L’écrivain Nathan Devers revient sur les multiples rebondissements dans l’affaire Grégory : «À l’époque, il y avait un manque de déontologie de la part des journalistes».
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00:00 Oui, alors quand il y a comme ça des affaires non élucidées,
00:02 évidemment que les causes sont multiples,
00:04 la complexité de cette affaire,
00:07 peut-être des choses du côté des enquêteurs,
00:08 mais enfin je pense qu'une des raisons
00:10 qui explique le naufrage de l'enquête,
00:14 c'est aussi un manque à l'époque absolu de déontologie des journalistes,
00:18 qui avaient fait, qui avaient versé dans le sensationnalisme
00:22 le plus abject, le plus crasse, parce que ça faisait vendre,
00:25 qui allaient dans le village, qui allaient s'incruster
00:27 chez les témoins, chez les villageois, etc.
00:29 Qui faisaient des interviews sauvages.
00:31 Ce texte en effet scandaleux de Marguerite Duras,
00:34 où pour se donner des sensations littéraires,
00:37 elle s'immisçait dans une enquête sur une dame, Christine Villemin,
00:40 qu'elle ne connaissait pas, qu'elle n'avait pas rencontrée,
00:42 elle disait n'importe quoi.
00:43 Tout ça pour faire des effets de style.
00:45 Et alors là où c'est important de dire ça,
00:47 c'est que c'est pas seulement une réflexion sur le journalisme d'il y a 40 ans,
00:51 c'est une réflexion très contemporaine.
00:52 Quand on voit aujourd'hui que sur une autre affaire,
00:55 l'affaire Dupont de Ligonnès, qui fait également vendre,
00:57 le fameux magazine "Society", qui s'était vendu à 100 000 exemplaires,
01:00 et je ne leur reproche pas parce que leur dossier était sérieux.
01:02 Mais quand on voit qu'aujourd'hui, on a une dame complètement,
01:05 qui tient des propos en tout cas complètement irrationnels et graves,
01:08 où elle nie la vérité, où elle dit que les cadavres ne sont pas des cadavres, etc.
01:11 Et que cette dame est reçue, et qu'on l'écoute, et qu'on l'entend,
01:14 et qu'on se dit "oh là là, c'est intéressant son témoignage,
01:16 peut-être que finalement, les enfants de Dupont de Ligonnès
01:19 et sa femme ne sont pas mortes, que c'était vraiment un agent double".
01:22 Et alors que tout le monde sait que c'est absolument n'importe quoi,
01:24 on a aussi là une preuve d'un désir de spectacle
01:28 qui parasite l'enquête et qui met de la confusion dans les esprits.
01:32 Je pense que quand il y a des histoires tragiques,
01:34 un enfant de 4 ans qui se fait massacrer, enfin qui se fait tuer,
01:37 une famille qui se fait massacrer,
01:39 on n'a pas le droit, si vous voulez, d'en faire de la télé-réalité
01:43 et de se donner des petites sensations là-dessus.
01:45 Les séries, les séries canales existent, c'est déjà très bien,
01:48 on n'a pas besoin de le faire sur la réalité.
01:50 [Musique]
01:54 [SILENCE]