• il y a 8 mois
Les mégalithes de Carnac se dressent vers le ciel sans se soumettre à une fonction quelconque comme s’ils déclaraient la guerre aux lois éternelles de la pesanteur pour inaugurer la transformation de la Terre en un vaste chantier permanent...
Plus tard les colonnes doriques, ioniques ou corinthiennes célèbreront à leur manière le moment inaugural de la surrection humaine, en rappelant les proportions des corps herculéens, féminins ou adolescents... Elles sortiront de la masse indifférenciée du mur archaïque et s’affirmeront comme des éléments porteurs qui se refusent à fermer et à enclore pour promouvoir un espace anthropocentré dans lequel les êtres humains pourront s’ouvrir au monde, tout en restant protégés.
Simplifiées et transformées - en grêles pilotis par Le Corbusier à la Villa Savoye en1929 ou en fin piliers cruciformes par Mies van der Rohe pour le Pavillon de Barcelone la même année - elles n’auront jamais cessé d’être interprétées et réinterprétées par les architectes. Ainsi les poteaux-nénuphars de Frank Lloyd Wright pour le siège de la Johnson Wax (1939) ou ceux arborescents de Marcel Breuer pour l’immeuble IBM à La Gaude (1962)...
Les colonnes savent aussi se superposer en suivant les préceptes de Vitruve, comme l’illustre la façade du Colisée romain. Une leçon reprise par Alberti au Palais Rucellai à Florence (1451) sur laquelle méditent encore Rafael Moneo pour la façade de l’hôtel de ville de Murcia (1998), Christian Kerez pour son immeuble de bureau à Lyon Confluence (2018) ou l’agence NP2F pour l’Institut Méditerranéen de la Ville et des Territoires à Marseille (2023)...
Transcription
00:00:00 Bonjour.
00:00:01 Donc, voilà, nous allons continuer à énumérer
00:00:06 les éléments de l'architecture.
00:00:08 Et aujourd'hui, c'est pas n'importe quel élément,
00:00:11 c'est la colonne.
00:00:13 On va tout de suite voir pourquoi.
00:00:15 C'est vraiment l'élément central de l'architecture,
00:00:19 parce que l'architecture,
00:00:21 c'est une colonne qui est une colonne.
00:00:23 C'est une colonne qui est une colonne.
00:00:26 L'élément central de l'architecture, parce que l'architecture,
00:00:30 effectivement, ça protège, mais ça porte.
00:00:33 Et la colonne, on va faire sa généalogie aujourd'hui.
00:00:37 On va voir qu'elle a quand même un rapport
00:00:41 presque essentiel au corps humain.
00:00:44 C'est pour ça que je vais commencer par le mythe grec.
00:00:48 Voilà, c'est Oedipe.
00:00:50 Il est perdu. Non, il n'est pas perdu.
00:00:51 Il va à Thèbes, à Thèbes où règne la peste.
00:00:56 Et qui est dominée par un monstre, une chimère.
00:00:59 Moitié lion, moitié aigle, moitié femme.
00:01:03 La sphinge.
00:01:05 Et la sphinge pose une énigme
00:01:08 à tous les voyageurs qui veulent entrer dans la ville.
00:01:12 Et l'énigme, tout le monde la connaît, bien sûr.
00:01:15 C'est qu'est-ce qui, le matin, marche à quatre pattes,
00:01:19 à midi, se dresse sur ses deux pattes,
00:01:22 et le soir, est à trois pattes.
00:01:25 Bon. Et la réponse d'Oedipe, c'est l'homme.
00:01:30 Alors pourquoi c'est important de commencer par ça,
00:01:34 de commencer par l'énigme du sphinx ?
00:01:37 D'ailleurs, le sphinx, on ne sait même pas comment elle se tient.
00:01:40 Est-ce qu'elle rampe ? Est-ce qu'elle vole ?
00:01:44 On ne sait pas du tout.
00:01:47 Chaque fois qu'elle a été représentée,
00:01:48 elle a beaucoup été représentée, dans le courant du XVIIIe siècle,
00:01:51 mais on ne sait pas trop.
00:01:53 C'est toujours difficile de la représenter,
00:01:57 parce qu'on ne sait pas trop comment elle se tient.
00:02:02 Tandis que l'homme, lui, bien sûr,
00:02:06 comme le dit l'énigme,
00:02:10 c'est celui parmi les animaux
00:02:14 qui se tient sur ses deux pattes arrière,
00:02:17 dressé, et qui regarde au loin.
00:02:21 Voilà, la réponse, c'est l'homme.
00:02:24 L'homme, c'est celui qui se dresse,
00:02:26 et l'architecture, et la colonne,
00:02:29 puisqu'on va le voir dans le courant du cours,
00:02:31 mais c'est vrai que pendant longtemps,
00:02:34 en tout cas pendant le cacicisme,
00:02:37 la grande question, quand on faisait un bâtiment,
00:02:39 quand un architecte faisait une église, un palais,
00:02:43 je ne sais pas quoi d'autre,
00:02:44 eh bien, le seul choix qu'il avait pratiquement à faire,
00:02:48 c'est choisir quel type de colonne.
00:02:51 Si c'était la colonne dorique, la colonne ionique,
00:02:54 la colonne corinthienne, et après, tout découlait de ça.
00:02:57 Donc la colonne, quelque part,
00:02:59 elle est l'architecture.
00:03:01 Et la colonne, quelque part,
00:03:04 c'est l'élément de l'architecture qui atteste,
00:03:07 et qui a un côté testamentaire,
00:03:10 et qui garde en mémoire
00:03:13 le fait que l'homme, parmi tous les animaux,
00:03:17 est celui qui se dresse sur ses pattes arrière.
00:03:20 Et la colonne aussi, elle marque,
00:03:23 vous voyez, disons, le pacte fondamental qui existe
00:03:27 entre l'homme et l'architecture.
00:03:30 Se dresser.
00:03:34 Bon, se dresser, les menhirs de Carnac,
00:03:37 c'est déjà...
00:03:39 Deuxième millénaire avant Jésus-Christ.
00:03:44 C'est simplement des pierres dressées.
00:03:47 Ces pierres dressées, effectivement, elles attestent,
00:03:52 elles confirment la surextion humaine.
00:03:57 Bien sûr, la statuaire grecque,
00:04:01 l'homme dressé, l'homme debout,
00:04:05 l'homme aussi dans lequel s'inscrit la loi du monde,
00:04:11 puisque, effectivement, son corps est proportionné.
00:04:15 Vous voyez, donc, la tête,
00:04:17 elle a un tel rapport au reste du corps.
00:04:19 Les bras, vous voyez.
00:04:21 Et tout ça, et quelque part, dans ce corps,
00:04:25 se trouve, quelque part, le chiffre de l'architecture.
00:04:29 Parce que l'architecture aussi,
00:04:31 les éléments de l'architecture aussi
00:04:33 vont entretenir des rapports qui vont être,
00:04:36 entre eux, des rapports qui vont être similaires,
00:04:39 des rapports que les membres du corps humain
00:04:42 entretiennent entre eux.
00:04:45 Le doryphore, Hercule,
00:04:47 c'est une sorte de masse, comme ça,
00:04:50 qui se dresse.
00:04:52 Et bien sûr, la colonne, comme je l'ai dit,
00:04:55 à la fois, elle se dresse,
00:04:57 mais elle soulève et elle porte.
00:05:00 J'ai mis cette image-là,
00:05:02 parce que j'adore cette sculpture,
00:05:04 cette sidéra,
00:05:06 l'enlèvement des sabines de Jean de Bologne.
00:05:09 C'est jamais révu plus beau au monde.
00:05:11 C'est vrai que c'est fascinant,
00:05:13 parce que, quelque part, c'est tout un mouvement,
00:05:15 c'est un soulèvement.
00:05:17 Il y a trois éléments.
00:05:18 Il y a la base,
00:05:21 le sabin qui est foulé du pied.
00:05:23 Il y a le tronc,
00:05:26 c'est le roman,
00:05:27 et il y a le couronnement,
00:05:30 la sabine échevelée.
00:05:34 Paestum, c'est peut-être un des plus beaux temples.
00:05:39 Le temple de Poséidon et le temple d'Héra,
00:05:42 c'est peut-être les plus beaux temples grecs.
00:05:45 Ils ne sont pas en Grèce, ils sont en Sicile.
00:05:46 Non, ils sont près de Naples,
00:05:49 donc à Paestum.
00:05:50 C'est vrai que ces temples,
00:05:52 d'ailleurs, comme le très beau temple de Ségeste,
00:05:55 vous voyez, en Sicile,
00:05:57 quand on y arrive,
00:05:59 on a l'impression...
00:06:01 C'est une chose qu'on a complètement perdue aujourd'hui,
00:06:03 quand on parle de colonne ou d'architecture,
00:06:05 mais quand on va voir le temple de Ségeste en Sicile,
00:06:09 on marche comme ça dans la montagne,
00:06:11 on le voit de loin,
00:06:12 et puis, tout d'un coup, au détour d'un arbre
00:06:15 ou d'une éminence,
00:06:18 on le découvre.
00:06:19 Et ce temple, il se dresse,
00:06:23 comme l'Hercule tout à l'heure,
00:06:25 parce que tout est fait pour bien marquer
00:06:29 le phénomène de sa surextion.
00:06:34 Je préfère surextion à érection.
00:06:38 Vous voyez ?
00:06:39 Parce qu'il y a les emmarchements,
00:06:41 le stylobate, c'est pas plat,
00:06:44 comme on le verra après,
00:06:46 dans l'architecture classique au XVIIIe siècle.
00:06:49 Non, il est légèrement reflé.
00:06:52 Les colonnes, putain, elles sont pas cylindriques, quoi.
00:06:55 Elles sont galbées, vous voyez ?
00:06:57 Et en plus, elles sont pas droites,
00:07:00 parce que celles qui sont aux extrémités,
00:07:04 elles sont légèrement obliques,
00:07:05 et elles se rapprochent.
00:07:07 Tout est marqué,
00:07:09 pour signifier l'arrachement au sol,
00:07:14 le soulèvement.
00:07:15 C'est pareil pour Paestum.
00:07:18 Je préfère Paestum que Segeste,
00:07:20 parce qu'à Paestum, c'est vrai que les colonnes,
00:07:23 elles ont des...
00:07:26 Elles ont des...
00:07:28 des canures, voilà.
00:07:30 C'est un thème que je vais développer aujourd'hui.
00:07:33 Et c'est vrai qu'elles captent, vous voyez,
00:07:36 complètement la lumière.
00:07:39 Non seulement elles captent la lumière,
00:07:41 mais elles vont la réfléchir,
00:07:43 elles vont la diffuser, vous voyez,
00:07:45 à l'intérieur, non pas du temple,
00:07:47 parce qu'effectivement, derrière les colonnes de Paestum,
00:07:51 du temple de Poséidon,
00:07:54 il y a le mur de la Scella.
00:07:56 Et c'est vrai que le mur de la Scella,
00:07:57 il fonctionne comme une sorte de cimesse,
00:07:59 devant lesquelles les colonnes,
00:08:01 elles se mettent complètement en scène.
00:08:04 Voilà, puis là aussi, quelque part, c'est clair.
00:08:07 Comme d'ailleurs le grand architecte américain,
00:08:11 Lewis Kahn, il dit un truc, c'est vrai,
00:08:13 je crois que je l'ai déjà dit ici, mais il dit un truc,
00:08:16 il dit, voilà, l'architecture, ça commence...
00:08:18 Quand dans la... Enfin, il dit un truc comme ça,
00:08:20 je répète de mémoire,
00:08:22 il dit que quand dans la déhissance du mur,
00:08:25 surgit la colonne.
00:08:27 Le mur, peut-être, c'est un truc vraiment trop archaïque.
00:08:31 Et tout d'un coup, effectivement, la colonne surgit,
00:08:35 et tout d'un coup, donc, l'architecture vraiment apparaît.
00:08:39 Et ce qui est intéressant aussi, c'est que Kahn, pratiquement,
00:08:42 il n'a jamais fait de colonne, il a fait que les murs.
00:08:44 Donc, ça veut dire aussi que quelque part,
00:08:46 il ne se sentait pas vraiment encore,
00:08:49 même si c'est un des plus grands architectes du XXe siècle,
00:08:52 il ne se sentait pas vraiment encore architecte
00:08:55 pour pouvoir aborder cette question de la colonne.
00:09:00 Voilà, les deux temples, le temple de Poséidon,
00:09:03 et puis, derrière, encore plus archaïque,
00:09:07 le temple d'Héra.
00:09:10 Ce qui est très beau dans ces colonnes,
00:09:13 je l'ai dit, elles sont galbées.
00:09:15 Vous voyez, les chapiteaux d'Orique,
00:09:18 ils sont très simples et ils sont très aplatis.
00:09:21 Et après, le chapiteau, donc, il y a une pierre, la bacque,
00:09:25 tout est fait pour qu'on comprenne parfaitement
00:09:28 la répartition des charges sur le fût de la colonne.
00:09:32 Donc, il y a l'entablement,
00:09:35 qui est composé de poutres en pierre,
00:09:37 qui repose sur la bacque,
00:09:39 et la bacque, donc, il diffuse les charges sur le chapiteau,
00:09:43 qui est transmis, donc, au tambour superposé
00:09:49 qui compose le corps de la colonne.
