Hôpital.. un commerce

  • il y a 6 mois

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Transcription
00:00 Je traversais mon hôpital tout à l'heure pour venir à cette conférence de presse.
00:03 J'ai de l'émotion.
00:04 Je me disais
00:06 c'est un honneur de devenir chef de service.
00:09 C'est une reconnaissance de votre équipe,
00:11 de vos pères,
00:12 de vos collègues.
00:14 Et là j'avais l'impression de venir à une sorte d'enterrement.
00:16 Celui de ce titre
00:19 et puis celui un peu de l'hôpital public et ça nous fait chaud au coeur
00:23 depuis quelques mois d'être dans la bataille.
00:25 C'est ce qui nous permet de tenir encore et puis
00:29 on espère que cette bataille on va la gagner.
00:31 Le cauchemar il a commencé
00:34 je vais vous donner des exemples concrets.
00:36 On est 20 à démissionner sur la pitié salpétrière sur une centaine
00:42 de responsables de structure et de service.
00:45 Le cauchemar il a commencé quand on a
00:47 commencé à nous dire il va falloir que vous produisiez du séjour
00:50 alors que nous on avait l'habitude de prodiguer des soins.
00:54 Et on s'est mis à voir comme chef de service des tableaux XL tous les mois
00:58 où on nous disait
01:00 là bravo vous êtes en vert vous avez fait plus de séjour.
01:04 C'est pas bien vous êtes en rouge vous avez fait moins dix séjours.
01:08 Avec les collègues on rentrait dans ces réunions et petit à petit
01:12 on s'est rendu compte qu'on était infantilisé.
01:13 On se retrouvait à l'école avec des bonnes notes ou des mauvaises notes
01:17 et comme il était dit tout à l'heure on a peur.
01:20 On a peur parce que quand notre activité baisse on nous supprime des moyens.
01:24 On nous supprime ce qui coûte à l'hôpital.
01:28 Moi j'ai dans mon service une unité très lourde de 13 lits
01:32 de patients diabétiques qui ont des complications graves.
01:35 Toutes les complications graves du diabète et entre autres des complications au niveau des pieds
01:38 avec des abscès de la gangrène.
01:40 Ce sont des patients difficiles à soigner qui demandent beaucoup beaucoup d'attention.
01:44 Morphine, insuline, transfusion, bloc opératoire.
01:48 On nous renvoie les patients immédiatement après le bloc opératoire.
01:51 Je me suis rendu compte que dans les réunions hebdomadaires
01:54 où on parle avec tout le personnel de ces patients
01:57 je devenais une espèce de robot à dire quand est-ce qu'il sort ?
02:01 Quand est-ce qu'il sort ? Quand est-ce qu'il sort ?
02:04 Parce que dans ma tête je me disais ça fait 15 jours qu'il est là.
02:07 Il occupe la chambre. Je ne vais pas pouvoir faire du séjour.
02:10 Et c'est les jeunes, les infirmières qui me regardent.
02:13 Et maintenant je sais que quand on commence à me regarder comme ça c'est que je ne suis plus éthique.
02:17 Je me ressaisis et d'ailleurs je leur dis
02:19 n'oubliez jamais pourquoi les patients sont là. Rappelez-moi cette réalité.
02:23 Je dirais qu'en plus les difficultés qu'on a dans ces maladies chroniques
02:26 sont des patients pas rentables.
02:28 C'est-à-dire quand vous rentrez avec un abcès, une gangrène, vous êtes rentable.
02:31 C'est compliqué à comprendre pour vous.
02:33 Vous êtes rentable au début de votre hospitalisation.
02:36 Mais si on vous débouche les artères vous êtes encore rentable.
02:40 Par contre si on n'arrive pas à vous déboucher les artères
02:42 vous commencez à ne plus être rentable du tout.
02:44 On va vous garder un certain temps parce que votre plaie est complexe.
02:48 Et donc au fur et à mesure que les jours passent
02:50 l'hôpital commence à perdre de l'argent.
02:53 Par malchance vous êtes amputé au bout d'un mois et demi
02:57 en nous ayant dit "Tenez bon, faites tout ce que vous pouvez".
03:00 On a fait tous les soins.
03:01 Malheureusement parfois on perd.
03:03 Le patient est amputé. Il redevient rentable quelques jours.
03:07 Voilà où on en est avec la T2A.
03:09 J'en dirais pas plus, je suis un peu trop dans l'émotion, je suis désolée.
03:12 Mais voilà pourquoi on n'en peut plus de ce système.