Grand témoin (en interview en l'Ukraine) : Yaël Braun-Pivet, Présidente de l'Assemblée nationale
GRAND DÉBAT / Élections européennes : quels sont les enjeux ?
« Le récap » par Bruno Donnet
Les élections européennes auront lieu le 9 juin 2024. 81 eurodéputés français siègeront au Parlement européen pour les 5 années à venir. À près de deux mois du scrutin, plusieurs tendances de vote se dessinent. Seuls 44% des Français ont l'intention d'aller voter et 50% d'entre eux se déclarent sûrs de leur choix (étude de la Fondation Jean Jaurès). Le candidat du Rassemblement National, Jordan Bardella, caracole en tête. Il réunit 30% des intentions de vote, selon le sondage « Harris Interactive » de mars 2024. La liste Renaissance, menée par Valérie Hayer, arrive en deuxième position. Mais la surprise se trouve peut-être ailleurs : les observateurs politiques notent une percée du candidat « Place publique », Raphaël Glucksmann. Le socialiste figurerait en position de force pour rallier les déçus d'Emmanuel Macron et de Jean-Luc Mélenchon. Parviendra-t-il à s'imposer comme la figure incontournable à gauche ?
Invités :
- Antoine Oberdorff, journaliste à « l'Opinion »,
- Pierre-Hadrien Bartoli, directeur des études politiques d' « Harris Interactive »,
- Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences Po, spécialiste des questions européennes,
- Richard Werly, correspondant France/Europe pour « Blick »
GRAND ENTRETIEN / Yaël Braun-Pivet conforte le soutien de la France à l'Ukraine
La Présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, est en voyage politique en Ukraine. Accompagnée d'une délégation parlementaire, elle s'est notamment entretenue avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Elle a déclaré que « rien n'est a priori exclu » pour aider l'Ukraine face à la Russie. En s'adressant au Président de la Rada (le Parlement ukrainien), elle a affirmé son souhait d' « établir un nouveau pont entre nos nations, sans affaiblir les exécutifs, puisque nos buts sont les mêmes : rétablir l'intégrité territoriale de l'Ukraine ». Le soutien de la France aura-t-il un impact sur l'issue de la guerre face à Vladimir Poutine ?
Grand témoin (en interview en l'Ukraine) : Yaël Braun-Pivet, Présidente de l'Assemblée nationale
LES AFFRANCHIS
- Bertrand Périer, avocat,
- Mariette Darrigrand, sémiologue,
- « Action planète » : Léa Falco, co-fondatrice de « Construire l'écologie ».
Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.
Abonnez-vous à la chaîne YouTube LCP - Assemblée nationale : https://bit.ly/2XGSAH5
Suivez-nous sur les réseaux !
Twitter : https://twitter.com/lcp
Facebook : https://fr-fr.facebook.com/LCP
Instagram : https://www.instagram.com/lcp_an/
TikTok : https://www
GRAND DÉBAT / Élections européennes : quels sont les enjeux ?
« Le récap » par Bruno Donnet
Les élections européennes auront lieu le 9 juin 2024. 81 eurodéputés français siègeront au Parlement européen pour les 5 années à venir. À près de deux mois du scrutin, plusieurs tendances de vote se dessinent. Seuls 44% des Français ont l'intention d'aller voter et 50% d'entre eux se déclarent sûrs de leur choix (étude de la Fondation Jean Jaurès). Le candidat du Rassemblement National, Jordan Bardella, caracole en tête. Il réunit 30% des intentions de vote, selon le sondage « Harris Interactive » de mars 2024. La liste Renaissance, menée par Valérie Hayer, arrive en deuxième position. Mais la surprise se trouve peut-être ailleurs : les observateurs politiques notent une percée du candidat « Place publique », Raphaël Glucksmann. Le socialiste figurerait en position de force pour rallier les déçus d'Emmanuel Macron et de Jean-Luc Mélenchon. Parviendra-t-il à s'imposer comme la figure incontournable à gauche ?
Invités :
- Antoine Oberdorff, journaliste à « l'Opinion »,
- Pierre-Hadrien Bartoli, directeur des études politiques d' « Harris Interactive »,
- Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences Po, spécialiste des questions européennes,
- Richard Werly, correspondant France/Europe pour « Blick »
GRAND ENTRETIEN / Yaël Braun-Pivet conforte le soutien de la France à l'Ukraine
La Présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, est en voyage politique en Ukraine. Accompagnée d'une délégation parlementaire, elle s'est notamment entretenue avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Elle a déclaré que « rien n'est a priori exclu » pour aider l'Ukraine face à la Russie. En s'adressant au Président de la Rada (le Parlement ukrainien), elle a affirmé son souhait d' « établir un nouveau pont entre nos nations, sans affaiblir les exécutifs, puisque nos buts sont les mêmes : rétablir l'intégrité territoriale de l'Ukraine ». Le soutien de la France aura-t-il un impact sur l'issue de la guerre face à Vladimir Poutine ?
Grand témoin (en interview en l'Ukraine) : Yaël Braun-Pivet, Présidente de l'Assemblée nationale
LES AFFRANCHIS
- Bertrand Périer, avocat,
- Mariette Darrigrand, sémiologue,
- « Action planète » : Léa Falco, co-fondatrice de « Construire l'écologie ».
Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.
Abonnez-vous à la chaîne YouTube LCP - Assemblée nationale : https://bit.ly/2XGSAH5
Suivez-nous sur les réseaux !
Twitter : https://twitter.com/lcp
Facebook : https://fr-fr.facebook.com/LCP
Instagram : https://www.instagram.com/lcp_an/
TikTok : https://www
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 [Musique]
00:05 Bonsoir et bienvenue, très heureuse de vous retrouver dans Savourgarde.
00:09 Ce soir, le soutien de la France à l'Ukraine.
00:13 Yael Broun-Pivet est à Kiev.
00:15 La présidente de l'Assemblée nationale nous a accordé un entretien
00:19 après sa rencontre avec Volodymyr Zelensky hier.
00:22 Elsa Mondingava l'accompagne.
00:24 Interview à son micro à découvrir tout à l'heure dans la deuxième partie.
00:27 Notre grand débat ce soir, J-60 avant les élections européennes à deux mois du 9 juin.
00:33 On va s'arrêter ce soir sur les rapports de force et les dynamiques en cours.
00:37 Jordan Bardella caracole en tête.
00:40 Raphaël Glucksmann fait une percée et les macronistes sont plutôt à la peine.
00:45 Alors les Français perçoivent-ils l'enjeu de cette élection européenne ?
00:49 Grand décryptage dans un tout petit instant sur ce plateau avec mes invités.
00:53 Enfin, nous a franchis ce soir le billet d'humeur de l'avocat Bertrand Perre.
00:57 Le verrier, le mot de la semaine, Mariette Darrigrand.
00:59 Et puis Action Planète, la chronique écolo de Léa Falco.
01:03 Voilà pour le menu, ça vous regarde. C'est parti !
01:06 81 députés français siégeront au Parlement européen pour les cinq ans à venir.
01:23 On vote pour des listes au scrutin proportionnel à un tour.
01:27 Climat, commerce, agriculture, immigration, beaucoup de grands sujets se déterminent aujourd'hui à Bruxelles.
01:34 Mais les Français le savent-ils vraiment ?
01:36 Alors à quoi peut-on s'attendre le 9 juin prochain ?
01:39 Les populistes seront-ils forcément les grands vainqueurs ?
01:42 Vous allez tout comprendre des enjeux de cette élection pour l'avenir de l'Europe
01:46 et pour l'avenir de la France avec mes invités ce soir.
01:48 Richard Verly, bonsoir.
01:49 - Bonsoir, Myriam.
01:50 - Merci d'être avec nous, correspondant France-Europe du quotidien Suisse Blic.
01:55 Le bal des illusions est dans toutes les bonnes librairies depuis quelques jours,
02:00 c'est-à-dire chez Grasset, ce que la France croit, ce que le monde voit.
02:06 Aïe !
02:07 - Et ce n'est pas pareil.
02:08 - Ça fait mal, j'ai l'impression, pour les Gaulois.
02:11 Allez, bonsoir, Patrick Martin-Genier.
02:12 - Bonsoir.
02:13 - Bienvenue, spécialiste des questions européennes, vous enseignez à Sciences Po,
02:17 l'Europe a-t-elle un avenir ?
02:19 C'est chez Studirama, c'est la question que vous vous posez dans votre dernier livre.
02:23 Bonsoir, Pierre-Adrien Bartholy.
02:25 - Bonsoir.
02:25 - Bienvenue à vous, directeur des études politiques chez Harris Interactive.
02:29 Enfin, bonsoir, Antoine Auberdoff.
02:31 - Bonsoir, Myriam.
02:32 - Ravie de vous retrouver.
02:33 Vous êtes journaliste à l'Opinion, journaliste politique en charge du suivi des différents partis de gauche.
02:39 Alors, sur quoi fait-on campagne exactement ?
02:43 Pour ou contre l'Europe ou pour ou contre Macron ?
02:46 On voit cela tout de suite pour commencer ce débat avec Bruno Deney dans son récap.
02:51 [Musique]
02:57 - Myriam, bonsoir à tous.
02:59 - Alors, dans votre récap ce soir, si je retrouve mes fiches, parce que je ne l'ai pas, c'est idiot,
03:06 la campagne européenne donc commence dans deux mois.
03:09 Vous parlez d'un contraste et d'un cabri.
03:12 - Exactement.
03:13 Alors, un contraste, Myriam, entre les grands enjeux européens
03:18 et la nature de la campagne électorale telle qu'elle est en train de se dessiner sous nos yeux.
03:22 - Je le vois, ça. Je vois les gens qui sont contents. Je vois les gens qui ont envie d'y aller.
03:28 Car en dépit de l'enthousiasme très manifeste dont faisait preuve Raphaël Glucksmann ce matin,
03:33 des électeurs qui ont envie d'y aller, bon, avouons-le, il n'y en a pas tant que ça.
03:37 Regardez donc l'étude qu'a publiée la Fondation Jean Jaurès.
03:40 Pour l'heure, seuls 44% des Français ont l'intention d'aller voter.
03:44 Et parmi eux, seulement 50% se déclarent absolument sûrs de leur choix.
03:49 Alors, les enjeux sont pourtant colossaux, car c'est au niveau européen que se décident,
03:53 par exemple, le soutien à l'Ukraine, la nature des échanges avec la Russie de Vladimir Poutine,
03:59 le déploiement d'une armée européenne ou encore la politique agricole commune.
04:04 Et pourtant, voici la petite musique que l'on entend en ce moment même dans pratiquement tous les États-majors.
04:10 - Nous, notre but, c'est de réunir le plus grand nombre de Français,
04:12 parce que cette élection européenne, elle est décisive pour l'avenir de notre continent,
04:15 mais elle est décisive aussi pour l'avenir de notre pays.
