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00:00:00 Bonjour, je pense qu'on peut... on est dans les temps, l'attaque ? Allez.
00:00:10 J'ai le train à 18h38, donc est-ce que je saurais...
00:00:20 C'est bon, on vous trouvera tous les moyens pour arriver à l'heure à la gare de Lyon.
00:00:23 Voilà, d'accord, merci.
00:00:25 Merci de votre présence et d'avoir répondu à notre invitation. Alors, la commission d'enquête parlementaire est un peu formelle.
00:00:32 Je vais commencer par vous faire prêter serment. C'est requis devant une commission d'enquête comme la nôtre,
00:00:39 puisqu'un faux témoignage serait passible de peine prévue aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du Code pénal.
00:00:47 Et donc je vais vous inviter à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, à lever la main droite et à dire...
00:00:52 Je le jure.
00:00:55 Merci donc de cette présence. Peut-être que ce qu'on peut vous proposer, puisque vous êtes devenu S-qualité,
00:01:02 bon connaisseur des sujets dont traite cette commission d'enquête, avec une perspective un peu de mise en relation de ce que vous avez connu
00:01:11 et des trafics actuels, commencez par un propos introductif et puis après on vous bombarde de questions pour essayer de comprendre un peu
00:01:19 ce que vous nous avez dit, si ça vous va.
00:01:22 Un préambule. Je suis né à la Belle de Mai et donc je n'ai pas eu de niveau d'études. Je parle comme dans la rue, comme je sais.
00:01:38 - Vous n'avez pas le permis de vous réveiller ? - Non, à la maison. On est nés à la maison avant.
00:01:45 Alors, il faut savoir qu'il y a 18 ans que j'ai tout arrêté. Le jour où je suis sorti de prison de Corse, j'ai tout arrêté.
00:01:55 Par contre, malheureusement, j'ai presque 60 ans de banditisme. J'ai commencé, j'avais 8 ans, à la Belle de Mai.
00:02:05 Pourquoi j'ai commencé ? Parce que c'était comme ça, on était 35 dans la classe et il y en a 30 qui ont été en prison.
00:02:15 Chez nous, il y avait ou les communistes ou les voyous. Et des fois, les communistes, ils étaient un peu voyous aussi.
00:02:22 Donc, on ne s'est pas fait autre chose. J'ai arrêté il y a 18 ans et aujourd'hui, j'ai accepté de venir à votre commission.
00:02:32 Parce que j'aurais pu refuser, un scientifique médical, n'importe quoi. Mais j'ai accepté avec plaisir.
00:02:39 D'ailleurs, je me... voilà. Parce que je m'aperçois que l'avenir est sombre, vous voyez. On est très mal en Europe.
00:02:50 On va mal finir. Ça va mal finir. Ça va très mal finir, maman. Je vais vous dire pourquoi.
00:02:57 Premièrement, on nous a accusé à nous de tous les péchés d'Israël avec l'héroïne qui est partie aux États-Unis.
00:03:07 C'est vrai qu'on n'est pas des anges. C'est vrai qu'on faisait des choses pas bien. C'était sale. C'était la French Connection.
00:03:15 Moi, je suis le dernier de la French Connection. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est les Américains.
00:03:19 Les journalistes américains m'appellent et me disent "Vous êtes le dernier". Les Canadiens et tout ça.
00:03:25 Donc, je vous parle de l'avenir. Au Liban, il y a des laboratoires. C'est le Hezbollah qui les a.
00:03:38 Le Hezbollah, ils font du Cap Tagon. Au départ, c'était pour les émirs, pour la fête, pour les danseuses.
00:03:46 Vous voyez. Là, ils ont accéléré. Ils ont drogué tout Israël. En Israël, ça tape à tout va. Les jeunes, ils se droguent tous.
00:03:57 Bon, pas tous, mais je caricature. Mais beaucoup. Il y a beaucoup de drogue qui circule du Cap Tagon.
00:04:04 Et ça va venir à Marseille, ça va venir en Europe. C'est déjà en Hollande, c'est déjà en Belgique.
00:04:11 Il y en a pas mal ici à Paris. Et à Marseille, ça commence. Bon. Et quand ça arrive à Marseille, croyez-moi, les gens à Marseille, ils sont excessifs.
00:04:24 Vous voyez. Quand un type de Paris reçoit 10 000 pilules, à Marseille, nous, on en reçoit 50 000. Vous n'avez qu'à voir le hachis.
00:04:35 On vend plus, nous, de hachis à Marseille qu'à Paris. Pourtant, la population, elle n'est pas en rapport. Voilà.
00:04:43 Donc là, il va venir ce Cap Tagon. C'est fait. Il y a autre chose qui va se passer. Il y a la guerre en Ukraine.
00:04:53 La guerre en Ukraine, alors ils rentrent des armes à tout va. L'Occident, il envoie des armes, tout ça et tout.
00:05:03 Tous les voyous, tous les voyous, sans exception, ils attendent que les Roumains leur livrent des armes à tout va.
00:05:13 Vous allez avoir... Parce que la Kalachnikov, il faut connaître les armes. La Kalachnikov, c'est une arme...
00:05:20 C'est comme un arc avec des flèches. C'est une arme bidon. Vous tirez là, ça va là. C'est pas une bonne arme.
00:05:33 Mais là, vous allez avoir des armes sophistiquées qui vont rentrer. Ça va rentrer, c'est frontalier avec la Roumanie.
00:05:40 Ça va rentrer comme dans du beurre. Les pays comme la Belgique. La Belgique, c'est un grand pays exportateur d'armes illicites.
00:05:49 Nous, les Marseillais, on va aller en Belgique chercher ces armes. Il va y avoir des lances roquettes.
00:05:55 Je vous jure que... Un lance roquette, vous savez ce que c'est ? C'est pas une Kalachnikov, je vous le dis.
00:06:03 Il passe un fourgon blindé et croyez-moi, ça fait mal. Voilà. Donc, entre le cap d'agon et les armes, l'avenir est sombre.
00:06:17 Alors, je vous le dis tout net. Je sais pas comment va ça sortir parce que moi, je fais... Moi, ça m'intéresse pas.
00:06:25 Moi, je suis bandit, je suis voyou, j'étais... Mais je suis pas n'importe quoi. Je veux pas que mon pays devienne anarchique.
00:06:36 Si demain, il y a une guerre, je prends les armes pour la France. C'est bizarre ce que je vous dis, mais c'est comme ça.
00:06:44 C'est comme ça, voilà. Je suis... Voilà. Et voilà. Donc, j'ai peur de l'avenir. Comme vous. Comme vous.
00:06:56 Voilà. Maintenant, le remède... Je n'en vois pas. Je n'en vois pas de remède à court terme.
00:07:07 ...
00:07:14 ... C'est bon ? Alors, à long terme, on peut rétablir... Il y a peut-être des petites solutions, vous voyez. Voilà.
00:07:27 Si vous voulez que je vous donne mon idée, mes idées... Mais c'est que moi qui vous parle. Moi, voilà.
00:07:39 Moi, je préconise le modèle américain. En Amérique, le mec, il tombe. On dit voilà, c'est simple.
00:07:53 C'est ou 5 ans ou 30 ans.
00:07:57 ...
00:08:04 Ah, pardon.
00:08:05 Il ne faut pas toucher le bouton.
00:08:07 Ah bon, d'accord. Ça m'arrange mieux. Bon.
00:08:11 Il va falloir que tu nous dises, en garde à vue, qui est-ce qui... Tes employeurs, tes amis, où c'est que tu as pris cet argent, de quelle manière tu l'as touché.
00:08:24 Enfin, toutes les questions qu'un juge d'instruction ou la police sait faire, ça. Voilà. Donc, il faut... ça.
00:08:32 Après, il y a la jeunesse. La jeunesse, très importante, la jeunesse. Les jeunes de 15, 16 ans, 17 ans.
00:08:40 Ceux-là, c'est les plus dangereux. Je vous le dis, ils sont très dangereux. J'ai fait un reportage à la Belle de Mai, là, sur TF1.
