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Rembob'INA nous dévoile l'univers du peintre du noir grâce à un portrait exceptionnel et inédit. Filmé en pleine création dans son intimité, Pierre Soulages dévoile ses techniques, ses produits et ses outils. Tourné en 35 mn dans son atelier parisien et dans sa villa de Sète par son ami Jean-Michel Meurice, lui-même peintre et cinéaste, ce film rend justice au travail du maitre de l'outrenoir sur sa lumière.

Invités :
- Alfred Pacquement, Président du musée Soulages à Rodez
- Monique Younes, journaliste spécialiste dans l'Art.
- Richard Poirot, Ina

C'est une plongée dans l'histoire de notre pays au travers des trésors cachés de la télévision. Fictions, documentaires, magazines d'actualité, émission de divertissements, débats politiques...
Le dimanche, Patrick Cohen nous invite à jeter un coup d´oeil dans le rétroviseur de notre petite lucarne. En présence d´acteurs ou de témoins de l'époque, de spécialistes des archives de l´INA, Patrick Cohen revient sur les grandes heures de la télévision. Emblématiques ou polémiques, ces programmes ont marqué les esprits et l'histoire du petit écran.

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Transcription
00:00:00 Générique
00:00:02 ...
00:00:17 -Bonjour à tous, bienvenue à "Rambobina",
00:00:20 qui vous propose un document exceptionnel
00:00:22 par sa beauté et par sa rareté,
00:00:24 parce qu'il nous donne à voir l'acte créatif
00:00:26 d'un immense artiste, Pierre Soulages,
00:00:29 filmé en 1981 à Paris et à Sète par son ami Jean-Michel Meurisse,
00:00:34 lui-même peintre et cinéaste, avec une photo magnifique.
00:00:38 C'est un film 35 mm, rare, à la télévision,
00:00:41 qui rend justice au travail sur la lumière de Soulages,
00:00:45 avec nous, une journaliste longtemps à RTL,
00:00:47 aujourd'hui à TF1. Bonjour, Monique Younès.
00:00:49 Vous avez passé du temps auprès de Soulages,
00:00:52 de sa femme Colette, de leur grande maison de Sète,
00:00:55 qui surplombe la mer.
00:00:56 A vos côtés, un conservateur et historien d'art.
00:00:58 Bonjour, Alfred Paquemont,
00:01:00 ancien directeur du Musée national d'art moderne,
00:01:03 président de l'établissement public de coopération culturelle
00:01:06 du musée Soulages de Rhodes.
00:01:08 Est-ce que vous pourriez me dire l'une et l'autre
00:01:11 ce qui vous a le plus intéressé dans le document qu'on va voir,
00:01:14 ce qui vous a fait aimer ce film, l'acte créatif,
00:01:17 Soulages au travail, c'est passionnant,
00:01:20 où le discours de l'artiste est pris de poésie,
00:01:24 d'architecture, de peinture médiévale.
00:01:27 Monique. -Ce qui m'a fascinée,
00:01:29 c'est qu'il travaille quand même une matière
00:01:32 tellement salissante, et elle est toujours propre.
00:01:35 Comme si la matière ne l'envahissait pas,
00:01:38 comme s'il restait quand même distant
00:01:40 par rapport à cette matière, distante,
00:01:42 qui lui permet d'avoir ce regard sur sa peinture
00:01:45 et d'en parler comme un philosophe ou un chirurgien.
00:01:49 -Alfred Paquemont.
00:01:50 -C'est un film où on a une grande proximité
00:01:54 avec le peintre, avec son atelier.
00:01:56 C'est très rare de voir Soulages travailler.
00:01:59 Il disait même que sa femme ne le voyait pas travailler.
00:02:02 Elle venait après qu'il ait terminé.
00:02:04 -Colette ne voyait pas son mari peindre.
00:02:07 -C'est un cas rare de le voir.
00:02:09 Il travaille d'une façon très particulière dans ce film,
00:02:12 en tout cas au début, avec cette poudre.
00:02:15 C'est vraiment quelque chose...
00:02:17 Il s'aventure dans quelque chose d'un peu inédit.
00:02:20 -Quelque chose qu'il a inventé.
00:02:22 -Mais le film rend bien compte de son humanité,
00:02:25 de sa culture, de sa proximité avec beaucoup de domaines.
00:02:30 Enfin, on voit que c'est un grand humaniste.
00:02:33 -On va en parler longuement après.
00:02:35 Je vous propose de voir ce film sans tarder.
00:02:38 Voici "Pierre Soulages" par Jean-Michel Meurisse,
00:02:41 une production de la fameuse DPCR,
00:02:43 la création et recherche de l'INA.
00:02:46 Un document diffusé à 22h45 sur TF1.
00:02:49 -Eh oui, sur TF1, à l'époque, le jeudi 21 mai 1981.
00:02:54 ...
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00:05:14 [Bruits de pas]
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00:09:44 Il faut amener ça à son sort.
00:09:48 Et alors, on verra.
00:09:53 Je vais voir si ça m'intéresse ou pas.
00:09:55 Si ça ne m'intéresse pas, je le changerai, je le modifierai.
00:09:59 Pas forcément d'ailleurs en y touchant, mais peut-être en l'ajoutant à côté.
00:10:04 Et vraisemblablement, c'est ce qui va se produire.
00:10:08 Ces deux angles noirs, comme ça,
00:10:17 me donnent envie maintenant d'ajouter quelque chose.
00:10:21 Il faut attendre, parce qu'au fond, je ne vois rien encore.
00:10:24 Il faut qu'il y ait un travail de...
00:10:27 Enfin, il faut que la poudre que j'ai répandue sur la couleur
00:10:31 s'accroche à la couleur.
00:10:35 Mais dès maintenant, je trouve que ces deux sortes de noirs
00:10:40 qui se sont produits à côté me donnent envie
00:10:44 d'ajouter ici autre chose.
00:10:49 Peut-être de laisser jouer ça uniquement comme couleur,
00:10:52 à côté d'un... On peut faire un diptyque
00:10:55 avec la partie droite en couleur et la partie gauche,
00:10:58 qui me paraît même maintenant devoir être en noir,
00:11:02 étant donné ce qui s'est produit là.
00:11:05 Mais enfin, on va voir.
00:11:07 A la vérité, de cette manière-là, je n'ai jamais fait de tableau comme ça.
00:11:11 C'est parce que depuis quelque temps, j'ai envie d'avoir
00:11:16 une couleur particulière à la poudre
00:11:19 et que non pas les couleurs qui sont mélangées en liant,
00:11:23 que je fais ça.
00:11:27 On va voir ce que ça donne.
00:11:35 Mais au point où ça a né, c'est beaucoup plus près
00:11:45 qu'on mélange sur une palette
00:11:47 et qui servira peut-être à faire un tableau,
00:11:50 comme peut-être qu'il ne servira à rien.
00:11:53 J'ai assez vexé du coup.
00:12:14 Voilà.
00:12:42 Alors il y a des variations de temps qui arrivent,
00:12:44 qui proviennent de la manière dont la couleur noire qui est dessous
00:12:48 a pu coller la poudre que j'ai mise dessus.
00:12:54 Qu'est-ce qu'il a été que j'ai mis dessus ?
00:13:00 Je pense qu'il faudra que je mette du loup dessus
00:13:03 pour chasser l'excès de poudre.
00:13:29 Il y a des choses étranges qui se sont produites.
00:13:32 Voilà, je crois que tout ce qui ne tenait pas a dû s'en aller.
00:13:52 On va laisser sécher.
00:13:58 On fait pas n'importe quoi avec n'importe quel outil.
00:14:01 Je me suis rendu compte très vite
00:14:07 qu'il fallait être très attentif à l'outil.
00:14:11 A mes débuts, quand je suis arrivé à Paris,
00:14:14 j'ai voulu acheter des pinceaux qui soient de beaux pinceaux.
00:14:19 Je suis allé chez un marchand de couleurs
00:14:22 et tous les pinceaux qu'on trouvait,
00:14:26 je crois que je n'en ai même pas ici,
00:14:28 c'était des petits pinceaux pour la peinture à l'huile,
00:14:31 d'une certaine époque, carrés comme ça,
00:14:34 c'était très bien étudié pour faire de la peinture pointilliste,
00:14:38 comme ce ras au signac.
00:14:41 Ou comme les cubistes, d'ailleurs, les premiers cubistes en ont fait,
00:14:45 puisqu'ils ont utilisé des pinceaux analogues.
00:14:48 Et moi, ça ne me convenait pas.
00:14:51 Je me suis bien aperçu que chaque pinceau, au fond,
00:14:55 pouvait conduire un certain nombre de formes.
00:14:57 Et quand on choisissait déjà l'outil,
00:15:00 on commençait à s'engager dans des voies
00:15:03 qui n'étaient pas forcément celles où on voulait aller.
00:15:06 Je vais mettre un peu de cicatif pour retrait.
00:15:17 C'est un cicatif au plomb.
00:15:20 Ça permet à la couleur de sécher dans la masse.
00:15:25 C'est un cicatif qui était employé tout à fait au début de la peinture à l'huile,
00:15:29 d'une manière très bizarre, assez involontaire, au fond.
00:15:33 Les alchimistes essayaient de communiquer à l'huile
00:15:36 les qualités de transparence du verre.
