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00:00 [Musique]
00:27 On est dans le quartier de Chavassieux, un quartier essentiellement mineur,
00:31 où il y avait beaucoup de jardins ouvriers.
00:34 Il faut savoir que dans la Loire, il y avait 3000 jardins ouvriers.
00:41 Essentiellement sur Saint-Étienne, il y en avait plus de 1500.
00:49 Après, c'était reparti sur la Talaudière, la Chazotte, beaucoup aussi sur Roche-la-Molière,
00:58 où il y a beaucoup de cités.
01:01 Chez nous, on dit des cités, on ne dit pas des corons.
01:05 Il y a beaucoup de cités minières.
01:07 Il y avait aussi beaucoup de maisons individuelles,
01:10 où à ce moment-là, les gens avaient leurs jardins devant.
01:13 Mais ceux qui habitaient en cité, on leur octroyait des jardins
01:18 que la mine achetait, la mine était dessous,
01:24 donc pour éviter de payer des tréfonds, ils achetaient le terrain pour faire des jardins ouvriers.
01:30 J'ai vécu rue Martin-Bernard dans une portion de la rue qui était en cul-de-sac.
01:35 C'est-à-dire que pour nous, les gamins, c'était une cour, il n'y avait pas de voiture.
01:40 On jouait dans une cour, au ballon prisonnier,
01:45 enfin tous les jeux qu'il y avait à mon époque.
01:48 Et les gens mangeaient leur soupe sur le trottoir.
01:52 Il y en avait, pas tout le long du trottoir, mais il y en avait quand même pas mal.
01:57 Et après la soupe, on chantait.
01:59 Donc nous, on était très heureux.
02:02 Même s'il y a eu des voisins qui ont eu des enfances beaucoup moins heureuses que la mienne,
02:08 parce qu'il y avait des familles de six enfants où il y avait deux pièces seulement.
02:12 Et j'ai souvenir qu'ils mangeaient des tartines de saindoux.
02:16 Moi, j'ai été vraiment très heureuse parce qu'on s'amusait tous ensemble
02:21 et c'était l'idéal pour des gamins.
02:23 Après huit heures de fond, un peu de repos et des travaux en plein air occupent une grande partie de leur loisir.
02:30 Pour vous, le jardinage, c'est une détente après la mine ?
02:35 Oui, notamment. Surtout qu'on est un peu en campagne.
02:39 Moi, ce qui me plaît, c'est les sorties à l'air et le jardinage.
02:43 Qu'est-ce que vous cultivez là ?
02:45 Un peu de tout. Des salades, des tomates, des plantes poireaux.
02:49 Un peu de tout.
02:51 En haut, des jardins, des oignons, des petits pois, des plantes pommes de terre, des haricots.
02:57 Je suis né en 1954, novembre 1954.
03:01 Je suis né rue de la Croix-de-Mission, en haut de la rue Pierre-Sébastien.
03:06 Mon père était mineur de fond à Courriau. Il y restait pendant 20 ans.
03:13 Mon père avait deux jardins.
03:20 On remontait du fond, ils faisaient une petite sieste et puis l'après-midi, ils nous amenaient tous au jardin.
03:25 On s'amusait à ramasser les petits pois, les carottes. C'était notre garde-manger.
03:31 Les dimanches, l'été, on allait voir la pêche avec mon père parce qu'il adorait la pêche.
03:43 Ou alors, ils nous amenaient à monter au bessin à pied.
03:46 J'étais tout petit avec mon frère Jean-Claude.
03:48 Ils nous faisaient faire 40 bournes à les retours. On allait ramasser des myrtilles.
03:52 En redescendant, on les vendait pour se faire un peu d'argent pour le ménage.
03:59 Parce que la vie était dure à cette époque.
04:01 Mon père, dès qu'il montait du fond, dès qu'il avait ses jours de repos, il partait à la pêche.