00:08:48 J'étais effrayé, je vous le dis de suite. J'étais... Même moi, sur Vinc, je leur ai parlé à une vingtaine, là.
00:08:56 D'ailleurs, le producteur, Sten Kors, il m'a dit "C'est merveilleux ce que tu as fait, Milou". Sur Vinc, il y en a deux qui sont morts, déjà. Ils se sont fait tuer.
00:09:06 Donc, les jeunes, voilà ce que je dis. Quand il tombe un jeune, quand il va en prison pour la première fois, il faut lui dire "Voilà, tu vas prendre 5-6 ans et tu vas les faire. Il n'y a pas de grâce. Il n'y a rien."
00:09:24 Le jeune, il croit qu'il va faire 3 mois et qu'il va sortir. Voyez ? Donc, quelque part, quelque part, il continuera.
00:09:36 Parce que lui, 3 mois de prison, il sort, c'est un héros. Il va dire "Moi, je n'ai pas parlé à la police, moi, 3 mois, voilà." Non. Il se crée une image, ce mec.
00:09:47 Donc, il faut lui dire "On va te donner, tu vas prendre 5 ans, on va te donner des livres, on va te donner une quinzaine de livres."
00:09:57 Des livres faciles à lire, hein. Victor Hugo, Marcel Pagnon, voilà, Jules Verne, n'importe qui, Pierre Loti, voilà.
00:10:07 Des livres que vous lisez même en diagonale, c'est bon. "On va te donner une quinzaine de livres et on va t'interroger au bout de 3 mois, au hasard, tu vas nous dire ce livre, tu vas nous le raconter."
00:10:27 Le mec, on l'oblige à lire. Si on l'oblige à lire, il se cultive. Et s'il se cultive, il est moins violent, il est moins fou.
00:10:38 Il est, voyez, il y a ces petits trucs qu'il faut faire avec les jeunes. Il faut les éduquer. Il faut leur faire comprendre que c'est pas ça la vie.
00:10:52 Parce qu'ils connaissent pas autre chose. La vie, il faut les mettre à côté de ça. Il y a des solutions, voyez.
00:11:00 Après, il faut leur dire ce que je vous ai dit avant, si toutefois tu te mets pas à table, mon petit, si tu balances pas, eh ben, tu vas prendre 5 ans.
00:11:12 Donc il faut balancer. La méthode américaine, voyez. Puis après, il y a l'infiltration. L'infiltration, c'est autre chose, voyez.
00:11:20 L'infiltration, je pense que la police, je veux pas critiquer la police parce que, bon, je suis mal placé parce que j'ai fait 17 ans de prison, moi.
00:11:32 J'ai pris 20 et quelques années, mais j'ai eu des grâces, mais j'ai effectué 17 emplois, moi. Mais la police, elle est pas, disons, d'après moi, elle s'est fonctionnalisée, voyez.
00:11:48 La police d'avant était beaucoup plus accrocheuse. Je fais pas du passéisme, là. Je connais la police d'aujourd'hui, je connais la police d'avant.
00:11:58 Donc je vous dis, le policier d'avant de l'époque, il passait la nuit, il calculait pas les heures supplémentaires.
00:12:10 Aujourd'hui, un policier, il arrive dans un commissariat, il lit son journal, il boit son café. Et moi, la dernière fois qu'ils m'ont levé, les policiers,
00:12:22 je les regardais, je disais, mais c'est d'où ils sortent, du club méditerranéen ou c'est des gentils membres ou c'est quoi ? Ils me font plus peur, les policiers.
00:12:33 Alors j'étais en voiture, j'avais des gadennes derrière, ils me disaient "tu vois, Milou", parce que moi, ils me prennent pour un...
00:12:39 Je sais pas, qu'est-ce qu'ils rêvent, ils croyaient que je suis un parrain, vous voyez. En vérité, je suis rien du tout, hein, je vous le dis.
00:12:46 Bon, et tu vois Milou, alors lui, il vend la drogue, et lui, on va le lever, mais on le lève pas encore, parce qu'on a trop de travail, tout ça et tout.
00:12:57 Le policier d'aujourd'hui, il est fonctionnarisé, comme je vous ai dit. Enfin, pas tous, mais quand je les vois à la télé, les syndicats, pas les syndicats,
00:13:06 "Oh là là", j'ai dit, "change de chaîne à la 16, allez au revoir", vous voyez, j'en peux plus, parce que moi, j'ai mis les mains dans la cambouille, je connais, je connais.
00:13:18 C'est-à-dire, là, je vous parle, moi, mais je connais toute la chaîne. De petit voleur, je suis venu grand trafiquant, j'ai même été arrêté avec des palais hermitaires un mois.
00:13:30 Ça va, quoi. Pas pour faire un titre de gloire, mais le juge Michel qui m'a arrêté avec des palais hermitaires. Bon, voilà. Alors, après, qu'est-ce que vous voulez savoir ?
00:13:47 — Vous avez indiqué qu'une des méthodes, c'était une sorte de transaction entre le policier et le parquet, la justice, et le mis en cause.
00:14:01 Si on décide d'améliorer ce système-là, ça veut dire aussi la mise en place d'une véritable protection des personnes qui reconnaissent les faits et qui, ensuite, donnent tout un réseau.
00:14:16 Quelle est votre opinion sur ce sujet-là ? Est-ce qu'aujourd'hui, en France, lorsque ça se passe, ça se produit, le système de protection est suffisant ?
00:14:24 Est-ce que, dans le milieu, on considère que c'est une protection suffisante ?
00:14:30 — Mais vous n'avez pas besoin de prendre ce système-là. Vous prenez un système où vous avez les mêmes résultats par le mis en cause. Et vous lui dictez des déclarations comme quoi il n'a pas parlé.
00:14:49 C'est-à-dire un PV. C'est-à-dire que moi, voilà, je suis arrêté. Je vous dis tout. Je vous dis mes complices, je vous dis où j'ai pris l'argent, je vous dis même de la manière comment je faisais rentrer la drogue et comment je la vendais et tout.
00:15:05 Donc vous savez tout. Mais vous, vous allez me dicter une déclaration. Il n'a pas parlé. C'est un têtu. C'est un type qui ne s'est pas mis à table. Il n'a pas voulu balancer ses complices.
00:15:22 Ça me fait... Je suis... Pour le banditisme, je suis clean. Pas besoin de protection, là. Mes collègues, quand je vais sortir, mes associés, ils vont me dire « Bravo, Milou, tu n'as pas parlé ». Mais en vérité, j'ai tout balancé. Vous voyez ?
00:15:40 Oui, mais si vous prenez 5 ans alors que vous en risquiez 30, ça fait une suspicion ? Il faut une peine intermédiaire. Vous trouverez toujours une excuse. Pour que le mec... Les autres, ils ont pris 14, vous, vous en prenez 6.
00:15:57 Et vous mettez une note comme quoi au bout de 3 ans, il a une conditionnelle. Ça va, quoi. Il peut s'en sortir avec... Voilà. Je l'ai vu, ça. C'est pour ça.
00:16:10 Par exemple, Scapula, je ne sais pas si vous vous rappelez de Scapula, il avait balancé le meurtre du juge Michel. Sur les premiers... Sur sa première déclaration, il est tombé avec le Belge. Je vous le dis.
00:16:27 Ben lui, il avait dit « On m'a arrêté 2 heures avant que la loi le passe de 5 à 10 ». Donc il avait dit ça, quoi. C'est la police qui l'avait dicté, qui a balancé, donc la première fois qu'il a balancé, parce qu'il a toujours balancé.
00:16:46 Donc de 5 à 10. Alors il n'a pris que 5 ans. Et quand il est sorti, il a été accueilli à bras ouverts par tout le milieu marseillais. « Oh, t'as eu de la chance, Francis. T'as pris que 5 ans. » Mais en vérité, il avait balancé. C'est la police qui avait dit.
00:17:01 Il y a toujours un moyen, vous voyez, de sauver. Et même si vous mettez la suspicion, si le milieu, qui est parano, le milieu est parano, dit « Mais peut-être qu'il a balancé parce qu'il n'a pas pris cher et tout », on ne peut pas le tuer, le mec, parce qu'il y a le doute.