00:15:39 Pour ça, ils pilaient du verre,
00:15:42 et puis ils mettaient l'huile de là,
00:15:45 en compagnie de la poudre de verre,
00:15:48 avec la poudre de verre dans des récipients,
00:15:52 pour que les qualités du verre se communiqueraient à l'huile.
00:15:54 Ça a l'air risible, mais en réalité c'est très bien.
00:16:00 Ça se produisait,
00:16:03 parce que tous les verres de cette époque étaient au plomb.
00:16:07 Et au fond, ils introduisaient, sans le savoir,
00:16:10 du plomb qui favorise la prise de l'huile,
00:16:15 la polymérisation de l'huile.
00:16:19 L'huile prend effectivement des qualités de transparence
00:16:22 et de dureté qu'il y a dans le verre.
00:16:26 Moi, je ne me sers pas de ces qualités-là dans les dernières toiles.
00:16:29 Autrefois, j'ai employé la peinture à l'huile
00:16:32 pour ces qualités de transparence opposées à l'opacité,
00:16:36 ce qui est possible avec ce matériau.
00:16:39 Mais les derniers tableaux de ma dernière exposition
00:16:43 sont peints avec une couleur opaque.
00:16:48 Le mélange des reflets avec la couleur
00:16:51 crée une série de valeurs différentes.
00:16:56 Quand je travaille, je tiens compte de ces possibilités
00:17:02 de mélange optique au fond,
00:17:05 de mélange de couleurs,
00:17:08 de mélange de couleurs,
00:17:11 de mélange de couleurs,
00:17:15 de mélange optique au fond
00:17:17 entre les traces du pinceau,
00:17:20 c'est-à-dire les fins traits de lumière qui sont des reflets,
00:17:24 et les parties qui ne sont pas des reflets, c'est-à-dire la couleur.
00:17:28 Suivant la densité de ces reflets,
00:17:31 j'obtiens des gris, des gris très clairs,
00:17:35 ou des gris plus foncés,
00:17:38 ou même des noirs quand il n'y a aucun reflet.
00:17:41 Le mélange des couleurs et du pinceau
00:17:44 crée une série de valeurs différentes.
00:17:49 Ce qui est drôle, c'est que tu parles toujours de lumière,
00:17:52 ce n'est pas de couleur, c'est dans le fond.
00:17:55 La couleur pour moi, c'est toujours une lumière.
00:17:58 Je parle de lumière, je devrais parler aussi d'espace,
00:18:01 tout ça, ça arrive en même temps.
00:18:04 Mais ce qui m'intéresse, c'est la peinture.
00:18:08 Et la peinture, c'est une lumière qui vient de la toile.
00:18:12 C'est-à-dire une relation entre ce qu'est réellement la peinture
00:18:17 et ce qu'est réellement l'objet,
00:18:19 et la lumière qu'il a l'air de renvoyer.
00:18:23 C'est toujours ça qui m'intéresse.
00:18:25 C'est ce que j'appelle une lumière picturale.
00:18:28 L'HOMME QUI N'A PAS DE LUMIÈRE
00:18:35 L'HOMME QUI N'A PAS DE LUMIÈRE
00:18:49 C'est quoi, là, cette petite liane ?
00:19:00 Je ne sais pas son nom.
00:19:04 Mais elle est venue là, et elle est bienvenue.
00:19:07 Elle sépare, elle a une vibration de feuille très fine
00:19:12 qui sépare deux vibrations différentes,
00:19:15 comme celle du lierre, là, et des...
00:19:18 - Millepertuis. - Des millepertuis, c'est ça.
00:19:22 L'HOMME QUI N'A PAS DE LUMIÈRE
00:19:28 Souvent, on me dit,
00:19:42 "Vous aimez la qualité de la lumière méditerranéenne."
00:19:46 En réalité, ce n'est pas ça que j'aime.
00:19:50 Ce que j'aime, ici, c'est la quantité. Il fait clair.
00:19:53 Et quand il fait clair, je me sens tonifié et envie de peindre.
00:19:58 Alors que lorsque le ciel est bas
00:20:02 et pèse comme un couvercle, comme dit Baudelaire,
00:20:08 je ne sais pas toujours ce qui est le mieux pour me donner envie de peindre.
00:20:13 Je n'ai pas envie de peindre.
00:20:16 L'HOMME QUI N'A PAS DE LUMIÈRE
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00:23:04 L'HOMME QUI N'A PAS DE LUMIÈRE
00:23:09 L'HOMME QUI N'A PAS DE LUMIÈRE
00:23:14 Après m'être dit à moi-même que le squelette de l'architecture est une muraille absolument nue et dépouillée,
00:23:26 il m'a semblé que pour rendre le tableau de l'architecture ensevelie,
00:23:30 c'est toujours le langage de son époque, qu'il faut un peu rétablir,
00:23:37 je devais faire en sorte qu'en même temps que ma production satisferait dans son ensemble,
00:23:42 le spectateur présuma que la terre lui en dérobe une partie.
00:23:48 Et ça je trouve ça très intéressant,
00:23:51 cette part que l'on fait en ouvrant l'imagination du spectateur à ce qu'il ne voit pas, à travers ce qu'il voit.
00:24:02 Et ça, ça me paraît très important, très actuel,
00:24:07 et très propre à notre travail de peintre abstrait, dit abstrait toujours,
00:24:12 je répète ça parce que ce mot m'agace, mais enfin.
00:24:16 D'ailleurs les textes de Boullée, avant qu'ils ne soient publiés dans Miroir de l'Art, en France, par Pierre Berès,
00:24:32 je les avais eus dans une thèse qui avait été soutenue à Cambridge, je crois, sur Boullée,
00:24:44 et où ces textes étaient publiés en français. C'est comme ça que je les ai connus.
00:24:49 [Musique]
00:25:08 Récemment j'étais à Mater, en Italie, et je trouve ça magnifique au fond.
00:25:15 Et d'ailleurs, ça a un côté termitier, avec des parties qui sont des grottes aménagées,
00:25:20 d'autres parties qui sont construites, et on ne sait plus ce qui est construit, ce qui est grotte aménagée,
00:25:24 ce qui est... Je trouve ça magnifique, tellement intéressant.
00:25:29 Une richesse d'espaces imprévus, et de possibilités de circulation aussi.
00:25:38 Oui, ça dépasse toujours ce qu'on imagine, ces choses-là. Et je crois que c'est ce que j'aime dans ces choses.
00:25:45 [Musique]
00:25:52 C'est ce que j'aime dans des architectures comme celle du Moyen-Âge, au fond, comme le Château des Papes d'Avignon,
00:25:57 comme la plupart des églises, où on ne se souciait pas de ce qu'avait fait la génération précédente.
00:26:01 On partait dans un style, et puis on continuait dans un autre, et puis tout ça, ça a germé, ça se développait
00:26:08 dans des directions qui n'étaient pas forcément celles du projet initial.
00:26:13 L'architecture, finalement, et ce n'est pas forcément la meilleure, c'est toujours quelque chose qui part d'un projet.
00:26:21 Et construire, c'est obéir à ce projet. Alors, ça permet de faire des projets.
00:26:28 Alors qu'une peinture, ben une peinture, c'est le contraire.
00:26:33 Quand on a un projet, si vraiment c'est la réalité de ce que l'on fait qui informe le peintre sur ce qu'il veut faire,
00:26:43 on peut dire que peindre, c'est échapper sans cesse à un projet.
00:26:50 Alors que construire, c'est obéir à un projet. Et ce n'est pas forcément ce qu'il y a de mieux.
00:26:57 Pour l'idéal, ce serait de changer de projet en construisant.
00:27:05 Saint John Perse, il est venu ici, je crois.
00:27:23 Non, non, pas à Sète. Mais lorsque je suis arrivé ici, sur ce terrain, j'ai pensé tout de suite à un passage de Saint John Perse.
00:27:37 D'abord parce qu'à l'arrivée, il y avait des cinéraires, et je pensais à un lieu de cinéraires et de gravats dont il est question dans un poème de Saint John Perse.
00:27:50 Et puis, il y a un passage où il dit "Et de plus haut encore, et de plus loin, la mer toujours plus haute et plus lointaine."
00:28:02 Et où il parle aussi de la tendre page lumineuse contre la nuit sans teint des choses.
00:28:15 Quand tu vois le film, tu aimerais qu'on parle de poésie ? C'est une des choses qui... non ?
00:28:20 Ah, sûrement ! Comme tout ce que j'aime ! Comme l'architecture, comme la musique, comme la poésie, certainement.
00:28:29 Y compris d'ailleurs certains poèmes qui ne sont pas forcément...
00:28:36 En particulier un poème que j'aime beaucoup, non pas comme un poème, mais comme profession de foi esthétique, qui est un poème de Guillaume IX, duc d'Aquitaine, un des premiers troubadours.
00:28:50 Quelqu'un qui a vécu vers 1070, à la fin du XIe siècle.
00:28:58 Et où il dit des choses qui me paraissent très très actuelles. En particulier sur ce qu'est le poème.
00:29:08 Et qui sont très proches, au fond, de la manière que j'ai de comprendre la peinture.
00:29:14 Où il commence en disant qu'il va faire un poème sur le pur néant.
00:29:22 Et puis, enfin, il y a tout le poème qui se développe. Et tout à fait à la fin, il dit "voilà, j'ai fait ce poème et je ne sais pas sur quoi je l'ai fait.
00:29:33 Mais je le transmettrai à quelqu'un qui le transmettra par quelqu'un d'autre là-bas, vers l'Anjou, pour qu'il me renvoie de son étui la contreclé."