00:09:52 Et ensuite, vous voyez, ces colonnes,
00:09:54 elles descendent pratiquement directement sur le stylobate,
00:09:58 donc, les emmarchements qui forment le socle du temple.
00:10:04 Je ne vais pas revenir là-dessus, ces dessins de Chouazi,
00:10:06 je ne vais pas les commenter, mais ça permet de comprendre,
00:10:09 vous voyez, les différents composants de la colonne,
00:10:13 parce que lui remarque, effectivement,
00:10:14 qu'à l'origine, c'était une architecture de bois
00:10:18 qui a été ensuite, donc, disons, concrétisée dans la pierre,
00:10:23 dans le marbre, pour pouvoir durer.
00:10:26 Tout ça, c'est assez intéressant, c'est assez fascinant,
00:10:29 mais ce n'est pas trop le cours d'aujourd'hui.
00:10:33 Voilà, donc.
00:10:35 Allons à Athènes, maintenant, voir les rectéons.
00:10:40 C'est un truc aussi qui est sidérant,
00:10:42 parce que là, justement, tout est dit, quelque part, vous voyez,
00:10:46 puisque ce ne sont pas des colonnes qui soutiennent lentement,
00:10:50 ce sont des sculptures, des corées,
00:10:54 qui portent, comme auparavant,
00:10:56 comme dans les pays méditerranéens, toujours aujourd'hui,
00:10:58 vous voyez, les femmes portent des plateaux sur la tête,
00:11:01 des cruches sur la tête,
00:11:02 et là, ces femmes, elles portent sur leur tête
00:11:08 la toiture de cette petite extension
00:11:14 du temple.
00:11:17 Et en même temps, vous voyez, elles permettent de comprendre.
00:11:21 C'est un petit peu ce que je disais tout à l'heure,
00:11:22 c'est que la colonne, voilà, elle est là pour témoigner
00:11:27 de la surrection humaine,
00:11:31 du fait que l'homme,
00:11:33 comme le dit la réponse à l'énigme du sphinx,
00:11:39 c'est celui qui se tient debout et qui regarde au loin.
00:11:43 Et en même temps, c'est vrai que ces corées, elles portent.
00:11:48 Et aussi, vous voyez, je développerai ça tout à l'heure,
00:11:51 c'est que, vous voyez, à la fois, donc,
00:11:54 leurs colonnes vertébrales, leurs structures, leurs squelettes,
00:11:57 portent quelque part le poids de la toiture,
00:12:01 mais en même temps, aussi, vous voyez,
00:12:03 elles sont vêtues de toge,
00:12:07 avec des plissés extrêmement savants.
00:12:11 Et ces plissés extrêmement savants,
00:12:13 voilà, comme ils anticipent quelque part, vous voyez,
00:12:15 les cannelures et ils renvoient, vous voyez, donc,
00:12:19 la lumière à l'intérieur de l'espace.
00:12:23 Voilà, donc, ça, c'est...
00:12:25 La période classique, c'est Vignoles, après Vitruve,
00:12:28 c'est un petit peu ce que je disais tout à l'heure,
00:12:30 donc, effectivement, voilà, l'architecture, avant tout,
00:12:33 ça a été les ordres, ça a été les colonnes.
00:12:36 Chaque colonne avait sa spécificité, sa qualité.
00:12:40 Bon, là, ils ont rajouté...
00:12:42 Je ne sais plus, je ne rappelle pas.
00:12:43 Enfin, ils en ont rajouté une, la première,
00:12:45 mais il y a le Dorique, c'est le corps, le corps de l'homme.
00:12:49 Oui, ils ont mis le Toscan,
00:12:51 ils ont mis une colonne encore plus petite,
00:12:55 plus archaïque, voilà.
00:12:57 Après, il y a le Dorique.
00:12:58 Le Dorique, eh bien, c'est l'homme à maturité, vous voyez.
00:13:03 Le Ionique, c'est pareil, vous voyez,
00:13:07 c'est la femme dans toute sa gloire.
00:13:11 Le Corinthien, c'est la jeune femme,
00:13:16 c'est le corps gracile de la jeune femme.
00:13:19 Et le composite, c'est le mixte
00:13:22 entre le Corinthien et l'Ionique.
00:13:28 Voilà, tout est dit, quelque part, vous voyez,
00:13:31 sur les rapports,
00:13:32 donc, les rapports, disons, fondamentaux
00:13:36 entre l'architecture et le corps.
00:13:40 Dans ce dessin de Vignoles,
00:13:43 ce théoricien de la Renaissance
00:13:45 qui a relu les classiques latins
00:13:49 et qui a remis en place,
00:13:52 qui a re-théorisé complètement, après le gothique,
00:13:55 et puis les premières, disons,
00:13:59 expérimentations de la Renaissance,
00:14:01 qui a re-théorisé, qui a canonisé, quelque part,
00:14:05 donc, l'architecture antique
00:14:09 pour qu'elle puisse se développer.
00:14:12 Alors, voilà, on a vu le temple qui surgit.
00:14:17 On a vu la colonne qui, comme le dit Kant,
00:14:22 sort du mur, surgit du mur.
00:14:25 Et c'est intéressant parce que,
00:14:27 aussi, le gros problème de l'architecture,
00:14:30 ça a toujours été la relation
00:14:32 entre le mur et la colonne.
00:14:35 Comment je vais mettre la colonne devant le mur ?
00:14:37 Parce que la colonne,
00:14:39 c'est presque la totalité de l'architecture.
00:14:41 Je l'ai dit, c'est vraiment l'élément
00:14:43 qui, quelque part, porte en lui
00:14:47 tout ce que l'architecture doit dire et exprimer.
00:14:50 Donc, comment je vais mettre la colonne devant le mur ?
00:14:54 Après, il y a eu une solution qui a été rapidement trouvée
00:14:57 dès la Romantique, on va le voir tout de suite.
00:14:59 C'est le pilastre, c'est-à-dire que c'est simplement
00:15:02 un élément carré qui vient s'encastrer dans le mur.
00:15:06 Et on va le voir...
00:15:08 Voilà, superposé, on va le voir maintenant.
00:15:10 On va le voir tout de suite avec le colisée.
00:15:12 Donc, on voit d'abord les arcs
00:15:18 qui sont superposés.
00:15:21 Et puis ensuite, il y a des colonnes
00:15:22 qui sont soit dégagées, soit à moitié engagées.
00:15:25 Et puis, enfin, en haut, il y a ces pilastres.
00:15:29 Pour la dernière partie du bâtiment,
00:15:32 la dernière couche du bâtiment.
00:15:36 Et donc, tout ça, ça permet...
00:15:38 Vous voyez, les colonnes, là, contrairement à celles
00:15:40 du Temple grec, elles ne portent rien du tout.
00:15:42 Mais elles permettent quand même, malgré tout,
00:15:45 de tenir une sorte de discours sur l'architecture.
00:15:49 C'est-à-dire qu'à la base, ce sont des colonnes doriques.
00:15:52 Donc, c'est effectivement des cordones très puissants
00:15:56 qui portent tout.
00:15:57 Après, ce sont des colonnes ioniques.
00:15:59 Donc, ce sont des femmes matures.
00:16:00 Après, ce sont des colonnes corintiennes,
00:16:04 des courbes graciles de jeunes femmes.
00:16:05 Et puis, enfin, ce sont des pilastres d'ordre composite,
00:16:09 dans le couronnement du bâtiment.
00:16:14 Tout ça, pour bien faire comprendre,
00:16:16 pour bien exprimer aussi le passage de la terre au ciel,
00:16:21 de l'apesanteur à l'apesanteur.
00:16:25 Et ça, c'est un truc...
00:16:26 C'était inventé pratiquement au 1er siècle avant Jésus-Christ.
00:16:29 Et après, il a été encore repris dès le Quattrocento,
00:16:34 notamment par Alberti au Palazzo Rucelai,
00:16:37 où là, il superpose uniquement des pilastres.
00:16:43 C'est toujours le même principe.
00:16:44 Donc, c'est d'abord un ordre de pilastres doriques,
00:16:48 ensuite ioniques,
00:16:50 et puis enfin composites.
00:16:53 Pour bien marquer, pour tenir quelque part,
00:16:56 une sorte de discours qui vient...
00:16:58 Ces éléments-là, ils ne portent pas,
00:17:01 ils ne rentrent pas du tout dans la composition...
00:17:04 dans la structure du bâtiment.
00:17:08 C'est simplement des éléments qui sont plaqués
00:17:10 pour tenir donc un discours
00:17:13 qu'on n'est pas capable de tenir, finalement.
00:17:15 Le mur, qui est percé de baie avec des arcs,
00:17:19 qui exprime, effectivement, parfaitement
00:17:21 comment les charges descendent et sont reprises en bas
00:17:24 par le mur qui, sans doute, est plus important et plus épais,
00:17:28 mais qui n'est pas capable, vous voyez,
00:17:31 disons, d'exprimer ce passage, comme ça,
00:17:35 de l'écrasement, de l'apesanteur vers l'apesanteur,
00:17:39 et aussi ce passage de la terre vers le ciel.
00:17:44 Et ça, c'est un truc qu'on retrouve aussi encore aujourd'hui.
00:17:48 Je vais vous faire voir quelques exemples
00:17:50 vraiment super contemporains.
00:17:53 Le premier truc, c'est le premier exemple,
00:17:55 c'est l'image de bureau à Lyon-Confluence
00:17:59 de Christian Kehretz.
00:18:01 Vous voyez, cette idée, comme ça, de superposition des ordres,
00:18:05 de passer du lourd au léger,
00:18:08 il l'a exprimé d'une manière totalement magistrale.
00:18:11 Parce qu'en fait, lui, il est complètement fasciné
00:18:16 par les questions de structure, de construction.
00:18:18 C'est évident que tous ces bâtiments,
00:18:21 il les compose...
00:18:23 Il ne cherche pas à tenir, disons...
00:18:26 Enfin, à définir une sorte de narratif,
00:18:28 comme celui qui vient recouvrir le Colisée à Rome.
00:18:33 Mais il cherche, au contraire, à faire en sorte
00:18:35 que ce soit la structure elle-même,
00:18:38 qui est capable d'exprimer...
00:18:41 Donc, qui exprime ce qu'elle fait, exactement ce qu'elle fait.
00:18:45 Et donc, voilà, il devait faire un immeuble de bureaux.
00:18:49 Donc, il a simplement fait des dalles et des poteaux.
00:18:54 Les poteaux, en général, quand on fait un immeuble de bureaux,
00:18:57 on fait une structure...
00:18:59 La structure, on ne la voit pas,
00:19:01 parce qu'on fait des poteaux qui sont à l'intérieur du bâtiment.
00:19:04 Après, tout est entouré par un murideau en verre.
00:19:08 Tandis que lui, il n'a pas fait ça.
00:19:09 Donc, il a montré, à l'extérieur du bâtiment, la structure.
00:19:15 Puisque la façade elle-même, elle est légèrement...
00:19:17 Vous voyez, les dalles débordent.
00:19:20 Et puis, la façade, elle est légèrement en retrait.
00:19:23 Il n'a pas fait des baies vitrées,
00:19:24 parce que pour donner, justement, plus d'importance,
00:19:26 vous voyez, chaque fois, aux éléments horizontaux,
00:19:29 plus de pesanteur, pour donner aux éléments horizontaux,
00:19:33 pour faire bien comprendre que, voilà, l'effort
00:19:36 que doit faire chaque poteau, chaque colonne,
00:19:40 pour porter le bâtiment.
00:19:43 Et donc, il a créé cet allège à 70 cm.
00:19:46 Cet allège, comme c'est des bureaux,
00:19:47 et comme, en général, les bureaux, les tables,
00:19:49 sont à 70 cm, quand on est à l'intérieur du bureau,
00:19:52 on ne la voit pas, on a une impression
00:19:53 d'ouverture complète sur l'extérieur.
00:19:55 Mais par contre, de l'extérieur, on comprend,
00:19:58 on comprend que ces dalles, ces plateaux de travail,
00:20:02 avec ces bureaux, ces gens, ils pèsent,
00:20:05 ils sont portés.
00:20:06 Et que les colonnes, voilà, comme on l'a vu tout à l'heure,
00:20:08 elles faisaient un effort pour soulever tous ces poids.
00:20:15 Et alors, ce qu'il a fait vraiment de super intéressant,
00:20:19 c'est que, vous voyez, les colonnes du bas,
00:20:21 bien sûr, comme elles portent plus que les autres,
00:20:23 eh bien, elles sont plus épaisses.
00:20:26 Donc, elles sont plus épaisses.
00:20:28 Après, celles du milieu, elles sont plus fines.
00:20:31 Et puis, celles du haut, elles sont encore plus fines.
00:20:34 Et comme lui, ce mec-là,
00:20:35 il s'intéresse vraiment absolument à la construction,
00:20:38 donc, chaque colonne, elle a été, disons,
00:20:41 fabriquée de manière différente.
00:20:44 Donc, celle du bas, c'est un béton très graveleux,
00:20:48 qui a été compacté.
