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00:00 Bonjour, c'est Laetitia Halidé, je vais réagir aux archives de l'INA.
00:03 Bonjour Laetitia Halidé.
00:08 Bonjour.
00:09 Vous êtes mannequin, mais le public vous connaît surtout
00:11 pour avoir été pendant 23 ans l'âme soeur de Johnny Halidé.
00:15 Et nous vous recevons à l'occasion de l'exposition
00:17 Johnny Halidé qui arrive à Paris.
00:19 Nous allons replonger dans cette histoire, la vôtre, la sienne,
00:22 celle du couple que vous formiez.
00:25 Et tout de suite, nous commençons par un morceau
00:28 qui a longtemps été votre préféré.
00:31 Quand tes cheveux s'étalent
00:33 comme un soleil d'été
00:37 et que ton oreiller
00:40 ressemble au chant d'ombret
00:43 quand l'ombre et la lumière
00:47 dessinent sur ton corps
00:50 des montagnes, des forêts
00:53 et des urbaines
00:56 que je t'aime, que je t'aime
01:01 je ne connaissais pas cette version.
01:03 Non, elle est magnifique.
01:05 C'est difficile de choisir une chanson,
01:07 ma chanson préférée de Johnny, il y en a tellement.
01:10 Mais celle-là fait partie de mes chansons préférées
01:13 parce qu'il me l'a souvent chanté.
01:15 Alors, le soir de votre mariage, le 25 mars 1996,
01:20 Johnny vous a fait monter sur scène pour vous chanter une chanson.
01:23 L'hymne à l'amour d'Edith Piaf.
01:25 On va vous montrer l'image.
01:27 (Applaudissements)
01:29 (Musique)
01:49 Merci beaucoup.
01:51 Ce qui en nous peut s'effondrer
01:53 (Musique)
01:55 et la terre
01:57 (Musique)
01:59 s'écrouler
02:01 (Musique)
02:03 que ma porte
02:05 (Musique)
02:07 émeut
02:09 (Musique)
02:11 (Applaudissements)
02:17 C'est toujours très émouvant de revoir ces images.
02:20 C'est le jour de notre mariage.
02:22 On s'est mariés le matin.
02:24 Déjà, j'avais appris mon mariage une semaine avant la cérémonie.
02:30 Johnny voulait que ce soit une surprise.
02:32 Puis finalement, comme l'histoire de sa vie,
02:36 c'est très compliqué de garder un secret.
02:38 Et j'avais découvert que j'allais me marier dans la presse une semaine avant.
02:44 Et on s'est mariés à Neuilly le matin.
02:46 Et puis le soir, on a pris l'avion parce qu'il était en tournée.
02:49 Et dans l'après-midi, on est arrivés dans le sud de la France.
02:54 Et je crois que c'était à Cahors ou à Toulouse.
02:56 À Toulouse, tout à fait.
02:58 Et je ne m'attendais pas du tout à ce qu'il me demande de monter sur scène.
03:03 J'avais gardé mon bouquet de mariés que j'ai jetés ce soir-là aussi au public.
03:09 Et c'est la première fois que je montais sur scène.
03:12 Donc j'étais très émue.
03:15 Ça fait partie des plus beaux jours de ma vie.
03:19 Et puis il m'a chanté cette chanson.
03:21 Et j'aurais voulu que le temps s'arrête.
03:23 Et revoir ces images et les revivre, ça m'émeut toujours autant.
03:27 Ça m'émeut toujours autant.
03:29 C'est vrai que la légende Johnny a commencé bien avant votre naissance.
03:33 Nous sommes en 1961 dans l'émission 5 colonnes à la une.
03:37 Vous l'avez deviné, c'est du rock qu'il s'agit.
03:42 Du rock and roll, comme l'appellent encore ceux qui ne le dansent pas.
03:47 Pour ses fidèles, le dieu de cette religion nouvelle a un nom pour vous encore barbare.
03:52 Johnny Halibé. Le voilà.
03:55 Vous pouvez refuser de comprendre d'où vient son succès.
03:59 Mais vous ne pouvez nier qu'il possède en tout cas une propriété quasi-physique.
04:06 Quand il chante, les corps des spectateurs se tordent dans la salle comme sous le feu de mille soleils.
04:12 Ce qui est encore fou aujourd'hui, c'est que je continue d'apprendre de lui, de découvrir de lui.
04:23 De ce que j'ai partagé avec lui, mais de ce que je n'ai pas connu.