00:29:44 Et ça c'est très intéressant, c'est un poème dont les interprétations sont toujours possibles par le spectateur.
00:29:53 Ce n'est pas un poème à clé, contrairement à ce que l'on a fait plus tard, avec des lectures à plusieurs niveaux, mais qui étaient des secrets pour celui qui...
00:30:03 C'est-à-dire des choses connues de celui qui a écrit.
00:30:06 Là, ce qui me plaît dans cette manière de comprendre la poésie, c'est que ce qui peut y être caché, ce ne sont pas des secrets.
00:30:17 Ce n'est pas un secret qu'il connaît. C'est le mystère. Et ça c'est propre à toute œuvre d'art, je crois. En tout cas, tel que je l'ai compris.
00:30:27 Quand tu l'as fait "Saint-Jean de Perse", il ne t'a pas parlé d'une manière à clé un peu ?
00:30:35 Je n'ai pas très bien compris ce qu'il a... C'est la première fois que je lui ai montré des toiles, c'était à Paris, dans mon atelier de la rue Galande.
00:30:43 Et puis, je n'ai pas très bien rendu compte tout de suite de ce qu'il en pensait ou de ce qu'il en ressentait.
00:30:52 Et puis, il s'est mis à me raconter une histoire où il était arrivé en terre de feu, dans un petit avion, et il me dit "Quand je suis arrivé là, il n'y avait rien."
00:31:04 Nous avons atterri et il n'y avait rien. De cailloux. Rien.
00:31:09 Et puis, dès que nous avons ouvert la porte et que je suis sorti, j'ai été pris par des vents qui m'ont poussé d'un côté et de l'autre, des vents qui tronyaient, qui me bousculaient, qui...
00:31:22 Et je n'ai tout de suite pas saisi ce qu'il voulait dire.
00:31:27 Et puis, je lui ai montré d'autres toiles. Et à ce moment-là, je me suis rendu compte que ce qu'il m'avait raconté, qu'il lui était arrivé en terre de feu, c'était quelque chose qui lui était arrivé aussi,
00:31:41 d'une manière un peu analogue, avec les toiles que je lui ai montrées.
00:31:46 Il n'y avait rien dans ces toiles, rien qu'il puisse reconnaître comme figuration, comme objet identifiable.
00:31:56 Mais il n'était pas moins pris par les vents. Et c'est, je crois, ce qu'il avait voulu me dire.
00:32:03 Et sur le coup, je ne m'en suis pas rendu compte. Je ne le connaissais plus.
00:32:09 C'était la première fois que je le voyais, d'ailleurs.
00:32:13 [Musique]
00:32:22 [Bruits de pas]
00:32:26 [Bruits de pas]
00:32:55 [Musique]
00:33:06 J'ai été d'abord davantage touché par les peintures de Saint-Savaing, par les peintures de Wick.
00:33:13 Et je me sens plus proche de cette période-là, oui, que des raffinements du 18e siècle.
00:33:22 [Musique]
00:33:27 D'ailleurs, la première fois que j'ai vu ces apocalypses, j'ai été très frappé de la parenté qu'il y avait entre ces choses-là
00:33:35 et les choses que je connaissais de Picasso, comme Guernica, par exemple.
00:33:39 Les personnages que l'on voit dans Guernica m'ont tout de suite rappelé ce que l'on retrouve dans l'apocalypse de Saint-Savaing, par exemple.
00:33:48 Et d'ailleurs, ce n'est pas un hasard, je crois, si notre époque, autant celle de Guernica que celle de maintenant,
00:34:02 se sent plus proche ou rencontre les arts de ces époques-là,
00:34:09 plutôt que ceux des époques comme celles dont nous parlions tout à l'heure.
00:34:17 Mais de toute façon, dans toute l'aventure de l'art moderne, telle que nous la vivons,
00:34:38 nous cherchons toujours le moment d'origine. Et ce moment d'origine ne peut que nous reporter à nos origines,
00:34:49 c'est-à-dire à des arts qui ne sont pas ceux de ces époques heureuses et sans inquiétude, où tout était équilibre, ordre et calme.
00:35:03 C'est là, Pierre.
00:35:17 C'est ça le pigeonnier ?
00:35:32 Impressionnant, hein ?
00:35:37 Toutes ces miches carrées. Et finalement, c'est là où on se rend compte que ce qui compte autant que la forme,
00:35:47 et beaucoup plus que la forme, c'est la répétition.
00:35:52 Fabuleuse, hein, cette quantité de voûte.
00:36:18 Et quand on défile devant, la manière dont tout ça se découvre, se recouvre, dont l'ombre apparaît et disparaît.
00:36:32 Tu crois que c'est une bergerie de camp, ça ?
00:36:34 Je ne sais pas. Très ancienne, sûrement.
00:37:00 C'est pas ça, l'ancienne, les nuages, les couleurs.
00:37:10 Les mouvements des nuages, les uns par rapport aux autres.
00:37:13 Là, il y en a qui vont du sud au nord, et d'autres qui vont de l'est à l'ouest.
00:37:19 On dirait des courants différents, comme ça, qui occupent ce ciel.
00:37:38 Et puis ce sont des vents qui viennent de loin.
00:37:44 C'est ce qu'on imagine.
00:37:49 Une phrase que tu as eue dans une lettre un jour, qui était "Avec l'hiver, les grands froids ou les grands vents sont venus."
00:37:59 Ah oui, c'était ma mère qui m'avait écrit ça.
00:38:09 C'est une lettre très brève, très laconique, dans laquelle elle me disait "L'hiver est venu après de grandes pluies.
00:38:20 Non même pas l'hiver, le froid est venu après de grandes pluies."
00:38:25 C'était tout. "Je t'embrasse."
00:38:28 Ça voulait dire qu'elle était seule.
00:38:35 Qu'elle s'était beaucoup ennuyée et qu'elle avait envie de m'avoir.
00:38:39 C'est un peu comme ça que je correspondais avec elle.
00:39:04 J'essaie de me rappeler ce que je retrouve dans mon enfance.
00:39:11 Peut-être c'est d'abord des sons, peut-être des odeurs aussi.
00:39:16 Et puis des paysages, des choses qui m'ont beaucoup impressionné, qui m'ont beaucoup plu.
00:39:31 Mais effectivement, je crois que dans mes souvenirs, les sons ont une grande importance.
00:39:39 Et j'imagine, je crois en tout cas, que ce n'est pas à eux-mêmes pour leur qualité de son.
00:39:45 Encore que j'aime toujours, j'ai toujours aimé la voix de bronze des cloches.
00:39:57 Mais c'est plutôt la manière dont les sons, en parcourant un espace, permettent de l'imaginer.
00:40:07 Et ça, ça m'a toujours beaucoup touché.
00:40:11 Que ce soit le marteau sur l'enclume, la forge...
00:40:16 De ton père ?
00:40:18 Oui, que ce soit le bourdon dans les nuits de gel dans la ville.
00:40:27 Le bourdon, c'est surtout à Noël.
00:40:30 Et tous ces bruits, même celui du train qui traverse la plaine comme ça,
00:40:40 et qui résonne comme ça en faisant vivre un espace aussi vaste qu'un horizon,
00:40:46 tout ça ce sont des bruits qui me reviennent en mémoire facilement.
00:40:55 Plus peut-être que certains paysages précis.
00:40:58 Je recherche le passage, je ne le trouve pas.
00:41:16 Il y a autre chose qui m'a frappé à plusieurs reprises dans le fond.
00:41:22 Tu ne parles pas vraiment de couleur.
00:41:25 Quand tu parles de couleur, c'est vraiment presque la matière, la quantité.
00:41:30 Tu parles de lumière et d'espace, d'une part.
00:41:35 D'autre part, les outils que tu emploies sont des outils qui enlèvent ou qui ajoutent.
00:41:39 Des pinceaux ou des racloirs.
00:41:42 Tout ça c'est un peu une manière de plus de sculpteur que de peintre.
00:41:48 C'est un peu ambigu parce que quand tu dis des racloirs,
00:41:54 effectivement c'est quelque chose qui enlève.
00:41:58 Mais les outils que j'emploie ce sont des racloirs très particuliers
00:42:01 parce que ce sont des sortes de lames de cuir ou de bois ou de métal
00:42:08 qui me permettent dans le même moment de déposer de la couleur et d'en enlever.
00:42:14 Ils me servent aussi bien à déposer qu'à retirer.
00:42:17 Comme sur la toile par exemple qui est là.
00:42:19 Comme sur la toile qui est là, oui.
00:42:21 Et ça c'est fait avec des outils de cuir.
00:42:24 Des lames de cuir qui étaient chargées de couleur
00:42:29 et qui déposant de la couleur au début,
00:42:32 pouvaient avec une pression différente, une inclinaison différente de l'outil,
00:42:37 découvrir la couleur qui était par dessous.
00:42:42 Oui, alors ça ce sont des outils que j'ai fabriqués
00:42:45 avec des lames de cuir, des morceaux de semelle au fond.
00:42:50 J'ai monté.
00:42:53 Ça me permet tout à la fois de déposer de la couleur ou d'en retirer.
00:42:58 D'ailleurs si je mets de la couleur là, dans ce geste là je la dépose.
00:43:03 Puis quand je redresse l'outil et que je racle en pressant plus fortement,
00:43:07 je découvre le bleu qui était sous le noir.