00:20:49 Après, celle du milieu, c'est un béton qui a été...
00:20:53 Comment on appelle ça ?
00:20:56 Comment ?
00:20:58 Vibré, voilà.
00:21:00 Puis, en haut, c'est un béton qui a été centrifugé.
00:21:03 C'est un béton genre...
00:21:05 Genre béfub, avec des petits éléments métalliques.
00:21:09 C'est presque comme du métal, pratiquement, si vous voulez.
00:21:12 Donc, il reprend exactement cette idée-là
00:21:16 de superposition des ordres,
00:21:18 mais il l'exprime
00:21:22 de manière totalement différente.
00:21:24 On a les quatre plateaux.
00:21:27 Donc, le premier plateau, c'est du bas.
00:21:30 Les plateaux du bas avec des grosses colonnes.
00:21:32 Ceux du milieu avec des colonnes moyennes.
00:21:34 Et enfin, celles du haut avec des colonnes très fines.
00:21:38 Mais ce qui est fou, c'est quand on est dans les bureaux.
00:21:42 Là, on sent, on est dedans, on comprend qu'on est en dessous.
00:21:46 On comprend que les poteaux portent tout le bâtiment.
00:21:50 Et quand on monte au dernier niveau, avec les colonnes centrifugées,
00:21:53 on a l'impression que tout s'ouvre
00:21:56 et qu'on est dans un espace pratiquement aérien,
00:22:00 extrêmement, extrêmement léger.
00:22:03 Autre exemple de superposition,
00:22:07 c'est la cathédrale d'espoir de l'agence NP2F à Bordeaux.
00:22:12 Cette photo n'est pas terrible,
00:22:14 elle ne permet pas de comprendre le bâtiment,
00:22:16 mais c'est ma photo, j'en suis super content.
00:22:19 C'est pour ça que je l'ai mise.
00:22:21 Mais voilà, le projet est vraiment hyper intéressant,
00:22:26 parce que c'est juste une structure.
00:22:29 J'aurais pu en parler dans mon cours sur le sol,
00:22:32 d'ailleurs, je pensais le faire.
00:22:34 C'est une structure poteau d'âle.
00:22:37 Et puis, bien sûr, les dalles,
00:22:41 c'est vraiment des sols.
00:22:42 Parce qu'en fait, si vous voulez...
00:22:45 Là, on croit que c'est fermé, mais ce n'est pas fermé du tout.
00:22:48 C'est simplement des rideaux coupe-vent
00:22:50 qui permettent de casser le vent pour que les gens puissent jouer au golf
00:22:54 ou au paddle tennis,
00:22:56 il y a d'autres sports que je ne connais même pas.
00:22:58 Mais en étant protégés,
00:23:01 en étant protégés du vent.
00:23:04 Et sinon, c'est vrai que c'est vraiment des sols
00:23:07 qui sont superposés avec des activités complètement différentes.
00:23:12 Bien sûr, ça, on ne le verra pas,
00:23:13 parce que je n'aime pas trop photographier les gens.
00:23:16 De toute façon, ça aurait été un peu compliqué.
00:23:18 Mais ce qui est fou, c'est ça.
00:23:19 Quand on entre là-dedans, c'est le rapport
00:23:22 entre la colonne qui porte des sols, pratiquement,
00:23:26 et puis l'haltérophile, par exemple, qui soulève ses poids,
00:23:30 ou l'alpiniste.
00:23:33 Il y a un mur d'alpinisme
00:23:35 qui est en train de monter en s'agrippant à sa paroi.
00:23:39 On est là, d'abord, dans l'effort,
00:23:42 et puis aussi, on est là dans la construction du corps.
00:23:45 Et les gens, effectivement, construisent leur corps
00:23:49 comme l'architecte construit ses colonnes.
00:23:55 Et ce sont des corps qui sont travaillés par l'effort,
00:23:58 tout comme les colonnes aussi sont justifiées par l'effort.
00:24:03 Voilà, là, on voit mieux, si vous voulez, le bâtiment,
00:24:06 quand le rideau, le vent, est soulevé.
00:24:11 Voyons que c'est des plateaux.
00:24:13 C'est comme des fragments de villes avec beaucoup d'espace public.
00:24:16 Mais ce qui est fascinant, c'est que,
00:24:18 comme l'eau peut rentrer au plus profond,
00:24:21 peut être apportée par le vent au plus profond du bâtiment,
00:24:23 eh bien, partout, c'est étanché.
00:24:25 Et donc, c'est vraiment des sols extrêmement lourds et importants.
00:24:31 Voilà, là, c'est l'entrée.
00:24:33 Là, en haut, c'est la practice de golf, ce qu'on voyait sur la photo.
00:24:36 Et c'est vrai qu'il n'y a que des sports.
00:24:39 Il y a des espaces qui sont très beaux,
00:24:41 mais je n'ai pas été capable de les prendre en photo.
00:24:43 C'est notamment cantonné dans le golf,
00:24:45 parce qu'en général, si vous voulez, vous avez le paysage,
00:24:49 et puis, dedans, vous avez le bâtiment,
00:24:50 tandis que là, effectivement, le paysage,
00:24:53 il est à l'intérieur même du bâtiment.
00:24:56 Voilà, les panels tennis.
00:25:01 La coupe.
00:25:02 Là aussi, il y a un petit effet, mais pas partout,
00:25:05 où les colonnes, quand elles portent moins en haut,
00:25:07 ça massifie.
00:25:09 Il faut dire que ça, c'est une chose qui revient très souvent aujourd'hui.
00:25:13 Puis là, on voit, sur la coupe, l'épaisseur des dalles,
00:25:20 parce qu'elles ont des grandes portées,
00:25:21 et puis tout le complexe d'étanchéité
00:25:25 qui permet, effectivement, à l'eau de ne pas passer.
00:25:27 Et puis ensuite, vous voyez, c'est ces colonnes puissantes, doriques.
00:25:32 Et puis on imagine, dans les salles,
00:25:34 ces salles, en général, elles sont vitrées, elles sont chauffées.
00:25:37 On imagine, là, la colonne qui porte,
00:25:40 et puis, à l'intérieur de la salle, l'haltérophile qui porte ses poids.
00:25:45 Autre projet d'NP2F,
00:25:49 ils l'ont fait à plusieurs, notamment Jacques Lucan.
00:25:53 Je ne sais pas si je vais bien pouvoir l'expliquer,
00:25:55 mais c'est un projet super intéressant.
00:25:57 C'est une école d'architecture.
00:25:59 C'est l'IMVT,
00:26:03 l'Institut Méditerranéen de la ville et du territoire.
00:26:07 Et c'est...
00:26:09 Parce que l'école d'architecture, auparavant,
00:26:10 elle était dans le domaine de l'Umini,
00:26:12 dans les calanques, où les gens allaient se baigner.
00:26:14 Mais la récréation est finie, donc ils sont tous rentrés en ville.
00:26:18 Et voilà, on a bien marqué, on assume bien marquer ça,
00:26:22 parce que, tout de suite, si vous voulez,
00:26:24 je trouve qu'il y a une réflexion,
00:26:26 mais vraiment, je trouve, totalement exceptionnelle,
00:26:29 justement, sur la superposition des ordres du codicium.
00:26:32 Parce que, voilà, on voit...
00:26:35 Et comment cette superposition des ordres,
00:26:38 elle est...
00:26:40 Pardon.
00:26:41 Elle est exprimée.
00:26:43 Tout à l'heure, on a vu, chez Kevets,
00:26:45 la fabrication des colonnes est différente.
00:26:49 Celles du bas, elles sont faites d'une manière complètement archaïque.
00:26:52 On prend le béton le plus pourri que l'on a,
00:26:54 le plus pourri, on le compacte.
00:26:56 Et celles du haut, c'est presque...
00:26:58 C'est fait en usine, c'est complètement sidérant.
00:27:01 C'est presque des colonnes fines,
00:27:03 c'est aussi solide que du métal.
00:27:06 Là, non, c'est pas du tout pareil.
00:27:07 Vous voyez, parce que les éléments sont...
00:27:10 Les colonnes, les poteaux, les pilotis,
00:27:15 sont tous identiques, ils ont tous la même épaisseur.
00:27:20 Ce qui se passe aussi, c'est que, vous voyez,
00:27:22 comme il y a des salles qui réclament des hautes hauteurs sur plafond,
00:27:25 et d'autres, non, parce que ce sont des salles banalisées,
00:27:27 il y a des différences de hauteur.
00:27:30 Les colonnes du bas sont hautes,
00:27:33 parce qu'effectivement, c'est là où il va y avoir
00:27:35 la grande salle d'exposition de l'école
00:27:39 en relation avec la ville.
00:27:41 Après, les autres, c'est plutôt des salles banalisées.
00:27:44 Je me souviens plus trop de ce qu'il y a.
00:27:46 Je ne sais pas s'il y a des bureaux ou des salles de cours.
00:27:49 Et puis en haut, c'est une grande salle aussi,
00:27:50 c'est la bibliothèque.
00:27:53 Voilà.
00:27:54 Donc comment faire pour distinguer les niveaux ?
00:27:58 Et là, c'est super subtil.
00:28:00 Je suis désolé, j'ai pratiquement cette photo.
00:28:03 Mais c'est super subtil, parce qu'en bas, si vous voulez,
00:28:05 les colonnes, elles sont dégagées,
00:28:07 mais elles viennent juste devant un mur de béton.
00:28:10 Et ce mur de béton, il permet aussi de contre-venter le bâtiment.
00:28:14 Et puis comme c'est...
00:28:16 Et comme aussi, si vous voulez, on est à Marseille,
00:28:19 il ne faut pas oublier que, à Bordeaux, ils jouent au golf,
00:28:22 mais là, ils jouent surtout à la Kalachnikov.
00:28:23 Donc il faut protéger quand même le bâtiment.
00:28:27 Et ça permet de...
00:28:31 Voilà, de donner une pesanteur.
00:28:33 Vous voyez le mur en béton qui s'avance.
00:28:37 Après, aux deux derniers étages, le mur se dédouble.
00:28:40 Vous avez un mur avec de grands debuts en béton,
00:28:43 et après, un passage, et puis derrière, un mur en bois.
00:28:46 Et donc, vous voyez, quelque part, c'est la profondeur.
00:28:50 Donc en bas, c'est la masse. Il y a très peu de profondeur.
00:28:53 En haut, aux deux premiers niveaux, il y a une profondeur.
00:28:57 Et au troisième niveau, la profondeur,
00:28:59 elle est encore accentuée.
00:29:01 Et surtout, il y a cette idée,
00:29:04 que je trouve totalement géniale, c'est sûr,
00:29:06 d'avoir mis des pare-soleil en béton,
00:29:09 des pare-soleil en béton qui sont suspendus
00:29:12 à la structure du toit,
00:29:13 pour protéger efficacement la bibliothèque du rayonnement.
00:29:19 Et tout ça, ça reprend encore des thèmes classiques,
00:29:23 comme par exemple la corniche qu'on a vue tout à l'heure
00:29:26 au Palazzo Ruccellai, dont je n'ai pas parlé,
00:29:29 qui permet de parfaitement dissocier
00:29:32 les différents étages.
00:29:34 Et ils se dissocient justement,
00:29:37 parce que quand on les regarde depuis la porte d'Aix,
00:29:41 effectivement, plus on monte,
00:29:44 plus on a une impression de profondeur.
00:29:48 Plus c'est profond.
00:29:49 D'abord, il y a le mur qui arrête.
00:29:51 Après, il y a un deuxième mur, d'ailleurs le premier mur.
00:29:54 Et puis ensuite, il y a ces éléments qui sont suspendus,
00:29:59 et puis maintenus par des bracons en béton
00:30:01 qui reprennent les fluides de la corniche.
00:30:05 Voilà, l'axonométrie.
00:30:08 Le bâtiment, je ne vais pas trop l'expliquer après,
00:30:10 parce qu'il faudrait que j'y passe toute la journée.
00:30:12 Mais vraiment le plus important, en tout cas,
00:30:14 dans le cadre de ce cours, bien sûr, c'est la façade.
00:30:18 Voilà, parce qu'on rentre à l'intérieur,
00:30:21 donc il y a une grande cour.
00:30:23 Là, c'est aussi encore une autre référence
00:30:26 à une architecture classique.
00:30:27 Ce n'est plus la façade du Colisée,
00:30:29 mais c'est plutôt le Forum Romain,
00:30:32 parce qu'il y a un grand vide comme ça,
00:30:34 sur lequel viennent se greffer
00:30:36 les différentes composantes de l'unité d'enseignement.
00:30:41 Voilà cette idée de forum entouré de colonnes
00:30:46 avec des espaces très spécifiques.
00:30:47 Ce n'est pas des temples, les études en architecture,
00:30:50 ils ne prient pas. Ce n'est pas sûr non plus.
00:30:52 Enfin, a priori, non.
00:30:53 Mais c'est des petits éléments comme ça
00:30:56 qui viennent se greffer sur l'espace public.
00:31:00 Voilà la façade.
00:31:02 Et là, vous voyez le dernier étage, avec cette profondeur.
00:31:06 Et puis, c'est un truc fou.
