• il y a 8 mois
À 59 ans, notre chroniqueur ne sait toujours pas s'il croit en Dieu. En attendant de se décider, il nous offre un joli voyage au pays de la foi, la sienne, la nôtre.

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Transcription
00:00 Je me souviens que durant mes années de catéchisme, le destin de Jésus me touchait davantage par la trahison de ses amis que par le crucifiement sur le Golgotha.
00:09 Il existe deux noms communs pour le martyr du Christ, crucifiement ou crucifixion, sans qu'aucune nuance ne différencie les deux mots.
00:17 Quand Jésus est arrêté, ses amis prennent la fuite. Quand vient le procès, Pierre le renie trois fois. Jésus est une histoire humaine.
00:26 La trahison et l'abandon ébranlaient l'enfant que j'étais. J'avais 11 ans, 12 ans. Je passais en revue mes petits camarades dans le vestiaire où nous préparions un match de football.
00:36 Et lui ? Prendrait-il la fuite ? C'est aujourd'hui Pâques. Longtemps, ce dimanche fut synonyme de la maison de vacances, que mes parents rouvraient, comme ils disaient.
00:47 Je me souviens de nuits fraîches et humides, passées sous plusieurs couvertures, deux en chocolat, cachées dans le jardin, d'une messe qui rassemblait famille et amis, d'un déjeuner qui n'en finissait pas, et des jours de paresse qui suivaient.
01:00 C'est aujourd'hui le plus beau jour des jours de Pâques, et un vers de Francis James, poète français oublié, que Moriac citait dans son bloc-note, les jours de la résurrection du Christ.
01:11 Pâques, annonçaient les jonquilles, les tulipes ou le forsythia, au moment où la nature renaît, le Christ ressuscite.
01:19 Vient alors le temps de l'espérance, l'espérance au petit matin du troisième jour. Ressurexit, sicudixit, alleluia, il est ressuscité.
01:28 Comme il l'avait dit, ce dimanche, les chœurs des églises de Rome reprendront le Regina Caeli, l'hymne pascal pour célébrer le retour du fils de l'homme.
01:38 Il existerait entre deux et quatre cent milliards d'étoiles dans notre voie lactée, des centaines de milliards d'astres à l'égard du soleil.
01:51 Et il y aurait cinq ou six cents milliards de voies lactées. Y penser, ne serait-ce que quelques secondes, donne le vertige.
02:01 Et nous sommes là. Et vous écoutez ces lignes. Je pense à ces mots de Napoléon. Nous naissons, nous vivons, nous mourons au milieu du merveilleux, écrit-il à Joséphine en 1796.
02:15 Parler de Dieu, c'est grainer des banalités. La plus connue, la banalité des banalités, est celle qui fait dire à Woody Allen, si Dieu existe, il faut qu'il ait une bonne excuse.
02:25 Où était Dieu le 7 octobre ? Où était-il le 13 novembre 2015 ? Et Levizel a parlé du silence de Dieu quand il évoquait Auschwitz.
02:36 Je ne prétends rien dire ici que tout un chacun sait. Quel sens tout cela a-t-il ?
02:44 Vous et moi posons la question depuis le plus jeune âge, avec peut-être des réponses différentes, selon que la vie aura été douce ou cruelle.
02:54 Pourquoi cet ami est-il frappé d'une maladie incurable dont il connaît l'issue ? Pourquoi cet enfant naît-il avec ce handicap alors qu'un autre vient au monde avec tous les dons ?
03:06 L'histoire de l'humanité est un film d'horreur. Le 21e siècle met la barre très haut. Les guerres, les dictatures, les pandémies ravagent la planète.
03:16 Pas plus qu'avant, diront certains, pas moins non plus.
03:21 D'éminents théologiens, papes, rabbins, savants musulmans, ont tenté d'interroger le sens du chaos.
03:29 Ils ont conclu que Dieu s'est retiré après la création. C'est bien commode.
03:37 Sommes-nous responsables de quelque chose ou de rien ? Voilà au fond la grande question.