00:17:27 Il est... Vous assassinez pas un type que vous n'êtes pas certain qu'il a balancé. Sinon, vous êtes une crapule, vous êtes pas un brahman, moi. Vous voyez.
00:17:38 Je parle avec mes mots. Excusez-moi. Excusez-moi. — Deuxième question. On trafique la drogue parce qu'on en tire un bénéfice, on en tire un profit. C'est ça, l'objectif.
00:17:57 Et on sait que cette drogue, ensuite, elle va être vendue à des consommateurs et que les consommateurs vont la payer en petites coupures, en argent liquide. On paye pas la drogue avec sa carte bleue.
00:18:07 On la paye pas non plus par chèque. Et la Commission travaille sur une question simple. Grosso modo, en France, on estime entre 4 et 6 milliards d'euros le produit du trafic de drogue.
00:18:21 C'est donc 4 ou 6 milliards d'euros d'argent en espèces et d'argent en espèces en petites coupures. C'est pas des coupures de 500 €. C'est des petites coupures.
00:18:30 Comment est-ce que vous expliquez que l'on ne parvienne pas mieux à lutter et à comprendre ces systèmes de blanchiment alors que les masses sont considérables
00:18:42 et que ce sont des petites coupures ? – Des petites coupures ? Vous entendez quoi ? 20 €, 50 € ?
00:18:50 – Oui, quand vous achetez de la drogue, souvent, vous l'achetez pour 20 €, pour 50 €. La consommation personnelle, c'est ça. Alors il y a des exceptions, évidemment.
00:18:59 Mais la plupart des consommateurs achètent pour des sommes qui sont des "petites sommes" et payent en petites coupures.
00:19:07 – Oui, oui, je comprends très bien. Moi, je vous dis, déjà, je vous dis un truc.
00:19:14 S'il n'y avait pas de consommateurs, il n'y aurait pas de trafiquants. Je vous le dis tout net.
00:19:19 Parce que bon, ça commence à bien me faire de dire le trafiquant, le trafiquant, le trafiquant.
00:19:24 Moi, si j'ai un bar et qu'il n'y a personne qui boit, je tire le rideau. Si j'ai un tabac et que personne ne m'achète une cigarette, je tire le rideau.
00:19:32 Et moi, si je suis dealer et que personne ne m'achète ma drogue, alors en plus, je vois les gens, le vendredi soir, ils vont dans les cités,
00:19:41 des couples, de bobos, de gens bien, vous voyez, ils se font traiter de tous les noms. Ils sont avides.
00:19:52 On leur dit des pires horreurs à ces gens-là. Parce qu'on sait que le vendredi d'après, ils reviendront.
00:20:01 Pourquoi ils viennent le vendredi? Pourquoi ils viennent le samedi ou des fois le jeudi soir?
00:20:06 Une consommation régulière, vous voyez, parce qu'ils font des nuits, ce qu'on appelle des nuits blanches.
00:20:11 Vous voyez la cocaïne? C'est un produit qui est à la fois festif. On appelle ça en Italie, on appelle ça le champagne de la drogue.
00:20:21 C'est le contraire de l'héroïne. Je vous le dis de suite. Voyez? Et donc, c'est festif, la cocaïne.
00:20:27 Et donc, les gens, ils se font le délire. Et puis en plus, à 3 heures du matin, vous et moi, quand on a bien mangé et bien bu,
00:20:35 on va se coucher. On a sommeil. Mais avec la cocaïne, vous n'avez pas sommeil.
00:20:40 À 8 heures du matin, vous allez manger les huîtres sur le vieux port et vous faites "after", ce qu'on appelle.
00:20:44 De mon temps, ça n'existait pas "after". Je vous le dis de suite. Voilà. Donc, il y a ça, le consommateur.
00:20:52 Maintenant, pour répondre à votre question, l'argent. Les trafiquants de drogue d'aujourd'hui, ils dépensent énormément.
00:21:03 Ils jettent l'argent par les fenêtres en liquide. À Marseille, on aime le liquide, nous. En boîte de nuit, par exemple,
00:21:12 je connais des boîtes de nuit où j'ai vu des gens dépenser 30 000 € dans la nuit. Voyez? En liquide.
00:21:21 Voyez? Le liquide, c'est facile à véhiculer, à noyer. Voyez? Vous avez... Pourquoi?
00:21:31 Parce que vous allez voir un garagiste. Vous allez voir un garagiste. Vous achetez une Porsche Cayenne.
00:21:39 Vous dites, voilà, combien elle vaut? 100 000 €? 80 000 €? J'ai que du liquide. À Marseille, on vous dira,
00:21:46 t'inquiète pas, je vais m'arranger. Vous, vous avez votre vision carrée de la chose. Mais nous, on a cette façon de...
00:22:00 On est dans une vie, là. — Mais pardon, dans un exemple de cette nature, c'est quoi l'arrangement?
00:22:06 — L'arrangement, c'est un arrangement que le mec, il vend une Porsche Cayenne et se gagne ses 3 000 €.
00:22:10 Et il a l'impression d'avoir fait le bien parce que... — Non, mais pour être clair, on va remettre 80 000 € par jour au vendeur en liquide?
00:22:21 — Oui. Oui. Oui. Pourquoi pas? Le mec, après, il les lave comme il veut. Il les lave comme il veut.
00:22:31 Mais moi, par exemple, si demain, vous me donnez 10 000 €... — Non, mais vous savez que le paiement liquide en France est limité.
00:22:39 — Je sais. — Alors pourquoi ça fonctionne pas? — Ça fonctionnera jamais. Ça fonctionnera jamais.
00:22:45 Vous connaissez un antiquaire qui paye avec... — Non, mais ce que je sais, c'est que quand vous achetez une Porsche
00:22:53 et que vous êtes une entreprise qui vend des Porsches, vous avez une comptabilité et que la Porsche, vous l'avez achetée,
00:23:01 ça apparaît dans la comptabilité aux entrées. Et quand ça ressort, on va vérifier comment ça a été payé.
00:23:07 Et s'il n'y a pas un chèque et si ça passe pas par une banque, ça pose quand même un problème.
00:23:11 — Ça, c'est la loi, ça. Vous êtes en train de me raconter la loi. — Oui, parce qu'on est dans cette maison...
00:23:18 — Et moi, je fabrique. — Parce que dans cette maison, on la fabrique un peu. Donc on peut avoir des déceptions parfois.
00:23:24 — Oui, j'ai vu ça il n'y a pas longtemps. Mais enfin, c'est un incident de parcours. C'est rien.
00:23:31 — Ce qu'on voudrait, c'est comprendre cette mécanique de blanchiment. Parce que vous nous dites avec certitude, sur des voitures,
00:23:38 où ça peut être vrai aussi sur des bijoux, ça peut être vrai sur des tas de choses, il y a une loi qui prévoit
00:23:45 qu'on peut pas payer pour plus de 1 000 € en espèces. On s'en affranchit. C'est-à-dire qu'on achète une voiture en espèces
00:23:51 à une entreprise qui a pignon sur rue, qui est inscrite au registre du commerce. Ce qu'on voudrait comprendre, c'est cette mécanique
00:23:57 qui permet ensuite de blanchir le système et de faire en sorte que finalement, ces 80 000 € et cette Porsche,
00:24:04 elles sont réglées avec du trafic d'argent. — Vous savez, à Marseille, quand on pose une question... Il y a une question,
00:24:11 une belle question qu'on pose souvent à Marseille. Est-ce que tu as un bon comptable ? Est-ce que tu as un bon comptable ?
00:24:19 — Alors si on a un bon comptable, on lui donne de l'argent et lui, il se débrouille. Et croyez-moi, nous, on n'est pas habilités,
00:24:31 on n'est pas... C'est sûr. Mais lui, il se débrouillera toujours pour laver cet argent. Par exemple, moi, si vous me donnez...
00:24:39 Demain, je fais un trafic. Allez, un cas de figure. Je fais un trafic. Je gagne 10 millions d'euros. Mais on me paye en liquide.
