Comment les anti-avortement gagnent du terrain sur les réseaux ? La chronique de Manon Mariani

France Inter

La désinformation autour de l’avortement pullule sur les réseaux sociaux depuis pas mal de temps. Et malgré les alertes et les enquêtes à ce sujet, elle reste encore très présente… Trop présente. C’est ce que révèle une nouvelle étude de la très sérieuse association Center for Countering Digital Hate, qui lutte contre la désinformation en ligne.  Retrouvez la chronique "Veille Sanitaire" de Manon Mariani sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/veille-sanitaire

Transcript

00:00 Dans quelques instants, nous serons rejoints par Tania Dutelle, ou plutôt aujourd'hui,

00:03 Sonia Dutelle, maman influenceuse qui a beaucoup de choses à dire sur le nesting.

00:07 Mais d'abord, Manon, c'est justement confortablement levée dans votre canapé poltron et sofa,

00:12 emmitouflée sous un plat de sylvitierier, que vous avez composé ce chef-d'œuvre quotidien

00:15 qu'on appelle la veille sanitaire.

00:17 Avec aujourd'hui, oui, un nouveau rapport inquiétant concernant la désinformation.

00:22 En particulier celle autour de l'avortement qui pullule sur les réseaux sociaux depuis

00:27 pas mal de temps et malgré les alertes et les enquêtes à ce sujet, elle reste encore

00:30 très présente, trop présente.

00:32 C'est ce que révèle une nouvelle étude de la très sérieuse association « Center

00:36 for Contouring Digital Hate » qui lutte contre la désinformation en ligne.

00:40 Selon ces chiffres, les réseaux de META, donc Facebook et Instagram, seraient encore

00:45 remplis de publicités anti-avortement, en particulier en Amérique du Sud et en Afrique.

00:50 Je dis encore car ce n'est pas la première fois que META est accusée de désinformation

00:54 sur le sujet.

00:55 Le rapport dévoile qu'entre 2019 et 2024, au Ghana et au Mexique seulement, 187 publicités

01:02 anti-avortement ont été mises en ligne sur les plateformes de META, publicités qui

01:06 ont été vues près de 9 millions de fois.

01:09 Et la majorité d'entre elles viennent de groupes américains pro-life.

01:12 Il y a par exemple American United for Life, un bureau d'avocats qui veut bannir le

01:16 droit à l'avortement.

01:17 Sur son site, il est dit que c'est un business et que c'est dangereux pour les femmes.

01:21 D'autres pubs renvoient à des associations mexicaines qui disent que l'avortement

01:25 fait partie d'une stratégie politique à grande échelle pour éliminer la population

01:29 du pays.

01:30 Et donc on trouve ça sur les réseaux du groupe META ?

01:32 Exactement, ça veut dire que ces groupes peuvent acheter des espaces publicitaires

01:36 à META et diffuser leur désinformation à grande échelle.

01:40 Et ça, durant 5 ans.

01:41 META a réagi en disant, je cite, que "les publications et les publicités faisant la

01:46 promotion des services de soins de santé, ainsi que les discussions et les débats à

01:49 leur sujet, étaient autorisées".

01:50 Sauf que de l'autre côté, certaines associations, cette fois-ci pro-choix, disent ne pas bénéficier

01:56 du même traitement.

01:57 META aurait par exemple supprimé des publicités de l'association MCI Reproductive Choice,

02:03 présente dans plus de 37 pays.

02:04 Des pubs qui donnent, elles, des conseils pour celles qui veulent avorter.

02:07 META leur a donné comme excuse que c'était du "contenu sensible".

02:11 Pareil du côté de Google qui n'autorise plus les publicités qui utilisent les termes

02:16 "pregnancy option", donc qui mettent en avant les différentes options quand on est

02:20 enceinte.

02:21 Et donc, quelles sont les conséquences de cette politique visiblement orientée ?

02:23 Et bien, la mise en danger des femmes.

02:25 Car si chez nous, le droit à l'avortement a été constitutionnalisé, c'est loin

02:29 d'être le cas ailleurs.

02:30 Il est encore interdit dans 21 pays et dans une vingtaine d'États américains.

02:35 Là-bas, c'est un droit qui est de plus en plus menacé.

02:37 Actuellement, en Floride, l'IVG va être interdit après 6 semaines de grossesse.

02:42 En temps normal, on a le droit d'avorter jusqu'à 14 semaines.

02:45 Et si une politique conservatrice y est pour beaucoup dans l'interdiction de l'IVG pour

02:49 la majorité des pays, le laxisme décomplexé des réseaux a aussi une grande part de responsabilité

02:55 aujourd'hui sur les désinformations qui sont propagées à des millions de femmes.

02:59 Surtout que l'on est entré dans une nouvelle ère où de plus en plus d'influenceuses

03:02 se revendiquent anti-féministes et anti-avortement sur TikTok, X ou Instagram.

03:07 Ce sont les tradwive dont on a parlé dans cette émission.

03:09 Oui, cette mouvance conservatrice, voire extrémiste où des femmes de tout âge prôlent le retour

03:13 aux traditions et à la soumission de la femme à l'homme, beaucoup d'entre elles critiquent

03:17 les avancées féministes de ces dernières années.

03:19 Et aux Etats-Unis, elles sont nombreuses dans ce cas.

03:21 Il y a par exemple Anna Pearl Davis surnommée la « Andro-Tate féminine ».

03:25 Tout un programme !

03:26 Ça vous donne le ton ! Elle dit notamment que l'avortement est

03:28 mauvais pour la santé des femmes, que les femmes ne devraient ni avoir le droit de vote,

03:32 ni avoir le droit de divorcer.

03:33 Et Anna compte plus de 2 millions d'abonnés sur Youtube et 420 000 sur X.

03:38 Elle s'est quand même fait bannir de TikTok et d'Instagram pour des injures prononcées

03:42 envers les femmes, mais elle peut encore colporter ses propos et sa désinformation via d'autres

03:46 plateformes.

03:47 En fait, c'est assez marrant car je dis souvent qu'il y a deux poids deux mesures

03:49 concernant les hommes et les femmes sur les réseaux.

03:51 Les femmes qui sont évidemment victimes de sexisme et de harcèlement.

03:54 Mais là, pour le coup, il faudrait que ces antiféministes commencent à être autant

03:57 prises au sérieux que les masculinistes, car elles sont tout aussi dangereuses.

04:01 Dans une société où les droits fondamentaux des femmes sont encore remis en question,

04:05 c'est important que les réseaux fassent front commun pour éviter qu'elles en perdent

04:08 à nouveau.

04:09 La lutte passe aussi par ces canaux aujourd'hui.

04:12 Merci beaucoup Manon, une belle leçon notamment pour Quentin à qui il vous rappelait qu'il

04:15 y a d'autres sujets plus importants sur les réseaux que 1 mari pour 2, votre docu-réalité

04:19 sur les soeurs siamoises.

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