04:12 Il se bat 5 heures du matin, il ne faisait pas de bruit, il prenait ses affaires.
04:17 Il partait à la pêche toute la journée et quand il revenait, il faisait nuit.
04:21 C'était son dodo, c'était son truc la pêche. Il adorait ça. Il adorait la pêche mon père.
04:26 Quand tu es mineur de fond, tu travailles à 900 mètres de profondeur.
04:30 Imagine, dans des galeries qui fourrent 1m, 1m50, il travaillait en slip, il faisait 40-50 dans le bas de saut.
04:38 Tu te rends compte ? 900 mètres de profondeur. Moi je ne l'aurais pas fait franchement.
04:42 C'était forçant les gars. Ils avaient un mental d'ancien. Moi je n'aurais pas tenu une heure là-dedans.
04:48 D'ailleurs je me suis toujours demandé comment ils ont fait pour aller travailler là-dedans.
04:52 A l'Essai de Barbe, c'était un jour sans école déjà.
05:02 Donc tout le monde pouvait participer.
05:05 Il y avait d'abord le tir de boîte à 7h du matin qui faisait beaucoup de bruit.
05:10 Ensuite il y avait la messe.
05:12 Il y a eu quelques difficultés parce qu'à certains endroits, les prêtres mettaient les ingénieurs au premier rang et les mineurs étaient derrière.
05:23 Donc il y a eu un petit boycott pendant quelques temps de certaines paroisses.
05:28 Ensuite on avait souvent des repas familiaux et des repas festifs.
05:36 Et puis il y avait une distribution de brioches.
05:39 Ce qui se fait encore à Saint-Genève.
05:43 Il y a la messe et il y a la distribution de brioches.
05:48 On invitait d'autres copains qui travaillaient à la mine de mon père.
05:51 Et on n'a pas fait une fois sans fêter Sainte-Barbe.
05:55 Jusqu'à ce que je me marie, on a fêté Sainte-Barbe.
05:58 Après je suis partie à Paris donc je ne savais pas.
06:00 Mais mes parents l'ont toujours fait.
06:04 Le pays de l'Algérie
06:08 À l'époque, il y avait toutes les ethnies.
06:13 Il y avait des Polonais, des Portugais, des Italiens, des Marocains, des Tunisiens, des Algériens.
06:21 Rien, rien.
06:23 Il y avait la guerre d'Algérie, on n'était même pas au courant les gamins, on ne le savait même pas.
06:27 Je n'ai jamais entendu un mot sur cette guerre quand j'étais gamin.
06:31 C'était solidaire.
06:33 Le voisin à côté, Nasser, il venait à la maison pour regarder la télé.
06:37 Parce qu'on avait une télé, on était les seuls dans le quartier à voir la télé.
06:40 Et les voisins, ils venaient regarder la télé à la maison.
06:42 C'était solidaire.
06:44 L'été, tout le monde sortait dehors avec sa chaise.
06:46 Les mamans, elles taillaient des bols.
06:48 Et les maris, ils étaient au café, ils jouaient à la blotte.
06:50 Mais c'était génial à cette époque.
06:52 Tout le monde se parlait.
06:54 C'était bien.
06:55 La vie était difficile, il ne faut pas croire que tout était rose.
06:58 Même avec l'ascenseur social.
07:00 Mais la solidarité, la joie, je n'ai jamais vu aucun mineur se plaindre de son travail.
07:07 Jamais.
07:08 Pourtant, les piqueurs n'avaient pas la vie facile.
07:11 Quelquefois, ils travaillaient dans des galeries de 40 à 50 cm.
07:16 Avec des piques, quand ils étaient...
07:19 Après les anciens piques, je crois que ça faisait plus de 30 kilos.
07:24 Donc, ce n'était pas des métiers de tout repos.
07:28 Mais ils aimaient leur métier.
07:31 Beaucoup d'enfants de mineurs sont devenus des mineurs eux-mêmes.
07:34 [Musique]