00:43:10 Et puis si je presse encore davantage, je découvre le blanc qui était sous le bleu.
00:43:15 Mais toutes ces valeurs là se produisent naturellement.
00:43:22 C'est à dire que le bleu, le noir, le bleu plus clair et le blanc sont liés,
00:43:30 physiquement liés.
00:43:32 Alors qu'avec une technique différente, qui correspond à une autre époque de la peinture,
00:43:37 on aurait pu obtenir un effet semblable, mais par superposition de petites touches.
00:43:43 Au fond, on aurait analysé la forme avant.
00:43:46 Alors que là, tout arrive organiquement lié.
00:43:50 Il y a une chose d'ailleurs que j'ai apprise en lisant un des interviews,
00:44:00 qu'il fallait une eau pas trop calcaire pour la peinture Song.
00:44:03 Oui, pour toute la peinture chinoise.
00:44:07 Parce que si on broie l'encre avec une eau calcaire,
00:44:15 il y a toujours une auréole qui s'établit autour de la tâche, dans le papier,
00:44:22 une auréole calcaire.
00:44:24 Parce que l'encre chinoise, quand on travaille sur du papier de Chine,
00:44:29 a une manière de diffuser dans le papier très particulière.
00:44:32 Quand nous, nous travaillons sur du papier, avec de l'encre,
00:44:36 l'encre se dépose à la surface du papier, pénètre relativement peu dans le papier.
00:44:41 Alors que le papier de Chine est un papier absorbant.
00:44:44 L'eau le traverse, et il agit comme filtre, pratiquement.
00:44:49 C'est-à-dire que les fibres du papier retiennent les pigments qui constituent la couleur de l'encre,
00:44:57 et l'eau s'en va.
00:45:00 Elle s'en va dans le feutre qui est dessous, sous forme de vapeur déjà,
00:45:06 ou sous forme de...
00:45:08 Enfin, elle ne coule pas dans le feutre, mais elle est absorbée par le feutre.
00:45:14 Et autour aussi de la tâche, il y a une partie qui diffuse dans le papier.
00:45:21 Dans cette partie, l'encre ne diffuse pas, le pigment de l'encre ne diffuse pas,
00:45:27 mais l'eau de l'encre diffuse.
00:45:29 Et en diffusant, elle entraîne du calcaire, et le calcaire jaunit.
00:45:33 Alors, quand on travaille avec une eau calcaire, qui n'est pas...
00:45:36 Enfin, l'idéal, c'est de travailler avec de l'eau de pluie.
00:45:39 Mais quand on travaille avec une eau calcaire, comme celle qu'on a le plus souvent en robinet,
00:45:43 au bout de quelques temps, on a des auréoles jaunes qui viennent du calcaire.
00:45:52 Voilà l'histoire.
00:45:54 Mais tout ça, c'est plein de subtilités qu'on n'imagine pas.
00:45:58 Quand on parle d'aventure chinoise, on imagine que c'est subtil,
00:46:01 parce que les Chinois passent pour très subtils,
00:46:05 mais nous avons, dans le travail de la gravure notamment,
00:46:08 des subtilités qui sont au moins aussi grandes.
00:46:12 Quand on est en train d'imprimer une gravure,
00:46:14 si le papier n'est pas mouillé convenablement, ça n'imprime pas bien.
00:46:21 Si le papier même n'est pas rendu, comme disent les graveurs, amoureux de l'encre,
00:46:29 ça n'imprime pas bien.
00:46:31 Et pour le rendre amoureux de l'encre, on le brosse, une fois humide,
00:46:35 avant de le passer sous la presse, sur le cuivre.
00:46:38 Tout ça, c'est fait de...
00:46:41 Quand on est attentif à ces choses-là, à ces métiers-là,
00:46:45 on s'aperçoit la quantité de subtilités qu'il y a,
00:46:50 mais que les hommes qui pratiquent ces métiers connaissent,
00:46:53 car ce sont des artisans.
00:46:55 Alors que les trois quarts du temps, nous rencontrons des phénomènes physiques
00:47:00 extrêmement complexes dans la peinture,
00:47:03 dont nous ne prenons pas toujours conscience.
00:47:05 Mais si nous sommes sensibles et attentifs à ce que nous ne connaissons pas,
00:47:10 en regardant, on s'aperçoit qu'il se passe des choses importantes,
00:47:14 qu'on n'a pas besoin d'expliquer physiquement,
00:47:17 comme je viens de le faire pour l'encre de Chine,
00:47:20 mais que l'on voit sans qu'il soit besoin d'analyser.
00:47:26 Je voudrais voir les cuivres, ou les verres, je ne sais pas ce que tu as...
00:47:30 Là, dans ce coin d'atelier, j'ai un certain nombre de choses
00:47:35 qui datent de moments de travail anciens.
00:47:41 Les plus anciens que j'ai, ce sont ces verres
00:47:46 que j'avais commencé à faire il y a très longtemps,
00:47:50 que j'ai ramenés ici parce que ce sont des choses fragiles.
00:47:54 Ce sont des traces de...
00:47:57 J'ai fait ça au goudron, sur des morceaux de verre plus ou moins cassés.
00:48:01 - Quand ça ? Quelle année ?
00:48:03 - C'était après mon premier séjour à Paris,
00:48:06 ça devait être entre 1947 et 1948.
00:48:12 Je ne me souviens plus exactement.
00:48:16 C'est à la même époque que mes premières peintures sur papier.
00:48:19 Au brou de noix, sur fond blanc, les premières choses abstraites datent de 1946-1947.
00:48:26 Montre-le bien.
00:48:33 L'idée m'en était venue après ce que j'avais vu dans la verrière de la gare de Lyon.
00:48:40 Mais dans la verrière de la gare de Lyon, c'était quelque chose de plus complexe que ça, finalement.
00:48:48 Parce que les traits du pinceau de l'ouvrier qui avait réparé cette verrière cassée,
00:48:55 et qui avait été réparée avec du goudron,
00:48:57 ces traits de pinceau s'organisaient non pas pour leur qualité de forme,
00:49:03 ça on se rendait bien compte que pour lui ça n'avait pas compté,
00:49:06 mais il y avait quand même une cohérence qui s'établissait entre ces traits,
00:49:11 et qui était due, je crois, à la cohérence de la cassure.
00:49:16 Parce qu'un verre ne casse pas n'importe comment, surtout quand il est tenu par un châssis.
00:49:20 Alors il y a une relation qui s'établit entre la cassure, la flexibilité du verre,
00:49:26 la manière dont il est tenu, c'est pas n'importe quoi.
00:49:30 Et la cohérence de ces coups de pinceau ne venait pas du coup de pinceau eux-mêmes,
00:49:37 mais leur organisation était celle de la cassure du verre.
00:49:41 Et ça je trouvais très intéressant, ce mariage de deux choses,
00:49:46 enfin cette combinaison de deux logiques différentes.
00:49:52 [Bruits de pas]
00:50:20 - T'as jamais fait de tableau ? - Non.
00:50:23 Non.
00:50:31 Je ne sais pas pourquoi d'ailleurs.
00:50:36 Ou du moins, pour moi en tout cas, il y a toujours la verticale,
00:50:43 ou l'horizontale, qui sont des choses importantes.
00:50:47 La seule chose que tu as choisie, je trouve, dans ce livre,
00:50:51 il y a une seule image extérieure, qu'il ne soit pas de ta peinture,
00:50:56 c'est cette pierre de...
00:51:01 Ah oui, cette pierre du musée Fenahy qu'on a mise dans ce livre-là.
00:51:06 Oui, parce que j'en ai parlé, et c'est une chose qui m'avait impressionné,
00:51:09 parce que c'est une pierre debout, c'est une pierre dressée,
00:51:14 c'est une chose qui affronte le regard,
00:51:17 et ça me plaît parce que c'est aussi des choses que je retrouve dans mes toiles.
00:51:24 Il y a toujours cet élément vertical, affirmé, répété,
00:51:35 qui fait que c'est une toile debout.
00:51:41 Bien que souvent, elle commence à coucher sur le sol,
00:51:46 et c'est devant le format que j'ai choisi,
00:51:55 ce que j'attends, que je tourne, que je regarde.
00:52:03 Quelquefois, ça dure très longtemps, mais ça ne vient pas...
00:52:08 Quand j'arrive dans l'atelier, je ne me mets pas au travail immédiatement.
00:52:14 Tu guettes ?
00:52:15 Oui, et j'attends doser.
00:52:20 Et quelquefois, ça se produit.
00:52:22 Et puis quelquefois, ça commence,
00:52:26 après toujours un assez long temps de...
00:52:30 Je ne peux pas dire que c'est de la réflexion.
00:52:33 Peut-être de la concentration, ce serait plus juste.
00:52:38 [Bruit de la tige qui s'éloigne]
00:53:05 Et alors, le secret, il y a effectivement...
00:53:09 Ce n'est pas un secret, le moment où il se fait.
00:53:11 C'est le moment mystérieux où quelque chose apparaît,
00:53:14 qui se met à fonctionner, presque indépendamment de moi, quand je peins.
00:53:18 Et ça, je ne l'ai pas prévu.
00:53:21 Ça, ça arrive, non pas malgré moi, mais presque malgré moi,
00:53:27 presque indépendamment de moi.
00:53:29 Et c'est ce moment où le tableau est fait.
