:57:24 Son dossier est au point mort,
00:57:27 mais pour la 1re fois, l'Etat est allé dans son sens.
00:57:30 Et il le doit à Nicolas Sarkozy.
00:57:33 Pour comprendre ce qui lie les 2 hommes,
00:57:36 revenons 20 ans en arrière.
00:57:38 Nicolas Sarkozy est alors le jeune et ambitieux maire de Neuilly-sur-Seine
00:57:48 et Bernard Tapie, l'homme d'affaires brillant à qui tout réussit.
00:57:52 Les 2 hommes se rencontrent à Neuilly
00:57:55 au développement du publicitaire Jacques Seguéla.
00:57:57 Et entre les 2 hommes, le courant passe très vite.
00:58:00 Tapie déménage plusieurs de ses sociétés à Neuilly,
00:58:04 mais aussi à Levallois, dans la ville du grand ami de Sarkozy,
00:58:07 Patrick Balkany.
00:58:09 - C'est un petit monde, quoi.
00:58:11 Enfin, on se voit quand il y a des cérémonies à la mairie,
00:58:14 ils sont invités, quand il y a des remises de médailles,
00:58:17 on s'invite à dîner.
00:58:19 Un petit monde de politiques, de milliardaires et de grands patrons,
00:58:24 l'alchimie idéale pour faire des affaires.
00:58:27 Tapie va par exemple racheter les piles Vondère
00:58:30 avec le numéro 1 du bâtiment Francis Bouygues,
00:58:33 dont le fils Martin est très proche de Nicolas Sarkozy.
00:58:36 20 ans plus tard, Tapie souhaite régler son affaire grâce à un arbitrage,
00:58:43 un tribunal privé dont le recours se décide au sommet de l'Etat.
00:58:47 Et ces liens encore solides avec Nicolas Sarkozy
00:58:51 pourraient lui être très utiles.
00:58:54 - Nicolas, Nicolas, Nicolas!
00:58:56 Nicolas Sarkozy est alors ministre de l'Intérieur
00:58:59 et le grand favori dans la campagne présidentielle
00:59:02 qu'il oppose à Ségolène Royal.
00:59:04 Un mois avant le 2d tour, Tapie annonce sa préférence dans la presse
00:59:14 et il fait un choix qui déconcerte
00:59:17 tous ceux qui voyaient encore en lui un homme de gauche.
00:59:21 Je n'arrive pas à savoir où veut aller Ségolène Royal.
00:59:24 Elle manque d'expérience.
00:59:26 Aujourd'hui, il n'y a pas photo. Sarkozy a mes faveurs.
00:59:31 - C'est de son intérêt.
00:59:35 C'est de son intérêt, parce qu'il s'est entendu avec Sarkozy.
00:59:39 Ils savent que leur intérêt commun est Tapie,
00:59:42 parce qu'il a besoin de son arbitrage,
00:59:45 Sarkozy, parce qu'il a besoin d'être élu.
00:59:48 Il applique la célèbre devise "toujours du côté du manche",
00:59:51 parce que c'est là où on pourra peut-être avoir un peu de blé,
00:59:54 comme on dit, dans le milieu.
00:59:56 Voilà. Je crois qu'il faut pas aller plus loin.
00:59:59 - Tapie ne recule devant rien pour plaire à Nicolas Sarkozy.
01:00:04 Un mois avant l'élection, il l'aide à rencontrer son ami Bernard Kouchner,
01:00:08 qui, à l'époque, joue dans le camp adverse chez Ségolène Royal.
01:00:12 - Le président Sarkozy essaie d'avoir quelques prises de guerre,
01:00:17 comme on les appelle, pour montrer qu'il fait un gouvernement
01:00:21 beaucoup plus large, y compris avec des gens qui ont servi à gauche.
01:00:25 - Et donc Tapie est trop ravi de rendre ce service-là.
01:00:28 C'est lui qui appelle Kouchner.
01:00:30 Et donc, il y a finalement un petit déjeuner qui a lieu au ministère de l'Intérieur,
01:00:34 à l'époque où Nicolas Sarkozy est ministre de l'Intérieur,
01:00:37 où Tapie amène Kouchner.
01:00:39 C'est Tapie qui sert d'entremetteur, à l'époque où Kouchner
01:00:43 est l'un des porte-paroles de la campagne de Ségolène Royal.
01:00:46 Donc, voilà, ils organisent la trahison
01:00:49 et l'ultérieur ralliement de Kouchner à Sarkozy.
01:00:53 Sarkozy vient de réaliser une conquête précieuse grâce à Tapie,
01:00:59 un service qui serait totalement désintéressé, selon Bernard Kouchner.
01:01:03 - Il a pas été payé pour ça.
01:01:06 C'est parce qu'il pense que ce serait pas mal, parce que l'ouverture se fera.
01:01:09 Faut demander ça à Tapie, pas à moi.
01:01:11 - Vous dites "il a pas été payé pour ça".
01:01:13 On peut imaginer, mais imaginer que...
01:01:15 - Quoiqu'il ait été payé par l'arbitrage.