00:24:48 Le trafic, c'est du liquide. On ne me paye pas comme vous dites. Voilà. Donc qu'est-ce que je fais ? Je me fais des fiches de paye à 9 000 €.
00:24:58 Ça fait 100 000 € par an. Après, quand je vais voir des gens, des proches... Parce que souvent, ça se passe avec les proches,
00:25:09 les cousins, les proches. Par exemple, je ne vais pas dire du mal d'une race en particulier, mais chez les Arabes, les Maghrébins,
00:25:22 c'est des grandes familles, vous voyez. Alors dans une grande famille, vous avez 8-10 enfants, vous avez 50 cousins et cousines, vous voyez.
00:25:31 Et là, vous fondez une société, vous leur mettez des fiches de paye à 5 000 €. Bidon, c'est bidon. Ils ne gagnent pas 5 000 €, c'est vous qui...
00:25:41 Et donc, vous lavez cet argent. Vous le lavez et vous le lavez. Après, ils ont un système où les sous qu'ils encaissent ici,
00:25:55 ils paient un vieux Marocain, un Chibani. Le Marocain l'encaisse et l'argent est redistribué. Ce n'est pas cet argent-là, c'est un autre argent qui est redistribué au Maroc.
00:26:13 Voyez, lui, il encaisse cet argent et il est redistribué au Maroc. Ils ont ce système-là, les Marocains, beaucoup. Là, il y a des sommes gigantesques, des sommes phénoménales.
00:26:27 Lavez l'argent, je vous dis, donnez-moi 10 millions d'euros et ne vous inquiétez pas, vous revenez 2 mois après, ils sont clairs, ils sont clean.
00:26:37 Parce que nous, si on est un bon comptable, si on est un bon homme d'affaires, lui, il va se gaver. Il va se gaver sur nous, mais il va trouver la solution.
00:26:48 — Vous avez parlé tout à l'heure de la French Connection. Et le produit qui a été constaté dans le cadre des enquêtes, il a été confisqué pour l'essentiel.
00:27:00 — Le produit du trafic de drogue dans le cadre de la French Connection. — C'est-à-dire l'argent ? — Oui.
00:27:07 — Aussi peu, pas beaucoup. Pas beaucoup. Il n'y avait pas encore le système d'aujourd'hui, vous voyez. Puis...
00:27:15 — Ils ont payé encore beaucoup en espèces. — Ils ont payé encore en espèces à l'époque, oui.
00:27:19 Il faut savoir que j'entends parler de la French Connection comme si c'était l'Ukuléle, Santos Traficante, tous ces gens-là.
00:27:30 Mais nous, la French Connection, vous savez qui c'était, la French Connection ?
00:27:34 C'était des anciens navigateurs qui naviguaient aux messageries maritimes. Ils ont commencé à trafiquer au Vietnam.
00:27:41 Ils ont vendu la drogue avec l'accord tacite toléré du gouvernement français. C'est beaucoup des Corses, hein.
00:27:54 Je sais quelque chose. Je suis de mère en Corse. Et je suis de famille en Corse. Et j'ai grandi avec la Corse.
00:28:00 Donc ils ont vendu la drogue au Vietcong. Au Vietcong.
00:28:07 Et quand ils sont rentrés en France et qu'il y a eu l'indépendance de l'Indochine, ils se sont mis dans les cigarettes.
00:28:12 D'où le combinati, tout ça. Et après, les cigarettes, comme c'était volumineux, c'était bon, ça rapportait moins.
00:28:22 Il est arrivé un mec, un seul, un chimiste. Il a dit « Les gars, voilà, on va fonder dans la marchandise. Opium, morphine de base, héroïne ».
00:28:32 Et là, il a sorti la marchandise, la fleur des petits pois, c'est-à-dire la meilleure marchandise du monde.
00:28:40 L'héroïne à 98%. Ce personnage-là, il a appris à tout le monde.
00:28:49 Mais les mecs de la French Connection, c'était toujours des navigateurs à la retraite.
00:28:54 Ce n'était pas du grand banditisme, comme les journalistes, ils ont voulu le faire voir.
00:28:59 Moi, je les ai tous connus. C'était des mecs, vous voyez, c'était des trafiquants. Un trafiquant, ce n'est pas un voyou.
00:29:10 Et ils se sont vraiment enrichis ? Non. Non, ils ne se sont pas enrichis ? Non. 5%. 5%, 8%.
00:29:18 Et ils ne sont pas corses, ils sont d'origine italienne. Ils se sont enrichis. Enrichis et ils ont même navigué, aujourd'hui, leurs petits-enfants.
00:29:34 Ils sont notables. Et les autres ? Les autres, ils ont flambé, ils ont perdu leur commerce, ils ont perdu dans les casinos.
00:29:43 Il y en avait un que j'ai connu, il allait au Martinez à Cannes, il payait à l'année. Il payait en liquide à l'année.
00:29:53 Il signait et il disait, voilà, combien ça fait, voilà, à la fin de l'année, il payait 50 ou 60 millions d'anciens francs.
00:30:03 Vous voyez, c'était des navigateurs, c'était des bambochards, c'était des gens bizarres.
00:30:10 Et croyez-moi, j'en ai vu, j'étais en prison avec eux en 74, je marchais dans la cour avec eux.
00:30:17 Bon, moi, j'étais tombé pour autre chose. Mais je leur disais, mais toi, au moins, quand tu sors, tu as de quoi.
00:30:25 Ils me disaient, t'es fou, j'ai plus un franc, on m'a tout pris parce que la police, la justice, ils ont quand même pris l'argent, les comptes, tout ça et tout.
00:30:35 Mais il y en a 5 à 8 % qui, eux, ils ont acheté des... Enfin, ça y est, ça va. Ils sont bien.
00:30:51 — À l'abri. Et j'avais une question avant que Marie-Harlète Carlotti m'enchaîne. Votre inquiétude du début de votre propos.
00:31:00 Vous dites "je suis inquiète pour mon pays". Mais on observe et on nous dit, les auditions le démontrent, qu'il y a des phénomènes nouveaux,
00:31:09 c'est-à-dire plus de corruption, une jeunesse un peu perdue, contre le code moral d'une génération précédente.
00:31:21 — Un peu perdue, bravo. Un peu perdue ?
00:31:23 — De la violence maximale. Mais quand même, à l'époque où vous avez été dans le trafic, il n'y avait pas quand même que des enfants de cœur.
00:31:31 Vous disiez, j'étais dans une classe, il y en a 30 sur 35 qui ont fini en prison. Est-ce qu'on se fait pas un peu peur aussi
00:31:38 ou est-ce que vous, vous avez des éléments très objectifs qui vous font dire que ça a radicalement changé ?
00:31:43 — Mais moi, je suis effrayé aujourd'hui, complètement effrayé. Moi, je suis né voyou et je mourrai voyou. Voyez ?
00:31:52 Aujourd'hui, je commettrai jamais plus rien d'illicite. Je vous le dis de suite. Mais dans ma mentalité, dans mon fond, je suis voyou.
00:32:01 C'est-à-dire que je suis quelqu'un qui a grandi comme ça. Je peux pas dire demain que ça serait hypocrite de ma part. Voyez ?
00:32:13 Voilà. C'est comme un communiste qui a applaudi Staline. Eh bien, c'est un pit pour lui. Mais il a tort. Mais il est communiste. Il va mourir communiste. Voilà.
00:32:24 Donc ce que je dis, moi, c'est que nous, nous avions des codes. Nous, nous étions 10 000, un cas de figure, au hasard.
00:32:38 Eux, ils sont 100 000. Et nous, nous avions des codes. Les vieux, ils nous éduquaient. Ils nous disaient ce qu'il fallait faire et ne pas faire.
00:32:51 Et on faisait les voyous. Et il y avait cette espèce de graduation. Voyez ? C'est-à-dire qu'aujourd'hui, ils ont 16 ans et ils tuent des gens.
00:33:02 Mais nous, à 16 ans, on était là. On était en train de calculer comment on pouvait voler 3 au Blue Jeans ou comment on pouvait aller dans les supermarchés gagner quelque chose.
