• il y a 8 mois
Stéphane Vojetta, député apparenté au groupe Renaissance des Français de l'étranger.
Il a créé une des surprises des dernières législatives, en battant Manuel Valls dans la circonscription des Français installés en Espagne. Depuis cette victoire en dissident, Stéphane Vojetta se définit comme un "député pirate". Il est apparenté au groupe Renaissance.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcription
00:00 -Il a créé une des surprises des dernières législatives
00:03 en battant Manuel Valls
00:05 dans la circonscription des Français installés en Espagne.
00:08 Depuis cette victoire,
00:10 mon invité fait un peu figure d'électron libre de la majorité.
00:13 Musique de tension
00:15 ...
00:27 Bonjour, Stéphane Vogeta. -Bonjour, Clément Méric.
00:30 -Vous ne faites pas partie de ces députés
00:32 qui se sont passionnés pour la politique.
00:34 A l'adolescence, votre conscience politique
00:37 ne s'est pas éveillée en lisant Marx ou Jean-Paul Sartre,
00:40 mais en écoutant Jean-Jacques Goldman.
00:42 Et Jean-Jacques Goldman, c'était lié un peu à vos rêves d'ailleurs,
00:46 à votre envie de vous échapper de votre milieu social.
00:50 -Envoie-le-moi là-bas,
00:52 à la fois la volonté de sortir
00:55 d'une certaine assignation à résidence,
00:57 la volonté aussi d'aller découvrir les ailleurs,
01:00 ces ailleurs qu'on voit parfois à travers des écrans,
01:03 qu'on entend sur des radios,
01:04 mais qu'on a du mal à saisir quand on est un adolescent
01:07 qui vit dans une petite ville de province,
01:10 dans une région qui n'est pas la plus reluisante de la France.
01:13 -Vous avez grandi dans une famille de quatre enfants,
01:16 élevés par une mère célibataire
01:18 dans un quartier populaire de Toul, en Lorraine.
01:21 Et donc, vous expliquez que vous avez mis en place
01:24 un plan d'évasion. C'était quoi, votre plan ?
01:27 -Non, le plan d'évasion, c'était prendre conscience,
01:30 à un moment, et assez jeune, d'ailleurs,
01:32 que ma vie ne pourrait pas et n'allait pas se dérouler
01:35 intégralement dans le périmètre proche,
01:37 géographiquement parlant, de l'endroit où j'étais né.
01:40 -C'était de faire une école de commerce ?
01:43 -De partir d'une manière ou d'une autre.
01:45 Rapidement, je me suis rendu compte que la meilleure porte de sortie,
01:49 c'était l'éducation, le système d'éducation républicaine,
01:52 l'élitisme républicain à la française,
01:55 les études supérieures, voire même passer
01:57 par la voie royale des grandes écoles.
01:59 -Pour vous, ça a été l'ESSEC,
02:01 une des grandes écoles de commerce en France.
02:04 Vous vous êtes évadé très vite, en effet.
02:06 Vous avez quitté Toul, mais la France,
02:08 vous avez passé six mois en Italie, sept ans à Londres, je crois,
02:12 et à partir de 2005, vous avez posé vos valises à Madrid, en Espagne.
02:16 Vous faites partie de ces Français qui ont choisi
02:18 de faire leur vie à l'étranger.
02:20 C'est le goût de l'aventure, prise de risque ?
02:23 -J'ai envie d'offrir parfois à sa famille
02:25 une nouvelle vision des choses, une nouvelle expérience de vie,
02:29 offrir à ses enfants une expérience d'expatriation
02:31 et aller à la recherche d'opportunités professionnelles
02:35 qu'on ne trouve pas forcément en France.
02:37 -Vous, ça a été d'être banquier d'affaires chez UBS.
02:40 Ca vous a permis de travailler au sauvetage
02:42 de la dette publique espagnole, notamment pendant la crise de 2008.
02:46 Vous avez développé des activités de conseil stratégique et financier.
02:50 Vous vous engagez pour Emmanuel Macron,
02:52 alors que la politique était en dehors de votre vie.
02:55 -Effectivement, moi, j'ai été très longtemps
02:57 à la marge de la politique.
02:59 J'avais eu un très bref engagement politique au début des années 2000.
03:03 D'ailleurs, après le 21 avril 2002,
03:05 je m'étais engagé à la section londonienne du PS.