00:53:33 Et c'est ce moment que je guette, quand je travaille,
00:53:37 et qui quelquefois ne se produit pas.
00:53:39 C'est ce qu'expliquent les tableaux que je brûle.
00:53:43 Ceux qui ne sont arrivés à rien qui me touche ou qui m'exalte.
00:53:52 [Bruit de la tige qui s'éloigne]
00:54:08 [Bruit de la tige qui s'éloigne]
00:54:32 [Bruit de la tige qui s'éloigne]
00:54:58 [Bruit de la tige qui s'éloigne]
00:55:12 [Bruit de la tige qui s'éloigne]
00:55:32 [Bruit de la tige qui s'éloigne]
00:55:52 [Bruit de la tige qui s'éloigne]
00:56:12 [Bruit de la tige qui s'éloigne]
00:56:36 - "Soulage" par Jean-Michel Meurice, un document de 1981,
00:56:42 tourné en 35 mm couleur.
00:56:44 Je ne sais pas si le travail de Soulage a jamais été aussi bien capté
00:56:48 et s'il a jamais parlé avec autant de minutie
00:56:52 de ses techniques, de ses produits, de ses outils.
00:56:55 Avec nous, la journaliste Monique Younès
00:56:57 et l'historien d'art Alfred Paquemont.
00:56:59 Richard Poirot de l'INA nous a rejoints. Bonjour, Richard.
00:57:01 - Bonjour.
00:57:02 - Vous parlez de l'acte créatif filmé en direct et en silence,
00:57:07 comme on a pu le voir il y a quelques instants.
00:57:10 Monique Younès, vous vouliez nous parler, vous,
00:57:12 de cette maison de sept, cette grande maison
00:57:14 qu'il a imaginée avec sa femme Colette,
00:57:17 qui fait partie de son oeuvre.
00:57:19 - Évidemment, parce qu'il y a eu en effet un architecte
00:57:23 qui a fait peut-être les plans,
00:57:25 qui a proposé le permis de construire,
00:57:28 mais c'est Soulage et Colette, Pierre et Colette,
00:57:31 qui ont veillé au moindre détail.
00:57:34 Et franchement, je suis persuadée qu'Alfred dirait pareil.
00:57:39 C'est quand même leur oeuvre, également, cette maison,
00:57:43 de béton, d'ardoise, de verre, tellement moderne,
00:57:46 tellement minimaliste.
00:57:48 Et puis cette vue, c'est une des plus belles vues du monde.
00:57:52 Mais vraiment, celui-là, la terrasse,
00:57:56 on a les cimes des arbres et appuyer cette mer.
00:57:59 Et Soulage, on l'a entendu dire,
00:58:01 "Ce n'est pas la qualité du soleil que j'aime,
00:58:05 "c'est la quantité."
00:58:07 Et c'est ce qui me donne la force de travailler.
00:58:10 Et quand on voit aussi l'atelier,
00:58:13 qui est effectivement tout caché...
00:58:15 - Qui tourne le dos à la mer.
00:58:17 - Qui tourne le dos à la mer et qui lui permettait
00:58:19 de se concentrer, de travailler, ça, c'est émouvant, très émouvant.
00:58:22 - Et c'est là qu'il y a passé, évidemment, ses derniers jours.
00:58:25 - Voilà. Et ce qui est aussi extraordinaire,
00:58:27 c'est qu'on entre par le toit.
00:58:29 Et ça, c'est assez inédit, quand on arrive là, par le toit,
00:58:32 et après qu'on voit toute cette vue qui était cachée
00:58:36 et puis qu'on découvre.
00:58:38 Ça, c'était...
00:58:40 Je ne sais pas, pour moi, c'est un des plus beaux moments
00:58:43 avec Colette et Pierre que d'être là.
00:58:46 - Alfred, on est frappé à la fois par la simplicité du personnage,
00:58:50 par son propos, et par la sophistication de sa peinture,
00:58:54 le soin maniaque qu'il porte à ses compositions.
00:58:58 Au fond, quel artiste est-il ?
00:59:00 Un instinctif ou un conceptuel ?
00:59:03 - Il n'est pas conceptuel.
00:59:05 Il travaille, comme il dit,
00:59:07 et il dit qu'il avance en cherchant, quoi.
00:59:10 Et donc... - Donc, instinctif, plutôt.
00:59:13 - Oui, instinctif, c'est pas le mot que j'emploierais,
00:59:16 parce qu'il y a toute une culture derrière,
00:59:18 toute une histoire derrière, qui commence très tôt,
00:59:21 évidemment, avec ses premières rencontres,
00:59:24 avec la préhistoire, avec la Bastiale de Conques, etc.
00:59:28 Donc, il a engrangé toutes sortes de cultures
00:59:31 qui ne sont pas les cultures classiques, je dirais,
00:59:34 d'un peintre moderne,
00:59:36 donc il va creuser ailleurs,
00:59:38 mais il en fait quelque chose de très personnel,
00:59:41 de très particulier.
00:59:43 Et c'est vrai que le voir peindre est tout à fait rare et magnifique,
00:59:49 parce que je dirais que,
00:59:51 au-dehors de l'événement que ça peut constituer
00:59:55 pour un spectateur,
00:59:57 c'est aussi le fait qu'on comprend
01:00:00 comment la peinture se constitue.
01:00:02 - Il y a quelques clés du mystère, sous la...
01:00:05 - La contreclé, la fameuse contreclé.
01:00:08 Et le film le dit très bien.
01:00:11 - Alors, c'est justement le sujet de la chronique de Richard,
01:00:16 c'est ce passage du documentaire,
01:00:19 enfin, il y en a plusieurs,
01:00:21 du documentaire qui vous a marqué,
01:00:23 c'est lorsqu'on voit Soulages en train de peindre.
01:00:25 - Vous venez de le dire, c'est un moment de pure magie,
01:00:28 donc je voulais qu'on remette en extrait un de ces moments,
01:00:31 où on voit Soulages en train de peindre,
01:00:33 donc un moment exceptionnel,
01:00:35 parce que très rare, vous l'avez dit,
01:00:37 on ne voit pas Soulages peindre beaucoup.
01:00:39 C'était celle-ci que j'ai choisie.
01:00:41 Et un moment exceptionnel, vous aussi,
01:00:43 vous l'avez dit, pour l'émotion que ça provoque,
01:00:46 l'émotion que ça dégage.
01:00:48 Il y a effectivement deux, trois moments comme celui-ci
01:00:50 dans le documentaire qu'on vient de voir,
01:00:52 des moments où la caméra est simplement posée,
01:00:55 pas de commentaires, pas de musique d'ambiance,
01:00:57 juste un moment de silence entièrement focalisé
01:01:00 sur l'acte créatif, avec le seul bruit du racloir.
01:01:03 D'ailleurs, je me demande si je ne commets pas un petit sacrilege
01:01:05 en parlant en même temps qu'il peint.
01:01:07 En tout cas, ça veut dire à chaque fois une minute,
01:01:10 deux minutes, qui laissent le temps
01:01:12 aux téléspectateurs de voir cette oeuvre en création.
01:01:15 Et quand la connexion se fait,
01:01:17 et je trouve que c'est vraiment exceptionnel,
01:01:19 quand la connexion se fait, parce que c'est très,
01:01:21 très intimiste, ce lien entre le téléspectateur
01:01:25 et le créateur, on n'est pas dans une communication de masse.
01:01:28 Et bien, quand cette connexion se fait,
01:01:30 peut-être qu'on se laisse emporter par ce moment de grâce,
01:01:32 et peut-être, peut-être que le téléspectateur
01:01:34 arrive à effleurer du bout des yeux
01:01:37 ce que c'est que le génie.
01:01:39 - Et vous dites, Richard, que ces moments de télé sont rares.
01:01:41 - Bah oui, évidemment, un plan fixe,
01:01:43 un commentaire sans rien, qui dure,
01:01:45 c'est pas du tout télévisuel.
01:01:47 D'ailleurs, c'est quelque chose que,
01:01:49 à force de regarder la télévision,
01:01:51 on se demande... La télévision, qui est un média d'images,
01:01:53 ressent constamment ce besoin de mettre des commentaires,
01:01:55 du son et plein de choses, pour couvrir les images.
01:01:58 C'est quelque chose d'assez étonnant.
01:02:00 Là, c'est pas le cas. Mais en tout cas,
01:02:02 ce qui est intéressant, c'est que tous ces questionnements
01:02:04 sur la forme, c'est pas du tout évident
01:02:06 de parler d'art à la télévision,
01:02:08 de faire sentir ce que c'est que la création.
01:02:10 - Oui, tous ces questionnements sur le format,
01:02:12 on voit, elles ont traversé toutes les émissions d'art
01:02:14 que j'ai regardées pour préparer cette émission.
01:02:16 Il y en a eu quelques-unes, notamment,
01:02:18 produites ou réalisées par vous, Alfred Pacman,
01:02:20 mais il y en a eu quand même pas mal.
01:02:22 Alors, comment parle-t-on de l'art ?
01:02:24 C'est soit l'interview, est-ce que c'est toujours pertinent ?
01:02:26 Des fois, on n'a pas forcément le temps
01:02:28 de rentrer dans l'intimité,
01:02:30 comme on vient de le voir là, avec Soulages,
01:02:32 dans l'intimité du peintre.
01:02:34 Est-ce qu'on va raconter...
01:02:36 On va restituer l'œuvre
01:02:38 dans un parcours artistique,
01:02:40 mais ça peut être un petit peu scolaire.