00:33:15 Moi, je faisais les trains, moi, avec le Belge. Voilà, j'ai fait les trains. Voyez ? On s'accrochait au wagon. On envoyait des colis sur la voie ferrée.
00:33:23 Et il y avait des poêles à frire, il y avait des cassoulets, il y avait n'importe quoi. Il y avait une graduation. C'est-à-dire qu'à 25 ans, on commençait à être connu, à parler avec d'autres gens.
00:33:36 Voyez ? On était comme dans l'armée de simple soldat. Voyez ? Enfin, voilà. Et aujourd'hui, non. Aujourd'hui, il rentre dans le banditisme directement.
00:33:48 Mais il ne sait pas comment ça marche, le banditisme. Il n'a pas les codes. Il n'a rien. C'est-à-dire qu'il veut devenir calife à la place du calife.
00:33:56 Alors il est là, il prend un homme Kalachnikov et il tire et il dit voilà, moi, c'est comme ça, quoi. Voilà.
00:34:04 Aujourd'hui, celui qui tue, il est brave. Et nous, celui qui tuait, fallait qu'il ait une bonne raison de tuer. Mais il n'y avait pas tous ces morts.
00:34:19 Moi, j'ai vu des choses dans ma vie où, par exemple, il y avait des gens qui étaient en guerre. Quand il sortait à 6h du matin l'homme qui devait mourir, avec sa femme et ses enfants, pour l'accompagner à l'école ou aller ailleurs,
00:34:34 les gens repartaient. Ils repartaient et disaient non, il est avec sa femme et ses enfants, donc on le fera plus tard. Aujourd'hui, ils tuent la femme et les enfants.
00:34:45 Aujourd'hui, il n'y a plus aucune, disons, j'allais me dire un mot qui va peut-être vous choquer, il n'y a plus aucune éthique. Il n'y a pas d'éthique. Il n'y a pas d'idéologie, là.
00:34:58 C'est des apaches. Quand on attaque la diligence, on tue tout le monde pour prendre un bracelet. Voilà, c'est des malades. Et c'est des malades, je vous le dis, ils sont malades.
00:35:11 Nous, on n'était pas malades, nous. Nous, on cherchait l'argent. Et pour prendre l'argent, on employait des moyens qui étaient... Moi, par exemple, qui vous parle, j'ai 81 ans, je n'ai pas de sang sur les mains.
00:35:25 Pas de sang innocent, hein. Voilà. Voilà la différence qu'il y a entre aujourd'hui. Mais moi, je vous dis, pour un regard à Marseille, un regard, l'autre, il va le tuer.
00:35:41 Et il va dire "je l'ai tué". Il va se vainter qu'il l'a tué. C'est bien d'avoir tué. M'enfin.
00:35:49 — Ah, Yarlet, Yarlotty. — Oui, merci de ce témoignage. Mais je voulais vous dire, Milou, que c'est pas que les bobos aujourd'hui qui prennent de la coque et qui font des nuits blanches.
00:35:59 Malheureusement, comme elle a baissé, les prix ont baissé, c'est aussi... Ça irrigue, ça s'est démocratisé, même si le mot est mal adapté dans cette circonstance.
00:36:07 Franchement, donc voilà. C'est connaître d'abord ceux qui consomment et on réglera le problème. Non, c'est plus compliqué que ça. Non, vous êtes d'accord ?
00:36:16 Parce que ceux qui consomment, quelquefois, c'est pas uniquement les richards qui viennent dans les quartiers nord de Marseille chercher leur coque.
00:36:22 D'ailleurs, ils peuvent en trouver dans leur propre quartier, j'ai l'impression. Je sais pas s'il est point de dite. Voilà. Merci.
00:36:27 Et puis j'ai une autre remarque à vous faire. Je suis pas trop d'accord. Les trafiquants, c'est pas un voyou. C'est des gros voyous, les trafiquants, quand même.
00:36:33 Ils sont beaucoup plus voyous que vous. D'abord, ils ont plus de moyens. Donc ça, je suis pas d'accord non plus. Je voulais juste vous poser une question.
00:36:40 Nous, ce qui nous intéresse, c'est le casser ce trafic, voilà, pour faire en sorte que cette jeunesse dont on parle soit en meilleure santé.
00:36:47 Alors, on a parlé de ce qui pouvait balancer, excusez-moi le terme, et comment essayer de les protéger tout en ayant de l'information.
00:36:55 Et il y a une deuxième voie, une deuxième piste qui est l'infiltration. Vous avez parlé tout à l'heure, quand vous avez parlé de la police.
00:37:01 Au début, vous avez commencé à parler de l'infiltration, mais vous n'êtes pas allé plus loin. Tout à l'heure, je posais la même question,
00:37:06 parce que j'avais l'impression que l'infiltration, c'était dans les films, que ça n'existait pas. Est-ce que ça existe ?
00:37:11 Est-ce que vous avez croisé des flics qui ont réussi leur infiltration ? Non. Si vous les aviez repérés, c'est qu'ils l'ont pas réussi, d'ailleurs.
00:37:17 Mais vous voyez, je sais pas si c'est un moyen de travailler contre ces réseaux de l'intérieur. Je sais pas si ça existe, ce truc.
00:37:25 Oui, ça existe. Ça existe, ça a toujours existé. Les plus forts, c'est les Américains. Pour l'infiltration, les plus forts, c'est les Américains et les Italiens.
00:37:34 Les Italiens. Moi, je vais vous donner mon expérience. Je me suis mal exprimé, quand j'ai dit que les trafiquants, c'était pas des voyous.
00:37:43 J'ai dit, c'est pas des... Dans les voyous, il y a des catégories. Il y a des catégories. Ils vont plus dans le côté commercial que dans le côté "j'attaque les banques,
00:37:57 je fais des enlèvements, des kidnappings". J'ai tout connu, donc je peux faire la différence. Voilà. J'étais en Italie, j'ai connu des kidnappeurs, j'ai connu des... Voilà.
00:38:11 Donc je peux faire la différence de personnalité, déjà. Bon, je me suis mal exprimé. C'est des voyous, mais pas au même titre que certains autres qui sont un peu plus violents, un peu...
00:38:23 Enfin, voilà. Un trafiquant, il sera beaucoup plus adroit, beaucoup plus intelligent. Voilà. Maintenant, pour l'infiltration. Moi, je vous dis, j'ai vu, pas "on m'a dit", j'ai vu des flics rentrer en prison.
00:38:48 Être en cellule avec des trafiquants. Ça, c'est sûr après. J'ai même vu un type qu'ils ont fait des feuilletons, les Américains, à la télévision, là. Serpico.
00:39:07 C'est pas moi qui l'ai vu, mais dans ma famille, on a su ça. Ce type, il était allé en Suisse et il est... C'est un Italien, Italo-Américain. Et là, il a acheté de la marchandise, en tout bien, tout honneur.
00:39:29 Et il l'a fait tourner, il l'a fait fondre dans les labos. Et il a été voir le plus gros trafiquant de France, dont je tairai le nom, par prudence.
00:39:45 Et il lui a dit, voilà, ce type a été présenté par des gens dignes de foi. C'était la belle infiltration, elle était belle. Voilà. Et l'autre, il a dit, bon, j'ai le départ aux Etats, t'inquiète pas, on va faire ça.
00:40:03 Combien il tient, 200 kilos, 300 kilos, je sais pas. Au dernier moment, les Corses, qui étaient fâchés entre eux, ils se parlaient pas. Parce qu'il faut savoir que les vieux trafiquants, ils sont tous fâchés entre eux.
00:40:18 Les guérines, ils sont fâchés avec les autres, les autres, ceux qui ont les cercles, tout ça. Bon. Et ils étaient fâchés. Mais eux, les guérines, ils ont dit, par mentalité, par correction, par code banditesque, ils ont dit, attention, ce type, c'est un infiltré.
00:40:38 Et l'autre, au dernier moment, il est arrivé au Fouquettes et il a dit, voyez, ça y est, j'ai la marchandise. L'autre, il a dit, mais de quoi vous parlez, monsieur ? L'autre, il a dit, mais de la marchandise, on est d'accord, on va faire ci, on va faire là.