04:27 Comment il a emmené le rock and roll en France, comment il est devenu Johnny Halibé.
04:31 Il a eu d'énormes critiques à l'époque. On ne comprenait pas sa musique.
04:36 Personne ne connaissait le rock and roll en France.
04:39 Le voir avec sa guitare, avec son déhanché, avec cette attitude, cette rock and roll attitude qu'il avait déjà à l'époque.
04:46 Quand il a commencé, il voulait être Elvis, il voulait être James Dean.
04:50 Et il est devenu Johnny Halibé.
04:52 Ce qui m'a marquée, c'est cette volonté d'exister.
04:56 Il a vécu à 200 à l'heure, il a vécu 1000 vies, Johnny.
04:59 Johnny a toujours été assez fusionnel avec ses fans.
05:02 On va écouter une admiratrice parler de lui sur l'ORTF en 1968.
05:08 Je trouve que le fanatisme en France peut exister que pour Johnny Halibé.
05:13 En France, il n'y a que Johnny. Il a tout pour être une idole.
05:16 Je crois que Johnny, il vit plus sur scène que dans la vie.
05:24 On voit aussitôt qu'il rentre en scène, j'ai même remarqué, quand il n'avait pas chanté, le premier spectacle qu'il faisait après, vraiment, là, il était déchaîné.
05:37 On voit qu'il adore ça, vraiment.
05:40 Le petit chanteur qui fait son spectacle, il chante le nombre de chansons, tout le monde applaudit, il revient parce que c'est calculé.
05:48 Mais Johnny, si on l'applaudit, si ça marche, il restera le temps qu'il faut.
05:52 Moi, je l'ai vu déjà rester deux heures sur scène.
05:55 Il s'épuise complètement. Je trouve ça formidable.
05:59 Ce qui est touchant, c'est que j'ai rencontré cette fan.
06:02 Je l'ai très bien connue parce qu'elle est partie il y a quelques années.
06:07 Elle s'appelle Josette. C'est donc une fan de Johnny au départ.
06:11 Et elle le suivait partout. Elle était à tous les concerts, devant la scène.
06:15 Et puis, elle a réussi à approcher Johnny.
06:19 Moi, quand je suis arrivée en 1995, j'ai connu Josette.
06:22 Josette, au fil du temps, nous accompagnait en tournée et était dans les backstage.
06:28 Et c'est beau de la voir aujourd'hui, de la voir si jeune.
06:32 Elle nous manque aujourd'hui parce qu'elle connaissait plus la vie de Johnny, peut-être que lui-même.
06:38 C'était une archive vivante.
06:40 Et la mémoire de Johnny, elle m'a beaucoup aidée à retrouver des costumes qui sont dans l'exposition aujourd'hui.
06:47 Elle l'a suivi des années 60 jusqu'à la fin de sa vie.
06:52 Elle est partie après lui.
06:54 Et je crois qu'elle est partie d'un chagrin de vivre sans Johnny, sans son idole.
07:00 C'est beau ce qu'elle dit. C'est touchant.
07:02 C'est une vraie histoire d'amour entre lui et son public.
07:05 J'ai grandi avec les fans. Ils m'ont connue, j'avais 19 ans.
07:16 J'ai grandi avec eux. Au début, ils ont eu du mal à m'accepter.
07:19 Et puis, au fil du temps, j'ai trouvé ma place.
07:23 Et encore aujourd'hui, cette histoire d'amour continue avec les fans.
07:26 J'ai encore des liens très forts avec beaucoup, beaucoup d'entre eux.
07:31 Alors Laetitia Lydé, vous avez évoqué la différence d'âge.
07:35 Écoutez ce que les Français pensaient de cette question en 1973.
07:40 Est-ce que vous pensez, madame, que la différence d'âge dans un couple est une chose importante ?
07:45 Oui et non. Ça dépend. Ça dépend de la maturité de l'esprit de la personne.
07:48 Non, je ne pense pas qu'elle soit très importante.
07:51 À égalité, au plus jeune, au plus vieux, il n'y a pas d'importance.
07:55 Pour vivre à deux, au même âge, il faut énormément d'imagination.
07:59 Alors vous pensez avec une différence d'âge importante, pour une femme, par rapport à moi, c'est-à-dire plus âgée, je ne me sentirais pas capable.
08:07 Je préférais que l'homme que je fréquente soit plus âgé. C'est plus réconfortant.