00:31:09 Ces grands panneaux de béton
00:31:13 qui forment des ovans,
00:31:15 qui sont suspendus à la poutre inversée du toit terrasse,
00:31:21 et qui sont ensuite maintenus par des bracons mécaniques.
00:31:27 C'est vrai qu'on voit la ville d'une autre manière.
00:31:32 C'est vrai, voilà.
00:31:34 On oublie qu'on est à Marseille.
00:31:37 On la voit, effectivement, peut-être,
00:31:40 sous le Marseille des cités.
00:31:42 C'est vrai qu'on revoit peut-être le Marseille antique.
00:31:47 On voit la fondation grecque sous le Marseille d'aujourd'hui.
00:31:52 Ce qui est bien aussi, c'est que les espaces,
00:31:55 ça, c'est les bibliothèques, ils sont complètement libres.
00:31:58 À l'intérieur, il n'y a pratiquement pas de cloisonnement.
00:32:00 C'est des cloisonnements en bois,
00:32:02 qui peuvent coulisser, se pivoter, ou des rideaux.
00:32:07 On a vraiment l'impression d'habiter
00:32:10 dans une sorte de classicisme retrouvé,
00:32:13 un petit peu comme dans le tableau de Poussin,
00:32:15 être une Arcadia Ego.
00:32:18 Moi aussi, j'étais à l'Arcadie.
00:32:19 Il n'y a rien.
00:32:21 Dans le tableau de Poussin, c'est juste un tombeau.
00:32:23 Et là, c'est pareil, c'est juste des colonnes
00:32:26 qui soutiennent le bâtiment.
00:32:28 Le bâtiment est complètement ouvert sur la ville.
00:32:31 Il n'y a pas de cloison. Là, c'est des rideaux.
00:32:33 Là, je crois que c'est des cloisons, mais elles pivotent,
00:32:36 ou elles pivotent toutes, pratiquement.
00:32:38 Donc on peut faire un gigantesque espace
00:32:40 pour avoir l'impression vraiment de vivre entre les colonnes.
00:32:46 Passer sa vie d'étudiant entre les colonnes.
00:32:51 Regardez la ville à travers le filtre de la colonne.
00:32:55 Il te rappelle.
00:32:57 Quand tu dessines une colonne, quand tu dessines un bâtiment,
00:33:01 eh bien, tu fais quelque chose qui est de l'ordre du testamentaire,
00:33:05 puisque tu rappelles que l'homme, il est debout
00:33:08 et pas vautré par terre, ou comme le sphinx.
00:33:12 C'est le truc impossible à peindre.
00:33:14 Je vous invite à regarder toutes les toiles
00:33:18 d'Oedipe et de Sphinx du 19e siècle.
00:33:21 Je veux dire, ça a dû être un cauchemar pour les peintres
00:33:24 d'imaginer comment représenter cet être composite.
00:33:29 Dernier exemple de la superposition,
00:33:32 c'est un tout petit projet, un projet de concours,
00:33:35 qui a perdu d'ailleurs,
00:33:37 et qui a perdu parce que le jury a dit
00:33:39 que c'était un projet post-moderne, je ne sais pas quoi.
00:33:43 Alors que c'est un tout petit projet dans Paris,
00:33:47 un projet de logement, vous voyez.
00:33:49 Et ce mec, là, Boris Boucher,
00:33:53 il a réussi à faire un très beau bâtiment classique.
00:33:58 C'est une sorte de cour circulaire,
00:34:01 escondée par des colonnes, un peu comme la cour de Charles Quint,
00:34:04 dans le palais d'Espagne.
00:34:07 Enfin, peu importe, c'est la cour...
00:34:10 Des cours à colonnes, c'est assez rare dans l'architecture,
00:34:12 mais c'est toujours magnifique.
00:34:14 Et là, c'est vraiment un fragment de cours à colonnes.
00:34:17 Et surtout, en plus, c'est ça,
00:34:19 on la voit, c'est une petite rue dans le 15e arrondissement.
00:34:26 Et en fait, le bâtiment a juste cette partie-là,
00:34:30 cette façade-là sur la rue, vous voyez.
00:34:33 Mais lui, il n'a pas traité vraiment la façade sur la rue.
00:34:36 Là, il a été très modeste, très effacé.
00:34:39 Mais simplement, la façade principale,
00:34:42 elle est en retrait, vous voyez.
00:34:44 Et bien sûr, elle utilise la superposition des colonnes.
00:34:49 Ce qui lui donne une très forte monumentalité.
00:34:52 Mais la monumentalité, bien sûr, elle est pondérée complètement,
00:34:54 puisque cette façade à colonnes,
00:34:58 elle ne donne pas directement sur la rue.
00:35:00 On la voit simplement, vous voyez, en transparence,
00:35:03 à travers le jardin,
00:35:04 et puis au-dessus du petit bâtiment mitoyen.
00:35:09 Voilà, c'est un peu, d'ailleurs...
00:35:12 Ça peut rappeler le projet de l'IMVT
00:35:16 d'NP2F, Jacques Lucan et autres.
00:35:19 C'est cette idée comme ça d'avoir du logement social.
00:35:24 Mais putain, avoir du logement social avec des colonnes,
00:35:27 et de voir la ville à travers une colonnade.
00:35:31 Et aussi, vous voyez, tout un discours comme ça,
00:35:33 oui, ça rappelle...
00:35:35 Ça permet d'avoir...
00:35:38 C'est ça qui est fort dans l'architecture,
00:35:39 il y a des tailles de correspondances qui se mettent à jour.
00:35:43 Tout le monde a entendu parler des ruines romaines,
00:35:46 le...
00:35:47 A Rome, effectivement,
00:35:50 il y a beaucoup de palais qui ont été construits
00:35:52 sur des théâtres, sur des antiques.
00:35:55 Et là, c'est un peu la même chose.
00:35:57 C'est comme si, effectivement,
00:35:59 dans un bâtiment dont on ne connaîtrait plus l'origine,
00:36:03 eh bien, on était venu se habiter,
00:36:07 on était esquatté, vous voyez,
00:36:09 par du logement social.
00:36:14 Voilà, c'est ça, c'est de l'appartement vers la terrasse
00:36:17 avec la colonnade, et là, donc, sur la terrasse.
00:36:21 Réinventer la colonne, c'est sûr que...
00:36:27 Oui, je pense que c'est... Réinventer la colonne, c'est sûr.
00:36:29 Si on est architecte, on doit se poser cette question-là
00:36:31 une fois dans sa vie.
00:36:32 Je vais réinventer la colonne, c'est clair.
00:36:34 C'est comme ça, c'est pas vrai.
00:36:36 Première réinvention, si on veut,
00:36:38 c'est pas vraiment une réinvention,
00:36:40 mais c'est une réinvention,
00:36:41 c'est pas vraiment une réinvention,
00:36:43 mais ça, c'est le projet, peut-être,
00:36:45 que je préfère de le corbusier, c'est vrai,
00:36:47 parce que je crois que je l'ai fait souvent voir,
00:36:49 parce que, voilà, d'abord, c'est pas un projet,
00:36:52 c'est juste, disons, un schéma
00:36:55 qui montre une structure.
00:36:57 Donc la structure, qu'est-ce qu'on voit sur l'image ?
00:37:00 On voit des dalles qui sont assez épaisses,
00:37:01 parce qu'effectivement, il faut quand même
00:37:03 qu'elles aient une certaine inertie,
00:37:06 et après, on voit les poteaux qui sont le plus fins possible,
00:37:08 parce qu'effectivement, c'est ce qui permet le béton armé.
00:37:11 On peut faire des gros poteaux,
00:37:13 et on peut faire des poteaux très fins,
00:37:15 en y ferrayant au maximum.
00:37:17 Et donc, voilà, il y a cette idée, comme ça,
00:37:20 d'avoir, donc, des poteaux,
00:37:23 et en plus, ils sont carrés, ils sont même pas ronds.
00:37:25 Mais surtout, le corbusier, c'est de dire que, voilà,
00:37:27 ça, c'est la structure,
00:37:28 et moi, je te dis que cette structure-là,
00:37:30 c'est plus beau que le temple grec,
00:37:31 et c'est plus beau que le temple de Paestum.
00:37:33 Et ça, c'est ça, le truc, je pense, de l'architecture.
00:37:38 C'est un peu ce qu'on doit faire quand on est architecte,
00:37:41 c'est-à-dire, voilà, je prends un truc simple,
00:37:44 j'y réfléchis bien, et putain, tu vas voir,
00:37:47 ça sera mieux que le temple de Paestum,
00:37:50 ou le temple de Ségeste, tu vois.
00:37:51 Et c'est vrai, c'est vrai que la promesse
00:37:54 qui est contenue par ce schéma,
00:37:56 elle est aussi sidérante
00:37:58 que celle qui est tenue par le temple de Ségeste,
00:38:02 quand on est perdu en Sicile,
00:38:04 et que, tout d'un coup, il surgit devant toi.
00:38:06 Voilà, donc, une façon de voir la colonne,
00:38:09 c'est la très, très belle installation de Valerio Oggetti,
00:38:13 à la Biennale de Venise, une visite,
00:38:14 c'était simplement des cylindres, des cylindres en plâtre,
00:38:17 à mesure, voilà, qui étaient posés dans le...
00:38:21 On appelle ça la corderie,
00:38:23 voilà, des jardiniers à Venise, voilà.
00:38:27 Voilà, donc, cette idée aussi d'une forêt de colonne,
00:38:31 ça, c'est un thème que je ne vais pas vraiment traiter aujourd'hui,
00:38:34 mais on va peut-être l'aborder, voilà,
00:38:36 parce qu'effectivement, il y a...
00:38:39 Bon, j'aborde, effectivement, la relation avec le corps humain,
00:38:42 parce que je pense qu'elle est vraiment fondamentale,
00:38:44 mais, bien sûr, il y a aussi la forêt,
00:38:49 il y a aussi le tronc d'arbre.
00:38:52 Bon, ça, bien sûr, c'est canonique,
00:38:53 c'est la vilaine Savoie de le corps busillé à Poissy.
00:38:58 Bon, je pense qu'il se retournerait dans cette tombe
00:39:00 si je disais qu'il fait des colonnes,
00:39:02 mais oui, pour moi, c'est une réinvention,
00:39:06 donc, de la colonne, même si elle est très fine, très grêle.
00:39:11 Si elle n'a pas la...
00:39:12 Vous voyez, si elle n'a pas la pesanteur,
00:39:13 la présence de la colonne, et d'ailleurs, c'est intéressant,
00:39:15 c'est que, par exemple, quand on voit
00:39:17 le ministère de l'Education nationale à Rio,
00:39:22 qui a été fait par le corps busillé, et puis avec les autres,
00:39:24 les Niemeyer, Lucio Costa et compagnie,
00:39:27 bon, Lucio Costa et compagnie, eux, ils étaient...
00:39:30 Ce sont surtout Niemeyer, c'est vrai,
00:39:32 c'est un très, très grand architecte,
00:39:35 mais c'est vrai qu'ils avaient subi une formation Beaux-Arts,
00:39:38 et Philippe Niemeyer, c'est vrai que...
00:39:39 Voilà, les pilotis, il n'en fait pas,
00:39:41 c'est vraiment des éléments, des synonymes massifs,
00:39:44 parce qu'il y a toujours la volonté
00:39:46 de réinscrire la colonne chez lui.
00:39:49 Tandis que sur le corps busillé, il y a la volonté d'y échapper.
00:39:51 De toute façon, non, le corps busillé,
00:39:54 tu n'échappes pas à la colonne, et donc, il fait des colonnes.
00:39:59 Voilà, le pilotis.
00:40:01 Chez autres inventions, Mies-Sandero,
00:40:05 donc, les pavillons allemands de l'exposition de Barcelone,
00:40:08 qui a été reconstruit il n'y a pas très longtemps,
00:40:11 et les colonnes, bien sûr, les colonnes cruciformes en inox,
00:40:15 c'est complètement dément, ce que ça reprend.
00:40:17 Parce qu'il intègre, bon, c'est à la fois, donc,
00:40:21 un poteau en métal avec le minimum de matière
00:40:25 et le maximum de stabilité,
00:40:26 mais c'est aussi la colonne de RIC avec les...
00:40:30 Comment ?
00:40:31 Les canures.
00:40:33 Avec les canures.
00:40:35 Voilà, bien sûr, Récit en prenant part, le Café Mauvour,
00:40:40 là aussi, donc, une réinvention de la colonne.
00:40:43 Il n'y a pas de chapiteaux, il n'y a pas de base,
00:40:46 et puis, elle est galbée,
00:40:47 mais en fait, elle est galbée d'une manière symétrique,
00:40:50 parce qu'elle est galbée en haut et en bas,
00:40:51 alors que la colonne de RIC était galbée comme ça.
00:40:54 En plus, les éléments, donc, ils sont indépendants
00:40:56 parce qu'ils ont pu être préfabriqués,
00:40:59 vous voyez, donc, ils ont pu être préfabriqués,
00:41:01 mais je crois qu'il y a deux types,
00:41:03 on le voit tout de suite, il y a deux types d'éléments,
00:41:05 donc on pouvait les préfabriquer.