04:17 Comme François-Xavier Bellamy, tous les candidats ont tendance à vouloir transformer ce scrutin pourtant purement européen
04:25 en un match politique hexagonal.
04:27 Alors, le dernier sondage Harris Interactive donne la liste du Rassemblement national largement en tête.
04:32 La majorité est mesurée 12 points derrière, suivie du Parti socialiste.
04:36 Et pour la quatrième place, le match est serré entre la France insoumise, les Républicains,
04:41 les écologistes et Reconquête.
04:44 - Alors, là, j'ai pas mon texte, donc on va m'aider.
04:47 Vous évoquiez un contraste, mais vous avez promis un cabri. Merci, petite oreille.
04:53 - Alors, j'y viens, oui, au cabri, car pour expliquer ce contraste, Myriam,
04:57 il faut se souvenir d'une archive, une séquence que tous les candidats ont en tête.
05:01 Elle date de 1965.
05:03 - Car on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités.
05:07 Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l'Europe, l'Europe, l'Europe,
05:13 mais ça n'aboutit à rien et ça ne signifie rien.
05:16 - Comme le général de Gaulle l'avait expliqué à sa façon,
05:20 l'Europe, c'est très difficilement palpable, tangible pour les Français.
05:23 Voilà pourquoi il faudrait donc se concentrer sur des réalités.
05:26 Seulement, voilà les réalités que nos cabris, à nous, je parle bien sûr ici,
05:30 de nos candidats aux élections européennes se sont choisis.
05:33 Elles sont pour l'instant uniquement des réalités d'affrontement, d'opposition, corne contre corne.
05:38 Jean-Luc Mélenchon, par exemple, veut faire de ce scrutin un premier tour de la prochaine présidentielle.
05:44 - Alors oui, si vous vous abstenez, vous votez Macron et Le Pen.
05:51 - Quant à Jordan Bardella, il voit dans ces européennes une excellente occasion
05:56 d'organiser un référendum pour ou contre Macron.
05:59 - Par conséquent, j'appelle les Français à se saisir de ces élections européennes du 9 juin
06:04 en se mobilisant et je rappellerai une règle simple,
06:08 s'abstenir, c'est laisser Emmanuel Macron et Bruxelles décider à votre place.
06:13 - Bref, vous l'avez compris, on est très loin des enjeux européens.
06:17 Enfin, et un peu comme un symbole, Myriam, je voudrais terminer en vous montrant une séquence,
06:22 car c'est la séquence européenne qui, pour l'instant, a été la plus partagée sur les réseaux sociaux.
06:28 Elle date de ce week-end, elle cumule plus d'un million et demi de vues
06:32 et pourtant, on n'y dit pas le moindre mot d'Europe.
06:35 - On est chez le père Fouras.
06:38 - Bonjour, désolé de vous déranger.
06:41 - Il y a quelqu'un qui s'allume d'ici ?
06:43 - On vient pour faire le...
06:44 - Valérie Hélier, enchantée.
06:46 - Bonjour, enchantée.
06:47 - Bonjour, c'est notre candidate pour les élections européennes, Valérie Hélier.
06:50 - Ah oui, oui.
06:51 - Voilà, alors faudra-t-il des cabris, des perruques ou des séquences baroques
06:56 pour rendre les élections européennes enthousiasmantes ?
06:59 La question est lancée.
07:01 - Merci beaucoup, Bruno Donnet, et mille excuses pour mes petits impairs du vendredi soir.
07:06 Je vais commencer avec vous, Richard Verly.
07:08 C'est typiquement français de nationaliser le scrutin ou nos voisins font la même chose ?
07:12 - Non, globalement, les campagnes sont nationales, on peut le déplorer.
07:16 C'est un vrai sujet.
07:18 Il y a eu une proposition pour avoir des listes transnationales.
07:21 Emmanuel Macron portait cette proposition.
07:23 Quelqu'un comme Daniel Cohn-Bendit a toujours défendu cela aussi.
07:26 Malheureusement, ça n'a pas abouti.
07:28 Et donc, oui, on se retrouve avec un scrutin national à la proportionnelle à un tour,
07:33 c'est-à-dire presque chimiquement pur.
07:35 Autrement dit, ça n'a pas d'impact, a priori, sur la politique nationale de votre gouvernement.
07:39 Vous pouvez vraiment voter en fonction de vos affiliations ou de vos envies,
07:43 mais malheureusement, vous votez la plupart du temps sur des thématiques qui concernent votre pays,
07:47 même si les têtes de liste essayent à fond d'européaniser le scrutin.
07:51 Mais c'est loin d'être facile.
07:53 À la fin, la décision de voter sera bien sûr influencée par ce qui va se passer en France, en Allemagne ou dans d'autres pays.
07:58 Donc c'est partout pareil.
07:59 N'empêche qu'il y a quand même une nouvelle donne dans cette élection à peine,
08:02 c'est le poids des crises internationales.
08:04 Et ça, on le comprend bien, ce sont des enjeux européens.
08:07 On le voit avec l'aide à l'Ukraine, on l'a vu pendant la pandémie, notamment.
08:11 Ça change, ça, ou pas, dans la tête des Français, la prise de conscience que quand même,
08:15 c'est à 27 qu'on peut changer les choses.
08:18 Oui, encore faudrait-il que l'Europe change vraiment les choses, parce que je crois qu'on va en parler.
08:22 Vous êtes sévère.
08:23 C'est quand même la question que beaucoup de gens se posent.
08:26 Alors justement, je vais voir le sondeur, Pierre-Adrien Bartholy, que vous êtes.
08:31 On voit bien que les Français ne sont pas encore dans la campagne, c'est assez normal.
08:35 C'est toujours à la dernière minute qu'on commence à se décider, il y a beaucoup d'indécis.
08:40 C'est par nature une élection qui ne les intéresse pas,
08:44 où ça va changer à la toute dernière minute et aussi en fonction de ce contexte particulier de 2022.
08:50 Si on se rappelle ce qui s'est passé il y a cinq ans,
08:54 on a à peu près la moitié du corps électoral qui se décide dans les deux dernières semaines.
08:58 Donc on le sait, un tiers des électeurs vont décider très en amont, c'est leur famille politique,
09:02 ils votent toujours pour elles, ils vont le faire à nouveau.
09:04 Et puis on a cette grosse moitié de Français qui décidera à la toute fin,
09:07 dans les derniers débats, qui va s'intéresser à ce moment-là, qui va davantage suivre l'actualité.
09:11 Et c'est effectivement à ce moment-là qu'on peut se faire la bascule.
09:14 Je reviens juste sur la question de l'intérêt pour le scrutin européen.
09:17 Les Français ne sont pas inintéressés par ce scrutin.
09:19 Oui, historiquement, on y participe beaucoup moins qu'aux autres scrutins.
09:22 Enfin, c'est quand même le seul scrutin où la participation a progressé, deux fois de suite d'ailleurs.
09:26 Et si on prend les législatives en 2022, la participation était inférieure qu'aux européennes.
09:32 Donc en gros, on a plus voté pour son député européen que pour son député français.
09:36 Donc on sent que les choses bougent un peu.
09:38 Et sur la dimension europhile, europhobe, en gros, est-ce qu'on peut dire que les Français
09:43 ne veulent plus quitter l'Europe, majoritairement, largement, mais par contre restent très critiques vis-à-vis d'elle ?
09:51 Ça dépend de ce qu'on appelle l'Europe.
09:52 En fait, en France, il y a assez peu de débats sur la construction européenne,
09:55 l'idée qu'on est plus fort à plusieurs, qu'il faut être ensemble pour avancer.
09:59 La vraie question, et c'est là que les divergences sont importantes, c'est-à-dire comment.
10:03 Derrière ce comment, il y a la question des institutions.
10:06 Là, la plupart des candidats aujourd'hui sont au moins un peu critiques vis-à-vis des institutions.
10:11 Beaucoup le sont très franchement, y compris parmi des camps.
10:14 D'ailleurs, on était modérés sur ce sujet-là.
10:16 On pense, par exemple, à l'évolution du discours des Républicains, déjà il y a cinq ans et à nouveau aujourd'hui,
10:21 qui montre qu'il y a quand même un mouvement de fond dans le rapport à ce qu'est l'Europe aujourd'hui,
10:25 comment elle se construit, mais l'idéal, lui, il reste.
10:27 Oui, alors on va parler de la gauche avec vous, Antoine Auberdorf.
10:30 C'est vrai, on le disait, l'Ukraine, la guerre à Gaza sont devenues des marqueurs
10:35 très importants dans cette campagne.
10:37 Chacun choisit son camp et c'est particulièrement vrai à gauche.
10:40 On va écouter Raphaël Glucksmann, le candidat socialiste place publique, qui décolle dans les sondages.
10:44 La rupture avec Jean-Luc Mélenchon sur le fond, elle est consommée là.
10:50 Simplement, il faudra une union de la gauche après ces élections,
10:54 mais ça ne sera pas sur la ligne de Jean-Luc Mélenchon.
10:57 Au moins, cette élection européenne, elle permet une sorte de clarification, vous le diriez comme ça ?
11:02 C'est l'expression même de Raphaël Glucksmann, de vouloir trancher une ligne à gauche.
11:06 Lui, c'est certain, il est pro-européen et il a une forme de gravité,
11:11 de dramatisation des enjeux dans cette campagne, à l'instar d'ailleurs de Valéry Hayé,
11:14 qui, vous vous en souvenez, avait parlé de 1938, de Chamberlain, de Daladier.
11:18 Ça avait été assez controversé d'ailleurs.
11:20 Raphaël Glucksmann aussi, il investit cette ligne de clivage posée par l'Ukraine
11:25 en demandant un réarmement massif de l'Ukraine, un maintien de l'effort
11:29 et aussi l'élargissement à terme de l'Union européenne à l'Ukraine.
11:34 Ce qu'il y a à gauche, évidemment, n'est pas neutre, puisque certains craignent un nouveau dumping social,
11:39 une nouvelle phase d'approfondissement de la construction européenne
11:42 qui se ferait au détriment des peuples.
11:44 Et ce n'est pas neutre non plus, parce que dans le camp de Jean-Luc Mélenchon,
11:47 ce discours qu'on pourrait dire militariste de Raphaël Glucksmann,
11:51 lui vaut une réputation de vatte en guerre, ce qui réouvre un vieux débat sur le pacifisme
11:55 et comment on obtient la paix face à un homme qui aujourd'hui est Vladimir Poutine.
11:59 N'empêche qu'on le voit dans les sondages, Harris Interactive, et on le voit dans tous les autres,
12:03 il y a une forme de dynamique, de phénomène, certains écrivent Glucksmann.
12:08 Il mort sur quel électorat exactement ?