01:01:18 - Exactement.
01:01:19 - Enfin, il n'a pas besoin de moi.
01:01:21 Mais vous me prêtez une influence considérable que je n'ai pas, c'est ridicule.
01:01:24 - Mais c'était un geste énorme de vous débaucher.
01:01:26 - Mais c'était pas un geste énorme.
01:01:28 Nicolas Sarkozy peut pas me téléphoner tout seul. Voyons.
01:01:31 Certes, la décision de régler son affaire par un arbitrage
01:01:36 n'est toujours pas d'actualité.
01:01:38 Mais tous les efforts de Bernard Tapie vont peut-être finir par payer.
01:01:43 (musique)
01:01:46 Le 6 mai 2007, Nicolas Sarkozy est élu président de la République.
01:01:56 Après la guerre de tranchées, Bernard Tapie peut passer à l'offensive.
01:02:03 - À peine Nicolas Sarkozy est élu, qu'il fait le forcing.
01:02:09 Un forcing à l'Elysée, vous voyez, il veut voir tout le temps.
01:02:13 Plusieurs de vos collègues journalistes étaient suffoqués,
01:02:15 en allant à l'Elysée, de tomber nez à nez avec Bernard Tapie
01:02:19 sortant qui du bureau de pairole, qui d'un autre conseiller,
01:02:23 voire du bureau du président, puisque, effectivement, il a vu le président.
01:02:29 Et il n'allait pas voir le président uniquement sur des affaires politiques.
01:02:36 En un peu plus d'un an, Bernard Tapie se rend 22 fois à l'Elysée.
01:02:41 Selon l'agenda présidentiel, il rencontre 4 fois en tête à tête le chef de l'Etat.
01:02:48 Les autres rendez-vous ont lieu avec les proches du président,
01:02:53 principalement avec son secrétaire général, Claude Guéant.
01:02:57 - Oui, il voit tous ces gens-là, comme bien d'autres.
01:03:00 Maintenant, ça me gêne pas qu'il voit Sarkozy.
01:03:02 Moi, je l'ai vu beaucoup plus que ça, mais il faut dire que j'étais son ministre.
01:03:04 Enfin bon, très bien, il y a plein de gens qui allaient à l'Elysée
01:03:07 beaucoup plus que Bernard Tapie.
01:03:09 Et je vous signale que Bernard Talibpi, il allait à l'Elysée sous François Mitterrand
01:03:12 de la même façon. Il a une séduction formidable.
01:03:16 - Imaginez la pression qu'il a mise sur tout le monde avant l'arbitrage.
01:03:20 Je suis persuadé que les types des cabinets, vous voyez,
01:03:23 où les ministres, ils avaient une pression maximale de Tapie.
01:03:27 Il leur vendait... Attendez, moi, je suis l'ami du président,
01:03:30 hein, donc déconnez pas, là, hein.
01:03:32 Voilà, ça, il sait le faire à merveille.
01:03:35 Le dossier de Bernard Tapie se promène donc à l'Elysée
01:03:39 avant de resurgir au ministère des Finances.
01:03:42 Et ce, grâce à un coup de pouce du ministre de l'Ecologie,
01:03:46 Jean-Louis Borlot, son vieil ami.
01:03:49 C'est lui qui aurait contacté personnellement le cabinet de la ministre Christine Lagarde
01:03:54 pour que la demande d'arbitrage de Tapie soit examinée
01:03:57 avec la plus grande attention.
01:03:59 - Lui était favorable à l'arbitrage, mais il n'a décidé de rien.
01:04:03 D'ailleurs, vous ne trouverez pas une pièce signée de Jean-Louis Borlot.
01:04:06 Après 14 années de procédure entre Tapie et le crédit Lyonnais,
01:04:11 les efforts de l'homme d'affaires finissent par payer.
01:04:14 3 arbitres sont nommés et une décision qui va faire du bruit
01:04:18 est rendue le 24 juillet 2008.
01:04:21 - Dans l'affaire Tapie, le tribunal arbitral,
01:04:28 qui lui a déjà accordé 285 millions d'euros d'indemnité,
01:04:32 s'est à nouveau réuni aujourd'hui pour décider du montant final
01:04:35 qui devra être versé à l'ancien patron d'Adidas,
01:04:38 qui s'estimait floué par le crédit Lyonnais.
01:04:40 Compte tenu des intérêts et des frais,
01:04:42 la somme versée pourrait atteindre 400 millions d'euros.
01:04:45 Verdict des arbitres,
01:04:48 le crédit Lyonnais a bien trompé Bernard Tapie lors de la vente d'Adidas.
01:04:52 La banque est condamnée à verser à l'homme d'affaires 240 millions d'euros,
01:04:56 auxquels s'ajoutent 120 millions d'euros d'intérêts
01:04:59 et 45 millions d'euros pour le préjudice moral.
01:05:02 Au total, le pactole s'élève à 405 millions d'euros.
01:05:06 Pour la ministre de l'Economie,
01:05:12 l'arbitrage était la solution la plus rapide pour en finir avec cette affaire,
01:05:16 mais surtout, selon elle, la moins coûteuse.
