Quand une grand-mère italienne qui se fait mansplainer l’expresso par un millenial scandinave...
Retrouvez La drôle d'humeur de Camille Lavabre dans la Bande Originale sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-bande-originale
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AmusantTranscription
00:00 - Voici Camille Lama !
00:02 - Bonjour tout le monde !
00:04 - Salut Camille !
00:06 - Samedi dernier, j'ai passé l'après-midi avec ma voisine italienne, Maria.
00:09 Elle a bientôt 75 ans et c'est la vraie mama italienne à l'ancienne.
00:13 T'avises pas de lui sortir des raviolis en bois tout critiqué Mussolini.
00:16 Pour elle, la Mozart et la Franprice, c'est clairement une violation des conventions de Genève.
00:20 - Tu m'étonnes !
00:21 - Et j'adore aller chez elle. A chaque fois que j'y vais, elle est en train de sortir un truc du four.
00:25 Sérieux, elle fait des pizzas en 3/8. Et elle essaie toujours de m'en refiler.
00:28 Parfois j'essaie de refuser, mais elle lâche jamais l'affaire parce que je cite
00:31 "Comment tu vas trouver un mari si tu ressembles à une graissin ?"
00:34 - Oh là là, mais waouh, qui fait la chronique ? C'est Camille Lama ou Valéria Golino ?
00:38 - Bref, vous l'avez compris, Maria, c'est ma copine transalpine, ma besta de Sicilia, ma go de Palermo.
00:46 Et samedi, je l'ai emmenée dans un tout nouveau lieu parisien cool.
00:50 Parce que je sais pas si vous êtes au courant, ils ont ouvert un nouveau coffee shop à Paris.
00:53 Le concept est dingue, en fait, ils vendent du café.
00:56 Enfin laisse tomber, l'idée est de fifou.
00:58 Je sais pas si vous voyez ce genre d'établissement où les serveurs ont 12 variétés de café,
01:01 mais une seule expression faciale.
01:03 Et la déco ? Oh là là, mur en briques, banc en bois brut, ampoule qui pente du plafond.
01:09 Sérieux, qui n'a jamais rêvé de boire un latté à 9 balles dans un abri anti-atomique ?
01:13 Mais l'âme du coffee shop, ça reste bien sûr Andréas, le barista.
01:17 Enfin, barista, je crois que c'est plus un terme qu'ils utilisent entre eux.
01:21 Apparemment, nous c'est mieux qu'on dise "torefacteur référent".
01:25 Il est tellement cool Andréas, avec son tatouage de cafetière italienne sur l'avant-bras
01:30 et sa moustache de mec qui conduit un vélo avec une roue beaucoup plus grosse que l'autre.
01:34 Donc on arrive dans le lieu, on regarde le menu.
01:36 Un tableau noir rempli de locutions étranges.
01:38 "Pumpkin spice macchiato", "golden latte", "vegan frappuccino".
01:43 Pas évident à déchiffrer, le mélange anglais-italien.
01:45 Pour Maria, c'est plus un menu, c'est une pierre de rosette.
01:49 Perso, ça m'effraie, donc moi je commande un thé.
01:52 Et Andréas me tend un magnifique sachet en plastique de thé vert et une bouilloire.
01:55 Je lui demande si c'est possible d'avoir une tasse avec, si ça fait partie du concept.
01:58 Il me dit "oui, mais qu'il y aura un supplément de 4 euros".
02:00 Et Maria demande simplement un café.
02:02 Là, Andréas éclate d'un petit rire narquois, vous connaissez les Norvégiens,
02:06 et lui fait "alors madame, il va falloir être un peu plus précise,
02:10 parce que café en soi, ça veut tout dire et rien dire".
02:13 Alors, je sais pas si vous avez déjà vu la tête d'une grand-mère italienne
02:16 qui se fait "mainsplainer" l'espresso par un millénaire dans la canape.
02:19 Ah bah j'ai vu des couleurs qui ne sont même pas sur l'arc-en-ciel !
02:23 Et soudain, j'ai dézoommé un peu la situation, et je nous ai vues, là, toutes les deux,
02:27 dans l'épicentre du rien, dans le concept du vide,
02:30 dans ce lieu qui se fout ouvertement de notre gueule, et je me suis surprise à être envieuse.
02:34 Envieuse du culot de ce genre de lieu et de ce genre de mec,
02:38 qui te font croire que ce que tu bois est rare et précieux juste parce qu'il est bien mis en scène.
02:42 Mais quel bagout ! Comme quoi, vraiment, on impose aux gens sa propre valeur
02:46 juste dans notre façon de s'auto-mettre en scène, quoi.
02:48 Et moi, je suis jalouse parce que je fais souvent tout l'inverse, en fait.
02:52 Par exemple, quand on me dit "il parle de quoi ton spectacle ?"
02:55 Bah je bégais, j'ai pas le bagout d'un serveur d'un coffee shop du Marais,
02:58 alors je suis là "bah en fait, je parle de moi, mais un peu par ricochet,
03:01 parce que du coup je parle des autres, enfin je crois, et puis en fait je joue des personnages aussi,
03:04 mais t'inquiète, y'en a pas trop, y'en a pas trop d'enculés".
03:07 Alors que juste, je devrais dire "bah en fait, le concept est dingue, y'a une scène,
03:11 moi je suis dessus, en face de moi y'a des gens, pendant que je joue,
03:14 ils me regardent, mais le concept de malade !"
03:17 Donc je dois dire que j'ai pas pu m'empêcher d'admirer l'aplomb de ce lieu et de ce type,
03:21 et de m'en inspirer. Et je me dis qu'après tout, si Andréas a eu le culot d'expliquer
03:25 ce qu'est le café devant mon amie italienne Maria, alors peut-être que moi aussi,
03:28 je peux jouer la comédie devant Isabelle Huppert.
03:31 (Applaudissements)
03:35 - Je suis choqué ! - Sur scène, Camille Lavorne.
03:38 - Je suis choqué, tu veux dire elle est sur scène avec des gens devant qui la regardent ?
03:41 - J'allais voir, le concept est dingue. Et c'est demain Toulouse, si vous voulez la voir.
03:45 - Et c'est demain Toulouse. - Très bien.