12:10 Il prend autant à gauche que sur sa droite, c'est-à-dire chez les macronistes ?
12:14 C'est très intéressant de voir les ressorts de ce qu'on a appelé cette "Glucksmania",
12:18 même si évidemment une hirondelle ne fait pas le printemps.
12:21 La note à cet égard de la Fondation Jean Jaurès est très éclairante.
12:24 Elle est à prendre avec des pincettes parce que la cristallisation du vote se fait tardivement,
12:28 mais pour l'heure, si on prend les gens qui sont certains de voter Raphaël Glucksmann,
12:33 il prend environ un tiers dans l'électorat d'Emmanuel Macron.
12:38 Pourquoi ? Parce qu'on le sanctionne sur certaines prises de position.
12:41 La loi immigration, on y pense bien sûr, mais aussi des prises de position
12:44 qui ont concerné par exemple Gérard Depardieu dans l'électorat féminin macroniste.
12:47 Et l'autre vivier électoral de Raphaël Glucksmann,
12:50 et c'est là que la bataille fait rage à gauche, c'est chez Jean-Luc Mélenchon précisément.
12:54 – Il prend aussi un tiers ? – Absolument, on est dans cet ordre-là.
12:57 La note d'Antoine Bristiel, dont vous trouverez d'ailleurs un décryptage dans les pages de l'Opinion,
13:00 témoigne de cela, c'est-à-dire qu'il y a un vote sanction qui s'applique à la France insoumise.
13:07 – Pour quelle raison ? Du côté des insoumis ? C'est l'activiste Rima Hassan, c'est ça ?
13:13 – Alors, on peut dire que ça remonte en vérité avant la désignation en 7ème position
13:20 de Jean-Luc Mélenchon, l'absus de Manon Aubry, pardon, de Rima Hassan.
13:25 Ça date du 7 octobre en vérité.
13:27 Il y a un certain nombre d'électeurs qui avaient voté Jean-Luc Mélenchon
13:29 par réflexe de vote utile en 2022, qui actuellement sont échaudés
13:33 par ces positions sur la situation proche-orient.
13:35 – Oui, c'est incroyable, des deux côtés, un tiers, un tiers.
13:39 Je voudrais qu'on dise un mot avec vous, Patrick-Martin Genier,
13:43 de ces partis populistes, nationalistes, conservateurs,
13:48 certains disent d'extrême droite, en tout cas, vous dites extrême droite ?
13:52 – Ah oui, carrément.
13:53 – Alors, on va regarder la carte de l'Europe d'abord,
13:55 carte des populistes de cette extrême droite, où ils gouvernent, où ils sont forts.
14:00 Ils gouvernent, regardez, en Hongrie, en Italie, en Suède, en Finlande, aux Pays-Bas,
14:05 ils sont arrivés en tête aux élections législatives, ils montent aussi au Portugal,
14:09 et bien sûr en Allemagne, avec l'AFD, c'est un parti, je le rappelle,
14:14 qui a ouvert ses portes à des néo-nazis.
14:16 Ces partis-là, dans toute l'Europe, vont gagner des sièges, c'est sûr ?
14:21 – Ah, incontestablement, ils vont gagner des sièges.
14:24 Ce sont des partis d'extrême droite, regardez ce qui se passe en Allemagne,
14:28 avec l'AFD, avec des néo-nazis, et qui parlent de ré-migration,
14:31 c'est vraiment des idées d'extrême droite, ce ne sont même pas des populistes,
14:34 ce sont des nationalistes, ça va encore bien plus loin.
14:36 Regardez les néo-franquistes en Espagne, les néo-salaristes au Portugal,
14:41 les néo-fascistes en Italie, ce ne sont pas des populistes,
14:45 on essaye toujours de donner un nom pour essayer de noyer le poisson,
14:48 en quelque sorte, ce sont des partis d'extrême droite,
14:51 avec des idées racistes, homophobes, antisémites,
14:55 et ça, il faut le souligner, parce que ce sont des gens,
14:58 pour répondre à votre question, oui, qui vont gagner beaucoup de sièges.
15:01 Il y a le thème de l'immigration, il y a le thème du déclassement
15:05 de certaines classes sociales.
15:07 - Il y a le thème aussi de l'environnement, qui devient l'écologie une forme de repoussoir,
15:11 on l'a vu avec la crise des agriculteurs.
15:13 - Et ce sont des gens qui se positionnent précisément contre un certain nombre de normes,
15:16 et pour le coup, les normes européennes sont votées au Parlement européen.
15:19 - Ce qui marque aussi, c'est le changement de stratégie sur l'Europe.
15:23 Beaucoup de ces partis, pas tous,
15:25 on considère qu'après le Brexit, sortir de l'Union, c'est complètement has-been,
15:29 certains sont même pro-OTAN, ce qui peut paraître un peu étonnant,
15:34 certains veulent changer l'Europe de l'intérieur.
15:37 Ça, ça veut dire que c'est le carburant, c'est-à-dire rester dans l'Europe,
15:43 mais continuer à la critiquer, c'est la normalisation de ces partis
15:47 qui fait aussi leur succès ?
15:48 - Il y a une volonté de normalisation, mais pour reprendre votre expression,
15:51 c'est du mauvais carburant.
15:53 Pourquoi ? Parce qu'en réalité, il ne faut pas que les électeurs se trompent.
15:57 Il ne s'agit pas de réformer l'Europe de l'intérieur.
16:00 Ça, les démocrates, les partis modérés peuvent le faire.
16:03 Les partis extrêmes, ils veulent détruire l'Europe de l'intérieur.
16:06 C'est ça, aujourd'hui.
16:08 Ils ne veulent plus cette Europe intégrée,
16:10 ils ne veulent plus l'Europe des pères fondateurs,
16:12 ils veulent détruire de l'intérieur, c'est plus discret,
16:14 c'est plus pernicieux, c'est plus vicieux.
16:16 Et c'est ça sur lequel il faut débattre aujourd'hui.
16:19 Est-ce que vous avez effectivement des débats européens ?
16:22 Est-ce qu'on a des ambitions pour l'Europe ?
16:24 En réalité, ils n'en ont aucune, si ce n'est de promouvoir
16:27 des idées d'extrême droite au sein du Parlement européen
16:30 pour bloquer, par exemple, des grandes directives
16:33 pour la protection de l'environnement.
16:35 -Avec Richard Verli et avec le sondeur que vous êtes,
16:38 Pierre-Adrien Bartholy, on va regarder les projections en siège.
16:41 D'abord, l'hémicycle du Parlement européen,
16:44 aujourd'hui, voilà à quoi il ressemble.
16:46 Clairement, c'est le Parti populaire européen,
16:49 la droite européenne, la première force,
16:52 qui suivit des socialistes, c'est le rouge 140, SCD,
16:56 et le groupe macroniste, qui est faiseur de roi,
16:59 avec 102 députés, le groupe Renew.
17:02 Il peut faire et défaire les majorités.
17:04 Harris Interactive, on est allé regarder les projections.
17:07 Voici les projections en siège.
17:10 Ceux qui progressent, ils sont tout à droite
17:13 de l'hémicycle du Parlement de Strasbourg.
17:15 Il s'agit de ID, Identité et démocratie,
17:18 au siège Marine Le Pen, et de ECR,
17:21 les conservateurs européens, au siège Georgia Meloni.
17:25 Là, il y a beaucoup de questions, quand on voit ces deux hémicycles.
17:28 On se dit, "Ouh là là, si il y a une partie de la droite européenne qui s'allie,
17:33 "là, on a un point de bascule,
17:35 "et les équilibres de majorité changent."
17:38 Est-ce que c'est possible ?
17:40 -Richard Verly.
17:41 -Traditionnellement, les groupes d'extrême droite,
17:44 comme les qualifi-patriques ou nationaux populistes,
17:47 ont toujours eu de la peine à s'entendre au Parlement européen,
17:50 et la preuve en est, puisqu'ils ont deux groupes,
17:53 un groupe au siège Marine Le Pen,
17:55 un autre groupe au siège Georgia Meloni.
17:57 -Pourquoi ils ne s'entendent pas ?
17:59 -Ils ne s'entendent pas pour deux raisons.
18:01 D'abord, parce que les ultra-conservateurs polonais du PiS,
18:04 tout comme Georgia Meloni,
18:06 ont quand même été toujours des forces plus pro-européennes
18:09 que les gens de ID comme Marine Le Pen,
18:11 qui, pendant longtemps, ont voulu quasiment une sortie de l'UE.
18:15 C'est ça, la zone de fracture.
18:17 C'est la question que je pose.
18:19 Pour l'instant, tout le monde répond que non, ce n'est pas possible.
18:22 Est-ce que la dynamique de la campagne,
18:24 de l'élection, ne va pas changer les choses ?
18:26 Autrement dit, à partir du moment où ces deux groupes
18:29 vont voir qu'ensemble, ils vont gagner des sièges,
18:32 et qu'ils peuvent ensemble être une force d'obstruction,
18:35 vont-ils rester séparés ? Je pose la question.
18:38 Je sais que beaucoup répondent que non, ce n'est pas possible.
18:41 Attention, et attention à un autre facteur,
18:43 c'est qu'au sein du PPE...
18:45 - C'est une question de dynamique politique.
18:47 - Je pense que la réalité politique peut déjà en porter beaucoup d'adhésion.
18:50 Et ensuite, et c'est ce que je veux dire,
18:52 au sein du Parti populaire européen, les conservateurs,
18:54 vous savez, il y a toute une frange des conservateurs européens
18:57 qui l'ornient volontiers vers l'extrême droite
18:59 si ça leur permet d'acquérir du pouvoir.
19:01 Donc, faisons attention à la dynamique de la campagne et de l'élection.
19:04 - C'est vrai, parce que Victor Orban, il faut le dire et l'expliquer
19:07 à ceux qui l'en gardent, ce n'est pas forcément évident.
19:09 Il ne siège pas dans ces deux partis, à la droite de la droite de l'hémicycle,
19:12 mais dans le PPE, la droite européenne.
19:14 - Oui, mais je crois que le PPE n'en veut plus,
19:16 parce que c'est quelqu'un qui a une rhétorique d'extrême droite.
19:19 On voit bien son langage lorsqu'il dit qu'il ne veut pas de migrants,
19:23 qu'il va construire des murs, qu'il ne veut plus de musulmans chez lui,
19:27 parce que c'est ça, la thématique de M. Orban.
19:29 Donc, on s'aperçoit qu'il y a une thématique commune
19:33 et une porosité de plus en plus importante avec ce que disait Richard.
19:37 Une certaine droite, regardez au Parti républicain,
19:40 certains l'orgnent bien plus chez Marine Le Pen qu'ailleurs,
19:43 et donc...
19:44 - Mais vous êtes d'accord avec l'analyse sur cette dynamique
19:47 qui pourrait rendre possible l'union des droites en Europe ?