08:11 Si on peut dire qu'on a plus confiance peut-être. Je ne vois pas l'utilité que l'homme soit plus vieux que la femme
08:17 parce qu'il a déjà suffisamment tendance à être paternaliste comme ça.
08:20 Ce n'est pas la peine de lui donner une possibilité de plus de jouer les bons papas.
08:23 Vous ne pourriez pas aimer quelqu'un de très jeune ?
08:25 Non.
08:26 Pourquoi ?
08:27 Parce que j'ai besoin de sécurité et j'ai l'impression que quelqu'un de plus jeune ne pourrait pas me donner cette sécurité.
08:34 Mais quelqu'un de trop âgé, enfin qui est 15 à 20 ans de plus, ça me gênerait aussi.
08:39 Ça c'était dans les années 70 ?
08:42 Oui, ça tout à fait, c'était en 73. Alors on voit que les avis divergent pas mal.
08:46 Vous, ça ne vous a pas fait peur ?
08:48 Non, moi ça ne m'a pas fait peur du tout. Ça a fait peur à mon entourage, à ma famille, mais moi non.
08:55 Non, parce que c'est la rencontre de deux âmes aussi.
09:00 Deux âmes qui se rencontrent et qui se sauvent et qui apprennent à s'aimer.
09:10 Oh là là, je n'avais pas revu ces images depuis très très longtemps.
09:16 C'est les images de votre mariage ?
09:18 Non, ça ne m'a pas fait peur, mais je crois que c'était...
09:23 Johnny était... J'ai toujours pensé qu'il était beaucoup plus jeune que moi dans la tête.
09:29 Moi j'étais une vieille âme.
09:31 Et c'est peut-être ça aussi qui l'a rassuré.
09:34 Mais non, je n'ai pas eu peur.
09:37 Mon papa vivait avec quelqu'un de plus jeune que lui aussi.
09:41 Et puis non, ça a été la chance de ma vie de vivre avec quelqu'un de plus âgé.
09:48 Parce que j'ai beaucoup appris, j'ai énormément appris de lui, de la vie, de ce qu'on s'est transmis tous les deux.
09:58 Nous allons maintenant parler de votre rôle de mère.
10:01 Vous avez adopté deux petites filles, Jade et Joy.
10:04 Écoutez Elisabeth Badinter parler de l'adoption et de l'instinct maternel.
10:10 Nous sommes sur le plateau d'Aujourd'hui Madame en 1980.
10:13 Cette partie de la définition de l'instinct traditionnel, à savoir une impulsion à aimer ce qui sort de soi, est aujourd'hui démentie.
10:24 Et je suis convaincue en ce qui me concerne qu'une femme ou un homme qui adopte un enfant l'aime infiniment.
10:31 Je dirais même que c'est là un cas presque typique de l'amour, et de l'amour volontaire choisi.
10:36 En ce sens qu'il faut décider un jour qu'on va chercher un enfant.
10:40 C'est vraiment un acte formidablement choisi.
10:43 Et je dirais à la limite que même la maîtrise de la fécondité actuelle n'implique pas ce même acte volontaire, ce vrai désir d'enfant.
10:50 Alors ce que je peux dire aussi c'est que quand vous parlez, vous, d'instinct, moi j'ai envie de parler de désir.
10:56 Comme le professeur Charvet dont le titre de son livre c'est "Désir d'enfant", et moi j'ai envie de parler de désir et pas du tout d'instinct.
11:02 C'est joliment dit, je connaissais pas cette interview.
11:07 Et ça met le père et la mère au même niveau quand on adopte.
11:13 Mais le désir il est là, et l'instinct c'est quand l'enfant est là, qu'on sent qu'on a un instinct maternel.
11:20 Mais le désir et la volonté d'être parent, dans l'adversité, puisque l'adoption c'est un long chemin, c'est pas comme une naissance biologique.
11:30 C'est un combat aussi, ces dix années de stérilité, d'un désir qui vous pousse à vous remettre en question, vous réinventer aussi à travers ce désir d'être parent.
11:47 Oh là là ces images, elles sont tellement touchantes, elles sont tellement bouversantes.
11:53 C'est la fin d'un long chemin jusqu'au Vietnam, mais c'est un désir et une volonté qui est réfléchie.
12:03 Moi j'ai pas pu donner un enfant biologique à mon mari, il en rêvait de cet enfant.
12:11 J'ai pas pu lui donner, parce que la vie a pas voulu que je devienne une maman, que j'ai pas pu porter d'enfant dans mon ventre.
12:22 Mais ce chemin jusqu'à Jade, c'est probablement la plus belle chose qui nous soit arrivée.