03:43 J'arrête là mon développement. J'ai le sentiment d'écrire une dissertation en classe de terminale.
03:49 Si aimez-vous les uns les autres et l'essence du christianisme, on ne peut pas dire que l'époque soit chrétienne.
03:55 Mais le fut-elle un jour ? Le christianisme a 2000 ans. Il a échoué.
04:00 Le monde est horrible, merveilleux, multiple, il est ce qu'on voudra. Il n'est guère chrétien.
04:05 Et cette jeune femme qui entre dans l'église chaque dimanche à 18h avec son enfant, cette femme qui s'assoit à la même place
04:13 et qui par courtoisie ou par habitude me sourit désormais, est-elle chrétienne ?
04:19 A quelle distance de la croix vit-elle entre chaque rendez-vous ici ? Et moi qui écoute ou qui prie,
04:27 qu'ai-je fait pour ce Christ dont je rappelle la sainte parole ?
04:32 Chaque chrétien interrogera ce dimanche sa conscience comme la reine interroge son miroir dans Blanche-Neige.
04:37 Il entendra aussi cette promesse de Pâques. La mort n'aura pas le dernier mot. Vous reviendrez.
04:44 Le temps des retrouvailles arrivera. Si j'étais cynique, je dirais, quel marketing !
04:50 Le coup de la résurrection, quelle idée géniale ! Séguella avant Séguella, même pas mort ! Quel slogan !
04:58 Sérieusement, l'église n'est pas une ONG. Si elle renonce à crier son espérance pour tenir un discours humanitaire,
05:05 elle perd son essence. Si l'église parle au cœur, elle parle aussi aux yeux.
05:10 "Ca crée le mal, parle beau" était un joli programme. "Dieu doit beaucoup à Jean-Sébastien Bach" disait le très spirituel Émile Surand.
05:17 J'aime les cierges et l'encens, la musique sacrée et les prières. La liturgie catholique éveille les sens, tous les sens.
05:24 Je regrette la solennité perdue, l'oubli de Mozart, Bach, Händel, les jours de messe. Les homéliques ont venu et les prêtres en jean.
05:31 Le dépouillement de la liturgie a-t-il favorisé la déchristianisation ?
05:35 On raconte qu'un moine avoua un jour à son abbé que sans le secours de la liturgie, il eut abandonné la robe.
05:43 Le soir de Noël, le Stille Gnacht, Heilige Gnacht, ouvre les portes du paradis.
05:49 Vatican II a abandonné la messe en latin. Vatican II a oublié que le mystère sublime la foi.
05:54 La liturgie est devenue opaque et ennuyeuse par son goût du banal et du médiocre,
05:59 a écrit le cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI, dans "Entretien sur la foi", paru en 1985.
06:06 Je n'ai jamais pensé qu'au moment de passer de l'autre côté du miroir,
06:09 un monsieur à barbe blanche attendrait derrière la porte, qu'il jugerait mon passage ici-bas,
06:14 l'aune de Critères est évidemment divine, et qu'il notifierait mon emploi du temps pour des siècles et des siècles.
06:20 Je faisais de la résistance au catéchisme. Je n'aimais pas dire si j'adhérais ou non aux fils, aux pères et aux saints-esprits.
06:27 Aucun appel n'a transpercé mon âme. Le jour de ma communion, j'ai visité des églises, des cathédrales, des monastères,
06:34 là où le hasard m'amenait sans que la foudre qui frappa Paul Claudel un matin de Noël à Notre-Dame de Paris
06:41 ne trouve le même chemin. En un instant, mon cœur fut touché et je crus.
06:48 J'ai 59 ans. Je ne sais toujours pas si je crois en Dieu.
06:53 Il faudrait que je me décide. Croire, c'est douter. Seul ce qui croit doute.
07:01 Est-il écrit quelque part encore dans le bloc-note de Mauriac ?
07:07 Appelons ça un espace dans le pari de Pascal. C'est le mien.
07:14 *Bruit de bouche*

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