01:05:19 - On était en présence de douzaines de procédures
01:05:24 qui duraient depuis plus de 15 ans,
01:05:26 qui véritablement coûtaient une hémorragie d'honoraire à l'État.
01:05:30 Plus de 10 millions d'euros ont déjà été consacrés à la défense dans ces affaires Tapie.
01:05:34 Il y a un moment où il faut savoir aussi tourner la page,
01:05:37 à condition que ce soit de bonnes conditions.
01:05:39 On veut en finir avec ces histoires des années qu'on a appelées les années fric,
01:05:43 de la période Mitterrand.
01:05:45 - Ce soir, on entend des personnalités au Parti Socialiste
01:05:48 parler de copinage d'État.
01:05:50 Est-ce que ce soir, vous pouvez affirmer
01:05:52 que Nicolas Sarkozy n'est pas intervenu dans ce dossier ?
01:05:55 - Est-ce que vous croyez que j'ai une tête à être copine avec Bernard Tapie ?
01:05:58 Et est-ce que vous pensez que j'ai reçu des instructions pour protéger ? Non.
01:06:02 - La décision a été prise par le président de la République.
01:06:05 Donc je pense qu'il y a dans une République des principes qui doivent être respectés,
01:06:10 qui, dans cette affaire, n'ont pas été respectés.
01:06:12 Et qu'on a utilisé l'argent public dans des petits arrangements.
01:06:16 - On se plaint en disant "mais c'est quand même bizarre, monsieur Tapie a gagné".
01:06:18 Oui, il a gagné parce que le dossier est beau, point.
01:06:20 Vous vous dites "il n'y a pas eu d'intervention extérieure".
01:06:23 - Mais quelle intervention ? Pourquoi ?
01:06:25 Vous pensez que le président de la République appelle les arbitres, les juges ?
01:06:28 Enfin, c'est ridicule, vous avez vu la qualité des juges ?
01:06:30 Mais la somme colossale attribuée à Bernard Tapie ne passe pas.
01:06:35 Et un mois et demi à peine après la décision des arbitres,
01:06:38 Bernard Tapie est sommé de répondre aux attaques de parlementaires centristes et socialistes,
01:06:43 parmi lesquels François Bayrou, François Hollande et Jérôme Cahuzac.
01:06:48 Ils contestent l'arbitrage et soupçonnent l'homme d'affaires d'avoir bénéficié des faveurs du pouvoir.
01:06:54 - Pourquoi y a-t-il eu une procédure d'arbitrage,
01:06:59 alors que la justice suivant son cours, les partis l'ayant saisie,
01:07:06 il était possible de trouver une issue ?
01:07:08 - Moi, je peux vous dire qu'à aucun moment, aucun, aucun, aucun, strictement aucun moment,
01:07:15 on peut voir la main du pouvoir actuel dans la décision de faire l'arbitrage.
01:07:22 Mais à aucun moment.
01:07:23 L'homme d'affaires défend point par point son dossier,
01:07:26 mais après trois heures de face à face avec les parlementaires,
01:07:30 l'émotion va prendre le dessus.
01:07:33 - Des arbitres, je crois, largement aussi crédibles que vous êtes,
01:07:37 largement aussi honnêtes que vous êtes, ont décidé de me les donner.
01:07:41 Et lorsque j'arrive et qu'un jour, un homme se fait traiter de tapis breton,
01:07:47 en Bretagne, parce que mon nom est devenu une injure publique,
01:07:52 vous, peut-être, vous mesurez pas quelle est l'énormité du problème,
01:07:57 mais je ne souhaite pas de porter un seul jour un nom qui devient une injure publique.
01:08:01 C'est comme si je m'appelais "enfoiré, pourri, ordure".
01:08:04 Même si j'ai fait des fautes, et j'en ai fait, je ne mérite pas du tout ce traitement.
01:08:08 Et encore moins par la banque, qui a gagné de l'argent sur mon dos.
01:08:12 Je vous souhaite un seul jour de vivre ça. Une seule fois.
01:08:15 Je vous souhaite de vivre ça. Oui, oui, ça va.
01:08:17 Je vous souhaite un seul jour d'être insulté comme ça pendant des années...
01:08:20 Une menace prémonitoire, Jérôme Cahuzac sera lui aussi,
01:08:23 quelques années plus tard, mêlé à une affaire d'Etat.
01:08:26 En fin de séance, Bernard Tapie est interrogé sur la façon
01:08:30 dont il compte dépenser ses millions, et il s'engage solennellement.
01:08:34 - Les arbitres, ils ont donné ce qu'ils ont voulu donner.
01:08:37 Ils l'ont estimé à ce prix-là.
01:08:40 Ce qui comptera, c'est ce que j'en ferai.
01:08:42 Ce qui comptera, c'est ce que j'en ferai.
01:08:44 En tout cas, je peux vous dire aujourd'hui...