12:30 Je pense pas que j'aurais été la même mère, enfin j'aurais été une mère, j'aurais aimé mon enfant.
12:37 Mais là, c'est la chair de mon âme, c'est un désir tellement, qui vient de loin, c'est le plus beau cadeau que la vie nous ait donné.
12:52 L'arrivée de Jade a tout réinventé dans notre vie. Elle a réparé Johnny aussi à travers l'abandon.
12:58 Effectivement, Johnny a lui-même été abandonné par son père, il en a même fait une chanson que nous allons écouter sur l'émission "Cade et Roussel", c'était en 1971.
13:23 Il y en a qui naissent dans les puits du drapeau, où sont des hymnes militaires.
13:30 Et quand la troupe des villes se leur carreau, ils ont l'âme guerrière.
13:37 Et pas moi, non pas moi, je suis le fils de personne.
13:46 Oh yeah, oh yeah, oh yeah, oh yeah, oh yeah.
13:58 Vivre avec un chanteur abandonné, c'était pas facile au quotidien, mais en même temps, il avait tellement besoin d'être rassuré, d'être materné, Johnny.
14:09 Et c'est ce qui me plaisait aussi dans ma relation avec lui, c'est que j'ai toujours aimé le materné, j'ai toujours essayé de comprendre ce traumatisme de l'abandon qu'il a accompagné toute sa vie.
14:21 La peur d'être abandonné encore, ce besoin de solitude aussi, ce besoin de se détruire pour renaître et pour connaître la lumière, ce besoin de s'abimer pour se reconstruire.
14:36 Mais l'abandon a été toujours là, accompagné toute sa vie, jusqu'à l'arrivée de Jade, qui était elle aussi une enfant abandonnée.
14:45 Et il y a eu un avant et un après, et ça a été vraiment un moment important pour que Johnny puisse lui aussi pardonner à ses propres parents,
14:55 puisse lui aussi renaître à travers cette adoption, pardonner ce qui a été le traumatisme de toute sa vie.
15:04 Et rien n'a jamais plus été pareil, le pardon a été si essentiel à sa vie.
15:09 On va l'écouter évoquer cette période ou ces moments où il se faisait parfois du mal, dans 7 sur 7, en 1991.
15:18 On commence par un joint et puis on finit par autre chose. C'est comme les gens qui commencent au début à boire un verre d'alcool et qui finissent par la bouteille.
15:28 Vous, vous avez décidé complètement d'arrêter de boire.
15:31 Moi je buvais pas mal par rapport à mon métier, par rapport à tout ça, parce que c'est vrai, je fais un métier où on est très angoissé,
15:36 et c'est vrai qu'on a l'impression que de boire un verre ou de boire deux verres, ça rassure un petit peu, ça donne une espèce de confiance en soi.
15:45 Ce qui est faux, ce qui est faux, ce qui est complètement faux.
15:48 C'est une des raisons d'ailleurs pour laquelle j'ai complètement arrêté de boire. Et je me porte beaucoup mieux.
15:52 Vous préférez vous demander de temps en temps si vous avez confiance en vous, qu'avoir une fausse impression de confiance. Vous avez confiance en vous ?
15:58 Moi j'ai absolument pas confiance en moi. Je n'ai pas confiance en moi dans la vie, j'ai pas confiance en moi en tant qu'homme,
16:03 je n'ai pas confiance en moi par rapport à ce que les gens peuvent penser de moi.
16:07 Mais je me suis aperçu d'une chose, c'est que l'alcool, c'est éphémère, ça n'enlève pas les angoisses qu'on peut avoir soi-même.
16:17 Donc autant ne pas le faire.
16:19 Vous l'avez aidé à se sortir justement de ce côté destructeur ?
16:23 Oui, il m'a fallu beaucoup de temps avant d'y arriver. Parce que certainement qu'il en avait besoin aussi.
16:29 Mais je ne connaissais pas non plus cette interview qui est très touchante.
16:36 On sent qu'en fait il n'est pas en paix, parce que ce manque de confiance en lui, et en même temps c'est comme ça qu'il était, l'artiste qu'il était.
16:49 J'ai toujours essayé de ne jamais juger aussi ces moments où il avait besoin de se détruire,
16:55 ce moment où il était cabossé, ces moments où il avait besoin aussi de solitude.
17:00 Et en les comprenant, c'est comme ça qu'on arrive à aider quelqu'un à aller mieux.