00:41:07 Voilà, c'est une colonnade, une basilique,
00:41:14 peut-être aussi, pourquoi pas, un forum,
00:41:17 avec une grande allée de colonnes,
00:41:20 et puis ensuite, des petits espaces
00:41:22 dans lesquels on vient parler, manger,
00:41:24 commercer, acheter, vendre, discuter.
00:41:28 Ou là, celle-là, bien sûr, celle de RIC,
00:41:33 les colonnes minufares, le chapiteau,
00:41:36 on a vu tout à l'heure le chapiteau d'HORIC,
00:41:39 totalement génial, de Paestum,
00:41:41 totalement, très aplati,
00:41:42 mais là, effectivement, le chapiteau est encore plus aplati,
00:41:44 c'est presque une partie du toit, pratiquement,
00:41:48 donc ça ouvre encore des tas de possibilités
00:41:51 que j'aurais pu montrer aujourd'hui,
00:41:53 et puis la colonne, c'est pareil, elle n'est pas galbée,
00:41:56 la base n'est pas très épaisse,
00:41:58 et puis elle ne monte pas pour s'affiner,
00:42:01 mais au contraire, donc,
00:42:03 elle est affinée à la base,
00:42:09 comme si on ait l'impression comme ça...
00:42:12 Ça, c'est peut-être...
00:42:13 C'est plus la petite fille, la danseuse de deux gars
00:42:17 qui tient le bâtiment,
00:42:18 c'est même pas le corps fragile de la colonne corinthienne.
00:42:25 Voilà, on voit...
00:42:27 Ou encore, bien sûr, c'est Breur,
00:42:35 c'est le mec aussi qui a vraiment travaillé,
00:42:38 qui a cherché à réinventer,
00:42:40 d'une manière presque cubiste, la colonne,
00:42:43 là, c'est le siège d'IBM à La Gonne,
00:42:46 donc sur la côte d'Azur,
00:42:49 enfin, près de Monsarto.
00:42:52 Voilà, avec des petites...
00:42:55 C'est pareil, mais on sent aussi...
00:42:57 C'est tout à fait dorique, quelque part,
00:42:58 c'est vrai, parce qu'on sent la pesanteur,
00:43:01 on sent la force qui est développée par la colonne
00:43:05 pour porter le...
00:43:06 Vous voyez, qui écarte les bras pour porter le plus possible,
00:43:09 pour ramener le plus possible de charge sur son fût.
00:43:14 Le fût, c'est vrai qu'il est plus...
00:43:18 Il est plus scénadrique,
00:43:20 c'est une sorte de prisme très complexe,
00:43:24 mais qui s'affine aussi à sa base.
00:43:26 Ou celles-là, qui sont totalement géniales,
00:43:29 les piliers de l'ambassade d'Australie,
00:43:32 d'Harry Stegner.
00:43:35 Voilà, on prend la colonne,
00:43:39 soit on prend le fût,
00:43:41 comme Andjaty, comme Van Zandt,
00:43:44 soit on prend le chapiteau, comme Wright,
00:43:47 ou là, c'est encore mieux,
00:43:49 chez Harry Stegner, c'est vrai que...
00:43:51 C'est un élève de Bruyere,
00:43:53 il y a d'autres gens aussi qui ont travaillé sur ce bâtiment,
00:43:56 parce que c'est quand même le meilleur bâtiment
00:43:58 d'Harry Stegner de loin.
00:44:00 Je crois que j'en ai vu quelques-uns en Australie,
00:44:01 mais ils ne m'ont pas trop remarqué.
00:44:02 Celui-là, c'est vrai qu'il est complètement génial.
00:44:05 Et donc, la colonne, c'est presque un chapiteau
00:44:08 qui porte le bâtiment.
00:44:11 Et là, pour terminer, je veux voir ça.
00:44:14 Il y a un côté presque comique, ironique...
00:44:18 Pas comique, c'est pas ça.
00:44:19 Non, c'est pas ça, mais...
00:44:21 C'était le projet pour la Villa EGRA
00:44:24 de l'agence projectile en Arabie saoudite, Al Ghula.
00:44:28 J'ai parlé déjà de ce concours les fois précédentes.
00:44:32 Je crois que c'était la semaine...
00:44:35 La dernière fois, sur le Baldaquin,
00:44:36 j'ai présenté le projet de lauréat
00:44:38 de Lacaton et Vassal,
00:44:41 qui, eux, avaient fait justement un grand Baldaquin.
00:44:44 Et eux, ils n'ont pas fait de Baldaquin,
00:44:45 ils ont fait un bâtiment à cour, assez classique,
00:44:49 mais surtout dans ce qui est insolite.
00:44:53 C'est peut-être le mot juste.
00:44:55 Ce qui est insolite, c'est que, au lieu de mettre des poteaux,
00:44:58 ils ont mis des sortes de blocs de pierre,
00:45:00 comme des ménhirs, pour soutenir la toiture,
00:45:05 à la fois pour soutenir la voiture,
00:45:07 et puis aussi, vous voyez, pour servir de pare-soleil
00:45:12 aux bureaux qui sont en retrait,
00:45:14 donc derrière ces grands alignements de mégalithes en béton.
00:45:19 Ce sont des mégalithes en béton, bien sûr,
00:45:21 mais qui reprennent les caractéristiques
00:45:23 des pierres d'Al Ghula,
00:45:25 parce que, donc, Al Ghula, c'est une des grandes villes...
00:45:29 Enfin, c'est un...
00:45:31 Et Egras sont des grands sites nabataïens.
00:45:35 C'est toute cette civilisation qui a creusé dans la roche,
00:45:40 qui a... Et notamment...
00:45:42 Bon, enfin, je ne me rappelle pas de nom, ce n'est pas grave.
00:45:46 Notamment en Jordanie, vous savez, ça s'appelle...
00:45:49 Petra, merci.
00:45:51 Voilà, c'est...
00:45:57 Voilà, ce qui permet maintenant de revenir
00:46:03 sur cette question du drapé.
00:46:05 Je ne sais pas, il y a...
00:46:07 Je crois que c'était en octobre.
00:46:11 J'avais eu une discussion avec un mec qui s'appelle Bernard Quiraux.
00:46:16 Et en fait, il m'avait dit un truc, ça m'avait un peu énervé,
00:46:20 parce qu'il me disait, voilà, tu comprends, la colonne...
00:46:22 Dans la colonne, il y a toujours l'opposition
00:46:24 entre deux théoriciens français du XIXe siècle.
00:46:27 Zemper, c'est le mec qui te dit, voilà, toutes tes textures,
00:46:31 toutes tes enveloppes, et puis, Viollet-Duc,
00:46:34 il dit, bon, toutes tes structures, textures.
00:46:39 Et il disait justement que dans le temple grec,
00:46:42 notamment dans le temple d'Ory, que l'on a vu tout à l'heure,
00:46:44 vous avez ces deux notions, parce qu'effectivement,
00:46:47 il y a la masse de pierre qui porte, notamment,
00:46:49 mais après, effectivement, cette masse de pierre,
00:46:51 elle est texturée, vous voyez, avec des cannures,
00:46:54 et ces cannures, effectivement,
00:46:56 ça apporte une certaine chaleur
00:46:59 et ça permet donc d'envelopper parfaitement l'espace.
00:47:02 C'est pour dire que finalement, tout est dans la colonne.
00:47:05 Même l'opposition entre les deux grands, disons,
00:47:11 théoriciens les plus importants du XIXe siècle,
00:47:14 celui qui te dit, c'est la structure qui est importante,
00:47:16 là, tu te dis, non, c'est pas la structure, t'as rien compris,
00:47:18 c'est la texture, et la colonne, quelque part, elle est rassemblable.
00:47:20 Parce qu'effectivement, elle porte, elle est structurelle,
00:47:24 c'est pas de la décoration, et puis, en même temps,
00:47:27 donc, elle a une texture, puisqu'elle a été sculptée,
00:47:31 elle a été creusée par des cannures.
00:47:35 Voilà, et c'est vrai que les cannures,
00:47:36 ça renvoie, bien sûr, à tous ces drapés antiques,
00:47:41 un lardu drapé, la sculpture, c'est presque...
00:47:43 C'est ça, aussi, la structure,
00:47:44 parce qu'il fallait avoir une totale connaissance du corps,
00:47:48 le corps musculaire, le squelette, les muscles,
00:47:51 il fallait les connaître par cœur,
00:47:53 et puis, en même temps, effectivement, il fallait les couvrir,
00:47:57 les masquer, les cacher, il fallait les civiliser,
00:48:00 avec, donc, des drapés,
00:48:04 et toute la sculpture, quelque part, c'est l'art du drapé.
00:48:08 C'est vrai que le drapé, c'est aussi, dans la tradition beaux-arts,
00:48:12 c'est un truc hyper important,
00:48:14 parce qu'on a toujours le dessin des drapés,
00:48:18 il y a beaucoup d'architectes, d'ailleurs,
00:48:20 qui s'y intéressent encore aujourd'hui,
00:48:22 notamment l'agence Mioto, c'est hors sujet,
00:48:24 je vais pas montrer les images,
00:48:26 mais il y a cette question, on pourrait se dire aussi,
00:48:30 reposer cette question du drapé.
00:48:33 Voilà, un drapé de Michel-Ange,
00:48:35 pour faire voir tout ce qu'on peut faire à partir du drapé.
00:48:39 Alors, un premier projet, c'est le projet, vraiment, je trouve,
00:48:43 très... Je me rappelle, c'était un projet de 2012,
00:48:46 c'était un projet de Frédéric Borel
00:48:48 pour la cité de la tapisserie d'Aubusson.
00:48:51 Bon, il a pas gagné, le projet qui a gagné est très bien aussi,
00:48:54 je l'ai visité, il n'a rien à voir avec ça.
00:48:57 Mais ce projet-là, il m'intéresse, je le présente aujourd'hui,
00:48:59 parce qu'il pose vraiment une question théorique,
00:49:02 cette question-là, la colonne,
00:49:04 elle est entre la texture et la structure.
00:49:07 Donc, c'est de la foi, et ça veut dire que la colonne,
00:49:10 c'est aussi un drapé.
00:49:11 Et lui, justement, c'est ça qui est bien,
00:49:13 c'est ça, être architecte, c'est reposer des questions,
00:49:17 et qui paraissent évidentes.
00:49:19 C'est vrai qu'aujourd'hui, on pourrait dire, la colonne,
00:49:20 on prend un catalogue,
00:49:22 on trouve des colonnes, on trouve des toilettes...
00:49:25 Non, c'est pas ça.
00:49:26 Les éléments, il faut les repenser, il faut les requestionner.
00:49:30 Et lui, il avait vraiment...
00:49:31 Comme l'occasion s'est présentée,
00:49:34 c'était le musée de la tapisserie.
00:49:36 Dans ce musée, c'est vrai qu'il ne sont présentées
00:49:38 que des tapisseries, c'est des pentures qui sont présentées.
00:49:42 Et donc, on s'est interrogé là-dessus sur le rapport,
00:49:45 comme l'a fait effectivement Zemper,
00:49:49 le rapport de la teinture, de la texture,
00:49:52 de la toile, de la teinte à l'architecture.
00:49:56 Et donc, il a imaginé, vous voyez,
00:49:59 comme des tapisseries
00:50:05 qui seraient suspendues à l'anal,
00:50:09 qui descendraient, qui rentreraient en torsion,
00:50:13 voilà, comme ça.
00:50:14 Et puis, après, il a considéré que c'était un peu
00:50:18 ces éléments-là qui étaient décoratifs,
00:50:20 qui permettaient effectivement de déterminer
00:50:24 l'espace d'exposition,
00:50:26 et puis déterminer l'espace d'exposition
00:50:28 d'une manière, disons...
00:50:30 Je ne dirais pas confortable, je n'aime pas ce mot-là,
00:50:32 mais disons...
00:50:34 englobante, vous voyez, vraiment...
00:50:40 Imaginez un espace où on se sent protégé au maximum,
00:50:42 avec non pas ces parois englobantes,
00:50:45 mais ces colonnes englobantes.
00:50:48 Et alors, petit à petit, il a travaillé, il a fait ça.
00:50:52 Et puis à la fin, ça, c'est le bâtiment,
00:50:54 c'est l'extension, donc c'est comme un rideau,
00:50:57 voilà, par moments.
00:50:58 Et puis à d'autres moments, effectivement,
00:50:59 c'est comme des fragments de toile qui tombent du plafond.
00:51:02 Mais en fait, ces fragments de toile ne tombent pas du plafond,
00:51:05 mais ils "ploc" dans le plafond.
00:51:07 Voilà, on voit le contexte, vous voyez.
00:51:11 Le bâtiment construit de forme, c'était le bâtiment existant.
00:51:16 Et puis ensuite, c'est l'extension.
00:51:19 On voit, dans l'extension,
00:51:22 comment tous ces éléments, voilà,
00:51:25 les murs qui forment des rideaux,
00:51:28 mais c'est pas ça qui nous intéresse aujourd'hui,
00:51:29 mais surtout, à l'intérieur de l'espace,
00:51:32 les colonnes qui se donnent comme des tissus torsadés,
00:51:37 et puis justement, qui font aussi référence, quelque part.
