Patrice Duhamel raconte le jour de la mort de Georges Pompidou à l'ORTF
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00:00 En 1972, Georges Pompidou est diagnostiqué avec la maladie de Waldenström,
00:05 une pathologie très rare de la moelle osseuse.
00:08 Sa santé va se dégrader, il doit recevoir des doses croissantes de cortisone,
00:13 et pour nous tous, son aspect physique change.
00:17 Le 24 janvier 1974, le président fait un court voyage en France, à Poitiers.
00:23 Il prononce les discours retransmis par la télévision.
00:27 Le gouvernement a été amené récemment à prendre des décisions importantes,
00:32 dont ces jours-ci même, il rencontre devant l'Assemblée nationale et devant le Sénat.
00:44 Il laisse passer de longs silences, semblant chercher ses mots et ses idées.
00:50 D'où viennent ces difficultés ?
00:55 Un malaise dont la France est témoin.
00:59 -Patrice, vous étiez journaliste à l'ORTF.
01:02 A cette époque, il était interdit d'évoquer la maladie, une maladie, de Georges Pompidou à l'antenne,
01:08 au point que le soir de son décès, le 2 avril 1974, on peut dire que rien n'était prêt.
01:15 -Rien n'était prêt. -On n'avait pas travaillé.
01:18 -C'est la panique absolue. Tous les journalistes, un président de la République qui meurt,
01:22 même si certains, pas tous, savaient qu'il était gravement malade, pas tous.
01:26 La presse en parlait, mais avec beaucoup de précaution.
01:29 Tout le monde arrive. Il y avait une grande armoire dans la grande salle de conférence.
01:34 Et dans cette armoire, il y avait toutes les nécros de toutes les personnes importantes de la République.
01:41 Des politiques, des artistes, des chefs d'entreprise, etc.
01:44 Paroles d'alphabétiques, et puis...
01:47 Pinet, Poer, Pompidou, rien.
01:52 Donc il a fallu qu'un jeune chef d'édition, qui est devenu ensuite rédacteur en chef,
01:59 Pierre Géraud, dise à ce moment-là "mais j'ai vu une équipe de la NHK,
02:04 la télévision japonaise, il y a quelques jours, qui avait entendu les rumeurs,
02:07 préparer une nécro de Georges Pompidou, donc je vais vite".
02:13 Les responsables appellent la NHK, l'équipe japonaise était partie pour Tokyo.
02:19 A ce moment-là, le PI était tenu, LORTF aussi, il faut atterrir l'avion qui allait de Paris à Tokyo.
02:26 Et la nécro, après, je ne sais pas comment ils ont fait techniquement, etc.
02:30 - Ils récupèrent les images. - Par satellite.
02:32 Et c'est les images de la NHK qui ont été diffusées, sans le son bien entendu,
02:36 parce qu'il y avait déjà un commentaire japonais qui a été diffusé par la télévision française.
02:44 C'est totalement invraisemblable, cette histoire.
02:47 C'est vrai que nous, avant qu'on fasse atterrir un avion, récupérer des images,
02:51 on n'a pas du tout le même pouvoir.
02:53 Mais quand on a vu les images de Reykjavik, un sommet avec Nixon,
02:56 où il avait déjà énormément changé, moi j'étais là-bas, à Reykjavik,
02:59 et on m'a fait revenir à Paris, on m'a envoyé un avion pour monter le reportage à Paris,
03:04 avec interdiction, ces images-là, de montrer des gros plans de Georges Pompidou.
03:09 Donc ce ne sont pas les images que j'avais montées avec le monteur ce jour-là,
03:14 ça doit être des images, j'imagine, de la télévision américaine,
03:17 parce que pendant que nous on avait l'interdiction de montrer des gros plans,
03:20 la télévision américaine ne faisait que ça, ne montrait que des gros plans.
03:23 Le président, malade.
03:25 - Jusqu'au bout, il a voulu présider ?
03:28 - Oui, les derniers jours et les dernières semaines ont été extraordinairement difficiles.
03:32 Il y a un magnifique livre d'Edouard Balladur, qui était secrétaire général de l'Elysée à ce moment-là,
03:36 qui s'appelle "La tragédie du pouvoir", où jour après jour, il explique que les dernières semaines,
03:41 il fait un conseil des ministres une semaine avant sa disparition,
03:46 il dit qu'il va aller se reposer, et puis il fait une septicémie foudroyante
03:51 dans sa maison d'Orvilliers, dans les Yvelines, il rentre à Paris en ambulance,
03:56 et il meurt dans son appartement de l'île Saint-Louis.