03:08 J'ai très rapidement perdu l'intérêt pour cet engagement
03:11 en voyant des choses qui ne me correspondaient pas,
03:14 qui ne correspondaient pas à mes aspirations.
03:16 Quelques années plus tard, j'étais à Madrid,
03:19 j'étais actif et connu dans la communauté française.
03:22 On est venu me chercher pour faire la campagne des primaires
03:25 d'Alain Juppé, en me demandant de former un comité de soutien.
03:29 Ca n'a pas été couronné de succès, comme vous le savez.
03:32 Et puis, quelques mois, quelques années plus tard,
03:35 la candidate investie par Emmanuel Macron
03:38 pour être candidate d'en marche législative
03:41 dans ma circonscription m'a proposé d'être son suppléant.
03:44 -Samantha Cazbon, qui a donc été élue.
03:46 Vous êtes devenue son suppléant.
03:48 Et puis, en 2021, Samantha Cazbon a décidé
03:51 de se présenter au sénatorial. Elle a été élue.
03:53 Dans ce cas de figure, c'est son suppléant ou sa suppléante
03:57 qui la remplace à l'Assemblée.
03:59 Vous auriez pu refuser.
04:01 Est-ce que vous avez hésité ? -Pas du tout.
04:03 -C'est un changement de vie radical, pour vous.
04:06 -Oui, effectivement, mais c'était quelque chose
04:09 auquel je m'étais préparé.
04:10 D'abord, parce que j'ai une vie qui a été structurée
04:13 autour de quelques grandes décisions.
04:15 A 22 ans, j'ai décidé de quitter la France
04:18 pour vivre et travailler à l'étranger.
04:20 A 38 ans, j'ai décidé de quitter le confort relatif
04:23 du travail salarié pour devenir entrepreneur.
04:25 Ca m'a fait gagner une certaine indépendance financière,
04:28 mais aussi une flexibilité dans l'organisation de ma vie.
04:32 J'ai pu dédier du temps à des activités associatives, bénévoles.
04:35 Finalement, le jour où la politique a pu commencer
04:38 à prendre plus de place dans ma vie,
04:40 j'avais le temps de donner cette place à la politique.
04:43 Quand l'opportunité assez inattendue s'est présentée
04:46 pour me dire que j'allais devenir député,
04:48 c'est une occasion exceptionnelle de voir de l'intérieur
04:51 ce système sur lequel j'avais une certaine méfiance,
04:54 et voir même participer à faire bouger les choses
04:57 sur le temps bref qui m'était imparti.
04:59 -Bref, parce que vous avez été député pendant un an à peine,
05:03 jusqu'au législatif de 2022.
05:05 Alors, en 2022, vous vous prépariez à faire campagne
05:08 pour être réélu, sauf que le 3 mai au soir,
05:11 Le Figaro a annoncé que Manuel Valls serait le candidat
05:14 de la majorité dans cette circonscription.
05:16 Vous avez réagi publiquement sur les réseaux sociaux,
05:19 en répondant aux tweets du Figaro, en expliquant "pas que je sache".
05:23 Vous n'aviez pas du tout été associé à cette décision,
05:26 vous n'avez pas prévenu. -Pas du tout.
05:28 Les personnes à qui je parlais à Paris,
05:31 qui étaient relativement bien placées
05:33 pour me donner des informations fiables,
05:35 à aucun moment m'ont indiqué que ça pouvait être un risque.
05:39 On connaissait les rumeurs, mais à aucun moment
05:42 m'ont indiqué que ça pouvait être un risque.
05:44 -Et comment vous l'avez pris ?
05:46 C'était un peu balayer d'un revers de main
05:48 tout le travail que vous aviez pu fournir pour la majorité.
05:51 -J'essaie de ne pas le prendre personnellement.
05:54 Je l'ai pris comme le poids de cette personnalité de Manuel Valls,
05:58 qui avait quand même une réputation et des contacts
06:01 et un entrejean dans la classe dirigeante
06:03 et dans le macronisme,
06:05 qu'à l'évidence, je n'avais pas et je n'ai toujours pas.
06:08 Mais en l'occurrence, je l'ai pris comme un signe du destin.
06:11 -Vous êtes parti en candidat dissident de la majorité.
06:14 Vous vous êtes toujours présenté comme restant au sein de la majorité.
06:18 C'est un peu gonflé de faire ça face à un ancien Premier ministre
06:22 quand vous étiez "que suppléant".