19:50 - Écoutez, ce que je sais, en tout cas,
19:52 je constate que la responsable des néo-nazis allemands de l'AFD
19:55 a rendu visite, ça devait être une visite discrète,
19:58 à Jordan Badella et à Mme Le Pen, à Paris.
20:01 Ce qui veut dire que les droites veulent constituer
20:04 une majorité alternative à l'Europe.
20:06 Je pense qu'ils n'y arriveront pas.
20:08 - Mais Marine Le Pen, je le précise, a pris ses distances
20:11 et il n'en demeure pas moins qu'il y a un certain nombre de contacts,
20:14 même discrets.
20:15 - Pierre-Adrien Bartholy, ce qui est important aussi,
20:18 c'est de voir que ce parti qui perdrait,
20:20 on est sur des projections et chacun ira voter,
20:22 entre les intentions de vote et le vote réel,
20:24 il y a toujours une différence.
20:26 Mais ce 3e parti va sans doute changer.
20:28 Ce ne sera peut-être plus les macronistes de Réunion,
20:31 mais cette 3e force de droite, droite extrême.
20:34 - Alors, c'est possible.
20:36 Evidemment, ces projections vont être très prudentes.
20:38 Pour l'instant, les projections donnent encore une petite avance
20:41 à RINOUF, l'équivalent de Renaissance,
20:43 le parti d'Emmanuel Macron en France, au niveau européen.
20:46 Mais effectivement, ils seraient assez proches.
20:48 Il y a un enjeu derrière ça.
20:50 Il y a un enjeu de poids politique, évidemment.
20:52 On a parlé de la manière dont constituent une majorité,
20:54 les alliances qui peuvent se faire, le PPE qui pourrait se tourner
20:56 sur sa droite plutôt que sur sa gauche.
20:58 Ça, c'est évident.
20:59 Mais il y a un enjeu symbolique très fort.
21:01 Déjà, ça voudrait dire que le parti très pro-européen,
21:04 en tout cas en France, celui qui le porte le plus clairement,
21:07 n'est pas la 3e force, mais la 4e force, si ça arrivait,
21:09 ce qui est un enjeu symbolique fort.
21:11 Et puis, un 2e enjeu, à la fois symbolique et pratique,
21:13 qui est l'accession à des rôles clés,
21:15 à des présidences de commission au niveau du Parlement européen.
21:20 Et ça, c'est essentiel, parce que c'est des postes de pouvoir
21:22 qui pourraient être exercés légitimement,
21:25 si le score est bon dans les urnes, par des personnes
21:28 et par des élus qui ont un rapport à l'Union européenne
21:31 pour le moins eurosceptique.
21:33 - Ce qu'on voit aussi, c'est Jordan Bardella
21:35 qui s'est fixé un objectif.
21:37 Son groupe, qui sera sans doute renforcé
21:39 par peut-être plus de députés européens
21:41 venus du Rassemblement national,
21:43 donc le groupe idée, il veut dépasser
21:45 les 85 de Rigneau.
21:47 Ça, il peut y parvenir ?
21:49 - Pour l'instant, ils sont très proches.
21:50 Pour l'instant, ça ne passe pas complètement,
21:51 mais honnêtement, quand on est sur des projections
21:53 sur autant de pays, c'est très difficile de dire
21:55 ce qui va se passer.
21:56 - Qu'est-ce que vous observez, vous,
21:58 dans l'électorat du Rassemblement national, aujourd'hui ?
22:00 On a l'impression que la dynamique est inarrêtable
22:03 et qu'il caracole en tête
22:05 avec un écart potentiel de 8 à 10 points,
22:07 ce qui est énorme, avec le deuxième
22:09 qui serait plutôt la candidate macroniste.
22:11 - Ce qui est extrêmement intéressant,
22:13 c'est de rappeler qu'au cours des deux élections précédentes,
22:15 ils sont arrivés en tête.
22:16 C'est-à-dire qu'en France, le Front national d'abord,
22:18 Rassemblement national ensuite est arrivé en tête,
22:19 donc ça ne serait pas une nouveauté,
22:20 c'est quelque chose qui existe.
22:21 Deuxième élément très important,
22:23 c'est quand même de se rappeler que les gens
22:25 qui votent au fil des dernières élections
22:27 et celle-ci ne fera pas exception
22:29 pour le Rassemblement national,
22:31 votent sur des questions de conviction,
22:33 donc on n'est pas dans un vote de protestation
22:35 qui éventuellement pourrait s'étioler,
22:36 c'est quelque chose d'assez profond,
22:37 on croit dans les idées et on veut les porter,
22:39 c'est pour ça qu'on se rend aux urnes.
22:41 Et puis enfin, ce qui est assez nouveau,
22:43 la sociologie du vote du Rassemblement national en France
22:45 a un peu évolué,
22:47 on n'est plus uniquement sur des personnes
22:48 issues de catégories populaires,
22:49 particulièrement jeunes,
22:51 qui ont du coup un rapport au vote qui est plus fluctuant,
22:53 qui, par exemple, nous clairement,
22:54 ne sont pas certaines d'aller voter
22:56 et peuvent éventuellement ne pas se déplacer le jour J.
22:58 Non, c'est des gens qui sont convaincus...
22:59 Donc c'est un vote d'adhésion et un socle très solide.
23:02 Exactement.
23:03 Fidèles.
23:04 Aujourd'hui, ils nous disent plus que tous les autres,
23:05 d'une part, être certains d'aller aux urnes,
23:07 on verra s'ils le font vraiment,
23:08 mais en tout cas, dans la déclaration, c'est ce qu'ils font,
23:10 et deuxièmement, d'être sûrs de leur candidat.
23:12 Ils veulent voter pour cette liste
23:13 menée en France par Jordane Bardella.
23:15 Jordane Bardella, qui est candidate longue date,
23:17 donc puisqu'il remet en jeu son mandat
23:21 en tant que tête de liste, Valérie Ayé,
23:22 elle, elle arrive,
23:24 elle est toute neuve dans cette campagne
23:27 en tant que tête de liste,
23:28 elle est sortante.
23:29 On entend dire qu'Emmanuel Macron, lui-même,
23:32 pourrait refaire un discours de la Sorbonne
23:36 dans cette campagne.
23:37 On se souvient, en 2017,
23:38 il avait vraiment donné sa vision,
23:40 c'était un discours important.
23:41 Est-ce que,
23:42 comme on regarde ça dans les états-majors de gauche,
23:45 est-ce que ce serait un atout pour la candidate ou pas ?
23:48 Il y a urgence,
23:49 il y a urgence pour, en tout cas,
23:50 Emmanuel Macron et son Premier ministre,
23:52 on l'a vu à travers ce porte-à-porte,
23:54 avec Valérie Ayé,
23:55 à s'investir dans cette campagne.
23:56 Pourquoi ? Parce que Valérie Ayé,
23:58 depuis le début de sa campagne,
24:00 souffre d'une forme de syndrome de l'imposteur,
24:02 en tant que, quelque part,
24:03 se justifie de sa position de tête de liste
24:05 et se la peine à imprimer.
24:07 Signe de cette fébrilité,
24:09 et là, en l'occurrence,
24:10 c'est le match qui se joue
24:11 entre Valérie Ayé et Raphaël Glucksmann.
24:13 Elle a eu toutes les peines du monde
24:15 à trouver des angles d'attaque
24:16 vis-à-vis de Raphaël Glucksmann.
24:17 Quand elle dit, par exemple,
24:18 "ils votent quasiment chaque fois comme nous",
24:20 ça prend pas ?
24:21 Ça a été assez facilement, je dirais,
24:24 démonté, cet argument, par Raphaël Glucksmann,
24:25 puisque, précisément, il fait,
24:27 du fait de participer à la co-gestion européenne
24:29 avec son groupe social-démocrate,
24:31 le fait de disposer aussi d'un Spitzen-candidat
24:34 en la personne de Nicolas Schmitt,
24:35 susceptible...
24:36 Alors, Spitzen-candidat ?
24:37 Alors, c'est un candidat du groupe
24:41 qui a vocation à céger au sein du groupe S&D
24:43 et qui accéderait au poste actuel
24:44 de Urschell à Van der Leyen,
24:45 à la tête de la Commission européenne.
24:47 Ce qui, pour Raphaël Glucksmann,
24:49 est l'argument massif pour dire,
24:50 "nous, nous avons une crédibilité
24:52 "pour gouverner et réorienter
24:54 "le cours de l'Europe."
24:55 C'est pour ça qu'il présente l'Europe
24:57 comme encore un vecteur de progrès social
24:59 à beaucoup de Français qui n'y croient plus,
25:01 à cette réorientation, au vœu pieux.
25:03 Et puis, l'autre paramètre de fébrilité,
25:06 chez Valérie Hayé, bien sûr,
25:07 c'est qu'elle a été tentée, par la suite,
25:09 de présenter Raphaël Glucksmann
25:11 comme quelqu'un d'infréquentable
25:12 qui frérerait désormais avec ceux
25:14 qui, hier encore, faisaient des accords
25:16 avec Mélenchon et avec cette gauche
25:18 dont on ne voudrait plus.
25:19 Donc, elle n'a pas trouvé...
25:20 Elle ne s'est plus vraiment sur le pied...
25:22 -Voilà, la martingale anti-Glucksmann,
25:24 pour le moment.
25:25 Pour l'instant, la campagne du côté des macronistes,
25:28 elle s'est beaucoup concentrée
25:29 sur la question ukrainienne,
25:30 avec ces mots très importants
25:32 du président de la République
25:34 sur ce soutien sans limite
25:37 et cet envoi non exclu de troupes au sol.
25:40 On peut faire campagne et gagner
25:42 uniquement sur ces sujets-là,
25:44 ces sujets régaliens, ces sujets de défense,
25:46 ces sujets de valeur ?
25:48 -Oui, je crois...
25:49 Les valeurs, vous avez cité le mot,
25:50 c'est très, très important.
25:51 Au moment où beaucoup de gens font des campagnes
25:54 qui nient les valeurs européennes,
25:56 démocratie, tolérance, respect des minorités,
25:58 des religions.
25:59 On voit bien qu'il y a toute une série,
26:01 quand on voit Orban,
26:02 quand on voit les anciens gouvernements en Pologne,
26:04 qui nient toutes ces valeurs européennes.
26:06 -Il faudra parler aussi pouvoir d'achat,
26:08 question sociale, libre-échange.
26:10 -Tout passe par l'Europe,
26:12 le pouvoir d'achat, la protection des salariés,
26:14 l'égalité hommes-femmes,
26:15 les luttes contre la discrimination.
26:17 C'est ça où on ne parle pas assez d'Europe,
26:19 parce que ce sont des directives,
26:21 ce sont des lois européennes.
26:23 C'est important.