01:08:46 Rappelez-vous de ce que je vous dis, ça sera pas pour acheter le Fossea,
01:08:49 ni pour acheter l'Olympi de Marseille.
01:08:51 Et je ferai ce que je pense que ma conscience m'ordonnera de faire. Voilà.
01:08:55 La suite de l'histoire montre que Bernard Tapie va tenir sa promesse.
01:09:01 Il n'achètera ni l'OM, ni le Fossea.
01:09:06 En revanche, il va acquérir un yacht de 76 m à 40 millions d'euros.
01:09:12 Il va aussi s'offrir une villa de 500 m2 sur la côte d'Azur
01:09:18 pour 47 millions d'euros.
01:09:20 Et il investit également dans un groupe de presse pour 51 millions d'euros.
01:09:28 - Dès qu'il a eu les ronds, vous avez vu qu'il s'est payé le bateau à Saint-Pont,
01:09:32 le machin, etc.
01:09:33 Non, mais il est fou. Il est fou.
01:09:35 Mais pourquoi a-t-il cette soif ?
01:09:37 C'est inadmissible, ce qu'il a fait.
01:09:39 Si vous prenez l'argent public, si vous prenez l'argent des Français,
01:09:43 au moment où ils se serrent la ceinture,
01:09:45 et que vous prenez cet argent pour autre chose,
01:09:47 alors que vous avez prétendu faire de la politique que de faire du bien aux Français,
01:09:51 vous êtes un monstre.
01:09:53 Vous êtes foutu de leur gueule et vous signez que vous êtes foutu de leur gueule.
01:09:56 Il a signé qu'il s'était foutu de la gueule des Français.
01:09:59 5 ans après la décision des arbitres,
01:10:08 des zones d'ombre planent toujours sur cette affaire.
01:10:11 La justice a ouvert plusieurs enquêtes
01:10:14 et l'arbitrage a fini par devenir un scandale d'Etat.
01:10:18 - S'il s'avère que l'arbitrage rendu en votre faveur dans le dossier Adidas/Credit Lyonnais
01:10:24 est entaché de favoritisme,
01:10:26 ça va contribuer très largement aux dégouts des Français pour la politique.
01:10:30 - Laissez-moi vous expliquer une fois,
01:10:32 pour qu'un arbitrage soit bidon,
01:10:34 il faut qu'il y ait dans le coup,
01:10:36 la ministre,
01:10:37 tous les fonctionnaires de Bercy,
01:10:39 les 4 arbitres, ou 3 arbitres,
01:10:41 les 6 avocats,
01:10:43 mais qui est capable de faire ça ?
01:10:45 Expliquez-moi, qui est capable de faire ça ?
01:10:47 Je vais vous dire, j'en ai marre de cette affaire,
01:10:49 je vais vous dire ce que c'est l'affaire.
01:10:51 C'est M.Cahuzac, socialiste,
01:10:53 qui va chez M.Migaud, socialiste,
01:10:55 qui va chez M.Nadal,
01:10:57 qui va chez...
01:10:58 Regardez ce que c'est, tout ça.
01:11:00 - Je vous demande de le juste terminer.
01:11:02 - C'est que les socialistes, et uniquement les socialistes.
01:11:04 Tapie ne cesse de le répéter.
01:11:06 Selon lui, l'affaire est instrumentalisée par les socialistes,
01:11:10 qui seraient prêts à tout pour avoir sa peau.
01:11:13 Coïncidence ou pas,
01:11:15 il a fallu attendre que François Hollande soit élu,
01:11:18 pour que l'Etat se décide à réclamer à l'homme d'affaires
01:11:21 le remboursement des 405 millions d'euros.
01:11:24 Les juges, quant à eux,
01:11:26 soupçonnent Tapie, son avocat,
01:11:28 et l'un des 3 arbitres,
01:11:30 d'avoir truqué l'arbitrage.
01:11:32 Ils sont tous poursuivis pour escroquerie.
01:11:36 Face à l'ampleur de la polémique,
01:11:40 Bernard Tapie a écrit un livre pour donner sa version des faits.
01:11:43 Ses derniers mots sont une ultime promesse.
01:11:46 "Je ne ferai plus jamais de politique."
01:11:52 [Musique]
01:12:19 "Les milliers et une vies" de Bernard Tapie,
01:12:21 documentaire réalisé par Jean-Charles Doria,
01:12:24 un film qui vient surtout nous rappeler que,
01:12:26 parti de rien ou presque,
01:12:28 l'homme d'affaires avait longtemps tout gagné dans sa vie,
01:12:31 jusqu'au jour où il est entré en politique,
01:12:34 alors adoubé par un certain François Mitterrand.
01:12:37 Nous allons y revenir maintenant avec celui
01:12:39 qui fut l'un des derniers à interviewer Bernard Tapie
01:12:42 avant sa disparition, le journaliste Yves Tréhard.
01:12:45 Bienvenue Yves Tréhard.
01:12:46 Bonjour Jean-Pierre, bonjour à tous.
01:12:48 Vous êtes directeur adjoint de la rédaction du Figaro,
01:12:51 éditorialiste.