17:06 Ne pas juger quand il se fait du mal ou quand il s'abîme, mais plutôt essayer de l'accompagner et d'avancer avec lui.
17:14 Je l'ai aidé comme j'ai pu.
17:16 C'est un homme en paix qui est parti, et ça c'est ma grande fierté.
17:19 Il m'a fallu des années, mais je l'ai accompagné pour qu'il apprenne enfin à s'aimer et à aimer les autres.
17:28 Parce que si on ne s'aime pas à soi-même, c'est très difficile de pouvoir aimer les autres, de pouvoir donner du temps aux autres.
17:35 Il a réussi à trouver la paix. L'adoption de G.A.D. Joy a été salutaire aussi dans ce chemin.
17:42 Quand on le voit sur scène, on a l'impression que c'est l'homme qui a le plus confiance en lui du monde.
17:46 Pas du tout. Déjà, il était tellement tracker.
17:50 Johnny, c'est l'être le plus tracker que j'ai jamais connu.
17:53 Monté sur scène, il n'y a pas une fois où il n'a pas eu peur.
17:59 C'est-à-dire que c'était des peurs où il était dans sa loge et il était pris de nausées, de vertiges, de transpirations.
18:09 Ça passait, mais les trois, quatre premières minutes, c'était très intense.
18:13 Et puis il retardait toujours le moment où il allait sur scène.
18:16 Ça, c'était aussi renouer un pacte avec ses démons.
18:20 Et ses démons, c'était l'alcool et la drogue.
18:24 Mais c'est aussi comme ça qu'il puisait son inspiration.
18:29 Mais on a réussi à combattre ses démons. Il m'a fallu beaucoup, beaucoup de temps.
18:35 Et dans les années 90, il a été une icône.
18:38 Et comme toutes les icônes qui ont été des icônes dans les années 90,
18:41 il a eu le droit à sa marionnette dans les guignols de l'info.
18:43 Allez, on regarde.
18:45 Qu'est-ce qui vous fait rigoler comme ça, Johnny ? C'est ce truc-là ?
18:51 Tiens-toi bien, pépélé. Tu vas rigoler aussi.
18:54 Ça ne te fait pas de fumer, au moins.
18:56 Que non. Que ça, c'est une boîte à coucou. A que coucou !
19:02 Johnny n'aimait pas du tout cette marionnette. Il en a beaucoup souffert.
19:06 Je crois qu'avec le temps, il a appris à vivre avec.
19:09 Mais ça le touchait beaucoup. Ça lui faisait beaucoup de peine.
19:12 Il n'avait pas beaucoup d'humour pour ça, mais il était très affecté.
19:17 Et puis Laura aussi, on a beaucoup souffert.
19:20 Parce que je sais qu'à l'école, elle avait des remarques dans la cour de récréation
19:24 qui faisaient beaucoup de mal à Johnny.
19:27 Ce qu'il n'aimait pas, c'était cette marionnette en particulier
19:29 ou c'était qu'on se moque de lui en général ?
19:31 Parce que le physique de la marionnette, le nez très très long, ça ne lui plaisait pas.
19:36 Et puis, il n'aimait pas qu'on le prenne pour un idiot.
19:40 Et là, il avait l'impression qu'on le prenait vraiment pour un con, comme il disait.
19:43 Vraiment, c'est le nez qui te dérange le plus. Je te propose un truc.
19:47 Il en souffrait beaucoup. Ça l'affectait beaucoup.
19:54 D'ailleurs, la chanson "Ma gueule", c'est un peu ça.
19:56 Oui, il répond aux critiques.
19:58 "Vois ma gueule, qu'est-ce qu'elle a ma gueule ?
20:03 Quelque chose qui ne va pas, qui ne te revient pas."
20:11 C'est une belle réponse. C'est pour ça qu'il répondait à sa manière.
20:16 Sur scène, c'est la plus belle réponse.
20:18 Mais il n'a jamais eu beaucoup d'humour avec les humoristes qu'il imitait.
20:23 Alors, ce n'est pas seulement Johnny qui a été moqué.
20:25 Ce sont parfois aussi ses enfants, vos enfants.
20:28 Comme de nombreux enfants de stars, en 1998,
20:31 Lou Doyon témoignait sur France 2 de cette difficile expérience.
20:35 Les gens ne se rendent pas compte à quel point ils sont méchants.
20:38 Et Tix allait, je crois, à 5, 6.
20:42 Enfin, je pétais la gueule aux enfants de mon école.