26:24 La guerre en Ukraine, bien sûr, c'est un sujet central.
26:27 Il en va de la démocratie, de la liberté en Europe.
26:30 Il faut continuer à soutenir l'Ukraine,
26:32 mais c'est aussi à double tranchant,
26:34 car dans certaines listes, on dit
26:36 qu'il faudrait que ça se termine par une négociation.
26:39 On voit bien qu'au RN,
26:41 on pense qu'il faudra bien mettre un terme à cette guerre
26:44 et qu'on ne soutiendra pas éternellement l'Ukraine.
26:47 Même si cette fois, il y a des différences
26:49 avec Mme Melloni en Italie,
26:50 car on voit bien qu'il y a des divergences
26:52 dans les droites.
26:53 Donc, il y a des sujets essentiels.
26:55 La guerre en Ukraine, oui, c'est très important,
26:57 mais naturellement, il y a bien d'autres sujets.
26:59 Enfin, on n'a pas parlé de l'environnement,
27:01 du développement durable.
27:02 C'est un sujet essentiel.
27:04 Et enfin, la défense européenne,
27:06 le principal défi pour les années qui viennent,
27:08 c'est à la fois la défense européenne,
27:10 l'Europe de la santé,
27:11 parce que l'Europe a fait considérablement
27:13 au moment du Covid,
27:14 et là, il faudra bien réfléchir à réformer les traités
27:16 pour renforcer l'Europe sur ce point.
27:18 -Je voudrais qu'on regarde à présent,
27:20 pour terminer ce débat,
27:21 l'influence de la France au Parlement européen
27:23 au sein de chaque groupe politique.
27:25 RN, LR, PS ou Renaissance
27:27 ont-ils le même poids à Bruxelles qu'à Paris ?
27:30 Nos députés français ont-ils permis
27:32 des votes décisifs en Europe ?
27:34 Élément de réponse, Marion Becker.
27:36 -Avec 23 eurodéputés et Valérie Ayé à sa tête,
27:44 Renew est sans doute la délégation française
27:47 la plus influente à Bruxelles.
27:49 Grâce à des députés nombreux, actifs et reconnus,
27:52 ils ont pris la tête de leur groupe.
27:55 Renew, c'est aussi une force d'appoint
27:57 à la coalition majoritaire au Parlement.
28:00 Elle peut faire basculer les votes.
28:02 -Il n'y a pas de chèque en blanc à Ursula von der Leyen.
28:04 Je ne sais pas si elle sera la candidate
28:06 à la présidence de la Commission européenne.
28:08 On en rediscutera.
28:09 Et par ailleurs, moi, je vous dis qu'au Parlement européen,
28:11 je suis en responsabilité en tant que présidente de groupe.
28:13 Je négocierai pour l'époque sa responsabilité
28:16 avec les groupes qui sont des vrais européens,
28:18 des européens de conviction.
28:20 -Aujourd'hui, c'est la coalition entre les conservateurs du PPE
28:23 et les sociodémocrates qui est majoritaire en Europe.
28:26 D'un côté, François-Xavier Bellamy.
28:29 De l'autre, Raphaël Glucksmann.
28:31 Deux personnalités, deux programmes que tout oppose.
28:34 Et pourtant, leurs parties sont unies à Bruxelles.
28:37 Ce qui n'empêche pas les deux hommes
28:39 de voter selon leurs propres convictions.
28:41 Au sein du PPE, le Parti populiste européen,
28:44 la France est marginale avec seulement 8 députés sur 177.
28:49 Son importance politique est très faible,
28:52 même si elle tente de faire entendre sa propre voix.
28:55 -On a le sentiment que le compte n'y est pas
28:57 pour le groupe auquel nous appartenons.
28:59 Il suffit de regarder les votes de notre groupe.
29:01 On a encore voté tout récemment contre un texte emblématique
29:04 porté par la Commission qui s'appelle "Restauration de la nature".
29:06 On voit bien que le groupe PPE a été dans ce mandat
29:09 plutôt en opposition à la ligne de la Commission.
29:12 -Du côté des sociodémocrates,
29:14 les Français ont 7 élus sur 144.
29:17 Mais ils peuvent compter sur la personnalité de Raphaël Glucksmann.
29:20 Les combats pour les Ouïghours,
29:22 contre la guerre en Ukraine de l'eurodéputé,
29:24 leur donnent un poids politique et médiatique plus important.
29:28 L'autre force d'appoint qui peut faire basculer les votes à Bruxelles,
29:32 ce sont les écologistes.
29:34 Les Français ont su faire leur place au sein de leur groupe,
29:37 dans lequel ils sont reconnus.
29:39 Le Rassemblement National, lui,
29:41 est influent dans son groupe Identité et Démocratie.
29:44 Deuxième délégation derrière les Italiens,
29:47 elle pourrait encore gagner des voix en juin.
29:50 Si les Français joutent un rôle dans ce groupe,
29:52 ils n'ont aucun poids au Parlement européen.
29:55 Ils sont dans l'opposition,
29:57 ne négocient ni n'approuvent aucun texte.
30:00 L'autre parti d'opposition, c'est la gauche radicale,
30:03 représentée par la France Insoumise.
30:05 Elle non plus ne pèse pas à Bruxelles.
30:08 -Richard Verly, c'est vrai qu'il y a des paradoxes.
30:11 Par exemple, un François-Xavier Bellamy,
30:13 siège dans le parti populaire européen,
30:15 le plus important siège,
30:16 qui fait des coalitions avec les socialistes,
30:18 mais les Français y sont très peu représentés.
30:21 Alors, qu'est-ce que ça a comme effet ?
30:24 Si on regarde du point de vue de la France,
30:26 est-ce que la France pèse encore dans ce Parlement de Bruxelles ?
30:30 -Pour être très arithmétique,
30:32 la France pèsera si elle envoie le plus grand nombre
30:35 de députés européens dans le groupe le plus puissant.
30:38 -Donc PPE.
30:39 -La grande difficulté de François-Xavier Bellamy,
30:41 c'est qu'il n'a que 8 euros députés,
30:43 dans ce qui reste néanmoins la force politique
30:45 la plus puissante au niveau européen, c'est-à-dire le PPE.
30:47 -Sauf qu'en France, Emmanuel Macron a éclaté
30:49 les clivages droite-gauche, mais pas en Europe.
30:51 Il subsiste.
30:52 -Donc, là où la France incontestablement
30:55 gagnerait de l'influence, hors de tout parti-prix politique,
30:58 ce serait si le parti macronien, si Renaissance,
31:01 qui en plus est porté par la figure du président Macron,
31:04 arrivait à envoyer beaucoup d'eurodéputés,
31:06 et qu'au niveau européen, cette force qui s'appelle Renew,
31:09 également augmente l'amplitude de son groupe.
31:11 Vous avez vu que ce n'est pas ce que prévoient
31:13 les projections d'Aris Interactif.
31:16 Donc c'est compliqué, mais la complication,
31:18 elle est surtout, il faut bien le dire,
31:20 aujourd'hui du côté des Républicains,
31:22 du côté en France, du côté des Républicains,
31:24 parce qu'ils essaient, c'est ce qu'essaient de dire
31:26 François-Xavier Bellamy, qu'ils sont dans l'opposition,
31:28 mais ce n'est pas vrai.
31:29 Ursula von der Leyen, elle vient du PPE.
31:31 Elle a été reconduite.
31:33 - C'est le Spitzen-candidat de la droite européenne.
31:35 - Elle a été reconduite comme candidate par le PPE,
31:37 et là, les eurodéputés français vont être contre.
31:39 C'est une rigolade.
31:40 Si à la fin, il faut prendre une décision à Strasbourg
31:43 pour réélire Ursula von der Leyen
31:45 ou bien le candidat socialiste dont vous parliez,
31:47 les eurodéputés français n'auront pas le choix.
31:49 Ils voteront comme le PPE aura décidé.
31:51 - De la même façon que Mme Eyer,
31:53 le groupe Renew votera pour Ursula von der Leyen,
31:55 qui était la candidate d'Emmanuel Macron il y a cinq ans.
31:58 Tout le monde se mettra d'accord
32:00 pour qu'Ursula von der Leyen soit la future présidente de la Commission.
32:03 - Si la dynamique est en faveur de la gauche, imaginons.
32:05 - Oui, voilà.
32:06 - Je voudrais justement une bonne transition.
32:08 Si la dynamique est en faveur de la gauche,
32:10 et un groupe dont on n'a pas parlé, c'est les écologistes.
32:12 Alors ça, c'est vrai que ça surprend,
32:14 parce qu'en général, s'il y a bien un thème qui porte les écologistes,
32:17 c'est l'Europe.
32:18 - Incontestablement.
32:19 On se souvient de la surprise créée par Yannick Jadot,
32:22 et là, on est vraiment dans le scénario de toute la dernière ligne droite
32:25 avec un score de 13,4 % en 2019.
32:28 Il se trouve qu'actuellement, les écologistes portés par Marie Toussaint
32:31 se demandent s'ils ne vivent pas dans ce mythe de 2019,
32:35 le mythe d'un scrutin d'étiquette où la marque écologiste
32:38 aurait une prime quasiment naturelle de droit.
32:42 - Sauf que l'incarnation, ça compte aussi, même quand on est écologiste.
32:45 - Évidemment, Marie Toussaint est dans cette campagne,
32:48 on ne peut pas lui reprocher force de proposition.
32:50 Sur le fond, il y a des propositions, mais c'est la peine à imprimer.
32:53 C'est pour ça qu'elle est pour le moment coincée à la barre des 7 %.
32:57 - Dernière question, l'union des listes, c'est fini.
33:00 Socialiste, vert, c'est fini.
33:02 - Après avoir suivi le feuilleton de la liste unique de la gauche
33:04 pendant des mois et des mois sous la pression de la France insoumise,
33:07 je crois pouvoir dire que c'est bel et bien enterré.
33:09 - On va terminer avec votre pronostic, Pierre-Adrien Bartholy.
33:11 Les trois premiers sur le podium.
33:13 - C'est dur de faire un pronostic, surtout quand on est sondeur.
33:15 Ceci dit, l'avance qu'a aujourd'hui Jordan Bardella...
33:17 - Vous regardez mieux que nous l'opinion.
33:19 - L'avance et la solidité du vote pour Jordan Bardella
33:21 fait que c'est assez dur de combler.
33:23 La liste du président de la République a quand même une vraie assise,
33:26 y compris sociologique, donc elle aura forcément un score
33:29 qui sera un score acceptable.
33:31 Et après, la grande inconnue, c'est évidemment celle de Raphaël Glucksmann,
33:34 qui aujourd'hui est assez haut, en tout cas largement devant
33:37 tout cet espace de gauche qui pèse en tout une trentaine de pourcents.
33:40 Par contre, ce n'est pas solide du tout.