01:12:52 Votre dernier ouvrage a pour titre "Une certaine idée de la France",
01:12:55 publié aux éditions du Rocher.
01:12:57 Et vous êtes aussi l'un de ceux qui mènent la série
01:12:59 "Les grands entretiens" sur notre chaîne, sur LCP.
01:13:02 Et c'est à l'occasion de l'une de ces longues interviews
01:13:05 que vous aviez reçue Bernard Tapie,
01:13:08 quelques mois seulement avant sa disparition.
01:13:11 Avait-il émis des remords, des regrets,
01:13:14 à l'occasion de cette interview
01:13:17 ou à l'occasion de vos derniers entretiens avec lui ?
01:13:19 Non, c'était pas un homme de remords ni de regrets.
01:13:22 C'est quelqu'un qui fonçait dans la vie.
01:13:24 Ce qui est extraordinaire avec Bernard Tapie,
01:13:27 c'est que, si vous me permettez l'expression,
01:13:29 il vivait sa vie.
01:13:31 Il n'avait aucun recul sur elle.
01:13:33 Il ne cherchait pas à la conceptualiser,
01:13:36 à lui raconter une histoire.
01:13:39 Lui, ce qui l'intéressait,
01:13:41 et c'était une de ses raisons d'être,
01:13:43 c'est gagner.
01:13:44 Il fallait gagner.
01:13:46 Que ce soit en sport, en politique,
01:13:48 que ce soit dans les affaires,
01:13:50 que ce soit même sentimentalement,
01:13:52 il fallait qu'il ait raison.
01:13:54 Bernard Tapie, c'est l'homme du dernier mot.
01:13:56 Il faut que ce soit lui qui gagne.
01:13:58 Ce qui est extraordinaire,
01:14:00 c'est que, quand on lui fait raconter sa vie,
01:14:02 ce qui était le cas de cette interview,
01:14:04 il n'est pas là du tout pour lui trouver un fil conducteur,
01:14:07 lui trouver une logique.
01:14:09 Non, non, il a "enquillé",
01:14:11 si vous me permettez aussi cette expression,
01:14:13 les vies, parce qu'il a tout fait.
01:14:16 Il a été pilote automobile,
01:14:18 il s'est essayé à la chanson, il a fait de la télé,
01:14:20 il a acheté des entreprises,
01:14:22 il a fait de la politique.
01:14:24 -Acteur de théâtre. -Il a le record
01:14:26 de la traversée de l'Atlantique.
01:14:28 On l'a oublié, ça, avec le Foséat.
01:14:30 Il a fait du théâtre,
01:14:33 enfin, il s'est essayé dans tout.
01:14:36 C'était un homme qui bouffait la vie.
01:14:39 C'était un dévoreur.
01:14:41 Et c'est ça, sa vie.
01:14:43 Sa vie, elle se résume, si on peut la résumer,
01:14:45 c'était un bouffeur de vie.
01:14:47 -Quand même, la politique,
01:14:49 est-ce que ça n'a pas été la marge de trop pour Bernard Tapie ?
01:14:51 -Oui, parce que c'est là où il a commencé à chuter.
01:14:54 Je pense que, de toute manière,
01:14:56 à un moment ou un autre,
01:14:58 il aurait eu des problèmes, même sans faire de politique,
01:15:01 parce que son parcours économique,
01:15:03 son parcours d'homme d'affaires
01:15:05 pouvait prêter à...
01:15:07 -Et puis, les nombreuses affaires judiciaires
01:15:09 ont commencé à le poursuivre.
01:15:11 -Mais la politique, c'est ce qui, finalement,
01:15:14 a commencé à écorner l'image du bonhomme.
01:15:17 Pourquoi ?
01:15:19 Parce qu'il est arrivé dans un univers qu'il connaissait pas.
01:15:22 Il pensait qu'il allait faire la même chose
01:15:24 que quand il est arrivé dans le monde des affaires,
01:15:27 ou quand il est arrivé dans le monde du sport,
01:15:29 parce qu'il est arrivé dans le monde du sport,
01:15:31 il gagne le Tour de France, dans le football...
01:15:33 -C'est la vie claire avec Bernard Hinault.
01:15:35 -C'est la vie claire avec Bernard Hinault.
01:15:37 Il gagne le Tour de France de Bernard Hinault.
01:15:39 Il gagne. Donc, à chaque fois, il gagne.
01:15:42 Et là, d'abord, il gagne pas du premier coup,
01:15:45 parce qu'aux législatives, il est battu dans un premier temps.
01:15:48 C'est une histoire compliquée.
01:15:50 -C'est très bien racontée dans le film.
01:15:52 -Il raconte parfaitement.
01:15:54 Et puis, après, les ennuis aussi commencent.
01:15:57 Et il retrouve surtout des adversaires
01:16:00 qui veulent sa peau. Là, on joue plus.
01:16:02 On n'est plus dans le jeu.
01:16:04 C'est une question de vie ou de mort.
01:16:06 -Il a trouvé plus fort que lui ?