06:24 -Oui, effectivement, je n'étais que suppléant,
06:26 mais malgré ça, j'avais été élu local,
06:29 j'avais été élu par mes concitoyens français
06:31 en tant que conseiller des Français de l'étranger.
06:34 J'avais des retours, d'abord, favorables et positifs
06:37 quant à mon action comme député
06:39 pendant la brève année durant laquelle j'avais exercé ce mandat.
06:43 Surtout, j'avais reçu un flot de commentaires
06:46 et d'encouragement à me présenter
06:49 et à résister à l'injonction présidentielle,
06:51 suite à l'investiture de Manuel Valls.
06:54 Rapidement, j'ai pris la décision que je devais maintenir.
06:58 -Vous êtes donc lancé dans un immense tour
07:00 de votre circonscription,
07:02 Espagne, Portugal, Monaco, plusieurs milliers de kilomètres.
07:05 A quel moment avez-vous senti
07:07 que vous aviez votre chance face à Manuel Valls ?
07:10 -Tout de suite. J'ai démarré cette aventure
07:12 avec la conviction que j'allais gagner.
07:15 -Qu'est-ce qui vous a donné ce sentiment, cette conviction ?
07:18 -D'abord, la connaissance du corps électoral
07:21 que je représente et auprès duquel je me présentais,
07:24 les Français d'Espagne et du Portugal,
07:26 qui ont exprimé, dans un millier de messages
07:29 que j'ai reçus en quelques jours, un rejet énorme de Manuel Valls,
07:33 motivé notamment par son expérience malheureuse
07:36 à l'élection municipale de Barcelone,
07:38 pendant laquelle il est un peu retombé dans les travers
07:41 qu'on a pu lui voir exercer dans le passé,
07:43 avec des changements d'attitude,
07:46 un discours qui n'est pas toujours très clair,
07:50 une trahison à la moitié du guet,
07:54 par un passage d'un bord politique à l'autre.
07:57 Du coup, il y a eu un énorme rejet qui s'est généré,
08:00 une défice de popularité... -Vous en avez tiré profit.
08:03 -Vous avez été élu avec plus de 57 % des voix,
08:05 et on a l'impression qu'après cette élection,
08:08 c'est un nouveau Stéphane Vogeta qui est apparu,
08:11 qui a été un peu transformé, presque libéré politiquement.
08:14 C'est comme ça que vous l'avez vécu ?
08:16 -Tout à fait. C'est ce que je me suis dit
08:18 au moment de l'investiture de Manuel Valls.
08:21 Je me suis dit que ce n'était pas prévu,
08:23 que ça allait être compliqué, mais je sais que je peux gagner
08:27 cette élection et si je la gagne, tout changera.
08:29 Je sais que je serai accepté par la majorité présidentielle
08:33 et parce qu'ils ne pourront pas faire l'économie d'un député de plus.
08:36 -Vous avez été réintégré dans la majorité,
08:39 vous avez fait le choix d'être apparenté au groupe,
08:42 de ne plus être membre à part entière.
08:44 -Oui, j'ai été exclu d'un parti politique,
08:46 je ne vais pas retourner dans ce parti politique,
08:49 même si, sentimentalement, ce sont mes amis,
08:52 donc je retourne auprès d'eux, mais c'est la manière la plus efficace
08:55 d'être dans la majorité. En étant apparenté au parti majoritaire,
08:59 c'est là qu'on a le plus de capacité d'agir.
09:02 -Vous avez fait une loi pour encadrer les influenceurs
09:05 sur les réseaux sociaux et vous avez commencé à échanger
09:08 avec le rappeur Booba sur les réseaux,
09:10 parce qu'il est entré en guerre contre les "influx voleurs".
09:13 Il y a un tweet sur lequel je suis tombé,
09:16 le 25 avril 2023. Il vous a adressé un message,
09:18 il a été vu par 1,3 million de personnes.
09:21 C'est énorme.
09:22 C'est pour ça que vous vous êtes tourné vers lui ?
09:25 C'était pour élargir votre audience ?
09:27 -Non, Booba, en fait, il fait partie de ces lanceurs d'alerte
09:31 dont les messages m'ont été relayés au début.
09:33 C'est pour ça que je me suis, en juillet-août 2022,
09:36 juste après l'élection, saisi de ce sujet,
09:38 car j'étais alerté sur les réseaux sociaux,
09:41 sur le fait qu'il y avait des influenceurs
09:43 qui faisaient des victimes à travers leur conduite.