33:42 Il reste encore beaucoup de campagne.
33:44 On a vu que ça se détermine tout à la fin.
33:46 Donc c'est beaucoup trop tôt pour dire qu'il sera à cette même position.
33:49 - Merci. Merci pour ce tour d'horizon très complet et très nerveux
33:53 des enjeux de cette campagne qui va se poursuivre.
33:55 Évidemment, on aura l'occasion, bien évidemment, d'y revenir.
33:58 Dans une dizaine de minutes, les parties prises de nos affranchis.
34:01 Ce soir, l'avocat Bertrand Perrier revient sur le bras de fer
34:04 entre le garde des Sceaux et les magistrats dans la lutte antidrogue.
34:07 "Rigueur", c'est le mot de la semaine, forcément, de Mariette Darrigrand.
34:12 Et puis, de quoi nous parlez-vous, Léa Falco, dans Action Planète, ce soir ?
34:15 - Ce soir, on parle de l'ouverture d'une mine de lithium dans l'Allier.
34:18 Et de ce que ça veut dire pour la transition écologique.
34:20 - A tout à l'heure, les amis.
34:22 Mais d'abord, on va prendre la direction de l'Ukraine,
34:25 où nous attend Elsa Mondingava.
34:27 Notre consoeur est à Kiev avec Pierre Beretta.
34:30 Elle suit le déplacement de la délégation parlementaire
34:34 emmenée par Yael Broun-Pivet.
34:36 Après sa rencontre avec le président ukrainien Zelensky hier,
34:40 la présidente de l'Assemblée nous a accordé un entretien.
34:43 Aujourd'hui, vous allez le voir, la diplomatie parlementaire
34:46 au plus près du terrain.
34:48 Entretien.
34:50 - Oui, Myriam, ici à Kiev, la journée a commencé très tôt,
34:54 puisque un peu après 4h30 du matin,
34:56 une alerte aérienne a retenti dans l'hôtel
34:59 dans lequel nous nous trouvions avec la délégation française,
35:02 la présidente de l'Assemblée nationale, Yael Broun-Pivet,
35:05 les députés Valéry Rabault, Thomas Gassilou et Benjamin Haddad.
35:09 Nous avons donc été dans l'abri de l'hôtel.
35:12 Au sous-sol, on y restait environ 45 minutes.
35:14 Ce sont des missiles russes qui passaient dans le ciel ukrainien.
35:17 Après, nous avons pu regagner nos chambres,
35:20 mais effectivement, toute proportion gardée.
35:22 On a vécu un petit peu ce que vivent des millions d'Ukrainiens.
35:26 Il y a des alertes quotidiennes ici à Kiev.
35:29 La délégation a poursuivi son travail, ses rencontres diplomatiques,
35:32 mais un peu avant ça, la présidente de l'Assemblée nationale,
35:35 Yael Broun-Pivet, nous a accordé un entretien avec Pierre Beretta.
35:39 Yael Broun-Pivet, bonjour. - Bonjour.
35:41 - Merci beaucoup de nous accorder cet entretien ici à Kiev.
35:44 C'est la deuxième fois que vous venez en Ukraine.
35:47 Pourquoi revenir ? Pourquoi maintenant ?
35:50 - Alors déjà, parce que je l'avais promis à mon homologue
35:52 lorsqu'il était venu à l'Assemblée nationale
35:54 et qu'il avait fait un discours dans l'hémicycle.
35:57 Il m'avait à nouveau invitée à venir à Kiev
36:00 pour faire moi aussi un discours à la Rada.
36:02 Et je lui avais promis que j'honorerais cette invitation.
36:05 Et comme la guerre s'est installée dans la durée,
36:09 que le soutien de la France ne faiblit pas,
36:12 il m'est apparu qu'il était important d'honorer cette promesse
36:15 pour réaffirmer que la France se tenait aux côtés de l'Ukraine.
36:20 - Justement, vous dites que cette guerre continue.
36:22 Depuis votre arrivée hier matin, on a eu plusieurs alertes.
36:25 Cette nuit, vous avez passé plus de 30 minutes
36:29 dans l'abri sécurisé de cet hôtel.
36:31 On a l'impression que cette guerre et que la Russie, rien ne l'arrête.
36:35 Il multiplie les attaques, les provocations.
36:37 - Eh bien, c'est une guerre d'usure.
36:39 On voit que l'idée, c'est aussi d'entamer le moral,
36:44 parce que, on nous en a parlé, les enfants nous en ont parlé hier
36:48 quand on était au lycée Anne de Kieff.
36:51 Ils ont un abri, ils font classe parfois dans l'abri.
36:54 Et ça, ça mine le moral, ça fatigue la population, ça use.
37:01 Et je pense que c'est une des stratégies parmi d'autres
37:05 mises en place par Poutine.
37:07 On voit hier qu'il y a eu plusieurs alertes.
37:10 Une pendant que je faisais mon discours à la Rada.
37:13 Et nous avons, avec le président de la Rada,
37:16 décidé de continuer en un regard.
37:18 Nous nous sommes dit "non, on n'arrête pas".
37:21 Et c'est important aussi de pouvoir continuer à mener son action.
37:25 Mais effectivement, ça nous rappelle et ça nous fait vivre aussi
37:28 un peu intimement la réalité de la guerre avec ces alertes,
37:33 avec cette pression continue.
37:36 Parfois, on a l'impression que la guerre c'est loin.
37:39 Et puis, que finalement c'est fini et qu'il n'y a que la ligne de front
37:43 sur laquelle s'exercent les combats.
37:45 Et on voit que non, qu'aujourd'hui, c'est tout le territoire ukrainien
37:49 qui l'a subi encore.
37:50 – Alors justement, hier, avec la délégation française,
37:52 vous avez rencontré le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
37:56 D'abord, comment vous l'avez trouvé ?
37:58 Est-ce qu'il est inquiet sur la situation militaire,
38:01 européenne, internationale ?
38:03 Vous l'avez trouvé optimiste, combatif ?
38:06 – Je l'ai trouvé déterminé.
38:09 Déterminé dans son action, dans l'objectif qui est le sien
38:13 de pouvoir gagner cette guerre.
38:16 Il est déterminé aussi dans son action politique.
38:20 C'est une personne qui assume son leadership
38:24 sur le plan international, mais aussi sur le plan interne.
38:27 Et c'est important, lorsque un pays et une population
38:30 traversent de telles souffrances, d'avoir des hommes et des femmes politiques
38:34 qui soient en capacité d'emmener ce pays vers la victoire,
38:40 parce que cela nécessite un effort de tous absolument considérable.
38:46 Donc, le président Zelensky nous a évidemment parlé
38:50 de ses préoccupations majeures, qui sont les munitions, les armes.
38:55 Ils ont besoin d'armes, de munitions pour se défendre.
38:58 Ils ont besoin de défense antiaérienne pour faire face à ces attaques répétées
39:03 telles que nous avons pu les vivre cette nuit,
39:06 avec des missiles, des roquettes qui sont lancées sur le territoire ukrainien.
39:11 Ils ont besoin de protéger leur population.
39:14 Donc, des demandes multiples.
39:16 Il s'est également félicité et remercié du soutien de la France
39:21 et du leadership exercé par Emmanuel Macron.
39:24 C'est important aussi que chez nous, nous puissions continuer
39:29 à apporter ce soutien dans la durée à l'Ukraine.
39:32 – Justement, sur la question du soutien militaire,
39:34 est-ce que la France peut livrer plus d'armes ?
39:36 Le ministre de la Défense Sébastien Lecornu dit
39:38 qu'il faut passer en économie de guerre.
39:40 On parle de réquisitions possibles.
39:42 Il faut franchir cette étape en France ?
39:44 – Alors, j'ai envie de vous dire, elle a déjà été franchie
39:47 dans la mesure où, sur un certain nombre de lignes de production,
39:50 nous avons accéléré la production pour l'amplifier
39:55 et nous avons aussi réduit les délais de fabrication
39:58 d'un certain nombre d'armes pour justement être en capacité
40:01 de produire davantage.
40:03 Il y a en plus des accords qui sont signés pour permettre
40:06 aux Ukrainiens de pouvoir produire ici, sur place,
40:09 un certain nombre de munitions dont ils ont besoin.
40:12 Et là, il y a des coopérations qui peuvent se mettre en place
40:15 avec des industriels français.
40:17 Tout doit être mis en place pour permettre aux Ukrainiens
40:20 de pouvoir se défendre.
40:22 Et donc, c'est une coopération bilatérale qui se met en place
40:26 mais évidemment aussi européenne.
40:29 Et il faut saluer à cet égard un certain nombre d'initiatives,
40:32 notamment celle des Tchèques qui ont pris la tête
40:36 d'une coalition assez importante.
40:39 Et donc, je crois que c'est ces efforts conjoints
40:41 et le fait que l'Europe continue à parler d'une seule voie
40:44 qui permettront de doter l'Ukraine de suffisamment d'armes et de munitions.
40:50 – Est-ce que vous êtes revenue avec le président Zelensky
40:52 sur la phrase d'Emmanuel Macron sur le possible envoi de troupes au sol ?
40:57 Est-ce que c'est ce qu'il vous a demandé ou est-ce qu'il vous a dit
40:59 "ça on n'en a pas besoin" ?
41:01 – Alors, évidemment, nous avons échangé là-dessus.
41:05 Aujourd'hui, les besoins exprimés par le président Zelensky
41:09 sont des besoins exprimés en termes de formation,
41:13 d'assistance technique.
41:16 Il n'a pas, en tout cas à date, exprimé un besoin d'aide sur le plan humain.
41:22 – Vous l'avez dit, vous avez prononcé un discours devant la Rada,
41:25 le Parlement ukrainien.
41:27 Vous avez eu cette formule proche de celle d'Emmanuel Macron
41:30 en disant qu'il ne fallait rien exclure.
41:32 Qu'est-ce que ça veut dire concrètement ? Il faut aller jusqu'où ?
41:35 – Ce qui est certain, c'est que nous sommes dans une guerre
41:38 qui est existentielle pour l'Ukraine, mais pas uniquement pour l'Ukraine.
41:42 C'est une guerre existentielle pour l'Europe.
41:45 Parce que quand on menace la sécurité des peuples,
41:50 lorsqu'on franchit sans aucune vergogne des frontières,
41:55 lorsqu'on s'affranchit, et c'est ce que j'ai dit aussi hier devant la Rada,
41:59 de la responsabilité qui est la sienne
42:01 lorsque l'on est membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU.
42:06 On met gravement en danger les équilibres du monde.
42:09 Et donc nous ne pouvons pas laisser faire cela.
42:12 Et c'est la raison pour laquelle il ne faut pas relâcher les efforts
42:17 et ne rien exclure a priori dans le cadre de ces efforts en soutien à l'Ukraine.