01:16:08 -Il s'est retrouvé dans un panier de crabes
01:16:11 où il s'est fait bouffer.
01:16:13 -Marseille, c'est là qu'il entame sa carrière politique.
01:16:16 Il cherche d'abord à être investi par le RPR.
01:16:19 Il va d'ailleurs voir Toubon, à l'époque,
01:16:22 qui est secrétaire général du RPR.
01:16:24 Cette investiture à Marseille, pour des législatives,
01:16:27 lui est refusée par le RPR.
01:16:29 Est-ce que vous lui connaissez
01:16:31 la moindre conscience politique à Bernard Hinault ?
01:16:34 -J'en ai beaucoup parlé avec lui.
01:16:36 J'en ai beaucoup parlé,
01:16:38 savoir exactement où il se situait.
01:16:40 En fait, c'était pas le problème.
01:16:42 C'est que...
01:16:44 La générosité, ça, c'est...
01:16:46 Il y a deux choses.
01:16:48 La générosité, c'est-à-dire qu'il est généreux avec le peuple,
01:16:51 d'où il venait. Il faut pas oublier
01:16:53 que son père était ouvrier, que sa mère était une femme modeste.
01:16:56 Il vient d'un milieu très modeste.
01:16:58 Il vivait dans le 20e arrondissement,
01:17:00 vraiment très modeste.
01:17:02 C'est le premier pilier, je dirais, de sa vie.
01:17:06 Et le deuxième pilier, c'est gagner.
01:17:10 -Mais vous ne connaissiez pas de conviction politique.
01:17:13 -Non, non. Pour gagner, tous les moyens sont bons.
01:17:16 La faim justifie tous les moyens.
01:17:18 -Il comprend politique. -Il comprend politique.
01:17:21 Non, là où il est sincère,
01:17:23 et ça rejoint, d'ailleurs,
01:17:25 quand je disais qu'il était généreux,
01:17:28 c'est qu'à l'époque, le Front national avait une image
01:17:31 qui était quand même assez...
01:17:33 -Même ses détracteurs lui reconnaissent une chose,
01:17:36 c'est que la seule ligne de conduite qu'il a eue
01:17:39 durant sa carrière politique, c'était de lutter
01:17:42 contre le Front national et un certain Jean-Marie Le Pen.
01:17:45 -C'était un adversaire pratique.
01:17:47 Justement, ça lui permettait de mettre en valeur sa gouaille,
01:17:50 de mettre en valeur son énergie.
01:17:52 Il avait un adversaire à sa mesure, là.
01:17:55 Et c'est vrai que dans certains débats,
01:17:57 il a pris le dessus sur Jean-Marie Le Pen.
01:18:00 -Après avoir frappé à la porte du RPR
01:18:02 pour une investiture au législatif,
01:18:04 il va frapper à celle de Mitterrand.
01:18:06 C'est Jacques Segué, on l'a très bien vu dans ce documentaire,
01:18:09 qui fait se rencontrer les deux hommes.
01:18:11 On est en 1987.
01:18:12 Tapie-Mitterrand, c'est vraiment un couple improbable,
01:18:15 au possible.
01:18:16 Réelle complicité, néanmoins, entre les deux hommes
01:18:19 ou alors un choix opportuniste d'un côté comme de l'autre ?
01:18:22 -Là, on touche au plus profond de chacun des deux bonhommes.
01:18:26 Mitterrand avait besoin de Tapie.
01:18:28 Parce que là, on est dans les années où Mitterrand est accusé
01:18:33 de s'éloigner du socialisme.
01:18:35 Le socialisme, c'était les années 80, 83,
01:18:39 et puis après, bon...
01:18:41 C'est les années où Mitterrand...
01:18:44 Son image est quand même pas extraordinaire,
01:18:47 même s'il a été réélu en 1988.
01:18:50 C'est tonton, mais il a besoin d'une fibre populaire.
01:18:54 Et pour cette fibre populaire,
01:18:56 il prend deux types qui sont extraits des milieux populaires.
01:19:00 Bérégovoy comme Premier ministre, pas immédiatement,
01:19:03 après Bérégovoy comme Premier ministre.
01:19:05 -Deux autodidactes. -Deux autodidactes.
01:19:07 Enfin, Bérégovoy était ouvrier.
01:19:10 -Bernard Tapie. -Bernard Tapie,
01:19:12 vendeur de téléviseurs.
01:19:14 Et il prend Tapie.
01:19:15 Et il prend ces deux-là, qui sont assez complices, d'ailleurs,
01:19:18 qui savent très bien ce que fait Mitterrand.
01:19:20 Et Mitterrand se sert d'eux.
01:19:22 Ils sont instrumentalisés,
01:19:24 mais ils se laissent instrumentaliser par Mitterrand,
01:19:27 parce que pour eux, c'était inespéré.
01:19:29 Jamais ils pensaient...
01:19:31 -On peut donc parler d'opportunisme des deux côtés.
01:19:34 -D'opportunisme des deux côtés.
01:19:36 Tapie, quand il devient ministre, il pleure, quasiment en pleure.