00:51:40 Vous voyez, une colonne dont je n'ai pas parlé,
00:51:41 parce qu'elle est un peu compliquée,
00:51:44 elle est un peu particulière, c'est la colonne torse, vous voyez.
00:51:47 Ce sont des colonnes... Elles ne rentrent pas dans la classification,
00:51:49 mais ce sont des colonnes...
00:51:52 Dans la culture classique,
00:51:55 on disait que c'était les colonnes du temple de Salomon.
00:51:57 Et d'ailleurs, ça, par contre, j'aurais pu le faire voir,
00:52:00 c'est quand le Bernard a fait son baldaquin à Saint-Pierre,
00:52:04 donc il a utilisé des colonnes torses.
00:52:08 Voilà, les colonnes torses.
00:52:10 À la fois, les colonnes torses, et puis des textures qui s'enroulent.
00:52:17 Quelque part, c'est une origine de la colonne.
00:52:19 Peut-être ça, l'origine de la colonne, finalement.
00:52:20 C'est une texture qui s'enroule,
00:52:24 qui se solidifie et qui porte des masses et des tonnes et des tonnes.
00:52:30 Voilà le projet d'espace exposition,
00:52:34 avec ces éléments comme ça, ces éléments texturés,
00:52:39 qui, comme ils sont courbés, se rigidifient
00:52:42 et peuvent porter la dalle en haut.
00:52:45 Autre exemple.
00:52:47 Autre exemple, donc, c'est Christian Ponsenbach.
00:52:51 Et ça, c'est un drapé.
00:52:52 Il aussi s'est beaucoup intéressé, il a beaucoup dessiné,
00:52:55 il s'est posé la question du drapé.
00:52:57 C'est un dessin qu'il a fait en 1976.
00:53:02 On voit le cadre d'une chaise, et puis un drapé.
00:53:06 Quelque part, c'est comme si la colonne était dissociée.
00:53:10 Il y a la structure, et puis après, il y a le drapé qui vient l'habiller.
00:53:17 Et ça, c'est son projet, que je vais vous parler de maintenant.
00:53:20 C'est la boutique Dior à Genève.
00:53:25 Et je trouve qu'elle est intéressante,
00:53:26 parce que justement, elle pose cette question-là,
00:53:29 la question que je posais tout à l'heure,
00:53:31 qui a surgi dans ma conversation avec Bernard Quiraud.
00:53:35 C'est lui qui me l'a dit.
00:53:36 Mais enfin, je l'avais déjà réfléchi, ça m'est revenu après.
00:53:41 Cette idée que la colonne a un côté presque un tout petit peu xésophrénique,
00:53:48 parce qu'à la fois, elle porte et elle enveloppe.
00:53:50 Et là, c'est vrai qu'il a poussé la xésophrénie de la colonne au maximum,
00:53:54 parce que ces colonnes, elles se déploient complètement
00:53:57 comme des fragments de mur qui protègent de la lumière,
00:54:00 qui filtrent la lumière, et puis en même temps,
00:54:03 elles portent, puisqu'elles ont une âme en métal
00:54:05 qui permet, à l'angle des deux rues,
00:54:08 de porter les dalles de la boutique Dior.
00:54:12 Bien sûr, elles sont légèrement texturées, extrêmement travaillées.
00:54:18 Il y a des petites cannelures.
00:54:21 C'est des dessins préparatoires
00:54:24 avec un travail sur différents types de cannelures.
00:54:29 Et voilà, c'est l'idée comme ça qu'on découple légèrement
00:54:33 le fait que la colonne porte et qu'elle enveloppe.
00:54:38 Les deux sont légèrement, disons, dissociés, découplés.
00:54:45 Là, on voit l'axonométrie qui fait voir l'âme métallique
00:54:51 qui porte à la fois les coques des colonnes extérieures
00:54:59 et puis aussi qui porte...
00:55:00 Pardon, les âmes métalliques qui sont habillées par les coques
00:55:05 et qui portent les dalles de la boutique.
00:55:09 Après, tout ce qu'on peut faire à l'intérieur,
00:55:12 c'est vrai que ça aurait été formidable.
00:55:15 Mais c'est vrai qu'après la décoration, c'est Dior,
00:55:18 donc c'est assez particulier.
00:55:20 C'est Peter Marino qui a fait tout ça, donc ça n'a plus aucun rapport.
00:55:24 Mais à la fois, pourquoi pas ?
00:55:27 C'est pas si mal aussi de dissocier
00:55:30 architecture intérieure et architecture tout court.
00:55:35 Bon, là, je vais encore plus loin maintenant
00:55:40 parce que je vais vous faire voir des colonnes qui ne portent pas,
00:55:42 qui ne portent rien du tout, qui ne se portent même pas...
00:55:45 Qui ne se portent même pas...
00:55:48 Oui, qui se portent elles-mêmes si on veut, mais qui ne portent pas.
00:55:51 Et par contre, ce qui est juste utilisé dans ces projets,
00:55:55 c'est le fait que la colonne...
00:55:57 Contrairement au bris soleil...
00:55:59 Le bris soleil, c'est une expression, mais elle est terrible.
00:56:02 On va prendre les rayons de soleil et les casser à coup de barre de fer.
00:56:06 C'est un truc de fou.
00:56:08 Alors que là, on va voir, c'est autre chose,
00:56:10 parce que la colonne, elle permet,
00:56:13 avec sa texture, elle permet de diffuser la lumière
00:56:19 à l'intérieur du bâtiment.
00:56:21 C'est vraiment un filtre.
00:56:22 Ces deux projets, c'est vrai que c'est le même architecte
00:56:25 qui les a faits, c'est Emmanuel et Laurent Baudoin,
00:56:29 avec, là ici, Ivry Serre, et dans l'autre cas, l'agence MGM.
00:56:33 Et c'est vrai que...
00:56:34 Enfin, ces deux projets, quand même, qui sont...
00:56:36 Dans sa production, je trouve qu'ils sont vraiment
00:56:38 totalement différents de ce qu'il a fait.
00:56:40 Mais autant, ça le sauve complètement,
00:56:42 parce que c'est des projets géniaux.
00:56:44 Ça, c'est la médiathèque de Grasse.
00:56:47 Donc, c'est en plein coeur de ville, à Grasse.
00:56:50 C'est une ville...
00:56:52 C'est un village perché, un petit peu à l'origine,
00:56:55 un peu comme dans toute la Méditerranée,
00:56:57 où c'est des villages qui sont perchés
00:57:00 pour éviter les incursions pirates qui sont presque fortifiées.
00:57:04 Et là, c'est hyper ancien.
00:57:05 Toutes les maisons sont toutes les unes sur les autres.
00:57:08 Et donc, quand ils ont commencé à faire le chantier,
00:57:10 il y a des tas de maisons qui ont fini par s'écrouler, etc.
00:57:12 On imagine le truc que ça a pu être.
00:57:15 Là, c'est vraiment au coeur de la ville.
00:57:18 Et ce qu'il y a de fou, c'est que...
00:57:19 Voilà, on a... Là aussi, c'est pareil.
00:57:21 On a l'impression de surgissement.
00:57:23 Voilà. Et on voit la colonne.
00:57:24 Mais, là encore, c'est complètement découplé.
00:57:28 Le surgissement, il est donné parce que,
00:57:29 effectivement, quand on arrive là,
00:57:31 il y a toute une place, disons, qui a été...
00:57:34 Je n'ai pas les photos, mais qui a été réalisée par l'agence...
00:57:38 L'agence qui a fait ça.
00:57:39 Oui, l'agence qui a fait la place devant le truc.
00:57:42 - Stowa. - Oui, Stowa, merci.
00:57:44 L'agence Stowa.
00:57:45 Et donc, vraiment, la place, elle est très réussie
00:57:50 parce que c'est une sorte d'amphithéâtre.
00:57:51 Là, on descend.
00:57:52 On descend et il y a toujours des gens qui s'assoient,
00:57:55 qui regardent, qui jouent, qui parlent.
00:57:57 Parce qu'il faut dire que...
00:57:59 Là, Grasse, c'est assez étendu.
00:58:01 On a vraiment l'impression d'être un petit village,
00:58:03 donc...
00:58:06 Des âmes maritimes, comme il y en a beaucoup.
00:58:09 Et donc, voilà.
00:58:10 Et donc, le...
00:58:12 Le gradin descend,
00:58:16 et puis ensuite, le bâtiment, il se dresse.
00:58:18 Et putain, on ne sait pas comment il tient.
00:58:21 On ne sait pas comment il tient parce que...
00:58:23 Je vais essayer de l'expliquer tout à l'heure.
00:58:24 Et voilà, il surgit, vraiment.
00:58:27 Il surgit et on voit les colonnes.
00:58:28 Et les colonnes, non, elles ne portent rien.
00:58:31 C'est vraiment donc...
00:58:33 Mais elles sont...
00:58:34 Elles définissent l'enveloppe du bâtiment,
00:58:38 la texture du bâtiment.
00:58:39 Vous voyez, elles sont très resserrées.
00:58:40 Je crois qu'il y a juste 5 cm entre les colonnes.
00:58:44 Je crois qu'on m'a expliqué, si je me rappelle bien,
00:58:46 c'est que les 5 cm, c'est parce qu'on ne veut pas
00:58:47 que les pigeons puissent rentrer à l'intérieur.
00:58:50 Enfin, entre...
00:58:51 Qu'ils puissent passer.
00:58:53 Donc, c'est la dimension qu'ils ne peuvent pas franchir.
00:58:55 C'est la largeur qu'ils ne peuvent pas franchir.
00:58:57 Donc, elles sont toutes extrêmement rapprochées.
00:58:59 Et ces colonnes aussi, elles sont en béton.
00:59:01 Elles sont texturées, vous voyez.
00:59:03 De légères textures, mais on ne les voit pas.
00:59:05 En général, sur les photographes, on ne les voit pas.
00:59:08 Mais voilà, donc...
00:59:09 Et ces colonnes, elles réfléchissent à la lumière
00:59:13 à l'intérieur de la bibliothèque.
00:59:17 Là, c'est la façade nord.
00:59:18 Donc, il y a une grande fenêtre qui correspond à un vide.
00:59:22 Il ne faut même pas le voir comme une fenêtre
00:59:24 parce qu'en fait, elle montre aussi la structure du bâtiment.
00:59:28 C'est-à-dire que les...
00:59:30 Les dalles, elles sont maintenues par des...
00:59:35 Par des voûtes en béton.
00:59:37 Par contre, la voûte centrale est la plus grande.
00:59:40 Et après, il y a un vide.
00:59:42 Donc, c'est ce qui donne cette forme-là.
00:59:44 Mais ce n'est pas la volonté de faire une fenêtre.
00:59:46 Pas du tout.
00:59:47 C'est la structure du bâtiment
00:59:50 qui détermine, finalement, cette ouverture.
00:59:54 Et là, vous voyez, ce qu'on voit aussi sur l'image,
00:59:56 c'est que vous avez d'abord des rangées bases de colloïds.
01:00:00 Des rangées basses de colonnes et des rangées hautes.
01:00:01 Et les rangées basses, en fait, ça correspond,
01:00:04 ce qui est énorme, ça correspond à l'épaisseur de la structure.
01:00:08 Parce que comme il y a très peu de points d'appui,
01:00:11 effectivement, il faut que la dalle soit extrêmement importante.
01:00:16 Voilà.
01:00:18 Cette impression comme ça de surgissement de colonnes,
01:00:21 comme si le bâtiment s'était soulevé du sol.
01:00:25 Et puis là, on voit les deux poteaux
01:00:29 qui tiennent complètement le portafaux.
01:00:32 Et après, on voit la structure de la dalle
01:00:37 avec ses voûtes en béton.
01:00:39 Tout ça, ça nous induit à l'erreur,
01:00:40 parce qu'en fait, on voit les voûtes en béton,
01:00:44 c'est la structure longitudinale.
01:00:47 Et en même temps, parfois, la structure longitudinale,
01:00:49 elle va vers le vide. On ne sait pas comment elle tient.
01:00:51 Parce qu'après, il y a aussi une structure transversale
01:00:55 avec des poutres qui permet de tout maintenir.
01:00:57 Ça fait comme une sorte de plancher à caisson.
01:01:01 Voilà.
01:01:03 L'élévation, c'est l'élévation est.
01:01:08 On voit le portafaux, on voit les colonnes.
01:01:10 Vous voyez, on sent la puissance du truc.
01:01:12 Et quelque part, là, la puissance de la colonne d'Oric,
01:01:16 elle est découplée, elle est déconstruite.
01:01:18 Voilà.
01:01:19 Il y a d'un côté la structure et puis de l'autre,
01:01:23 les éléments cylindriques
01:01:25 qui vont permettre le filtrage, la diffusion de la lumière,
01:01:30 qui vont permettre d'envelopper,
01:01:34 pour que les lecteurs puissent lire
01:01:36 vraiment dans les meilleures conditions possibles.
01:01:38 Parce qu'effectivement, grâce, c'est super cool,
01:01:41 mais l'été, il fait chaud, il y a trop de lumière.
01:01:43 Et même s'il faut beaucoup de lumière pour lire, c'est vrai,
01:01:48 là, il fallait vraiment absolument que la lumière soit filtrée.