00:40:54 Donc il a dit, mais bon, monsieur, vous ne parlez que de ça. Mais moi, je suis contre ça. D'ailleurs, je souhaite la peine de mort pour les trafiquants de drogue. Moi, je vous ai parlé d'or. Je ne vous ai pas parlé de drogue, moi, monsieur. Et tout. Bon.
00:41:07 Enfin, il a dit, foutez-moi le candelabre au Fouquettes. Le mec, il a dit, ça va, j'ai compris. Toi, tu as compris, moi, j'ai compris. Il avait été averti par les guérines. Je vous le dis de suite. Bon.
00:41:19 Alors, ça, c'était une belle infiltration. Et si Antoine Guérini, il n'avertit pas le monsieur avec qui il était fâché, la marchandise, elle part aux États. Elle arrive aux États. Et là, il faut un coup de filet de toute beauté, les flics, les Américains.
00:41:43 Les Américains, comme ils ont mis cette musique en place, ils ont été au scandale. Ils ont dit, ce n'est pas bien que le type, parce qu'il faut savoir qu'en matière de drogue, l'intention vaut le délit.
00:42:03 Si nous, maintenant, on décide de faire rentrer 2 tonnes de cocaïne, mais qu'on échoue, on va tous aller en prison. A la même titre que si cette marchandise était rentrée.
00:42:18 Donc, les Américains, ils ont été au pétard. Ouais, c'est pas bien, la France s'est dévendue, la politique, le RER de l'époque, voilà. Bon, je ne vais insulter personne, là. On parle de l'époque. Voilà.
00:42:34 Ça n'existe plus. Voilà, c'est bien. Alors, non, non, vous étiez socialiste. Bon. Passons sur ces détails. C'est vrai, de toute façon, il y a prescription.
00:42:56 Voilà. Donc, alors, ça, c'est rigolo, là, ce que je veux vous dire. Parce que les Américains vont au pétard. Ils ont dit, il faut le mettre en prison, ce mec.
00:43:08 Parce qu'il a eu, quand même, l'intention de la faire rentrer, cette marchandise. S'il n'avait pas été prévenu, la marchandise serait partie. Ça aurait arrivé aux États.
00:43:16 Et donc, ça leur fait rater un coup, aux Américains. Donc, les Américains, haut et fort, je crois qu'il y avait Nixon à l'époque, ils disent, c'est pas normal.
00:43:30 Les Français, le RER, que le mec, il était compagnon de la Libération, le gros trafiquant. Les Français, ils disent, mais nous, on ne le met pas en prison.
00:43:40 Nous, il n'a rien fait. Le Monde, le journal Le Monde, il détaille ce que je viens de vous dire, là. Il dit tout. Voilà. Il dit comment c'est passé, pourquoi, sauf que c'est Guérini qui prévient.
00:43:54 Voilà. Mais que ça s'est passé de telle et telle manière. La personne qui dit qu'il ne va pas faire parce qu'il a été prévenu, le gros trafiquant, le plus gros trafiquant de France, celui du Fouquet,
00:44:10 il porte plainte contre le Monde pour diffamation. Le Monde, le type, là, il a été débouté. C'est-à-dire que le Monde avait bien marqué quelque chose de vrai.
00:44:25 On est d'accord ? C'est vérifiable, ce que je vous dis. Donc, si le Monde, il n'a pas été condamné, c'est que c'est vrai. On est d'accord ?
00:44:38 Donc, si c'est vrai, c'est qu'il y a eu complicité au sein de la politique française. On est d'accord ? Alors, les Américaines, excusez-moi le geste, ils l'avaient là.
00:44:57 Et des choses comme ça, il y en a eu. Le ROPR. Rappelez-vous du ROPR. Excusez-moi. C'est pas ma faute. Moi, j'ai 81 ans et j'avais 30 ans à l'époque.
00:45:15 — Puisque vous parlez de sujets entre puissance publique et trafic, un des phénomènes dont on essaie de qualifier l'importance aujourd'hui, c'est celui de la corruption,
00:45:29 dont on dit qu'elle est plus importante qu'à une époque. On a parlé de la corruption portuaire. Mais il semble qu'il y ait une corruption de basse intensité,
00:45:38 comme on l'appelle aujourd'hui. Est-ce que c'est un sujet qui vous paraît nouveau ? Parce que le terme « ripoux », il n'est pas apparu en 2024.
00:45:45 Donc il devait y avoir quand même des gens qui touchaient un peu des enveloppes sous les tables. Quel est votre avis sur ce sujet de la corruption ?
00:45:54 Est-ce que c'est un phénomène auquel vous, vous avez été confronté ?
00:45:57 — Moi, je vous dis en tout net. Sans la corruption, il n'y a pas de trafic. Le trafic est basé sur la corruption. La corruption, c'est quelque chose de, j'allais dire, naturel.
00:46:14 Si c'est pas vous qui allez vers le corrompu, c'est le corrompu qui vient vers vous. C'est-à-dire que vous brillez, vous brillez de mille feux.
00:46:26 Vous êtes un Marseillais, vous êtes corse, vous êtes italien, vous êtes un Marseillais. Vous avez une belle voiture. Vous payez à boire, à manger à tout le monde.
00:46:37 Le cantonnier qui gagne 1 300 €, vous passez, vous dites « Alors, t'es encore perdu au jeu, toi ? Tiens, prends-toi 1 000 €. Voilà. Comme ça, ta femme ne saura pas que tu joues. »
00:46:47 Voyez ? Tout ça, ça crée un climat. Ça crée un climat corrupteur, corruptible ou corrupteur, je sais pas. Bon.
00:46:56 Et donc, le type, il va venir vers vous. Il va dire « Oh, si t'as besoin de moi, je suis là. »
00:47:04 Quand un mec est en cavale, qu'il recherche par la police, vous croyez qu'il va se cacher chez le saint voyou ?
00:47:14 Où c'est qu'il va se cacher ? Au plus le mec, il est clean, au plus il va se cacher. Tout est comme ça.
00:47:24 Un docteur, un médecin, quand un type, il prend une rafale de mitraillette ou dans la cuisse ou moi, ça m'est arrivé, un ami à moi, il a tiré sur sa femme sans faire exprès.
00:47:39 Et voilà. Mais on a été voir un docteur. Normalement, il doit prévenir la police, ce docteur.
00:47:45 Et bien, il n'a pas prévenu la police, il a soigné la dame. Et le mari et la femme, ils sont heureux encore aujourd'hui.
00:47:53 En fait, il y a quelques temps, ils étaient heureux. Voilà. Donc, la corruption, elle est à tous les niveaux.
00:48:02 Elle est au niveau de l'administration pénitentiaire. Ça, c'est pas nouveau. Vous le savez. Il y a plus de drogue en prison que d'or.
00:48:17 Elle est au niveau de quand vous faites rentrer quelque chose en France, si vous n'avez pas un douanier, si vous n'avez pas un flic pour vous protéger.
00:48:34 On vous connaît, tout le monde vous connaît. Un moment, à Marseille, je rentre sur le port, on me connaît. Il dit qu'est-ce qu'il fait là, lui ?
00:48:40 Donc, j'envoie quelqu'un d'autre à ma place pour aller chercher ce que je dois prendre. Vous voyez ? La corruption, le trafic, il a besoin de la corruption.
00:48:51 Mais la corruption, elle est à tous les niveaux. Tout le monde, enfin, tout le monde, non. Il n'y a qu'à se baisser pour ramasser les corrompus.
00:49:00 Vous voyez ? C'est comme ça. Voilà. C'est comme ça. D'ailleurs, moi, quand je... En 83, j'étais en prison. Et j'étais passé.
00:49:15 Là, j'avais pris les 15 ans avec la Sicilian Connection, le juge Michel. Et donc, d'un coup, je me vois rentrer 35 ou 40 personnes en prison.
00:49:27 C'était tous des gens de la mairie de Marseille. Vous vous rappelez ? En 83, vous n'étiez pas né ? Bon, vous étiez petite, alors.
00:49:39 Alors, c'est vrai. Il y avait une écoventure. Voilà. C'était Gaston qui avait pété un câble. Il avait pété un câble. Il avait mis tout le monde en prison, lui.
