• il y a 7 mois
Quel est le point commun entre l'affaire XDDL, l'affaire Grégory ou encore celle de la tuerie de Chevaline ?
Ce sont des Cold Cases, des affaires non élucidées mais pour lesquelles, en France, il n'y avait pas de service spécialisé. C'est désormais chose faite...
Jacques Dallest a été procureur à Marseille et Grenoble, puis Procureur Général et Chambéry.
Il a participé de près à la mise en place de cette première cellule entièrement consacrée aux Cold Cases.

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Transcription
00:00 C'est notre invité, c'est Jacques Daleste.
00:01 Ce matin, Guillaume est ancien procureur et auteur de « Cold Case, un magistrat en quête ».
00:07 Et ce soir, il est au Gazette Café dans le cadre d'un café crime organisé par nos confrères et amis de la Gazette
00:12 à 20h sur les « Cold Case » et le livre que Jacques Daleste a publié aux éditions Mareuille,
00:18 intitulé « Cold Case, un magistrat en quête ».
00:21 Bonjour Jacques Daleste.
00:22 Bonjour.
00:25 Alors pour l'instant, vous êtes sur la route entre la Haute-Savoie et Leroux.
00:29 Mais on vous entend très très bien et on vous remercie de nous accorder quelques minutes
00:33 à l'occasion à la fois de la sortie il y a déjà quelques mois de ce livre
00:38 et puis surtout de cette conférence, de cette rencontre qui est organisée ce soir au Gazette Café.
00:43 Jacques Daleste, les « Cold Case » d'abord en deux mots, alors on connaît tous la série télé,
00:47 on a tous entendu parler ou regardé,
00:49 mais les « Cold Case », c'est quoi en deux mots pour résumer exactement ?
00:55 Alors, il y a maintenant une définition française du « Cold Case », c'est-à-dire,
01:00 il s'agit d'un crime non élucidé, puisque la loi maintenant intègre cette notion,
01:04 un crime non élucidé, c'est-à-dire un meurtre ou un viol,
01:08 non élucidé depuis plus de 18 mois après sa commission,
01:14 donc une affaire énigmatique, grave, qui reste toujours en cours d'enquête
01:20 et qui mobilise maintenant l'attention d'enquêteurs spécialisés
01:24 et maintenant de juges spécialisés éventuellement.
01:26 Et je crois que vous avez expliqué à nos confrères de la Gazette
01:29 que chaque année on compte environ 20% de crimes non résolus dans le pays,
01:34 c'est considérable 20% quand même !
01:36 Oui, alors c'est une donnée à peu près constante,
01:41 alors évidemment parmi ces crimes non résolus, il y a des règlements de compte entre malfaiteurs
01:46 qu'on ne range pas dans la catégorie des « Cold Case » dans l'approche française,
01:50 ce qui veut dire qu'on a quand même un certain pourcentage d'affaires criminelles,
01:55 de meurtres et de viols qu'on ne peut pas résoudre rapidement,
01:59 et bien tout l'objectif c'est d'essayer d'y travailler et d'apporter si possible
02:03 une réponse aux proches, à la famille qui quelquefois pendant des années
02:07 attend qu'on puisse identifier l'auteur des faits.
02:10 – Et cette réponse, peut-être partielle, mais en tout cas qui peut aboutir,
02:15 c'est la création de ce premier pôle judiciaire consacré exclusivement
02:20 aux « Cold Case » créé par Éric Dupond-Moretti quand il a été nommé garde des Sceaux,
02:27 mais vous en êtes aussi à l'origine Jacques Dallest, en tant qu'ancien procureur,
02:31 vous avez beaucoup aussi travaillé sur ces questions,
02:33 il y a même peut-être sans doute des affaires que vous avez toujours en mémoire,
02:36 qui n'ont pas été élucidées, dont vous aviez la charge,
02:39 mais vous êtes à l'origine de la création de ce pôle également.
02:41 – Alors j'ai présidé une commission et travaillé avec d'autres il y a quelques années,
02:48 où j'avais réfléchi à la faveur d'une pratique personnelle,
02:51 où malheureusement comme juge d'instruction, comme procureur,
02:53 j'avais connu un certain nombre de crimes non résolus,
02:56 j'ai proposé une réflexion au ministère de la Justice,
03:00 nous avons travaillé dans un groupe de travail, nous avons produit un rapport,
03:05 et de ce rapport est sorti en particulier l'idée de créer un pôle judiciaire spécialisé,
03:11 des juges et des procureurs, qui se trouve à Nanterre,
03:14 pour travailler sur ces affaires anciennes.
03:16 – Il a été mis en place il y a tout juste deux ans, le 1er mars 2022,
03:19 avec une douzaine de juges et de procureurs qui se consacrent exclusivement à ces affaires,
03:24 et il y a déjà une centaine d'affaires qui lui ont été confiées,
03:27 alors ce n'est pas l'intégralité des affaires non résolues,
03:30 mais une centaine, il y a du pain sur la planche, c'est du travail.