42:23 – Toutes les options pour vous sont possibles.
42:25 Pour le dire clairement, ça pourrait être une intervention de l'armée française.
42:29 – Mais aujourd'hui cette option n'est pas sur la table.
42:32 Après ce n'est pas à moi de le dire, je ne suis pas présidente de la République,
42:36 je ne suis pas chef des armées et ces responsabilités reviennent évidemment
42:40 au président de la République, mais ce qui est certain,
42:42 c'est que le soutien de la France doit se poursuivre
42:46 et qu'il doit être adapté à la situation qui est très évolutive.
42:50 – Alors, on en a parlé en France, on s'apprête à donner une aide supplémentaire
42:54 de 3 milliards d'euros à l'Ukraine.
42:57 Dans le même temps, on annonce 10 milliards d'économies en France,
43:00 le double pour l'année suivante.
43:02 Est-ce que vous n'avez pas peur que finalement les Français ne comprennent pas
43:06 et du coup que ça affaiblisse le soutien qu'ils puissent apporter à l'Ukraine ?
43:10 – C'est une mission qui va devenir peut-être encore plus la nôtre
43:15 après ce déplacement avec les membres de la délégation qui m'accompagnent,
43:19 Valérie Rabault, Benjamin Haddad et Thomas Gassilou.
43:22 Parce qu'effectivement, il faut continuer à gagner la bataille des opinions publiques,
43:27 pouvoir expliquer continuellement à nos compatriotes
43:32 pour quelle raison il est important de continuer à soutenir l'Ukraine,
43:36 pour quelle raison il est important de ne pas laisser faire.
43:40 Et c'est une bataille qui doit se mener au long cours parce que c'est vital.
43:46 Le Président de la République a besoin, pour pouvoir porter la voix de la France
43:50 de la manière qu'il le fait, il a besoin évidemment d'un soutien de la classe politique
43:55 et c'est ce qu'il a lorsqu'il réunit le format Saint-Denis,
43:59 c'est ce qu'il a lorsque le gouvernement demande un vote à l'Assemblée nationale
44:04 et au Sénat sur la politique de la France menée en la matière
44:07 et sur le dernier accord franco-ukrainien.
44:09 Mais c'est ce dont il a besoin aussi par l'appui des opinions publiques,
44:13 c'est ce qui lui donnera beaucoup de force et nous en avons besoin.
44:17 Donc il ne faut pas hésiter à expliquer pour convaincre.
44:23 Et je crois que là-dessus il y a un consensus large, il n'y a pas de clivage politique
44:30 mais il est fondamental que nos compatriotes comprennent
44:33 que ce n'est pas une option le soutien à l'Ukraine,
44:37 que c'est quelque chose de vital mais pour nous-mêmes.
44:39 Et on voit bien, parce qu'on peut penser que l'Ukraine c'est loin
44:42 et que l'Ukraine ça ne nous concerne pas.
44:45 Mais on voit, et les Français le voient au quotidien,
44:48 ils voient les conséquences de la guerre par rapport à leur pouvoir d'achat,
44:52 on parle d'économie, mais pourquoi il y a eu une telle hausse des dépenses
44:57 au niveau de notre État ?
44:59 Parce que nous avons soutenu nos compatriotes à la suite de la hausse des prix de l'énergie.
45:04 Donc on voit qu'au niveau alimentaire, cette guerre a causé aussi une hausse des prix.
45:10 Donc ça a une conséquence directe, cette guerre a une conséquence directe sur les Français.
45:15 – Justement sur la question agricole, cette fois l'Union européenne,
45:18 l'Union européenne hier a décidé d'imposer des restrictions sur les importations
45:22 de produits agricoles en provenance d'Ukraine.
45:24 Ça va forcément gréver l'économie ukrainienne.
45:27 Est-ce que ce n'est pas un paradoxe quand l'Union européenne dit
45:31 "on vous aide, mais attention là la concurrence est un peu déloyale,
45:34 nos agriculteurs ne sont pas forcément contents,
45:37 donc on va mettre une certaine forme de barrière".
45:39 – Ce n'est pas une barrière, mais il faut trouver le bon équilibre.
45:42 Moi je suis allée sur les barrages en Charente-Maritime,
45:46 notamment rencontrer des agriculteurs et effectivement ils se plaignent
45:50 et ils ont raison de faire face parfois, et pas qu'avec les Ukrainiens,
45:54 à une concurrence déloyale et qui n'est pas équitable
45:59 par rapport au travail que eux fournissent.
46:01 Donc il faut que cette concurrence soit la plus équitable possible,
46:04 c'est ce que nous devons à nos agriculteurs français.
46:07 En même temps, nous devons permettre à l'Ukraine de continuer à avoir
46:11 des ressources financières par le fruit du travail des Ukrainiens.
46:16 Et donc il faut trouver le bon équilibre par rapport aux exportations agricoles.
46:21 Ça ne peut pas être une porte ouverte au cas de vent,
46:25 en même temps ça ne peut pas être une interdiction totale,
46:28 ça n'aurait pas de sens pour les raisons que vous avez indiquées.
46:31 Il faut trouver les équilibres, je pense que c'est en bonne voie.
46:34 En tout cas c'est important de ne pas fermer la porte,
46:37 mais en même temps d'entendre ce que nous disent nos agriculteurs
46:40 et de respecter cette équité indispensable à l'acceptabilité
46:44 de nos opinions publiques, puisque nous parlions des opinions publiques.
46:47 – Une question un peu plus politique, le 9 juin prochain,
46:50 ce sont les élections européennes, on a vu plusieurs responsables
46:53 de la majorité notamment venir ici, en Ukraine.
46:56 Est-ce que pour vous cette question du soutien à l'Ukraine,
46:59 c'est le nerf de la guerre de cette campagne des Européennes ?
47:03 – Il y a plusieurs questions relativement à l'Ukraine
47:06 qui concernent cette campagne européenne.
47:08 Il y a notamment la question de l'élargissement.
47:11 Quelle Europe voulons-nous demain ? Quel sera son périmètre ?
47:16 Et quel sera son mode de fonctionnement ?
47:19 Est-ce que l'on peut continuer avec une Europe qui fonctionne
47:22 avec le plus souvent des règles d'unanimité ?
47:26 Ou est-ce qu'il faut adopter une Europe avec différents cercles
47:31 en fonction des envies et des besoins de chaque pays ?
47:34 Ça ce sont des sujets majeurs d'une campagne européenne.
47:38 Et évidemment la question de l'Europe politique, de l'Europe de la défense,
47:42 c'est ce que j'ai évoqué également hier pendant mon discours à la Rada.
47:46 En fait cette guerre en Ukraine a donné un coup d'accélérateur prodigieux
47:51 à l'Europe de la défense, à l'Europe politique.
47:53 Et c'est important et on voit que l'Europe est en capacité de s'unir
47:57 lorsque il y a un danger vital qui existe.
48:01 Et je crois que nous avons fait un grand pas en avant tous ensemble.
48:05 – Et vous vous dites oui à l'adhésion à l'entrée de l'Ukraine dans l'Union européenne ?
48:09 Et si oui, à quel horizon ?
48:11 – Écoutez, oui bien sûr pour que l'Ukraine rentre dans l'Union européenne.
48:17 Maintenant vous avez vu que le processus justement est engagé.
48:21 C'est également des échanges que j'ai eus avec mon homologue
48:24 Ruslan Stéphane Chouk, le président de la Rada,
48:26 parce qu'ils ont adopté un certain nombre de lois
48:29 qui étaient nécessaires pour que ce processus d'adhésion puisse exister,
48:34 notamment un certain nombre de dispositions anticorruption
48:38 ou relatives à l'indépendance du monde judiciaire.
48:43 Maintenant il faut que ces lois puissent s'appliquer.
48:46 Nous aurons aujourd'hui un entretien sur ce sujet avec des responsables ukrainiens.
48:51 – Dernière question très rapide, ce n'est pas la fin de votre déplacement,
48:55 mais là, qu'est-ce que vous en gardez et qu'est-ce que vous allez retenir,
48:59 qu'est-ce que vous allez communiquer aux députés, aux Français à votre retour à Paris ?
49:03 – On voit une formidable résilience du peuple ukrainien,
49:06 et c'est ça que je retiens avant tout, une formidable résilience,
49:10 une formidable force, une détermination, une résolution à tenir,
49:18 à faire face, à tenir debout, et ils sont à cet égard exemplaires.
49:24 – Merci beaucoup Yael Brune-Pivet, présidente de l'Assemblée nationale,
49:27 d'avoir accordé cet entretien à la chaîne parlementaire.
49:30 – Merci à vous.
49:32 – Voilà donc pour cet entretien que vous pourrez retrouver sur notre site lcp.fr,
49:38 Elsa Mondingava et Pierre Beretta derrière la caméra.
49:42 Allez, on termine avec nos affranchis, leur parti pris tout de suite après le jingle.
49:46 [Générique]
49:56 Et ils sont fin prêts, même si c'est la fin de semaine,
50:00 Bertrand Perrier pour son humeur du vendredi et notre sémiologue Mariette Darrigrand.
50:05 On commence avec vous Bertrand, le torchon brûle entre les magistrats et le garde des Sceaux,
50:11 leur ministre donc, Éric Dupond-Moretti.
50:13 – Oui Myriam, on sait que les relations sont houleuses depuis l'origine
50:16 entre Éric Dupond-Moretti et beaucoup de magistrats
50:19 qui avaient vécu sa nomination place Vendôme comme une provocation,
50:22 lui qui était l'avocat acquittator auparavant.
50:25 Eh bien l'attention est à nouveau montée d'un cran ces derniers jours.
50:31 Ce qui a mis le feu aux poudres, ce sont les déclarations faites par plusieurs magistrats
50:35 du tribunal judiciaire de Marseille, qui ont été auditionnés début mars
50:40 par la commission sénatoriale d'enquête sur les narcotrafics.
50:44 Et ces magistrats marseillais ont dressé de leur ville un tableau absolument apocalyptique
50:51 parlant d'une narco-ville, parlant d'une situation à la mexicaine
50:55 et avouant une forme d'impuissance de la justice face à cette situation.
50:59 L'un des magistrats instructeurs en charge des gros dossiers de stupéfiants a déclaré
51:04 "je crains que nous soyons en train de perdre la guerre contre les trafiquants".
51:08 Et ça, ça n'a pas plu du tout aux gardes des Sceaux, Éric Dupond-Moretti ?
51:11 Oui, gros coup de colère du garde des Sceaux, semble-t-il, en marge de la visite
51:16 du président de la République dans la cité phocéenne.
51:20 Un recadrage, une soufflante, ont dit certains participants à cette réunion.