20:44 Ils leur sont manqués parce que c'est le seul moyen de se défendre.
20:48 Vous vous attaquez pour quoi ? C'était de la jalousie ou c'était quoi ?
20:51 "Toi, t'es la fille de Jane Birkin, tu ne joues pas avec nous."
20:55 Un jour, ça va. Deux jours, ça va.
20:56 Et après, toute sa scolarité, on commence à envie de verber.
20:59 C'est... Ouais, tu ne peux pas jouer avec eux.
21:02 Et en plus, avec mon nom, vu que je m'appelais Lou,
21:04 j'arrivais dans un cours et il y avait tous les élèves qui se cachaient derrière les arbres
21:07 en disant "Il ne faut pas qu'on approche, c'est un loup, elle va nous manger.
21:09 En plus, c'est la fille de Jane Birkin."
21:11 Et sa mère faisait des photos de nus avant, etc.
21:14 "Je te jure." Et tout ça.
21:15 Alors, les enfants, ils ne parlent pas quand tu le dis.
21:18 Ça, c'était en 98. Ça n'a pas trop changé.
21:21 J'ai toujours le même problème aujourd'hui.
21:24 Ça abîme.
21:25 Et moi, mon rôle de maman, c'est de protéger mes enfants,
21:29 d'en parler avec elles.
21:32 Oh, parce qu'elles sont jolies, mes filles.
21:35 Je parle beaucoup du harcèlement qu'elles vivent sur les réseaux sociaux.
21:40 C'est tous les jours.
21:41 Elles reçoivent des menaces de mort.
21:44 Le harcèlement, c'est au quotidien aussi.
21:47 Qu'on les jue sur la façon de s'habiller,
21:50 ou la façon de se tenir.
21:52 C'est dur parce que ce n'est pas les connaître.
21:55 Elles n'ont pas un papa qui était ordinaire.
21:58 Et nous, avec Johnny, on a essayé, déjà à travers leur adoption aussi,
22:02 de partager cette différence avec elles.
22:05 Parce qu'on savait qu'à un moment donné,
22:07 elles allaient être victimes.
22:11 Elles allaient recevoir des critiques et des mots
22:15 qui sont assez violents, qui sont assez cruels,
22:17 sur le fait que ce ne soient pas des enfants légitimes,
22:20 que ce ne soient pas du même sang.
22:22 Et on voulait vraiment les protéger,
22:25 et qu'elles soient armées avec des mots
22:27 pour que plus tard, elles soient en paix avec ça.
22:30 Alors, nous allons évoquer maintenant un sujet qui a fait polémique
22:34 et qui a pu ternir l'image de votre ancien mari.
22:37 Nous sommes sur France 2, en 2007.
22:40 Johnny exprimait le souhait de devenir belge.
22:42 Il évoquait des raisons sentimentales.
22:44 Son père est natif de Belgique.
22:46 Vous savez que la moitié de mon cœur a toujours été ici.
22:49 Un hommage à ses racines, ou peut-être une simple étape
22:53 sur la route d'un paradis fiscal, Monaco.
22:56 Pour échapper au fisc, Johnny réside déjà en Suisse, à Gstaad.
22:59 Il doit y vivre au moins 6 mois et un jour par an
23:02 pour payer 10 fois moins d'impôts qu'en France,
23:04 350 000 euros par an.
23:06 S'il devient belge, alors c'est le jackpot.
23:09 Il a deux ans de patience et il pourra gagner Monaco,
23:11 où le sort d'un belge n'a rien à voir avec celui d'un français.
23:14 Suisse, Belgique, puis Monaco.
23:16 Une probable grande évasion fiscale
23:18 diversement appréciée dans les couloirs de l'Assemblée.
23:21 C'est quand même pour une bonne part
23:23 les français qui ont contribué à sa fortune,
23:25 parce que c'est quelqu'un de fortuné.
23:27 Donc en quoi serait-il insupportable,
23:30 lorsqu'on est fortuné, d'apporter une petite contribution
23:33 à la solidarité nationale ?
23:35 On n'a pas déménagé si souvent.
23:37 Là, ça fait 17 ans qu'on vit aux États-Unis,
23:40 qu'on est résident et citoyen américain.
23:44 Déjà, les États-Unis ne sont pas un paradis fiscal.
23:49 On est imposé de la même manière qu'en France.
23:51 Puis la Belgique,
23:53 Johnny est à moitié belge par son père.