03:33 – Oui actuellement le pôle de Nanterre compte 105 affaires exactement,
03:39 la plupart sont confiées à des juges d'instruction,
03:43 mais on sait que beaucoup d'autres "call case", d'autres affaires sont instruites,
03:47 sont traitées dans tous les tribunaux de France,
03:49 puisque Nanterre n'a pas vocation à traiter l'ensemble des "call case",
03:53 et ce qu'on a du mal à déterminer, c'est le volume réel de crimes non élucidés,
03:58 je pense qu'il y en a plusieurs centaines,
04:00 évidemment chaque année des nouvelles affaires s'ajoutent à des affaires anciennes,
04:05 et c'est un défi auquel est confronté le pôle judiciaire de Nanterre évidemment.
04:10 – Alors Jacques Dallès, j'aimerais qu'on revienne,
04:11 qu'on profite de votre présence parmi nous ce matin,
04:13 je vous en remercie encore une fois,
04:14 pour qu'on revienne aussi un peu sur votre carrière,
04:17 vous avez été procureur dans des endroits un peu chauds on va dire,
04:20 procureur de la République à Ajaccio,
04:22 vous avez été amené notamment à travailler sur l'assassinat du préfet Rignac,
04:26 vous avez été procureur à Marseille aussi on s'en souvient,
04:29 procureur général à Chambéry,
04:30 ou là vous avez été amené à travailler sur l'affaire Maillis,
04:33 et Nordal-le-Landais, c'est des affaires qui marquent une carrière,
04:37 j'imagine Jacques Dallès tout ça.
04:40 – Vous savez quand on est magistrat pénaliste,
04:43 c'est-à-dire procureur ou juge d'instruction,
04:45 on est confronté en général dans sa carrière à une ou plusieurs affaires graves,
04:50 certaines sont d'ampleur nationale, d'une grande dimension,
04:54 d'autres sont moins connues mais elles peuvent être tout autant traumatisantes,
04:58 et comme d'autres collègues j'ai connu des crimes sordides,
05:02 des meurtres, des viols, des assassinats,
05:04 enfin toutes sortes de choses qui évidemment font partie du métier
05:08 et qui vous font confronter à l'horreur, au drame, à la souffrance humaine.
05:13 – Oui, alors les deux affaires que je citais,
05:15 le préfet Irignac et évidemment Maillis,
05:17 c'est des affaires qui ont été jugées,
05:19 est-ce que vous dans votre carrière il y a donc justement des "cold case",
05:22 alors je sais que vous êtes haut Savoyard Jacques Dallès,
05:25 est-ce qu'il y a une affaire en particulier,
05:27 évidemment je pense à la tuerie de Chevaline,
05:30 qui n'est toujours pas résolue aujourd'hui,
05:32 mais pour laquelle vous, vraiment qui restera pour vous,
05:36 vraiment une affaire que vous auriez aimé pouvoir,
05:39 en tant que magistrat instructeur ou procureur, pouvoir régler,
05:43 et qui malheureusement on se rend compte que plus le temps passe,
05:45 plus c'est compliqué de trouver la vérité,
05:47 il y a une affaire qui vous marque en particulier ?
05:49 – Oui, en 1993 j'étais juge d'instruction à Lyon,
05:55 et j'ai été saisi du viol et du meurtre d'une jeune lycéenne de 17 ans,
05:59 en pleine journée elle passait par un chemin pour rejoindre son bus,
06:03 elle a été sauvagement agressée,
06:05 et cette affaire n'est toujours pas résolue,
06:08 j'ai quitté mes fonctions un an après, le dossier a continué,
06:14 et il a été réouvert il y a quelques années,
06:15 il se trouve maintenant à Nanterre, donc 30 ans après,
06:18 plus de 30 ans après, et c'est une affaire terrible,
06:21 sauvage, abominable, et malheureusement,
06:24 aujourd'hui nous n'avons pas l'auteur des faits,
06:26 qui n'est toujours pas identifié.
06:28 – Alors je crois que vous plaidez, vous militez,
06:29 pour le rallongement du délai de prescription,
06:32 parce qu'évidemment avec ce pôle, qui peut traiter de vieilles affaires,
06:35 c'est bien, mais à condition qu'on ne tombe pas dans le délai de la prescription,
06:41 et aujourd'hui je crois qu'il est de, je vais peut-être dire une bêtise,
06:43 mais de 20 ans, c'est ça ?
06:44 Dernier acte, 20 années après le dernier acte de procédure qui a été fait,
06:49 vous aimeriez que ce temps soit doublé, je crois ?