09:46 Booba était un de ces lanceurs. -Le problème avec Booba,
09:49 c'est qu'il est parti en guerre contre Magali Berda.
09:52 A l'époque, Magali Berda, c'était la reine des agents d'influenceurs.
09:55 Elle a déposé plainte contre lui pour cyberharcèlement.
09:59 Quand vous vous êtes retrouvé face à Magali Berda,
10:01 sur le plateau de l'LCP, ça a donné lieu à un échange tendu.
10:05 On va en revoir un extrait.
10:06 -La communauté de Booba, qui est à mes trousses
10:09 avec plus de 100 000 menaces de mort,
10:11 vous en faites partie, ouvertement.
10:13 Vous préférez, en termes d'exemple,
10:15 moralité, adhérer aux paroles des chansons de Booba
10:18 qui sont complètement sexistes et ignobles
10:21 et qui encouragent la haine, la violence et le meurtre,
10:24 ou vous préférez une personne comme moi ?
10:26 -Alors, lors de la conversation que j'ai eue avec lui,
10:29 j'ai reconnu et je lui ai dit que je l'avais utilisée,
10:33 tout comme cette communauté m'utilisait, moi,
10:36 en tant que parlementaire, pour essayer de faire porter un message.
10:39 -Magali Berda vous a reproché de jouer les chevaliers blancs,
10:43 mais d'avoir des pratiques un peu limites sur Internet.
10:46 Est-ce qu'à trop vouloir casser les codes de la communication,
10:49 vous avez pas fini par franchir la ligne rouge
10:52 en faisant copain-copain avec quelqu'un comme Booba ?
10:55 -En l'occurrence, ce jour-là, Magali Berda a émis
10:58 des accusations assez fortes.
10:59 Elle m'a traité, moi, parlementaire d'un harceleur,
11:02 clairement, et elle a émis certaines accusations
11:05 très spécifiques, en disant que je parlais constamment d'elle
11:08 sur les réseaux... -Vous aviez retweeté
11:11 des messages de Booba. -Oui, qui l'insultaient,
11:13 ce qui était strictement faux.
11:15 Et donc, effectivement, moi, je comprends très bien
11:18 la problématique du harcèlement en ligne,
11:21 la violence en ligne, le harcèlement en ligne,
11:23 c'est un problème grave. En revanche,
11:26 tenter de se dissimuler
11:29 ou se cacher derrière des accusations de harcèlement
11:34 pour éviter de répondre à sa responsabilité
11:36 vis-à-vis de ses agissements et des agissements des personnes
11:40 que l'on contrôle parce qu'on gère une agence,
11:42 je ne trouve pas ça correct. -On va passer à notre quiz.
11:46 Vous allez devoir compléter les débuts de phrases
11:48 que je vais vous proposer.
11:50 "La France devrait s'inspirer de l'Espagne pour..."
11:53 -"Pour la joie de vivre qu'elle inspire au jour le jour."
11:57 -"Être expatrié, c'est renoncer à..."
12:01 -"C'est renoncer à un pan de son passé
12:06 et à des liens réguliers avec sa famille."
12:08 -Donc, il y a quand même une part qui peut être douloureuse.
12:12 -Bien sûr, il y a toujours un pan de nostalgie et de regret.
12:15 Je me rappelle toujours la chanson de Michel Polnareff,
12:18 "L'être à France", qui l'exprime très bien.
12:21 Enfin, "Et même s'il faut partir, changer de terre ou de trace..."
12:24 Je vous laisse compléter la suite.
12:26 Rires
12:28 Vous devinez de quoi il s'agit ?
12:30 -C'est Jean-Jacques Goldman. -Bien vu.
12:32 -Et ça rime avec "espace".
12:33 J'avoue que j'ai perdu la citation complète.
12:37 -On va la voir s'afficher.
12:38 "S'il faut chercher dans l'exil, l'empreinte de mon espace."
12:42 Extrait de "Envole-moi".
12:44 -Envole-moi.
12:45 -Il faut que vous réécoutiez un peu Jean-Jacques Goldman.
12:49 -J'étais plus sur Sardou et Johnny, ces derniers temps.
12:51 -Merci, Stéphane Vogeta, d'être venu dans La Politique.
12:55 -Merci à vous.
12:56 ...
13:15 [SILENCE]

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