01:19:40 -Alors, vous l'avez dit, en 88, élection législative,
01:19:44 on l'a vu dans le documentaire,
01:19:46 on l'envoie dans une circonscription,
01:19:48 la 6e circonscription de Marseille.
01:19:50 -Bouches-du-Rhône. -Dans les Bouches-du-Rhône.
01:19:52 -Il est élu député, il est élu députable sur le papier,
01:19:55 il la gagnera, finalement. Pas du premier coup, c'est vrai,
01:19:58 mais finalement, le Conseil constitutionnel
01:20:00 invalidera la première élection.
01:20:02 Bref, il est élu député, bel et bien, cette fois, en janvier 89.
01:20:06 Pourquoi ne se présente-t-il pas, dans la foulée,
01:20:09 pour capitaliser sur cette victoire, sur cette gagne,
01:20:12 aux municipales de Marseille,
01:20:14 qui suivront un peu plus tard, dans cette année de 1989 ?
01:20:17 -Bah bon, d'abord...
01:20:19 -C'est une rêve, la ville de Marseille ?
01:20:21 -C'était encore un peu tôt.
01:20:23 Et puis, il est aussi, à ce moment-là,
01:20:26 il rachète Adidas.
01:20:28 Il a le rachat d'Adidas.
01:20:30 Et le rachat d'Adidas, c'est là où ses ennuis commencent,
01:20:33 parce que ça se mêle,
01:20:35 et ça s'entrechoque avec son entrée dans la carrière politique.
01:20:39 Non, en revanche, ce qui est sûr,
01:20:41 c'est que s'il ne brigue pas la mairie de Marseille
01:20:44 dans un premier temps, il y pense plus tard.
01:20:47 Il y a pensé jusqu'à la fin de sa vie,
01:20:49 je vais vous dire, à la mairie de Marseille.
01:20:52 La mairie de Marseille, c'était son truc.
01:20:54 Il n'est pas marseillais pour un sou.
01:20:56 Il est parisien.
01:20:57 Certes, il a acheté l'OM,
01:20:59 mais ce qu'il faut dire, c'est que jusqu'à la fin de sa vie,
01:21:02 et on l'a vu quand il y a eu ces obsèques,
01:21:04 il est adoré par les Marseillais.
01:21:07 Il aurait pu être maire de Marseille.
01:21:09 Et quand, à la fin de sa vie,
01:21:11 il a été atteint d'un cancer, de plusieurs cancers,
01:21:14 il a eu une élection municipale,
01:21:16 qu'il ne pouvait plus honnêtement se présenter,
01:21:19 il avait un candidat en tête.
01:21:21 Je ne dirais pas, mais il savait celui qu'il aurait mis...
01:21:25 -Aller jusqu'au bout, dites-nous. -C'était Renaud Muselier.
01:21:28 -Le bilan de tapis à la tête du ministère de la Ville,
01:21:31 il y en a-t-il seulement un ? -Non.
01:21:33 Il y a beaucoup de parlotes, il y a beaucoup d'idées.
01:21:36 "Parlote", qui est une de ses expressions favorites.
01:21:39 Dans le documentaire, on le voit, vous parlez, bla, bla, bla.
01:21:42 Mais lui aussi, il parle beaucoup, mais il n'a pas le temps de faire.
01:21:46 Son titre de gloire, pour lui,
01:21:48 c'est une espèce d'école de la deuxième chance.
01:21:53 Donc une formation que vous offrez à des jeunes
01:21:58 qui n'ont pas eu l'occasion d'aller à l'école,
01:22:01 qui sont au chômage, qui sont au fond du trou,
01:22:04 et vous les remettez en selle.
01:22:06 Mais bon, le résultat est quand même assez limité.
01:22:09 -Alors, Bernard Tapie, député, cette fois, à deux reprises...
01:22:13 -Il ne fait pas grand-chose.
01:22:15 -Il ségera en grande partie parmi les non-inscrits,
01:22:18 autrement dit, par définition, des élus qui n'apparaissent pas,
01:22:22 qui ne jouent pas réellement un rôle dans le débat législatif.
01:22:26 -Il s'ennuie aussi. C'est pas son truc.
01:22:28 Il est rattrapé par l'affaire Adidas,
01:22:30 quand l'affaire Adidas éclate, et c'est ça qui l'occupe,
01:22:33 c'est ce qui l'occupera toute sa vie, d'ailleurs,
01:22:36 toute la fin de sa vie sera complètement monopolisée,
01:22:41 concentrée sur cette histoire,
01:22:44 par cette histoire qui est une histoire
01:22:47 qui occupera aussi l'actualité de façon régulière.
01:22:51 -Le sommet politique de Bernard Tapie, c'est 94.
01:22:54 -Alors, le sommet... -Il tente une OPA, peut-être,
01:22:57 sur le MRP, le Mouvement des radicaux de gauche,
01:23:00 mais il va couvrir une liste européenne,
01:23:03 qui obtiendra un excellent score.
01:23:05 -Le sommet de sa carrière politique,
01:23:07 c'est effectivement les élections européennes de 1994.