06:53 – Oui, d'ailleurs cette durée de 20 ans est assez récente,
06:56 elle date d'une loi de 2017, je pense qu'elle est devenue insuffisante,
07:00 auparavant elle était de 10 ans cette prescription,
07:02 c'est-à-dire qu'elle était vraiment très courte,
07:04 aujourd'hui elle est de 20 ans, je pense qu'on peut même aller jusqu'à,
07:07 à titre personnel, je pense qu'on peut même aller jusqu'à 40 ans,
07:11 40 ans avant qu'un dossier soit juridiquement prescrit,
07:14 40 ans c'est le délai de conservation des fiches ADN,
07:18 au fichier des empreintes génétiques,
07:20 comme la science évolue considérablement,
07:23 il faut laisser un espoir à tous les enquêteurs,
07:26 de penser que même des années plus tard,
07:28 on pourra peut-être résoudre une affaire,
07:30 et pour ça il faut que la prescription soit d'une durée longue,
07:34 plus longue qu'actuellement, et je pense que ça peut être une réflexion
07:37 que le législateur peut mener à un moment ou à un autre,
07:40 ça correspondrait aussi aux demandes des familles.
07:43 – Justement Jacques Dalles, qu'est-ce qui selon vous permet aujourd'hui
07:45 à ces affaires non résolues de l'être ?
07:47 Est-ce que ce sont les progrès de la science ?
07:50 On pense notamment à l'ADN qui il y a 20 ans existait déjà,
07:53 mais n'était pas exploité ou utilisé,
07:55 est-ce que ça c'est la première des clés pour résoudre de vieilles affaires l'ADN ?
07:58 On le voit, tiens Grégory, là il y a de nouvelles investigations
08:01 qui vont être faites à la demande des parents pour l'affaire Grégory par exemple.
08:05 – Oui on voit qu'aujourd'hui on peut résoudre des affaires anciennes
08:08 grâce à l'ADN, ça a été une révolution,
08:10 l'ADN c'est l'empreinte génétique que tout être humain possède,
08:16 qui est apparue dans les années 95 en France,
08:18 et aujourd'hui, à postériori, on peut résoudre des affaires,
08:21 parce qu'on trouve, en réexaminant des scellés, des objets,
08:25 on trouve une empreinte génétique qui peut être celle de l'auteur,
08:27 et donc ça a été une avancée considérable,
08:30 c'est une technique qui évolue de jour en jour, d'année en année,
08:34 on parle du portrait robot génétique,
08:36 un jour on arrivera sans doute avec l'ADN humain
08:38 à identifier la morphologie de la personne, peut-être son âge,
08:42 et c'est ça, la science dans tous les domaines évolue beaucoup,
08:45 et il faut soumettre ces dossiers anciens à l'éclairage de sciences actuelles,
08:50 d'où l'intérêt de bien conserver ces dossiers,
08:52 et de conserver les pièces à conviction, les scellés,
08:54 pour pouvoir les réexaminer.
08:56 - Cependant, vous dites Jacques Dallest, et vous le dites à nos confrères de la Gazette,
08:59 qui vous consacrent un long papier dans leur édition de la semaine dernière,
09:02 et qu'on peut encore lire, très intéressant,
09:04 vous dites "néanmoins, je crois au crime parfait",
09:07 vous dites qu'il peut encore y avoir des crimes parfaits,
09:09 que la science et la justice ne peuvent pas élucider aujourd'hui ?
09:14 - Oui, malheureusement, c'est toujours une notion controversée,
09:17 le crime parfait existe-t-il ?
09:18 Oui, il existe, notamment s'il n'est pas détecté,
09:21 on peut tuer quelqu'un en l'enlévant, en le faisant disparaître,
09:25 sans forcément que le crime soit détecté,
09:29 si cette personne n'est pas recherchée, si elle a rompu avec sa famille,
09:32 évidemment, c'est aussi le crime pour lequel quelqu'un a peut-être été mis en cause,
09:36 mais qui ne sera jamais jugé, faute d'éléments suffisants.
09:39 Donc, les crimes parfaits existent bien,
09:42 parce que les malfaiteurs ont la chance avec eux,
09:45 parce qu'ils ont organisé leur meurtre,
09:49 donc à l'institution, à la justice, d'éviter que les crimes parfaits se reproduisent,
09:54 évidemment, ça arrivera toujours.
09:56 Pensez aussi aux infanticides à la naissance,
09:58 un nouveau-né qui n'est pas déclaré à l'état civil et qui est tué par sa mère,
10:03 c'est une forme de crime parfait, donc c'est une réalité criminologique qui choque toujours,
10:07 mais qu'on constate à titre professionnel régulièrement.
10:12 - Merci Jacques Dallest, on vous retrouve ce soir à 20h au Gazette Café,
10:14 où vous pourrez dédicacer votre livre "Colquès, un magistrat en quête".
10:18 Merci et bonne route à vous, surtout soyez prudent pour venir dans les roues.
10:21 - Merci beaucoup. - Merci, bonne journée.
10:23 Vous retrouvez cette interview en allant sur francebleu.fr.
10:26 Dans un instant, la petite histoire du jour de Léopoldine Dufour.
10:29 On l'attendait le retour du soleil, c'est pour aujourd'hui.
10:31 Alors un jennifer avec au soleil, c'est parfait.

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