51:26 Éric Dupond-Moretti aurait accusé les juges de défaitisme de, je cite,
51:31 "faire le jeu de l'extrême droite" et de se plaindre alors que les moyens,
51:35 notamment humains, du tribunal judiciaire de Marseille ont connu une hausse importante
51:40 puisque depuis 2017, il y a eu plus de 50 nouveaux magistrats nommés
51:44 au sein de ce tribunal judiciaire.
51:46 Réaction indignée, on l'imagine, des syndicats de magistrats.
51:49 Et avant-hier, l'ancien procureur général après la Cour de cassation,
51:53 François Mollins, est lui aussi monté au créneau.
51:56 Oui, les syndicats ont évidemment été les premiers à dire leur consternation,
52:00 leur sidération à l'égard du comportement du garde des Sceaux.
52:04 Stigmatisant une atteinte portée à la liberté de parole,
52:07 à l'indépendance des magistrats, qui n'aurait fait que décrire
52:11 une situation réelle devant une commission sénatoriale devant laquelle
52:14 ils parlaient sous serment sans méconnaître leur devoir de réserve.
52:18 C'est parti dans le secteur politique, évidemment, à la séance de questions
52:21 au gouvernement, au Sénat, mercredi.
52:23 Le président de la commission sur les narcotrafiques,
52:26 qui est un sénateur LR, Étienne Blanc, a accusé Éric Dupond-Moretti
52:30 de violer la séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le judiciaire.
52:35 Le garde des Sceaux lui a déclaré assumer totalement ses propos,
52:38 il est revendiqué, expliquant, je cite,
52:40 "Lorsqu'on dit qu'une guerre est perdue, on la perd".
52:43 Et en effet, mercredi, le très médiatique et très emblématique
52:47 François Mollins, qui est maintenant magistrat honoraire,
52:50 n'a pas manqué l'occasion de sa propre audition
52:53 devant la commission narcotrafic pour apporter son soutien
52:56 aux magistrats marseillais, en expliquant qu'il combattait
53:00 avec lucidité et que le comportement du ministre
53:05 était aux antipodes de son office.
53:07 Donc, le torchon brûle, plus que jamais,
53:10 entre le ministre et les magistrats, et pendant ce temps,
53:13 à Marseille, il y a eu l'opération Placenet XXL,
53:17 qui a été, avec tambours et trompettes, engagée à la Castellane,
53:22 en présidence du président de la République.
53:24 Au bout d'une semaine, le résultat est bien maigre.
53:28 Un kilo de cocaïne, une trentaine de kilos de cannabis,
53:32 une goutte d'eau dans l'océan.
53:34 Depuis, évidemment, sur place, les trafics ont repris,
53:38 et c'est la seule chose qui n'a rien de stupéfiant.
53:41 - Merci. Magnifique chute, si elle n'était pas tragique.
53:44 Merci beaucoup, Bertrand Perrier.
53:46 Décidément, la greffe n'a jamais pris, en fait.
53:49 Il garde des sceaux et est magistrat.
53:51 - Il fait rester un corps étranger.
53:53 - Marie-Ève Darigrand, votre mot de la semaine,
53:56 c'est le mot "rigueur". Après les années du quoi qu'il en coûte,
53:59 il a fait son grand retour.
54:01 - En effet, ce mot est sorti du bois,
54:03 parce que vous savez que d'habitude, il est habilement évité,
54:06 en tout cas par les politiques, qui lui préfèrent déficit ou dette,
54:10 mais qui font partie, évidemment, de l'écosystème.
54:13 - Ce mot de rigueur nous rappelle des mauvais souvenirs ?
54:16 - Bien sûr, le tournant de la rigueur, avec des guillemets,
54:19 parce que c'est devenu un article sur Wikipédia,
54:22 ça fait date, c'est un moment fondateur
54:24 dans notre histoire politique.
54:26 Il semble que ce qu'on a appelé
54:28 la montée du populisme commence à ce moment-là.
54:31 C'est vraiment quelque chose qu'on peut dater.
54:34 La rigueur, c'est un très vieux mot qui était déjà là avant.
54:37 Raymond Barre du temps de Giscard était déjà appelé père Larigueur.
54:40 Après, Larigueur a eu des répliques, évidemment,
54:43 en particulier quant au moment de la première crise anti-retraite
54:46 au gouvernement Juppé.
54:48 Justement, Alain Juppé a parlé,
54:50 c'est tout à fait intéressant, sa formule,
54:52 il a dit, vous vous souvenez, "je suis droit dans mes bottes".
54:55 Et ça va très bien avec Larigueur,
54:57 parce que Larigueur, c'est l'hiver.
54:59 C'est l'hiver, c'est la pluie, c'est les frimas,
55:01 c'est le moment où on est dans ses bottes.
55:03 Evidemment, il a pas fait exprès de le dire comme ça,
55:05 mais je reprends la métaphore, parce qu'elle est vraiment fondatrice.
55:08 Donc c'est d'abord du climat,
55:10 et puis ensuite, bien sûr, ça passe sur un plan moral,
55:13 et là, la justice, par exemple, au Moyen Âge,
55:15 quand on disait "la justice a de Larigueur",
55:17 ça voulait dire qu'elle était carrément impitoyable.
55:19 C'était très, très sévère. C'est vraiment un mot très négatif.
55:21 Et où en sommes-nous, alors, aujourd'hui ?
55:23 Alors, Myriam, c'est une simple hypothèse,
55:25 mais je pense que le mot est en train de se repositiver
55:27 par une troisième voie, qui existait,
55:29 mais qui est, si vous voulez,
55:31 quand, par exemple, on dit "Kylian Mbappé a beaucoup de rigueur,
55:34 il est très doué, mais il a de la rigueur dans ses entraînements",
55:37 ou quand on nous dit "Marx, Thierry",
55:39 quand il dit que les jeunes ont envie d'apprendre
55:42 les gestes de la cuisine, qu'ils aiment la rigueur.
55:44 Je crois qu'il y a quelque chose qui s'est repositivé avec ce mot
55:47 par le plan technique et sur une génération
55:50 qui est née bien après 1983.
55:52 Alors, je ne sais pas s'il sera des conséquences dans les urnes,
55:55 parce que le corps social qui vote, il est plus âgé.
55:58 -C'est pas forcément une faute de communication de l'avoir employé ?
56:01 Gabriel Attal, il a pris conscience qu'il redevenait positif ?
56:04 -C'est possible. Lui aussi appartient à cette génération
56:07 qui prône, s'il vous plaît, ils sont toujours en train de dire,
56:10 ces jeunes-là, nous devons réguler, nous devons avoir des limites,
56:13 nous devons cadrer.
56:14 Donc, peut-être un nouveau tournant de la rigueur
56:17 se profile à l'horizon, on verra.
56:19 -Merci beaucoup pour cette rigoureuse
56:22 et non moins passionnante chronique.
56:25 On va terminer par Action Planète.
56:27 C'est la chronique écolo de Léa Falco.
56:30 Tout de suite.
56:41 Bonsoir, ma chère Léa.
56:43 Vous vouliez revenir ce soir sur cette mine de lithium,
56:47 peut-être même la plus grande mine de lithium d'Europe,
56:51 qui pourrait ouvrir en Alliés, dans l'Allié.
56:54 -Absolument, dans l'Allié, dans la ville,
56:56 dans le village même, des Chassières, plus précisément,
56:59 dans une mine qui est exploitée pour produire des céramiques
57:02 et dont le sol est riche en lithium, l'or blanc,
57:05 comme on l'appelle désormais, qui sert notamment
57:08 de batterie de véhicules électriques.
57:11 En plus de cette mine et d'une usine de concentration
57:14 qui va séparer les minerais dans le granit,
57:18 il est question dans le projet d'un espace de stockage
57:21 de ce lithium et d'une usine pour le raffiner.
57:24 Le tout pour 2028.
57:25 -Et tout ça, évidemment, à coût environnemental, on l'imagine.
57:28 -C'est un projet colossal et les chiffres vont avec.
57:31 Tout ce que je vous donne est par an.
57:33 On parle d'une extraction de 34 000 tonnes d'hydroxyde de lithium.
57:37 C'est l'équivalent d'à peu près 700 000 batteries
57:40 de véhicules électriques.
57:42 Et pour pouvoir produire cette somme,
57:44 il faut extraire du sous-sol à peu près, même un peu plus,
57:47 de 2 millions de tonnes de granit,
57:49 qui ensuite vont être broyées,
57:51 soumises à un certain nombre de traitements chimiques.
57:54 Le tout, c'est associé à une grosse consommation d'eau et d'énergie.
57:57 A côté, vous avez le promoteur du projet, Imerys,
58:00 qui promet une mine responsable.
58:02 Plein d'arguments de protection de l'environnement.
58:05 -Les mines propres, ça n'existe pas.
58:07 Il y a des impacts matériels immédiats
58:09 qui ne peuvent pas être effacés.
58:11 Mais même en disant ça, c'est possible
58:13 que ce soit plutôt une bonne nouvelle, cette ouverture.
58:16 -C'est vous qui nous dites ça ?
58:18 -Pour la transition écologique,
58:20 on a besoin d'électrifier une partie du parc de voitures,
58:23 d'infrastructures bas carbone, de minerais,
58:25 et par conséquent, on a besoin de mines.
58:27 La question, ici, c'est pas tant l'extraction du lithium
58:30 que ce qu'on va en faire après.
58:32 C'est une question de sélection de l'usage qui est fait.
58:35 Si on veut remplacer le tout pétrole par le tout mine,
58:38 ça ne fonctionnera pas.
58:39 Si on veut mettre ce lithium dans des grosses voitures
58:42 peu efficaces plutôt que des petites,
58:44 ce n'est pas très intéressant.
58:46 -Mais si on faisait quoi ?
58:48 -L'avantage de le faire sur notre sol,
58:50 c'est qu'on gagne un peu de souveraineté
58:52 sur ce minerai stratégique.
58:54 En plus, on maîtrise mieux l'impact environnemental
58:57 puisqu'on peut le surveiller.
58:59 Il faut absolument penser à l'usage qui en est fait.
59:02 Pour ça, il y a tout un attirail à notre disposition
59:05 à commencer par limiter la taille des voitures.
59:08 -Merci beaucoup, Léa Falco.
59:10 Une chronique tout en nuances sur cette grosse mine,
59:13 première mine en Europe, dans l'Allier,
59:16 qui pourrait voir le jour.
59:18 Merci à vous, les Affranchis du vendredi.
59:20 Merci, Léa, c'est la fin de cette émission.
59:22 Merci à vous de l'avoir suivie.
59:24 Merci aussi à toute l'équipe CVR,
59:26 à Fanny Salyou, à Charlotte Barbazas, à Samuel Boyer, à David et à Titouan.
59:30 Merci aussi à la régie.
59:32 C'est le week-end. Profitez bien.
59:34 À mardi, 19h30, en direct.
59:36 ...
59:50 [Générique de fin]