Anaïs Denet, journaliste et auteur du livre "ZAD : une histoire de la violence, l'évacuation de Notre-Dame-des-Landes"

  • il y a 5 mois
L'invité(e) de 7h45 de France Bleu Loire Océan

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00:00 Le 6/9 France Bleu Loire Océan, infos et bonne humeur.
00:04 7h46, notre invité ce matin, Anaïs Donnet, journaliste et auteur du livre "Zad, une histoire de la violence, l'évacuation de Notre-Dame-des-Landes".
00:16 Un livre qui sort demain aux éditions de Noël, je vous le montre si vous êtes sur France 3 avec nous.
00:22 Et qui sort donc près de 6 ans après l'évacuation qui avait débuté le 9 avril 2018.
00:28 Bonjour Anaïs Donnet.
00:29 Bonjour Nicolas.
00:30 Pourquoi ce livre déjà, 6 ans après ?
00:32 J'ai vécu ce moment comme journaliste, à l'époque j'étais correspondante pour RMC et BFM dans l'Ouest.
00:38 C'était un moment un peu fou, d'ultra-violence aussi.
00:41 Alors moi j'avais 25 ans, j'étais jeune correspondante, donc je partais avec mon sac à dos tout dedans et mon masque à gaz.
00:48 Et c'est vrai qu'il y avait des échanges de grenades, de cocktails Molotov, une ligne de front très marquée, des blindés, des militaires, c'était un moment assez dingue.
00:57 Vous racontez d'ailleurs dans votre livre qu'il y a votre collègue, consoeur Amélie,
01:01 parce qu'on va le dire, il n'y a que des prénoms dans le livre.
01:04 Vous racontez cette semaine, chronologiquement, par le regard de différents personnages.
01:10 C'est un récit choral en fait avec qui il protagonise des gens qui ont vraiment vécu l'évacuation et qui sont de tous bords.
01:15 Il y a Nicole que tout le monde a connue ici, Nicole Klein, la préfète qui se confie beaucoup.
01:20 Mais il y a aussi Anthony, conducteur de blindés, Jean-Claude, photographe indépendant, Brigitte, Brigitte Freyneau, que tout le monde a connue aussi, qui est une agricultrice historique, Jean-Marie qui est un zadiste.
01:31 Et en fait on suit ces jours, chronologiquement, quasiment heure par heure à travers les yeux des personnages.
01:36 Et il y a Amélie qui est un reporter de guerre, qui en a vu d'autres partout sur la planète,
01:39 et qui tient deux jours et qui repart avec 41 de fièvre parce que ce qu'elle voit là, ça la surprend.
01:45 D'ailleurs le sous-titre c'est "Une histoire de la violence".
01:49 Est-ce que j'immerge vraiment le lecteur dans cette violence ?
01:52 Pour vous c'est violent ? Enfin pas pour vous d'ailleurs, c'est violent ?
01:56 C'est un théâtre d'opérations qui est très violent et on est immergé dedans.
02:01 Il y a quand même des blessés, il n'y a pas de mort sur cette opération, mais il y a quand même un blessé grave, Maxime, qui perd sa main le 22 mai.
02:10 Et il y a de toute façon des échanges de violences très violents à ce moment-là.
02:14 Et l'idée c'est d'être dans l'action. Quand on ouvre les premières pages, on est dans l'action.
02:17 C'est ça, ça se lit un peu comme un roman mais avec les différents personnages.
02:21 Il y a vous aussi dedans, parce que vous vous mettez, pas en scène, mais vous racontez aussi votre regard.
02:26 C'était important qu'il y ait le vôtre aussi en plus de ceux des autres ?
02:29 Moi je n'avais pas forcément au début envie et puis la maison d'édition, comme j'avais déjà fait un livre qui était à la première personne, m'a dit "ce serait intéressant, tu l'as vécu aussi, tu es légitime".
02:38 Et en fait je l'ai fait pour raconter aussi ce que c'était de laisser vivre l'image pour BFM, pour lequel je travaillais à ce moment-là,
02:45 où au bout de 7 jours à filmer des échanges de grenades et de Molotov, on ne sait plus trop ce qu'on fait là.
02:51 Et ça avait un sens de le dire.
02:53 Au début, vous racontez les messages sur votre portable et les échanges avec votre rédaction en chef à Paris,
03:01 où vous vous dites "c'est dangereux", "ça craint" et tout, puis on vous dit "tu seras prête à quelle heure ?".
03:06 On sentait un peu le décalage entre...
03:08 - Oui, c'est la réalité de quand on est pigiste, correspondant région, et encore plus pigiste, et qu'on a une rédaction à Paris,