01:02:42 Est-ce qu'on va décrypter ce qu'on voit ?
01:02:44 Alors, évidemment, des fois, ça marche très bien.
01:02:46 On l'a vu avec Palette.
01:02:48 C'est une émission, quand même, qui a marqué
01:02:50 l'histoire de la télévision.
01:02:52 Et puis, il y a cet autre format, c'est de dire,
01:02:54 OK, je pose ma caméra et je regarde,
01:02:56 je laisse parler l'image et uniquement l'image.
01:02:58 Et ce qui est intéressant, c'est qu'en fait,
01:03:00 on voit surtout dans les documentaires,
01:03:02 comme on vient de le voir là,
01:03:04 tout seulement parce qu'il y a un temps long,
01:03:06 Jean-Michel Meurisse,
01:03:08 il voulait montrer.
01:03:10 C'était vraiment ce qu'il animait,
01:03:12 peut-être parce qu'il était peintre, mais enfin,
01:03:14 il voulait montrer l'artiste en train de peindre
01:03:16 et donc il provoquait ces moments.
01:03:18 - Alors, je suppose que vous allez nous montrer,
01:03:20 vous me l'avez dit, un autre moment magique.
01:03:22 - Absolument. Artung, Hans Artung.
01:03:24 Hans Artung, pourquoi ?
01:03:26 On le voit ici, d'ailleurs,
01:03:28 c'est lui dans son atelier à Antibes.
01:03:30 On le voit ici, d'ailleurs, en train de créer,
01:03:32 de peindre. Pourquoi Hans Artung ?
01:03:34 Parce que c'est un ami de Soulages.
01:03:36 Je crois que c'est plus de 40 ans d'amitié entre Soulages et Artung.
01:03:38 Et ensuite, parce que dans l'extrait qu'on va voir,
01:03:40 alors ce n'est pas celui-là, je vais vous montrer un autre extrait,
01:03:42 c'est tiré de l'émission
01:03:44 de la série "Des formes et des couleurs",
01:03:46 que vous connaissez,
01:03:48 "Des formes et des couleurs",
01:03:50 où on va voir Hans Artung.
01:03:52 Et pourquoi j'ai choisi cet extrait ? Tout simplement parce que c'était
01:03:54 une émission qu'on va voir, qui était produite par Jean-Michel Meurisse
01:03:56 et par vous, Alfred Pacman.
01:03:58 Donc je propose qu'on regarde, ça dure 40 secondes,
01:04:00 40 secondes de Hans Artung
01:04:02 en train de peindre, regarder et écouter.
01:04:04 C'est étonnant de voir comment la peinture,
01:04:06 elle a un bruit, elle a une musique.
01:04:08 *Musique*
01:04:10 *Musique*
01:04:12 (Applaudissements)
01:04:16 (Applaudissements)
01:04:25 (Applaudissements)
01:04:36 (Musique)
01:04:41 C'est rare, à un moment, je trouve ça vraiment...
01:04:52 Ces coups de crayon qui foutent droit à la toile,
01:04:54 comme des coups d'éclair,
01:04:56 et puis on voit l'œuvre qui apparaît, la magie opère.
01:04:58 Moi, je pourrais regarder un artiste au travail pendant des heures,
01:05:00 je trouve ça hypnotisant,
01:05:02 il y a un vrai partage avec le téléspectateur.
01:05:04 C'est émouvrant, vraiment émouvant.
01:05:06 J'ai ressenti, évidemment, il ne s'agit pas de comparer les talents,
01:05:09 mais j'ai ressenti la même émotion il y a quelques mois,
01:05:11 quand on a enregistré cette émission autour de Tacotac,
01:05:14 avec les géants du dessin qui s'affrontaient dans cette émission,
01:05:18 et ces virtuoses qui créaient des personnages et des situations
01:05:21 sous nos yeux, en noircissant leurs feuilles avec leurs feutres.
01:05:25 Alfred Pacquemont, est-ce que les artistes se laissent...
01:05:27 La réponse est dans la question.
01:05:29 Est-ce que les artistes se laissent facilement filmer
01:05:32 quand ils sont devant leur toile ?
01:05:34 La réponse est...
01:05:35 -En général, non.
01:05:37 Il y a de tout dans les comportements des artistes.
01:05:39 Il y en a, au contraire, qui sont très heureux, qu'on les voit...
01:05:42 -Qui sont exhibitionnistes.
01:05:44 -Oui, enfin, quelquefois, oui.
01:05:46 Mais ce que je trouve très intéressant dans l'extrait
01:05:48 que vous venez de montrer, par rapport à celui de Pierre Soulages,
01:05:52 c'est la différence de comportement du peintre par rapport à sa toile.
01:05:56 C'est-à-dire que, d'un côté, le dernier qu'on vient de voir,
01:05:59 Artung, c'est une oeuvre très gestuelle, très rapide, très directe...
01:06:03 -Il agresse presque.
01:06:04 -Et Soulages, comme il disait, son geste est ralenti.
01:06:07 C'est-à-dire qu'il contrôle complètement.
01:06:10 C'est pas du tout quelque chose qui vient d'une espèce
01:06:15 d'excitation corporelle, comme chez Pollock ou ici Artung,
01:06:21 mais quelque chose de très, très contrôlé.
01:06:23 Et c'est très intéressant de voir que ces deux peintres abstraits,
01:06:26 enfin, dits abstraits, et proches, ont des démarches tellement opposées.
01:06:31 -Il travaillait en musique, Artung ? -Absolument.
01:06:33 -Alors que Pierre, c'était le silence absolu.
01:06:36 -Et sur la facilité à se laisser filmer,
01:06:39 ça tient aussi à la relation de confiance qu'il y a
01:06:42 entre celui qui est derrière et devant la caméra ?
01:06:45 -Oui, bien sûr. -Là, par exemple, pour Artung ?
01:06:47 -Artung, je pense que se prêtait plus facilement,
01:06:52 puisque, justement, c'est quelque chose d'assez spectaculaire.
01:06:55 -Vous avez compris. -Et très visuel.
01:06:57 Et Soulages était beaucoup plus pudique par rapport à sa création
01:07:02 dans l'atelier.
01:07:03 Et moi, je l'ai jamais vu peindre, par exemple.
01:07:07 Et je pense qu'on est très, très peu nombreux.
01:07:10 Alors, il y a un magnifique texte de Roger Vaillant,
01:07:14 dans les années 60, qui raconte comment une toile se réalise,
01:07:18 mais qui était une exception dans tout le corpus critique
01:07:21 sur Pierre Soulages.
01:07:23 -Ce qui m'a beaucoup frappé dans le documentaire,
01:07:27 c'est l'exposition de Baubourg que vous avez réalisée avec lui.
01:07:33 Et on voit effectivement ces toiles suspendues par des câbles.
01:07:38 Est-ce que c'est la première fois qu'il faisait ça,
01:07:41 ou est-ce qu'il avait déjà fait ça avant ?
01:07:43 -C'est pas la première fois, parce qu'il l'avait fait déjà
01:07:45 dans un musée au Texas, à Houston.
01:07:47 Mais ce qui est particulièrement intéressant,
01:07:50 je trouve, par rapport à ce film,
01:07:52 est que ce film est fait tout de suite après le début
01:07:55 d'une nouvelle phase de l'oeuvre de Pierre Soulages,
01:07:57 qu'il a appelée "Outre-Noire".
01:07:59 Et cette exposition, en 1979, au Centre Pompidou,
01:08:01 que j'ai eu la chance d'organiser,
01:08:03 était la première qui révélait cette nouvelle peinture,
01:08:07 cette nouvelle période de sa peinture,
01:08:10 et mine de rien, qui va durer jusqu'à la fin.
01:08:13 Ce qui est très, très surprenant,
01:08:15 c'est de penser que cette période où le protocole est tellement réduit,
01:08:19 il y a une seule couleur,
01:08:22 et la façon dont la couleur est appliquée sur la toile
01:08:25 entraîne des différences de lumière,
01:08:28 eh bien, ça va durer de 1979 à 2022.
01:08:31 -Et de plus en plus fort,
01:08:33 puisque vous avez eu une émotion folle pour son centenaire,
01:08:36 quand vous avez organisé la rétrospective au Louvre,
01:08:39 d'arriver et de voir qu'à 100 ans,
01:08:42 il faisait encore des toiles de plus en plus grandes,
01:08:45 de 4 m. C'est extraordinaire, ça.
01:08:47 -C'est un moment bouleversant.
01:08:49 Je n'ai pas été filmé quand j'ai vu pour la première fois
01:08:52 une de ses oeuvres immenses,
01:08:54 mais Colette raconte toujours que j'étais dans un état
01:08:58 d'excitation, que j'ai éclaté de rire, je ne sais quoi.
01:09:01 Et c'est vrai que de voir chez un monsieur qui a 100 ans,
01:09:04 ou qui va avoir 100 ans, on prépare une exposition,
01:09:08 on espère qu'il y aura peut-être une oeuvre nouvelle,
01:09:11 et tout d'un coup, on voit des peintures de 4 m,
01:09:14 ça impressionne. -C'est très impressionnant.
01:09:16 Je me souviens de ma première visite au musée Soulages
01:09:20 de Rhodes, où on m'a dit "Ah, c'est dommage,
01:09:23 "Pierre Soulages était là hier."