01:01:52 Voilà le plan de la structure
01:01:53 qui permet un petit peu de comprendre.
01:01:55 On voit à chaque fois les poutres transversales dont je parlais.
01:02:00 Et puis là, c'est, dans l'autre sens,
01:02:03 les voûtes en béton.
01:02:06 Voilà l'intérieur.
01:02:07 Très sombre, avec ces voûtes en béton.
01:02:11 Et là, c'est la rampe.
01:02:13 Le côté complètement magique, si vous voulez,
01:02:15 c'est la lumière qui finit par traverser,
01:02:19 disons, cette enveloppe de colonnes très, très rapprochée
01:02:24 qui vient se projeter contre le mur de la circulation.
01:02:28 Autre exemple, même, presque, pratiquement le même projet,
01:02:33 mais simplement, il y a un projet,
01:02:35 c'était dans un petit village des arbres maritimes,
01:02:39 et puis là, c'est à Saclay, dans une plaine.
01:02:43 Mais c'est pratiquement...
01:02:44 Et c'est aussi une bibliothèque, une médiathèque,
01:02:46 c'est le Human Center de Saclay.
01:02:48 C'est la grande bibliothèque universitaire de Saclay.
01:02:51 Pas très loin, vous avez le...
01:02:53 Comment on appelle ça ?
01:02:55 Le truc... L'école normale supérieure.
01:02:57 Et puis...
01:02:58 C'est ça ?
01:03:00 L'école normale supérieure.
01:03:02 Et puis à côté, il y a aussi l'école centrale.
01:03:05 L'école normale supérieure, c'est Renzo Chiano.
01:03:07 L'école centrale, c'est Rem Collas.
01:03:12 Voilà, mais ce qui est aussi fou, c'est que là-bas,
01:03:15 à Saclay, ce ne sont que des emprises
01:03:18 qui sont très importantes.
01:03:21 Sur le...
01:03:22 Et là, le projet est tout petit.
01:03:25 Mais par contre, pour être remarqué,
01:03:28 c'est vrai qu'il a une parcelle qui est totalement biscornue,
01:03:30 qui est triangulaire, à cause du passage du métro arrière
01:03:32 qu'on voit derrière.
01:03:34 Et donc, il s'est servi de cette...
01:03:36 de la forme de sa parcelle
01:03:40 pour faire un truc très particulier,
01:03:44 là encore, où il y a énormément de correspondances,
01:03:49 notamment...
01:03:50 Je ne disais pas "en termes",
01:03:52 mais il y a énormément de correspondances.
01:03:54 Voilà. Et surtout, l'idée, si vous voulez,
01:03:57 c'est d'avoir, comme à Grasse,
01:04:00 vous voyez donc une enveloppe, disons, par soleil,
01:04:04 constituée de colonnettes.
01:04:06 Les colonnettes, comme on est à Paris et pas dans le sud,
01:04:09 comme on est dans le nord et pas dans le sud,
01:04:11 les colonnes sont plus fines
01:04:12 et puis l'espacement n'est plus marqué.
01:04:14 Et surtout, là, les colonnes,
01:04:16 elles ne sont plus portées chaque fois par les dalles,
01:04:19 mais elles sont portées par la toiture,
01:04:22 et elles sont suspendues à la toiture.
01:04:25 Et ensuite, ces colonnes,
01:04:28 elles déterminent comme un grand manteau.
01:04:30 Le grand manteau, il est très ample au sud,
01:04:35 donc il vient très loin du bloc construit,
01:04:38 et il touche pratiquement la bibliothèque au nord,
01:04:42 parce qu'il n'y a pas de soleil,
01:04:43 et donc pour permettre, vous voyez,
01:04:45 ce travail comme ça de la lumière.
01:04:49 Voilà le plan.
01:04:50 C'est un plan qui rappelle effectivement
01:04:53 l'architecture de Scharoun en Allemagne.
01:04:55 Après, il y a tout un jeu de correspondances énormes.
01:04:58 Je répète, parce que ce n'est pas vraiment des références,
01:05:01 ce n'est pas ça, mais ce que j'aime aussi dans ces bâtiments,
01:05:03 c'est qu'ils traversent, on a l'impression
01:05:05 qu'ils traversent complètement
01:05:06 toute l'histoire de l'architecture.
01:05:08 Donc là, à la fois, c'est Scharoun,
01:05:10 mais c'est aussi Louis-Scahne,
01:05:11 parce qu'il y a un grand centre vide,
01:05:14 comme les bibliothèques, etc.
01:05:16 Et puis, dans l'autre projet,
01:05:19 à Grasse, il y a une référence, je trouve,
01:05:24 en tout cas, ça me l'évoque, je ne sais pas si...
01:05:26 Je pense qu'ils la connaissent,
01:05:27 parce que tous les architectes la connaissent,
01:05:29 mais c'est la tombe du moulanger
01:05:34 sur la Via Appia à Rome.
01:05:35 Elle est composée aussi comme ça de...
01:05:38 Ce ne sont pas des colonnes, c'est des...
01:05:41 C'est des trucs, c'est des fûts,
01:05:43 où le blanger mettait sa farine,
01:05:44 mais elle a cette impression, comme ça,
01:05:46 d'un bâtiment complètement compact
01:05:48 et composé de colonnes.
01:05:51 Voilà, c'est ça.
01:05:53 Les deux pots se dissocient.
01:05:57 Et puis les colonnes,
01:05:58 donc il y a en chaque fois des rythmes différents,
01:06:00 qui ne sont pas...
01:06:01 Qui sont...
01:06:03 Qui sont...
01:06:05 Qui ont une origine différente.
01:06:08 Elles sont, cette fois, elles ne sont pas portées...
01:06:11 Elles ne portent pas la toiture,
01:06:13 mais elles sont suspendues à la toiture.
01:06:16 Voilà, ça, à l'intérieur, c'est...
01:06:18 Il y a une trame comme ça, donc, orthogonale,
01:06:21 qui porte les poutres,
01:06:24 qui s'avance au sud et qui soutiennent la toiture.
01:06:27 Et ça, c'est tous les effets que l'on peut avoir,
01:06:30 tous les effets de lumière qu'on peut avoir.
01:06:32 Et toute la diffusion très...
01:06:35 Très particulière, qui est donnée très doucement.
01:06:39 Parce qu'on n'est pas dans le registre du bris soleil,
01:06:41 qui va te...
01:06:42 Voilà, comme on va te péter la gueule.
01:06:44 Non, c'est pas ça. C'est vraiment un truc.
01:06:46 La lumière rentre et puis, elle est diffusée...
01:06:50 Elle est diffusée par les formes arrondies des colonnes.
01:06:53 Elle se propage, elle adoucit presque partout.
01:06:58 Mais aussi, évidemment,
01:07:00 presque pour terminer, c'est ça.
01:07:03 C'est un dessin de Rob Krier.
01:07:05 On l'est, Rob Krier, pardon, excusez-moi.
01:07:07 Je l'ai retrouvé...
01:07:09 C'était un architecte qui était super important
01:07:11 quand j'étais étudiant, quand tout le monde le connaissait.
01:07:13 Et c'est vrai que c'est un type qui a vraiment...
01:07:16 Il était très important. Il a fait beaucoup de dessins.
01:07:19 Et il a...
01:07:21 Et surtout, voilà, c'était...
01:07:22 J'aurais pu lui montrer ses dessins, c'est vrai,
01:07:23 parce que c'était aussi un des artisans, si vous voulez,
01:07:26 dans les années 78, à la fin des années 70,
01:07:29 du retour.
01:07:32 Donc, une sorte de réflexion sur, disons,
01:07:35 le poids du passé.
01:07:39 Revenir un peu...
01:07:40 Comme je disais tout à l'heure,
01:07:41 en regardant les bâtiments de Laurent Baudouin,
01:07:43 quand il fait un bâtiment,
01:07:44 même si c'est des bâtiments modernes,
01:07:46 mais c'est toujours inscrit dans la modernité,
01:07:48 il y a des...
01:07:49 Ce ne sont pas des références, mais il traverse,
01:07:52 comme un héros,
01:07:54 il traverse toutes les couches, vous voyez,
01:07:57 de l'histoire de l'architecture.
01:08:01 Et donc, Robert Krier, lui, c'est pareil.
01:08:04 Il avait fait des dessins,
01:08:06 il avait fait notamment un très beau projet pour la Villette,
01:08:09 j'aurais pu le montrer,
01:08:10 avec des grandes colonnes, des grandes stoas,
01:08:13 qui rappellent aussi, d'ailleurs,
01:08:15 le projet de NP2F que j'ai fait voir,
01:08:17 avec la référence toujours au Forum romain,
01:08:20 vous voyez, c'est un grand vide entouré de stoas
01:08:24 avec les équipements derrière.
01:08:27 Et lui, à la fin du livre,
01:08:30 dont il était le principal rédacteur,
01:08:32 "Architecture rationnelle", en 78,
01:08:33 il y avait ce dessin vraiment très...
01:08:38 très bizarre.
01:08:40 La fin de l'architecture, le sixième ordre.
01:08:43 On a vu tout à l'heure les cinq ordres,
01:08:45 l'ordre corinthien.
01:08:46 Comme si, vous voyez, après le corps de la jeune femme,
01:08:51 l'ordre corinthien, le corps de l'homme, etc.,
01:08:55 c'était le retour à la Barbarie.
01:08:57 C'était des colonnes en béton avec des fers à Nathan.
01:09:03 Ça, ça m'a un peu interpellé, bien sûr,
01:09:07 parce que, moi, j'avais fait un truc sous la Grèce.
01:09:10 J'avais fait le pavillon grec
01:09:12 à l'Abidjan de Venise de 2002.
01:09:17 C'était Athènes absolu de réalisme.
01:09:18 Je m'étais beaucoup intéressé, vous voyez,
01:09:20 à toute cette architecture comme ça de fers à Nathan.
01:09:25 Parce qu'en fait, ce qui était fascinant,
01:09:26 un des aspects qui m'avait intéressé,
01:09:28 il y a 8, 9 mois, encore, je ne me rappelle plus,
01:09:30 un des aspects qui m'avait intéressé,
01:09:32 c'est le côté vitaliste.
01:09:34 Ce que nomme la fin de l'architecture,
01:09:38 decrire, on pourrait dire, au contraire,
01:09:40 c'est un début, parce que la colonne,
01:09:44 quelque part, potentiellement,
01:09:46 elle fait signe vers d'autres possibilités,
01:09:51 vers une sorte de progression infinie,
01:09:53 parce qu'on peut rajouter des étages et des étages.
01:09:55 Et là, c'est un petit peu comme ça en Grèce.
01:09:57 C'est moins le cas maintenant, mais en 2002, c'était le cas.
01:10:01 Il y avait des tas de zones autour d'Athènes
01:10:04 avec des fers à Nathan,
01:10:06 pour plusieurs raisons, notamment une raison administrative,
01:10:08 parce que tant qu'on n'a pas fini sa maison,
01:10:10 on ne paye pas de taxes locales,
01:10:12 mais surtout, vous voyez, pour l'idée de dire
01:10:14 que ce sont des bâtiments qui sont en perpétuelle gestation.
01:10:19 Il y a aussi cette idée qui m'a toujours intéressé,
01:10:24 qui m'a développé, cette opposition
01:10:26 entre l'architecture du pouvoir,
01:10:28 on dit que c'est comme ça, et ce n'est pas autrement,
01:10:31 et la colonne dorée, tu la dessines comme ça,
01:10:33 et tu ne la dessines pas autrement,
01:10:34 et puis l'architecture de la puissance.
01:10:36 Au contraire, là, tout est possible.
01:10:41 Je canalise, vous voyez, donc, presque une infinité de possibles.
01:10:45 Je ne fiche rien, je canalise une infinité de possibles
01:10:49 en mettant simplement mes fers à Nathan.
01:10:53 C'est un peu laborieux, mais tout ça pour introduire,
01:10:56 maintenant, au travail d'Edoardo Sottolimura.
01:11:00 Tout le monde le sait, tout le monde connaît ce projet,
01:11:02 parce qu'il avait fait un marché,
01:11:04 c'était son premier projet, peut-être, à Braga,
01:11:06 parce que je crois qu'il avait de la famille là-bas,
01:11:08 enfin, il connaissait le maire de Braga.
01:11:10 D'ailleurs, le terrain à côté appartenait à un de ses cousins.
01:11:14 Donc, il a pu faire sa première oeuvre d'importance.
01:11:20 Je ne force jamais avec lui, parce qu'il l'a tellement construit,
01:11:22 et puis ses oeuvres, ça va du stade
01:11:25 à l'extension de la maison de sa sœur,
01:11:28 ou le toit de son boulanger, etc.
01:11:32 Mais voilà, il a fait énormément de projets.
01:11:34 Mais là, c'était sa première oeuvre, le marché.
01:11:37 Et là encore, on revient, donc, au grand thème classique,
01:11:41 dont on a parlé tout à l'heure,
01:11:42 notamment pour l'IMVT de Bélezev,
01:11:46 refaire un forum avec des colonnes,
01:11:51 ou une basilique, faire des rangées de colonnes,
01:11:54 et puis le protéger par un toit.