03:14 ça c'est une réalité, mais ce n'est pas la seule réalité de ce livre.
03:17 Il y a aussi d'autres personnages, il y a Nicole Klein qui se confie comme jamais, et qui a une liberté de le faire dans mon livre,
03:22 parce que quand je vais la voir en 2021, elle n'a plus de fonction, ni de préfète, ni dans aucun parti politique, etc.
03:28 Et en fait elle a une liberté de parole et elle dit des choses dans ce livre qu'elle n'a jamais dit ailleurs.
03:32 - Et d'ailleurs vous la dépeignez comme la préfète presque alliée des zadistes, ou en tout cas celle qui avait un regard modéré.
03:39 - En fait, parce que moi je suis journaliste, je n'ai jamais voulu prendre part, je ne suis pas pour ou contre l'aéroport.
03:43 - D'ailleurs ce livre ne prend pas partie.
03:45 - Non, et dans ce département, dans cette région, c'est très compliqué, tout de suite on veut vous ranger dans une case,
03:49 et moi j'ai tenu à faire ce livre sans qu'on me range dans une case, et donc tous les personnages sont complexes.
03:54 On a une préfète qui représente l'État, mais qui ne veut pas, qui ne rêve pas de détruire la ZAD.
03:58 On a un zadiste qui est non-violent, qui est incapable de prendre une pierre pour l'envoyer sur des gendarmes.
04:04 On a un conducteur de blindés, Anthony, qui finalement va...
04:07 - Qui a peur, il a peur quand il est dans le brasier.
04:09 - Alors il y a une scène du blindé qui n'a jamais été racontée, qui n'est jamais sortie dans la presse, qui est racontée dans ce livre.
04:14 - Il est dans un brasier de pneus fumés, il ne va pas tout raconter.
04:17 - La température monte à 90 degrés dans l'intérieur du blindé.
04:20 - Et là ils se disent d'ailleurs, on est des militaires d'élite et on ne va pas mourir au front pour sauver...
04:25 - Et lui aussi remet trop en question. Et en fait on est dans l'action qui, petit à petit, au cours du livre,
04:29 on est dans la tête aussi de ces personnages, dans ce qu'ils ressentent.
04:32 Et en fait, tous vont vivre en même temps une perte de sens et se demander ce qu'ils font là.
04:36 Et c'est ça l'intérêt du livre aussi.
04:37 - Et vous avez eu du mal à les convaincre, certains, de parler ?
04:39 - Alors, parce que j'ai demandé des entretiens qui n'étaient pas conventionnels en termes journalistiques.
04:43 J'ai demandé des récits de l'intime. Je leur ai dit, vous n'allez pas me raconter ce que vous avez fait,
04:47 enfin si, mais vous allez en plus me raconter ce qui s'est passé dans votre tête,
04:50 comment vous l'avez ressenti, vos émotions, ce qui s'est passé là, à l'intérieur.
04:53 - Et finalement, c'était plus facile de parler à la préfète que de parler à certains zadistes.
04:57 - Ça a été plus compliqué pour les zadistes, effectivement,
04:59 parce que je suis arrivée à un moment où il y a une consoeur qui avait écrit un livre,
05:03 Eleonore Dupley, qui est très bien, que je vous conseille sur la ZAD aussi,
05:06 qui s'appelle "Après la lutte".
05:08 Et en fait, ils étaient bloqués un petit peu et ça a été compliqué, ça a pris du temps.
05:11 - Vous avez eu des pressions, je ne dirais pas menaces, mais des pressions ?
05:13 - Ça a été compliqué. Il y a eu deux ans, c'est aussi pour ça que ce livre a mis du temps à sortir,
05:17 parce que c'était inconcevable pour moi de le sortir sans la parole des zadistes,
05:20 ça n'avait pas de sens sinon.
05:21 Et donc, il a fallu attendre, et c'est l'avantage d'avoir une maison d'édition qui fait confiance,
05:26 c'est qu'elle a attendu, et qu'aujourd'hui ce livre sort avec des choses qu'on n'a, par ailleurs,
05:30 jamais entendues sur ce moment.
05:31 - On pourrait en parler un plus longtemps, malheureusement, on n'a plus le temps,
05:34 donc on va s'arrêter là.
05:35 Ça s'appelle "ZAD, une histoire de la violence, l'évacuation de Notre-Dame-des-Landes".
05:39 C'est chez De Noël, grande maison d'édition, et ça sort demain, je vous le montre à la télé.
05:45 Merci beaucoup Anaïs Dené d'être venue nous en parler ce matin, et bonne journée à vous.
05:49 - Merci beaucoup.

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