23:56 Puis l'histoire de Monaco,
23:58 je crois que c'était beaucoup d'affabulation,
24:00 parce qu'on n'a jamais eu l'intention de vivre à Monaco.
24:03 La vie de Johnny a toujours déchaîné les passions,
24:07 a toujours suscité beaucoup d'affabulation.
24:10 Et en même temps, ce n'était pas un être ordinaire,
24:13 ce n'était pas une vie ordinaire, donc c'était normal.
24:15 La Suisse, on y a vécu très peu de temps,
24:17 on y a passé trois ans.
24:19 Et puis on est parti aux États-Unis.
24:22 Mais l'histoire de Johnny avec le fisc français,
24:26 c'est l'histoire de toute sa vie.
24:29 Ça a commencé très très jeune,
24:32 ça continue encore aujourd'hui.
24:34 Alors autour de Johnny, il y avait des fans,
24:37 mais il y avait aussi des amis.
24:39 Écoutez-le parler de son entourage
24:41 dans l'émission 5 colonnes à la une en 1966.
24:44 Les copains, ça n'existe pas, je trouve.
24:46 Ce qui existe, c'est des amis.
24:48 Le mot copain, tout le monde est copain dans la rue.
24:51 Quand des gens viennent me voir dans la rue,
24:55 ils me disent "signez-moi un télégraphe".
24:57 Signez un télégraphe, on est des copains.
24:59 Des gens qu'on connaît pas.
25:01 Copain est devenu un mot qui veut plus rien dire.
25:03 Avant ça voulait dire quelque chose,
25:05 maintenant ça veut plus rien dire.
25:07 C'est devenu commercial.
25:09 Ce qui reste, c'est les amis.
25:11 Souvent c'est à cause des gens qu'on perd des amis.
25:14 À cause de gens, des raconteurs.
25:16 "Tiens, un là m'a dit ça, j'ai entendu dire que l'autre m'a dit ça."
25:19 Et puis on n'en finit plus.
25:21 Surtout dans ce métier, c'est un métier de rago.
25:24 C'est affreux.
25:26 Et alors, en général,
25:29 tout se gâche comme ça.
25:32 Aussi bien les copains que les amours.
25:35 C'est très difficile ce métier pour ça.
25:40 Oui, je suis d'accord.
25:42 Et c'était il y a longtemps qu'il disait ça,
25:44 et ça a pas trop changé.
25:46 Souvent il avait une intuition
25:49 qui était saisissante.
25:52 Moi parfois je lui disais "mais non, tu te trompes".
25:55 Il avait fini par avoir cet instinct dont il parle.
25:59 Au fil du temps,
26:01 il avait beaucoup plus de clairvoyance
26:04 dans la rencontre.
26:06 Évidemment qu'il y avait une cour autour de lui.
26:09 Mais il n'était pas dupant.
26:11 Il n'était pas dupant.
26:13 Et je crois qu'il a beaucoup appris, qu'il a beaucoup grandi des trahisons.
26:16 Mais c'était pas quelqu'un qui pardonnait.
26:19 Il était très rancunier.
26:23 Si on le trahissait, il avait beaucoup de mal à pardonner.
26:26 Et quand Jad est arrivé dans notre vie,
26:28 il a vraiment voulu revenir à l'essentiel.
26:31 Donc du coup il a complètement réinventé notre vie.
26:35 On est partis vivre aux Etats-Unis.
26:37 On a petit à petit construit cette vie de famille,
26:40 avec beaucoup moins de gens autour de nous.
26:42 Tout ce que me disait Johnny de quand il était encore là,
26:45 je l'ai compris quand il est parti.
26:48 Il avait raison.
26:50 Il avait protégé de certaines amitiés toxiques.
26:53 Je ne le voyais pas.
26:55 Et il est parti.
26:57 Et je me suis rendu compte de certaines amitiés
26:59 qui ne sont plus dans ma vie aujourd'hui,
27:01 que je pensais qui étaient des amis,
27:03 et qui nous ont vraiment lâché, les filles et moi.
27:05 Et il avait raison. Et j'aurais dû l'écouter.
27:07 Alors il y a la famille, mais il y a aussi l'amour.
27:10 En 2011, Johnny Hallyday expliquait à Claire Chazal
27:13 que vous lui aviez redonné le goût à la vie,
27:15 et donc la force de chanter.
27:17 J'étais dans une déprime totale.
27:19 Et j'avais plus de goût à rien.
27:22 J'avais plus de goût à la vie.
27:24 Vous savez, quand j'étais dans le coma,
27:27 on dit qu'on entend des voix, comme ça.