01:11:57 Et puis après, effectivement, dans cet espace-là,
01:12:01 dans ce forum, on ne va pas parler de politique,
01:12:03 on ne va pas parler de philosophie,
01:12:05 mais le poissonnier va découper ses poissons,
01:12:08 le boucher va découper sa viande,
01:12:10 et ça va donner, effectivement, d'une certaine sorte de pesanteur,
01:12:13 toujours pareil, une sorte d'aura classique,
01:12:17 donc à tous ces gestes les plus quotidiens.
01:12:20 Ça va les mettre dans une perspective,
01:12:24 disons, un peu monumentale, comme ça.
01:12:26 C'est vrai que...
01:12:27 C'est sûr, quand on va sur son boucher qui découpe la viande,
01:12:31 des fois, on peut avoir envie de pleurer,
01:12:33 on peut avoir peur, je ne sais pas quoi,
01:12:35 mais si le boucher est à côté, peut-être entouré de colonnes,
01:12:40 peut-être les choses sont différentes, c'est clair.
01:12:43 On assume, voilà,
01:12:45 disons, son caractère de carnivore.
01:12:50 C'est comme ça.
01:12:53 Donc le marché, c'était une gigantesque halle.
01:12:58 On rentrait par là.
01:13:00 Voilà, avec des colonnes, très classiques,
01:13:04 un toit soulevé,
01:13:06 et puis d'un côté, c'était les poissonniers,
01:13:10 de l'autre côté, je crois que c'était les bouchers,
01:13:12 et au centre, c'était les marchands de légumes.
01:13:16 Voilà, mais tout ça, un jour,
01:13:17 tout ça, c'est devenu un lieu totalement invivable
01:13:20 parce que les gens ne se rendaient plus au marché,
01:13:22 ils préféraient aller au supermarché.
01:13:23 Et puis aussi, donc, tout ce quartier
01:13:26 est tombé un petit peu en déshérence.
01:13:29 On n'achetait plus de la viande,
01:13:30 mais il y avait des prostituées et de la drogue.
01:13:32 Donc voilà, c'était un truc absolument impossible.
01:13:34 Et surtout, la toiture, je ne l'ai pas fait ouvrir à la coupe,
01:13:37 elle était très compliquée parce qu'en fait,
01:13:39 l'eau qui est recueillie par la toiture,
01:13:41 elle descend par les colonnes.
01:13:43 C'est un projet très, très pensé.
01:13:46 Et la toiture commençait à avoir des problèmes
01:13:48 et menaçait de s'écrouler.
01:13:49 Et donc, le maire a convoqué
01:13:53 donc son automne mois,
01:13:56 et puis il lui a dit, bon, voilà,
01:13:58 il faut que tu fasses... Moi, j'ai tout cassé,
01:13:59 donc sinon, tu as qu'à faire un truc, sinon je casse tout.
01:14:02 Donc il a proposé, donc, effectivement,
01:14:06 d'enlever la toiture, de laisser les colonnes,
01:14:11 et puis de mettre d'autres équipements
01:14:13 à la place des étals de boucher et de poissonnerie.
01:14:17 Donc il y a une école de danse d'un côté,
01:14:18 et puis au fond, dans la réserve, il y a un conservatoire de musique.
01:14:22 Voilà, puis il a fait un jardin.
01:14:24 Voilà.
01:14:26 Ça, c'est l'étal des poissonniers,
01:14:28 qui est resté identique à lui-même, pratiquement.
01:14:32 Et ce qui est fou, c'est ça. C'est ça qui est fou.
01:14:35 C'est qu'il a redessiné la colonne de Krier.
01:14:37 Alors disons, c'est en merde.
01:14:39 Voilà. Et voilà ce qu'il a fait.
01:14:40 Et il a fait ces colonnes comme ça,
01:14:44 avec des fers en attente qui sortent.
01:14:46 Voilà. Et donc, ça aussi, c'est pareil.
01:14:50 À la fois, c'est une architecture de la puissance,
01:14:52 parce que la colonne, peut-être un jour,
01:14:54 elle portera autre chose, je ne sais pas quoi.
01:14:56 Elle est en attente. Elle attend de quelque chose.
01:15:00 Comme le roman qui est en attente de son prêchant.
01:15:02 Elle est dans l'attente.
01:15:05 Ce n'est pas figé, ce n'est pas fini.
01:15:07 Ma vie est derrière moi. Ce n'est pas ça du tout.
01:15:09 Je suis dans l'attente.
01:15:11 Ma vie, j'ai vécu, mais peut-être que demain, elle va recommencer.
01:15:15 Donc déjà, il y a ça, cette idée d'attente.
01:15:17 Et ensuite, il y a l'idée des arbres.
01:15:20 Et toujours, bien sûr, la colonne comme arbre,
01:15:24 puisque l'autre origine de la colonne,
01:15:25 que j'aurais pu développer à la base du stade du corps,
01:15:27 c'est celle de la lutte primitive de Marc-Antoine Logier,
01:15:30 de dire que la colonne, avec les accontes, etc.,
01:15:35 c'est une représentation de l'arbre.
01:15:37 Ce n'est pas du tout la voie que j'ai choisie,
01:15:40 puisque je pense que le corps, c'est beaucoup plus fort.
01:15:45 Pour finir, tout est colonne.
01:15:50 Tout est colonne, c'est sûr.
01:15:52 On voit le truc de Giorgio Echirico, l'énigme d'une journée.
01:15:57 L'énigme, on y revient.
01:15:59 L'énigme, c'est que l'homme est dressé.
01:16:02 Et ensuite, quelque part, l'architecture,
01:16:05 elle est là pour commémorer le moment de sa surrection.
01:16:09 Donc, les cheminées d'usines, ce ne sont pas des cheminées d'usines,
01:16:11 avant tout, ce sont des colonnes.
01:16:12 Les arches, les arcs, les piliers, ce ne sont pas des piliers,
01:16:14 ce sont des colonnes. Tout est colonne.
01:16:18 Et là, par exemple, la tour, la tour rose,
01:16:21 c'est une colonne.
01:16:24 Ou alors, notre peintre aussi, que j'adore trop,
01:16:27 c'est Charles Schiller.
01:16:29 C'est pareil, tout est colonne.
01:16:31 C'est un paysage industriel, il dit paysage classique
01:16:33 parce qu'effectivement, les silos, il y a du grain dedans,
01:16:38 mais ça peut être des colonnes.
01:16:41 La cheminée d'usines, il y a de la fumée, mais c'est des colonnes.
01:16:43 Tout est colonne.
01:16:45 Et on peut, bien sûr, habiter la colonne.
01:16:47 C'est le truc de Siméon le stylite, le Syrien,
01:16:53 quand tout commençait à déconner dans l'Empire romain d'Orient.
01:16:59 Et donc, quand il cherche à échapper à la décadence,
01:17:02 il monte seul sur sa colonne.
01:17:07 Là aussi, il y a cette idée que j'ai développée
01:17:10 en cours de l'escalier.
01:17:12 C'est vrai que l'architecture,
01:17:13 c'est ce qui permet de se dresser, de s'élever.
01:17:17 Et donc, il a vécu, je crois,
01:17:21 la moitié de sa vie sur la colonne.
01:17:23 Sa colonne faisait l'objet d'un véritable culte.
01:17:26 Des tas de populations, des pèlerins, venaient le voir,
01:17:29 lui parler, lui apporter à manger.
01:17:30 Ils montaient ça avec une corde.
01:17:34 Voilà, l'idée de... On habite, on peut habiter la colonne.
01:17:42 Bon, une première...
01:17:44 Enfin, un projet de colonne,
01:17:46 c'est la maison de François de Monville à Retz.
01:17:49 C'est vrai que cette photo, je ne sais pas ce qu'il en est
01:17:53 de ce bâtiment aujourd'hui, parce que je l'avais vu,
01:17:56 je ne sais pas, il y a 40 ans, un truc comme ça.
01:17:58 Je me rappelle, la propriété était fermée,
01:18:00 il y avait des grillages partout.
01:18:02 J'ai pas de voiture, j'ai demandé à mon oncle de m'amener là-bas.
01:18:05 Le pauvre, il était plus grand que moi,
01:18:08 il était coincé dans le souterrain,
01:18:09 je me suis même pas occupé de lui, je suis parti prendre des photos.
01:18:12 Bon, OK, d'accord, c'est pas grave.
01:18:15 Voilà, donc, là, c'est une colonne,
01:18:19 vous voyez, avec des canures, c'est une colonne habitée.
01:18:24 Un peu comme une folie, un palais, vous la voyez.
01:18:27 C'est aussi une colonne habitée.
01:18:29 À la place d'avoir des fûts,
01:18:32 c'est des superpositions de salons
01:18:34 avec un escalier radicoïdal au centre.
01:18:37 La colonne, bien sûr, il y a le célèbre projet de concours
01:18:43 pour le Chicago Tribune d'Adolf Loss.
01:18:45 C'est une colonne, une colonne dorique.
01:18:48 Il y a aussi, bien sûr, le projet de gratte-ciel
01:18:51 pour le Chicago, pour Hans Solheim.
01:18:54 Pour ça, j'ai beaucoup hésité
01:18:55 pour ne pas en faire une sorte de thématique essentielle du truc,
01:18:59 mais finalement, j'ai renoncé.
01:19:02 Mais voilà, en tout cas, on peut se poser la question,
01:19:03 où est ta colonne ?
01:19:04 Même ta bite est une colonne.
01:19:06 Où est ta colonne ?
01:19:07 Voilà.
01:19:09 Et pour terminer, voilà, c'est une colonne.
01:19:12 En tout cas, un autre architecte, je ne sais pas qui, m'a dit ça,
01:19:16 peut-être, j'ai un peu de risque à l'oreille.
01:19:18 Non, c'est pas toi.
01:19:20 Tu m'avais dit que...
01:19:23 Donc, Edouard d'Auston et moi, on ne faisait pas de colonne,
01:19:25 contrairement, on divisait une tour, contrairement à César.
01:19:28 Et en fait, non, ça, c'est le bâtiment qu'il a fait à Porto.
01:19:33 Moi, ce n'est pas toi, c'est Laurent Baudoin.
01:19:36 Pardon.
01:19:37 Laurent Baudoin, il me dit ça.
01:19:39 En fait, pas du tout, puisque là, c'est la tour qu'il a faite,
01:19:42 la tour Burgo à Porto.
01:19:43 Pour moi, c'est une colonne, mais c'est évident.
01:19:45 C'est une colonne dorique.
01:19:46 Elle est de section carrée, elle n'est pas circulaire,
01:19:49 elle n'est pas cylindrique.
01:19:51 Mais vous voyez, la manière dont elle est faite...
01:19:57 En plus, la colonne, c'est vrai que malgré tout,
01:19:59 c'est une architecture standard, un petit peu,
01:20:01 parce que c'est des fûts qui sont posés les uns sur les autres.
01:20:04 Et là, pratiquement, tout est standard.
01:20:06 C'est comme un immeuble qu'un plat.
01:20:08 Donc, il y a un grand noyau central,
01:20:10 parce qu'effectivement, c'est une tour très haute,
01:20:13 et puis, il y a une réglementation portugalaise très particulière.
01:20:16 Donc, il y a un énorme noyau central.
01:20:17 Et après, c'est complètement libre.
01:20:19 C'est pareil, c'est des gigantesques caissons
01:20:21 qui viennent prendre appui sur les façades.
01:20:24 Et puis, les façades...
01:20:26 La façade... Je crois que ça, c'est la façade...
01:20:30 La façade est, elle est plus opaque.
01:20:34 La façade nord, elle est complètement ouverte.
01:20:36 La façade ouest, elle est plus opaque.
01:20:38 Et après, il y a une colonne qui est dressée,
01:20:40 et l'autre colonne qui est...
01:20:41 Comme on voit souvent quand on visite les sites antiques en Grèce,
01:20:46 à Olympie, je me rappelle.
01:20:48 Je ne sais pas, c'est des archéologues qui font des histoires de mise en scène.
01:20:50 Donc, il y a la colonne qui est droite, il y a la colonne qui est allongée.
01:20:52 Et là, c'est pareil.
01:20:53 Il y a le fragment de colonne qui est droit,
01:20:55 le fragment de colonne qui est allongé.
01:20:58 Voilà, tout est... C'est construit, c'est pensé.
01:21:00 C'est l'architecture modulaire, c'est de l'architecture standard.
01:21:04 On rentre dans le bâtiment.
01:21:07 À l'extérieur, tout peut être décomposé.
01:21:10 On peut parfaitement comprendre comment les choses tiennent.
01:21:14 Puis on rentre, vous voyez, comme il y a une portée énorme.
01:21:17 La dalle est très épaisse. C'est une dalle à caisson.
01:21:21 Et donc, cette colonne, elle s'affirme dans le paysage.
01:21:26 La plus grande rue de Porto, c'est la voie...
01:21:31 La plus grande avenue de Porto.
01:21:34 Peu importe, elle s'affirme sur cette avenue.
01:21:38 Et puis, elle dit, elle dit, elle dit.
01:21:41 Elle répond au sphinx, l'homme.
01:21:44 Merci.
01:21:46 (Applaudissements)
01:21:48 (...)
01:21:57 - Merci. - Au revoir.

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