00:49:50 Mais c'était tous des corrompus. C'était tous des corrompus. Patron de clinique, architecte, patron des taxis à Marseille. Voilà.
00:50:01 Andrieux. Voilà. Voilà. Tous des corrompus. Marseille, c'est Naples. Et Naples, c'est Marseille. Ils sont en binôme, tous les deux. On fait le concours, nous, avec les Napolitaines.
00:50:20 — Vous pouvez nous dire un mot sur les dockers ? — Les dockers ? Il n'y en a plus, de dockers. La CGT, elle a ruiné le port de Marseille. Nous étions 11 500.
00:50:35 — Vous étiez docker ? — Oui. Mais j'ai jamais travaillé. J'étais docker juste le tampon, quoi, le tampon pour... Voilà. Je fais le tampon.
00:50:46 J'ai jamais été... Voilà. Juste pour faire quelque chose, quoi, pour avoir une fiche de paye. Voilà. Mais moi, quand je sors de prison en 87...
00:51:04 Si ça vous intéresse... Voilà. Il y a les Italiens, là, de la mouvance Zampa, là, tous ces saletés, là, ces Napolitaines. Et ils me viennent, ils me disent
00:51:24 « Mais tu veux faire le docker ? ». J'ai dit non, je veux pas travailler. Je veux pas aller travailler. J'ai jamais travaillé de ma vie. Je veux pas travailler.
00:51:34 Donc ils me disent « Mais tu vas pas travailler. On te fait la carte, la carte rouge, le docker ». Même chef d'équipe, j'étais. Et tu vas tous les jours, tu mets le tampon et c'est bon.
00:51:46 Et donc j'ai dit oui. Ils me disent « Mais il faut donner 20 millions d'anciens francs, 87. » C'était des francs. Alors je me suis disputé. J'ai dit comment ?
00:51:56 « Tu peux me dire une chose pareille. Moi, je vais te donner 20 millions pour aller travailler. C'est ça que tu me demandes ? Tu veux que moi, je te donne 20 millions pour aller travailler.
00:52:06 C'est ça que tu me demandes ? Voilà. On va se disputer. » Et maintenant, ton sale caractère, tout ça, me dit « Bon, allez, on te fait la carte et tu donnes rien. »
00:52:17 Ah, j'ai dit ah ouais. Donc j'ai eu la carte de docker et j'ai jamais travaillé. J'allais au centre d'embauche, voilà, c'était bien.
00:52:27 J'ai même une affaire où j'ai pris deux ans de prison où j'allais sur les quais voler, vous voyez. Je voulais des conteneurs, vous voyez. J'en ai volé pas mal de conteneurs.
00:52:37 - Vous étiez rémunéré ? - Oui. Vous faites le tampon et vous gagnez l'équivalent de 60 euros par jour, vous voyez, mais sans travailler.
00:52:45 Et c'était pour avoir la fiche de paie plutôt et pour pouvoir rentrer dans les grilles parce qu'il faut rentrer quand même sur les quais.
00:52:51 Et pour voler, moi, j'étais voleur, vous voyez. Ça me plaisait le vol, vous voyez. C'est l'adrénaline, surtout sur les quais, vous voyez. J'adorais ça.
00:53:01 C'était les plus belles années de ma vie, ça. Vous voyez. C'était bien, quoi. Après, j'ai été arrêté. J'ai été balancé. J'ai pris deux ans.
00:53:10 Ça va. Parce que, bise en Romain, c'est là que je réponds à votre question. Bise en Romain, à Marseille, si vous volez sur les quais, ça, vous voulez sur les quais, c'est pas grave.
00:53:29 Vous voulez en dehors des grilles, alors là, par exemple, vous voulez une voiture sur les quais, c'est bon, il y en a 3 000 de voitures, vous en prenez une, vous voyez, qui part en Turquie ou autre.
00:53:42 Vous la volez en dehors des grilles, alors là, vous allez en prison. Vous voyez. Les quais, c'est comme qui dirait... Voilà. D'ailleurs, le procureur qui m'a condamné,
00:53:56 le procureur qui m'a condamné, qui a fait l'exquisitoire, qui ne m'a pas condamné, c'est le juge qui m'a condamné. Nous étions une trentaine.
00:54:03 Moi, j'étais numéro 1, les autres, ça a pris 6 mois, parce que j'ai fiché au grand banditisme, ils m'ont mis 2 ans, vous voyez. Voilà.
00:54:10 Et à un moment donné, je croyais, je disais, mais ce procureur, j'ai jamais vu un procureur comme ça, moi. Le procureur, en principe, il est méchant, il est violent, il est exquisitoire, surtout moi.
00:54:22 Voilà. Il disait, non, mais c'est normal, c'est des voleurs, les dockers, c'est des voleurs. Un voleur, c'est normal de voler, quoi, à Marseille.
00:54:31 Vous voyez, on était dans cette mouvance, dans ce truc. Moi, je disais, dans la salle des pas perdus, entre 2 audiences, là, je lui ai dit, mais monsieur le procureur, vous avez bien...
00:54:41 J'ai pas besoin d'avocat, y a vous, là. C'était un mec, c'était un procureur, peut-être pour autre chose, il était, disons, exquisitoire, il devait être costaud.
00:54:53 Mais là, on était dans ce truc marseillais. Vous voyez, je veux pas trop caricaturer Marseille, parce que là, vous êtes là, si vous étiez pas là, je me dirais du mal, de mal.
00:55:04 – Non, mais faut peut-être pas en dire trop de bien non plus, parce qu'on va croire que c'est un encouragement à certaines pratiques.
00:55:09 Rassurer le jeune public qui peut nous regarder sur les réseaux. C'est une expérience passée.
00:55:14 – Non, non, mais c'est fini. Mais on parle du passé, là. Du coup, je voulais...
00:55:19 – Il y a 740 dockers aujourd'hui, à part fois sur mer. Mais là, je connais pas. Voilà.
00:55:25 – Je voulais vous poser une autre question sur le rapport entre la corruption et la criminalité forcée.
00:55:32 C'est-à-dire qu'on nous dit beaucoup aujourd'hui qu'il y a une frontière étroite entre la pas du gain, ce que vous décriviez très bien tout à l'heure, et puis quand même la menace.
00:55:41 Est-ce que vous avez le sentiment que ça a... ? – Un an, j'en ai eu. Mais tout le monde me laisse tranquille. Pourquoi ?
00:55:48 Ça n'existe pas, ce que vous dites. Ça n'existe pas. Ça, c'est des films. Parce que vous voyez, vous, vous êtes un voyou, vous dites à un mec,
00:55:57 "Attention, tu es obligé, je te mets la marchandise sur le ventre et tu traverses l'Atlantique, tu descends à Montréal, au Québec, n'importe où, et tu la donnes à un tel."
00:56:07 Mais le mec, il tremble, il a peur. Et vous êtes un danger. Vous vous mettez en danger en donnant ça à un type par la force.
00:56:17 Il faut que ça se fasse en tout bien, tout honneur, tranquille. Il faut que le mec, il accepte. Il faut le rassurer. Voilà.
00:56:26 La violence, forcer quelqu'un, ça n'existe pas. Parce que même sur un braquage, vous êtes quatre, vous dites, "Oh, toi, il faut que tu viennes parce qu'il n'y a que toi qui connaît pour entrer dans la banque."
00:56:44 Le mec, il dit, "Mais moi, je ne suis pas un braqueur, moi, j'ai peur, tout ça, tout ça." Eh bien, il ne faut pas le mener.
00:56:49 C'est interdit de prendre un type qui a peur. Pourquoi il s'est interdit ? Pas parce qu'on considère que ce mec, on s'en fout de lui.
00:56:58 Mais vous vous mettez en danger. Parce que s'il arrive une catastrophe, il vous balance. C'est un peu heureux. Non, moi, je ne suis pas d'accord avec ça.
00:57:08 – Mais il y a un cas de figure où, effectivement, la personne, elle a pu dire, "Ben là, je suis corrompue, je me gagne un peu de pognon."