01:23:12 -C'est la dernière torpille de Mitterrand vis-à-vis de Rocart.
01:23:16 -Exactement. 1994, il est candidat avec une liste
01:23:21 où il y a Brice Lalonde, il y a des écologistes,
01:23:25 il y a effectivement des radicaux de gauche,
01:23:28 dont Mme Taubira, qui sera en 4e position.
01:23:31 -Il sera élu sur cette liste. -Il sera élu sur cette liste.
01:23:34 Et là, il chatouille, je dirais, au mollet Michel Rocart,
01:23:40 qui, lui, conduit la liste des socialistes,
01:23:43 et on se dit, il peut être le futur candidat
01:23:46 de la gauche à la présidentielle.
01:23:48 -Il s'y voyait ? -Il s'y voyait.
01:23:50 Il fait la une, d'ailleurs, des magazines,
01:23:53 notamment la une du Nouvelle Ops,
01:23:55 où on le voit en président de la République,
01:23:58 avec la photo officielle,
01:24:00 et le Parti socialiste commence aussi à se dire
01:24:03 qu'il faut le torpiller à tout prix.
01:24:05 Ils vont s'y employer, et ça fait partie de l'affaire Adidas.
01:24:11 Ils vont se servir de cette affaire-là pour le torpiller.
01:24:14 Mais il ne se présentera pas en 1994,
01:24:17 et l'élection présidentielle, il n'en reparlera pas.
01:24:21 -C'est quoi la quête de Bernard Tapie en politique ?
01:24:24 -L'idée, c'était le match. Il fallait qu'il gagne l'élection.
01:24:28 Ce qui était important, c'était qu'il montre
01:24:31 qu'il puisse gagner l'élection.
01:24:33 -Pour finir, il laisse à sa veuve Dominique Tapie,
01:24:36 qui a beaucoup compté dans son existence,
01:24:39 une importante dette qui s'élèverait à 642 millions d'euros.
01:24:43 Est-ce qu'elle oblige à vendre l'ensemble de ses biens
01:24:46 pour rembourser, dont seulement 143 millions d'euros
01:24:49 ont été payés en avril 2023, il y a donc quelques mois ?
01:24:55 -Un commentaire ? On se dit qu'il n'a pas préparé l'avenir.
01:24:59 -Il y a deux commentaires à faire.
01:25:01 D'abord, Dominique Tapie est une femme qui a été essentielle,
01:25:04 capitale dans sa vie.
01:25:06 Sans elle, il n'aurait pas été Bernard Tapie.
01:25:09 Il n'aurait pas été le Bernard Tapie gagneur
01:25:12 qu'il a été dans les années 80,
01:25:14 et il n'aurait pas tenu dans, je dirais,
01:25:17 le tourbillon des affaires qu'ils l'ont rattrapé
01:25:20 à la fin de sa vie.
01:25:22 Sans Dominique Tapie, je suis sûr que Bernard Tapie
01:25:25 n'aurait pas tenu le choc, parce que c'était terrible.
01:25:28 Il en avait, il avait un caractère très fort,
01:25:31 mais Dominique Tapie était pour lui son pilier.
01:25:34 C'est une femme incroyable.
01:25:36 -C'est d'autant plus paradoxal qu'il laisse une telle date.
01:25:39 -Ce qui est terrible, c'est qu'il l'a laissée sur la paille.
01:25:43 Il est parti, il n'a rien prévu.
01:25:45 Et Dominique Tapie, c'est assez triste de savoir maintenant
01:25:49 qu'elle est dans cet état-là.
01:25:52 -Matériellement.
01:25:54 -Elle est matériellement...
01:25:56 Elle n'a pas grand-chose, quoi.
01:25:58 Ca doit être assez dur, quand même, pour elle.
01:26:03 Mais elle a été tout à fait essentielle
01:26:06 dans la vie de Bernard Tapie,
01:26:08 dans sa volonté de vaincre ses maladies
01:26:11 et de vaincre ses oppositions.
01:26:13 -Merci beaucoup, Yves Tréard, d'être venu parmi nous
01:26:16 parler de Bernard Tapie après ce film.
01:26:19 Les mille et une vies de Bernard Tapie.
01:26:22 Votre interview, qui a été réalisée en décembre 2020,
01:26:26 diffusée sur notre antenne en janvier 2021,
01:26:29 sera à revoir, pour ceux que ça intéresse,
01:26:32 à la fois sur notre site lcp.fr
01:26:35 et sur notre chaîne YouTube,
01:26:37 le site et la chaîne YouTube de LCP.
01:26:40 -Merci.
01:26:41 -Un grand merci à vous.
01:26:43 Merci à tous ceux qui nous suivent sur #DébatDoc.
01:26:46 Merci aussi à Selma Sally,
01:26:48 qui m'a aidé à préparer cette émission.
01:26:51 Prochain rendez-vous avec "DébatDoc",
01:26:54 avec son documentaire et son débat.
01:26:57 A très bientôt.
01:27:00 ---
01:27:09 [SILENCE]

Recommandations