01:09:25 Rires
01:09:27 -C'est vrai qu'il aimait bien son musée,
01:09:30 et qu'il y venait... -Il y venait régulièrement,
01:09:33 et il ajustait, on m'a dit qu'il corrigeait un éclairage,
01:09:36 qu'il ajustait les toiles,
01:09:38 qu'il vérifiait que tout était en place.
01:09:40 -C'est quelque chose qui se sent dans ce film,
01:09:43 c'est-à-dire la précision du travail, de l'éclairage,
01:09:47 de l'accrochage, comme on voit sur ces images.
01:09:50 Oui, il ne laissait rien au hasard.
01:09:52 -Un dernier document à vous soumettre dans ce Rambobina,
01:09:55 c'est l'une des premières interviews.
01:09:58 Il est déjà évidemment très connu à ce moment-là,
01:10:01 mais les interviews télévisées de Soulages
01:10:04 ne sont pas très fréquentes.
01:10:06 On est en 69.
01:10:08 La série animée par Pierre Dumayet s'appelle "Vocation",
01:10:12 et elle obéit à un dispositif très particulier
01:10:15 qui commence par un filmage en caméra cachée
01:10:18 de la préparation de l'interview.
01:10:20 C'est cette première partie que je vous propose de voir
01:10:23 avec un échange qui paraît tourner court
01:10:25 parce que Pierre Soulages rejette le mot "vocation"
01:10:28 pour évoquer ce qui lui est venu très jeune au "Dedans de soi".
01:10:32 Voici cet extrait.
01:10:34 -Zoom arrière.
01:10:36 Change.
01:10:38 Panneau, change.
01:10:40 Oui, d'accord.
01:10:42 Rideau, zoom avant, change.
01:10:53 -Ca suffit?
01:10:59 -Oui.
01:11:01 -Ca suffit?
01:11:03 -Oui.
01:11:05 -Ca suffit?
01:11:07 Il faut que vous m'expliquiez un peu ce que c'est qu'on va faire.
01:11:16 -Oui, il faut que tu m'expliques ça.
01:11:19 -Moi, je ne suis pas d'accord avec le mot, non.
01:11:28 Parce que...
01:11:30 Enfin, il faudrait savoir exactement ce que veut dire la vocation.
01:11:34 Enfin, je ne sais pas s'il faudrait prendre un dictionnaire
01:11:37 pour voir exactement le sens du mot "vocation".
01:11:40 -Ce qui vous gêne, c'est la proximité avec l'expression religieuse,
01:11:44 le sens religieux que ça a.
01:11:46 -Oui, et puis alors cette espèce d'appel que ça a l'air d'être.
01:11:50 Alors que c'est quelque chose qui a l'air d'être extérieur
01:11:55 à un individu.
01:11:58 Enfin, il a l'air d'être appelé d'ailleurs.
01:12:02 Alors que...
01:12:04 Pour moi, c'est une chose qui est venue très naturellement, comme ça.
01:12:09 Un beau jour, quand même, j'ai su que je saurais peintre, au fond de moi.
01:12:14 -Oui, oui.
01:12:16 -Mais je n'ai pas...
01:12:19 Enfin, j'ai su que je saurais peintre,
01:12:24 j'ai su que je ferais tout pour, dans ma vie,
01:12:27 ne faire que de la peinture.
01:12:30 C'est-à-dire, j'ai considéré un jour que la peinture,
01:12:34 c'était la chose la plus importante que je pouvais,
01:12:37 la plus importante pour moi.
01:12:39 Et c'était finalement même la seule chose que j'aimerais faire.
01:12:44 Alors oui, un jour, je crois que j'ai su ça.
01:12:48 J'en ai pris conscience.
01:12:50 Mais comment c'est venu ?
01:12:52 Alors ça, je ne crois pas que ce soit...
01:12:55 C'est venu...
01:12:57 Au fond, je sais un peu comment c'est venu, quand même.
01:13:01 Enfin, je sais à quel moment j'en ai pris conscience.
01:13:04 Ça, je m'en souviens.
01:13:06 D'ailleurs, je vous l'avais dit.
01:13:09 Après une visite à une abbatiale romane,
01:13:14 à côté de Rhodes, le lieu où je suis né,
01:13:19 j'ai été très impressionné
01:13:24 par mon être et par ce que j'ai vu,
01:13:27 par l'architecture, par la sculpture, par l'art.
01:13:31 Et je crois que ce jour-là, au fond de moi,
01:13:35 j'ai décidé de m'occuper de ces choses-là
01:13:39 en en faisant toute ma vie.
01:13:43 Enfin, d'essayer de faire ça toute ma vie, en tout cas.
01:13:47 Ce jour-là, je l'ai su. Je devais avoir 13, 14 ans.
01:13:51 Si je suis devenu peintre, c'est parce que j'aimais peindre.
01:13:54 Parce que j'ai toujours peint. Quand j'étais enfant, je peignais.
01:13:58 Et alors, si je suis devenu peintre, je crois que c'est parce que j'ai eu...
01:14:03 Je préférerais dire que c'est parce qu'un jour,
01:14:06 je me suis aperçu que j'avais la passion de la peinture.
01:14:10 C'est comme ça que c'est arrivé.
01:14:13 Oui. C'est la première découverte. La seconde, c'est en abbaye.
01:14:17 C'est pas tout à fait...
01:14:19 Je peignais, je ne savais peut-être pas que j'avais la passion de la peinture.
01:14:23 Comme il y a des vis que l'on pratique,
01:14:27 et puis on s'aperçoit que ce sont des vis, mais...
01:14:31 Après...
01:14:33 Oui.
01:14:35 Mais quand vous dites "un beau jour",
01:14:38 "j'ai su que je serais peintre ce beau jour-là", précisément,
01:14:42 je crois que c'est quelque chose qu'on peut comparer
01:14:45 à ce qui est contenu d'appeler l'appel dans la vocation.
01:14:48 - Pas un paysan. - J'avais l'impression que ça venait de moi.
01:14:51 Lorsqu'on appelle, on a l'impression que ça vient de l'extérieur.
01:14:54 - Ça peut être dedans, un appel. - C'est un auto-appel.
01:14:58 C'est ça, le souvenir de ce jour-là.
01:15:01 Oui.
01:15:03 Ce jour-là, c'était pas un auto-appel,
01:15:06 parce que je faisais de la peinture déjà.
01:15:09 J'étais enfant, je peignais, je travaillais.
01:15:12 Je dis maintenant "je travaillais".
01:15:15 Je n'aime pas, parce que... Enfin, je peignais.
01:15:18 Parce que dans la notion de travail, il y a un côté...
01:15:21 Il s'attache une idée d'effort, une idée de...
01:15:24 Je veux pas dire que je fais pas des efforts en peignant,
01:15:27 mais c'est d'une autre nature.
01:15:30 Je pense pas que... Pour moi, la peinture, c'est pas un travail.
01:15:33 C'est quelque chose d'une autre nature que le travail.
01:15:36 C'est quelque chose que j'aime faire, même si je souffre beaucoup,
01:15:40 devant un tableau qui ne vient pas comme je voudrais qu'il vienne.
01:15:44 Vous aimiez à ce moment-là faire des dessins qui représentaient ?
01:15:47 Ah, bien sûr. Bien sûr.
01:15:50 Je crois me souvenir d'avoir fait, quand j'étais tout jeune,
01:15:54 beaucoup plus jeune que ça, vers 7 ou 8 ans,
01:15:58 des choses qui étaient...
01:16:01 qui ne représentaient rien.
01:16:04 À l'encre, en trempant un pinceau dans un encrier.
01:16:07 Et je me souviens que lorsqu'on me demandait "mais qu'est-ce que c'est ?
01:16:11 Qu'est-ce que ça représente ?" j'avais dit "ce sont des paysages de neige".
01:16:14 Alors que, évidemment, il y avait du blanc, mais...
01:16:17 Avec un encrier, c'est...
01:16:20 Un encrier en crenoir et un pinceau, c'est pas précisément des paysages de neige qu'on peut faire.
01:16:24 Enfin, pourquoi pas, d'ailleurs.
01:16:26 Il y avait un peu de défile dans la réponse, ou quoi ? Non ?
01:16:29 Ah non. Non, je crois pas. C'était plutôt une excuse.
01:16:32 Moi, quand j'étais enfant, j'étais plutôt timide.
01:16:35 Je provoquais pas. C'était pas de la provocation ?
01:16:38 Pas du tout. Ce dont j'avais surtout envie, c'est qu'on me fiche la paix,
01:16:42 qu'on me laisse faire ce que j'aimais faire, et...
01:16:45 Vous dites tout à l'heure, à partir d'un certain moment,
01:16:49 "j'ai su que je ferais de la peinture, et je suis que je ferais tout pour en faire."
01:16:56 Ça voulait dire que vous apprêtiez relativement à bagarrer, pour en faire ?
01:17:01 Oui, j'avais tout de suite compris, quand même, que pour faire ce qu'on a envie de faire,
01:17:05 quand on fait de la peinture, c'est pas facile.
01:17:08 Mais quand j'avais 12, 13 ou 14 ans, je pensais pas beaucoup aux problèmes d'avenir.
01:17:14 Tout ça, c'était assez confus dans mon esprit.
01:17:16 Je savais pas si on pouvait gagner sa vie en faisant de la peinture.
01:17:19 D'ailleurs, j'ai très longtemps cru que je ne pourrais jamais gagner ma vie en peignant.