00:57:14 Puis un jour, elle a une vie familiale et elle veut se retirer de ça. Et c'est là que peut-être la menace intervient.
00:57:19 Vous voyez ce que je veux dire ? Elle intervient au moment où il en a ras-le-bol de ce système.
00:57:24 – Moi, je ne connais pas ça. Je ne l'ai jamais vu. Moi, le type qui veut arrêter, il arrête.
00:57:32 Ça, c'est... Chaque fois, on me pose la question. Chaque fois, on me pose cette question. Et chaque fois, je dis, "Où vous avez pris ça ?"
00:57:39 À part dans les films, je ne vois pas où vous pouvez le prendre. Vous voyez ? Ça n'existe pas.
00:57:44 Un mec qui ne se sent pas, c'est-à-dire il a peur, ou alors il a de bonnes raisons d'arrêter, on ne va pas le recruter.
00:57:56 Parce que vous en avez mille. Pourquoi vous allez prendre un type qui a peur alors que vous en avez mille qui n'ont pas peur et que vous pouvez recruter ?
00:58:05 Lui, il a peur ? On se le dit entre nous. "Oh là là, il a peur, lui. On ne le prend pas." Parce qu'on se met en danger.
00:58:14 Se mettre en danger, c'est forcer quelqu'un qui a peur. D'ailleurs, moi, je l'ai vu, ça. Le mec a peur au dernier moment, le soir.
00:58:24 Le lendemain, il y a le braquage. Le soir, il y a la réunion. Le mec, il dit, "Je ne me sens pas."
00:58:29 "Tu ne te sens pas ? Tu n'aimes pas, mon ami ? Allez, casse-toi, vas-y. Il n'y a pas ta part." Voilà.
00:58:36 Non, ça, c'est... Je vous le dis, franchement. Peut-être qu'il y a eu des déclarations à la police où le mec, il a dû dire...
00:58:46 Ça existe. Il y a des comédiens chez les voyous. Il a dû dire, "Mais moi, ils m'ont fait peur, monsieur."
00:58:53 "Voilà, j'ai fait ça, mais j'étais racoté." Mais sinon, ça, ça a pu se passer. Mais c'est un comédien, le mec.
00:59:03 Ce n'est pas vrai. On ne veut pas, on ne fait pas. Voilà. Basta.
00:59:10 – Monsieur le rapporteur, chers collègues, est-ce qu'il vous reste des questions ?
00:59:14 – Merci. – Merci beaucoup pour votre franchise.
00:59:18 – Voilà. Moi, j'ai une chose à vous dire, si toutefois vous avez le temps.
00:59:26 Pour ce qui est de l'avenir, j'entends parler dans les chaînes de télévision des syndicats policiers,
00:59:38 plus de police, toujours plus de police. Je vous le dis tout net, ça ne sert à rien.
00:59:45 Vous pouvez mettre un milliard de policiers. Quand les policiers sur une arrestation, ils sont 4.
00:59:53 Qu'ils soient 4, 8 ou 9, le type, s'il veut l'arrêter, il l'arrête.
00:59:58 Bon, il n'y a qu'une catégorie de gens qu'il faut embaucher, c'est la douane, les douaniers.
01:00:09 Les douaniers sont plus intelligents que les policiers.
01:00:13 Les douaniers, ce sont des gens qui sont patients et ils sont instruits.
01:00:21 Avant, quand nous montions une société au Brésil pour acheter du froid, des langoustes ou du poulpe,
01:00:29 et qu'on faisait rentrer la cocaïne, dans ce froid-là, c'était facile.
01:00:37 La société, elle était, disons, c'était vite fait.
01:00:42 Aujourd'hui, les douaniers, ils regardent telle société qui est montée, qui est-ce qui l'a montée,
01:00:51 depuis combien de temps elle a été montée. Je vous dis, il y a ça, la douane,
01:00:57 et la coordination entre les douaniers en Europe.
01:01:01 La coordination entre les douaniers en Europe, c'est-à-dire qu'il faut que les douaniers français,
01:01:10 les douaniers belges, les douaniers néerlandais, les hollandais, les douaniers espagnols,
01:01:20 et surtout les douaniers italiens, parce que eux, c'est des rois, c'est les plus forts.
01:01:27 Il faut savoir que l'Italie, c'est le seul pays qui arrive à éradiquer la mafia.
01:01:35 Vous avez plus de palermes, de palermitaines, je connais. Fini. Naples, fini.
01:01:42 Les sequestres, les enlèvements, fini. Les brigades rouges, fini.
01:01:47 Prima Lineare, fini. C'est les italiens les plus forts.
01:01:51 Et s'il n'y a pas la coordination en Europe, attendez-vous à des lendemains difficiles, je vous le dis, moi.
01:02:00 Parce qu'en France, il y a des narco... en Europe, il y a des narco-états.
01:02:09 La Belgique, c'est un narco-état. Vous voyez ?
01:02:13 Pourquoi ? Parce qu'en Hollande et en Belgique, vous avez des marocains.
01:02:19 Les marocains, il y a le danger, je vous le dis.
01:02:22 Ils font rentrer des tonnes, des tonnes et des tonnes, et on ne peut rien faire,
01:02:26 parce que le roi, il les protège. Le RIF, vous voyez ?
01:02:29 C'est quand même comme deux départements.
01:02:31 On arrive à bombarder, on arrive à bombarder je ne sais pas qui, pour éradiquer,
01:02:38 mais le RIF, on n'arrive pas. Le RIF, c'est fini.
01:02:41 Donc, il faut, au niveau européen, moi, je vois comme ça.
01:02:46 – C'est quoi, selon vous, un narco-état ?
01:02:50 – Pour moi, un narco-état, c'est un état qui a perdu...
01:03:00 c'est-à-dire que sa constitution, ses lois, n'ont plus cours, c'est fini.
01:03:07 Tout est gangréné, tout est disons corrompu, gangréné.
01:03:16 C'est-à-dire que vous ne pouvez plus appliquer vos lois à votre constitution.
01:03:21 Vous êtes dans un état où, par exemple, je vous prends un exemple un peu rigolo,
01:03:29 un peu fada, vous allez à l'Algérie.
01:03:33 L'Algérie, vous avez un trafic de voitures qui se fait.
01:03:36 On vole les voitures, les Mercedes, les Porsche, on fait tout ça, les belles voitures, quoi.
01:03:43 Et sur le port de Marseille, on les envoie en Algérie.
01:03:47 En Algérie, le FLN, les généraux, les colonels, tout le monde est complice.
01:03:54 Tout le monde roule avec des voitures volées en France, ou ailleurs.
01:03:59 Un jour, il y a un mec, on lui avait volé sa voiture, une Mercedes.
01:04:06 Donc, il descend à Alger, il reconnaît sa voiture.
01:04:10 Et il va à la police, il dit "ça c'est la voiture qu'on m'a volée en France".
01:04:17 Vous croyez qu'ils ont mis le voleur en prison ?
01:04:20 Ils ont mis le mec qui a dit qu'on lui a volé la voiture.
01:04:25 Ils l'ont mis 3-4 jours, ils ont dit "vous êtes un menteur, ici on n'a pas de voleurs".
01:04:30 Ils l'ont mis 3-4 jours en garde à vue, ils ont dit "mais tant que vous partez, on vous expulse, vous ne revenez plus en Algérie".
01:04:36 C'est ça un narco-état.
01:04:38 C'est un état où la police, la justice, vous payez, ou vous ne payez pas.
01:04:48 Beaucoup d'Amérique du Sud, à l'époque.
01:04:52 Amérique centrale.
01:04:54 Ça c'est l'avenir, vous allez voir.
01:04:58 Voilà.
01:05:00 - Merci beaucoup pour le temps que vous avez consacré. Bon retour à Marseille.
01:05:04 - Merci.
01:05:06 J'espère que je ne vous ai pas saoulé.
01:05:09 Il faut me pardonner parce que moi je parle, des fois je dérobe un peu, vous voyez.
01:05:16 Mais je ne suis pas...
01:05:18 Je n'ai pas votre locution, excusez-moi.
01:05:22 (Rires)
01:05:25 (Silence)
01:05:36 (Silence)