27:30 Moi, j'entendais la voix de Laetitia, ma femme.
27:35 Et très sincèrement, c'est sa voix
27:39 qui m'a donné le courage de revenir à la vie.
27:42 C'est elle qui m'a empêché de sombrer.
27:45 J'aurais pu sombrer.
27:47 Sortir du néant comme ça, c'est quelque chose...
27:51 C'était une expérience que je ne recommande à personne.
27:54 Notre vie a basculé en 2009,
27:57 après une opération compliquée.
28:01 Il a été plongé dans un coma pendant un mois.
28:04 Et ça a été un combat pour moi de le sauver,
28:08 de l'accompagner. Je savais qu'il m'entendait.
28:11 Je parlais beaucoup à Philippe Labreau, un ami à lui.
28:13 Il a écrit un livre qui s'appelle "La traversée".
28:15 Il a entendu et ressenti des choses pendant son coma.
28:18 Il me disait de continuer à lui parler,
28:20 de continuer à lui raconter des choses,
28:22 de continuer à lui parler des enfants,
28:24 de continuer à lui raconter tout ce qui se passe à l'extérieur
28:28 pendant qu'il est plongé dans ce coma.
28:31 Il t'entend, il ne cesse jamais de lui parler.
28:34 Je n'ai pas quitté sa chambre pendant un mois.
28:38 Il s'est réveillé de ce coma.
28:40 Il est tombé en dépression, il avait perdu sa voix.
28:43 Et ça a été un long, long chemin de dépression et de guerre
28:49 pour qu'il retrouve sa place dans la vie,
28:52 pour qu'il reprenne confiance en lui.
28:54 Ça nous a pris des mois avant qu'il puisse se sentir
29:00 reconnecté avec sa propre vie.
29:03 Lorsque Johnny Hallyday est mort, il a eu le droit des funérailles nationales.
29:07 Réécoutons un morceau du discours d'Emmanuel Macron en son hommage.
29:11 En décembre 2017.
29:13 Parce que Johnny était beaucoup plus qu'un chanteur.
29:16 C'était la vie.
29:18 La vie dans ce qu'elle a de souverain, d'éblouissant, de généreux.
29:23 Et c'était une part de nous-mêmes.
29:26 C'était une part de la France.
29:29 Que ce jeune Belge, décidant de prendre un nom de scène anglo-saxon,
29:35 soit allé chercher très loin
29:38 le blues de l'âme noire américaine, le rock'n'roll de Nashville,
29:43 pour le faire aimer aux quatre coins du pays,
29:46 était hautement improbable.
29:50 Et pourtant, c'est un destin français.
29:56 Ça dépasse l'entendement, son histoire.
29:59 Je savais que je vivais avec un être à part,
30:04 un être extraordinaire,
30:07 avec ses parts d'ombre,
30:09 ses parts de peur, d'angoisse, de traumatisme.
30:14 Mais je savais que je vivais,
30:16 que j'ai eu la chance de vivre avec un être comme lui.
30:20 Il n'y en a pas deux, artistes et hommes comme lui.
30:25 Johnny, lui tout seul, c'est l'histoire de France.
30:29 C'est une part de la vie des Français.
30:31 Une part de notre histoire.
30:33 Il a traversé tellement de générations.
30:36 Son enterrement, son histoire,
30:38 ce qui s'est passé pendant ses funérailles,
30:40 ça dépasse l'entendement.
30:42 C'est un cri d'amour extraordinaire.
30:44 C'est le moment pour moi d'arrêter de vous poser des questions
31:04 et de choisir qui va vous poser la prochaine.
31:06 Entre Denise Glazer, Anne Sinclair,
31:09 Jean-Louis Servan-Schreiber et Léon Zitrone.
31:12 Anne Sinclair.
31:13 Quand vous regardez tout ça,
31:15 qu'est-ce que vous vous dites ?
31:16 Que vous aviez du talent et que personne ne le savait ?
31:18 Quand je regarde ma vie,
31:22 je me dis "Waouh !"
31:25 J'ai eu la chance de vivre cette vie
31:28 et de continuer à transmettre ce que j'ai appris de Johnny.
31:32 Je me sens bénie d'avoir vécu cette vie-là.
31:36 Merci la vie.
31:38 Merci d'avoir vécu avec un être comme lui.
31:41 Merci Laëtitia Lydé.
31:42 Merci.
31:43 Merci.
31:45 Sous-titrage Société Radio-Canada
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