01:17:23 Je pensais que... Assez longtemps, j'ai cru, d'ailleurs persuadé aussi par ma famille,
01:17:27 qui faisait tout pour me le faire croire, qu'il était préférable d'avoir un second métier.
01:17:33 Et très longtemps, je l'ai pensé.
01:17:36 Jamais vous n'avez eu de doute ?
01:17:39 Il y a des moments de découragement ou pas ?
01:17:42 Oui, il y a des moments où ça marche pas du tout.
01:17:44 Non, mais qui ont été capables de remettre tout en question.
01:17:47 Des moments de...
01:17:49 Enfin, des tentations d'abandonner.
01:17:52 Oui, par exemple.
01:17:54 Au fond, non, je crois.
01:18:00 Enfin, je ne sais pas. Je pense d'ailleurs que...
01:18:03 Quand j'acceptais l'idée du second métier,
01:18:08 c'était peut-être pour ne pas avoir un jour la tentation d'abandonner.
01:18:14 C'était peut-être par crainte d'avoir un jour la tentation d'abandonner.
01:18:21 D'abandonner pour des raisons matérielles.
01:18:26 Alors que je me disais, si je choisis bien mon second métier,
01:18:29 me laissant un certain nombre d'heures par jour libres,
01:18:32 je pourrais faire ce que j'ai envie de faire.
01:18:34 C'est comme ça que j'acceptais l'idée du second métier, au fond.
01:18:37 C'était pas par...
01:18:39 Parce que l'idée d'abandon, pour moi, ne pouvait venir que de...
01:18:45 Enfin, au fond, c'est vrai.
01:18:47 Je l'ai chié, c'est ça.
01:18:49 L'idée d'abandon ne pouvait venir que de conditions matérielles absolument impossibles.
01:18:53 C'était comme ça que je l'envisageais.
01:18:55 Je crois que c'est assez difficile d'y renoncer.
01:18:58 - Ça vous paraît comparable, en un sens, comme attrait ?
01:19:01 - Il ne faut pas tout comparer à tout.
01:19:03 Mais je suis très prudent dans les comparaisons.
01:19:06 Mais il y a de ça.
01:19:08 Il y a de ça.
01:19:10 - Pierre Soulages, interview V,
01:19:13 piégé par Pierre Dumayet en 69.
01:19:16 Dumayet qui semble parfois plus soucieux de ses notes ou de sa pipe
01:19:20 que des questions ou des réponses de Soulages.
01:19:24 Quelle est la part de vérité que révèle Soulages
01:19:27 dans cet échange à vos yeux et à vos oreilles ?
01:19:30 - Le second métier dont il parle, c'est quand il commence,
01:19:34 il a perdu son père très jeune,
01:19:36 il vit avec sa mère et sa grande soeur,
01:19:39 beaucoup plus âgées que lui,
01:19:41 et l'objectif, c'est qu'il devienne professeur de dessin.
01:19:44 Donc il fasse le professorat de dessin, ce qui sera un "vrai métier".
01:19:48 Et très vite, il va se tourner vers la production d'une oeuvre
01:19:54 qui va s'avérer très rapidement comme une oeuvre majeure.
01:19:58 - Moi, j'étais très émue en voyant ce documentaire,
01:20:01 parce que quand j'ai connu Pierre Soulages,
01:20:04 et qu'on parle pas de vocation, mais de révélation de la peinture,
01:20:07 il disait sans embâche que c'était à Conque,
01:20:10 effectivement, quand il était jeune, 12 ans, etc.,
01:20:14 et qu'il a eu la révélation-là.
01:20:16 Et là, on voit, non pas qu'il hésite,
01:20:19 mais qu'il dit, "Est-ce que c'est là ? Oui, peut-être, bien évidemment,
01:20:22 "j'ai toujours peint, mais..."
01:20:24 On se dit qu'on se cherche, et ensuite, c'est devenu établi.
01:20:27 Et ce... Je peux pas appeler ça balbutiement,
01:20:30 mais cette recherche de l'origine
01:20:33 était quand même, pour moi, assez émouvante.
01:20:35 - Conque, il a répété souvent
01:20:37 que c'était l'endroit où il a décidé, comme il dit,
01:20:41 de m'occuper de ces choses-là. - De ces choses-là.
01:20:44 - Conque, on va préciser, donc,
01:20:46 Pierre Soulages, natif de Rodez,
01:20:49 ruténois absolu.
01:20:51 Conque, c'est un village magnifique,
01:20:54 merveilleux, très pittoresque,
01:20:56 qui se trouve à peu près une demi-heure,
01:20:58 un peu plus d'une demi-heure de route de Rodez, environ,
01:21:01 au nord de la Veyron.
01:21:03 Et Conque, qui a été une révélation
01:21:06 pour Pierre Soulages, jeune,
01:21:08 a aussi le théâtre d'une commande publique
01:21:11 très célèbre, puisque c'est jacquelanguin, je crois.
01:21:15 - Oui, ça a duré très longtemps, d'ailleurs.
01:21:18 - Ah bon, ça... - Oui, c'est jacquelanguin,
01:21:21 mais entre la commande et la réalisation,
01:21:23 il y a, je crois, sept ans. - Ah oui, c'est très long.
01:21:26 Donc, la commande, c'était de refaire les vitraux
01:21:29 de cette abbaye, qui n'est pas une abbaye,
01:21:31 qui est un... - Un abbatial.
01:21:33 - Un abbatial romane. - Un abbatial.
01:21:35 - Magnifique. - Et donc, ces vitraux
01:21:37 sont maintenant admirés
01:21:39 par les très nombreux touristes
01:21:42 qui viennent visiter Conque
01:21:45 et qui sont là, et c'est évidemment
01:21:48 une partie très importante de l'oeuvre de Soulages.
01:21:51 - Ah oui, oui, c'est un événement majeur
01:21:54 dans son travail, et évidemment,
01:21:56 c'est des vitraux qui ont beaucoup surpris,
01:21:59 parce que, bien sûr, ils sont...
01:22:02 Ils sont non figuratifs, mais en plus,
01:22:05 il a mis au point un verre, un verre translucide,
01:22:08 qui, selon les moments de la journée,
01:22:11 va entraîner une coloration
01:22:14 tout à fait différente de la bassiale,
01:22:17 au point, d'ailleurs, qu'il était très inquiet
01:22:19 la première fois qu'il les a vus en place,
01:22:21 parce qu'il a vu tout d'un coup des couleurs
01:22:23 qu'il n'attendait pas du tout, et avec ce rythme
01:22:26 qu'on voit bien sur cette image, ce rythme
01:22:29 qui, d'ailleurs, est un rythme qui va reprendre
01:22:32 ou prendre dans sa peinture, avec en particulier
01:22:35 la couleur de la peinture, et donc,
01:22:38 il a fait un verre translucide,
01:22:41 et il a fait un verre translucide,
01:22:44 et il a fait un verre translucide,
01:22:47 et il a fait un verre translucide,
01:22:50 et il a fait un verre translucide,
01:22:53 et il a fait un verre translucide,
01:22:56 et il a fait un verre translucide,
01:22:59 et il a fait un verre intercalé,
01:23:02 quand il montrait, quand il voulait nous raconter
01:23:05 comment il a fait ses vitraux, par le geste,
01:23:08 il avait toujours ce geste-là pour l'expliquer.
01:23:11 -C'est une caractéristique, je crois, très symbolique
01:23:14 du personnage, c'est-à-dire que pour mettre au point
01:23:17 un verre qui, pour d'autres, aurait été n'importe quel verre,
01:23:20 en quelque sorte, lui, il y met, je sais pas,
01:23:23 trois, quatre, cinq ans, et pendant ces années-là,
01:23:26 il arrête la peinture, pour se consacrer entièrement...
01:23:29 -Ah, donc il teste des verres différents,
01:23:32 des dizaines de verres, il travaille avec un verrier ?
01:23:35 -Il a une aventure qui n'en a pas fini, il a travaillé
01:23:38 avec le centre de recherche de Marseille, qui s'appelle le CIRVA,
01:23:41 il a travaillé avec Saint-Gobain, il a fini par travailler
01:23:44 en Allemagne, dans un petit atelier, ça a été vraiment
01:23:47 une histoire longue. -Il monte.
01:23:50 -J'imagine, en pensant à la façon dont ses vitraux
01:23:53 pourraient traverser le temps, pourraient vieillir aussi.
01:23:56 Il avait une idée de ce que ça devait faire,
01:23:59 et il cherchait un verre qui répondrait à cette attente.
01:24:02 -Toujours la lumière au centre de son travail.
01:24:05 -La lumière, évidemment, et il a réussi, il était absolument...
01:24:08 -Oui, il est très heureux du résultat.
01:24:11 -Il est très heureux du résultat. -Voilà, donc, dans l'aviron.
01:24:14 Merci, Alfred Paquemont, d'être venu nous parler
01:24:17 avec autant de connaissances et de sciences de Pierre Soulages,
01:24:20 merci aussi à vous, Monique Younes, on vous retrouve désormais
01:24:23 chaque matin sur TF1, dans la matinale de Brustoussin.
01:24:26 Bonjour. -Bonjour.
01:24:29 -Et merci à vous, Richard Poirot. Je vous dis à très bientôt
01:24:32 pour de nouvelles aventures dans les archives de l'INA.
01:24:36 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
01:24:39 Générique
01:24:42 ...
01:25:04 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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