• il y a 6 mois
Aurélie Preston a pensé que la télé-réalité pouvait être un tremplin pour elle, qui rêvait d'une carrière musicale. Entre harcèlement en ligne et sur les tournages, la jeune femme revient sur les effets des émissions sur sa santé mentale.
Transcription
00:00 La première fois, on nous appelle des fois même si c'est trop loin de se déplacer pour aller voir le psychologue.
00:03 Vous êtes OK, tout va bien, il n'y a rien de plus.
00:07 Et quand on sort d'une télé-réalité, il n'y a aucun suivi.
00:09 Hello, c'est Aurélie Preston.
00:13 Aujourd'hui, on va parler de mon ouvrage "Brisé" et notamment du harcèlement et du message qu'il transmet.
00:17 C'est vrai que quand on m'a proposé de faire de la télé-réalité, j'ai vu ça comme une certaine échappatoire
00:22 parce que ça me permettait de réaliser mes rêves.
00:23 C'est vrai que la musique, ça a sauvé ma vie.
00:25 Ça m'a permis de pallier à énormément de choses telles que l'abandon,
00:27 tel que le harcèlement aussi, intrafamilial et scolaire que j'ai pu vivre.
00:31 Et c'est vrai qu'à l'époque, on voyait ça vraiment comme quelque chose d'incroyable et d'extraordinaire.
00:36 On n'avait pas tous les rouages.
00:37 J'ai eu énormément de personnes en télé-réalité qui m'ont critiqué et attaquée sur mon physique,
00:42 notamment sur ma bouche à l'époque avec Boosty Flore.
00:45 C'est vrai que ça m'a fait énormément de mal parce que ça m'a ramenée à certaines névroses
00:48 et à certaines félures que j'avais durant le collège
00:51 où justement, vu que je n'avais pas eu mes parents pour certains élèves,
00:54 je n'étais pas légitime en tant qu'être humain
00:56 puisque j'étais un peu la "bâtarde".
00:58 En 2016, j'ai participé aux Anges de la télé-réalité
01:02 et c'est vrai que je ne m'attendais pas à vivre encore pire que dans mon premier tournage,
01:05 notamment en termes de harcèlement.
01:07 C'est vrai que je voulais faire de la musique et je m'attendais à certains candidats
01:10 qui justement étaient dans la même catégorie que moi, qui avaient eu des expériences via The Voice,
01:15 à plutôt m'enseigner qu'à m'humilier ou qu'à me rabaisser.
01:17 Et ça a été même jusqu'à avoir des humiliations physiques,
01:22 des gestes violents, des sauts de javel, ce genre de choses.
01:25 Et ça a même été derrière jusqu'à continuer pour moi en 360 un certain harcèlement
01:29 via la ligne éditoriale du Mad Mag
01:31 où on m'avait vu carrément mon poupée gonflable parce que j'avais refusé d'y aller.
01:34 La seule chose qui me faisait plaisir à l'époque,
01:35 c'est que quand même les téléspectateurs avaient eu de l'humanité.
01:39 Pour moi, ça permettait de mettre un premier pied à l'étrier contre le harcèlement
01:44 et notamment contre le cyber-harcèlement ou le télé-harcèlement
01:46 parce que c'est vrai qu'on n'en parle pas beaucoup,
01:48 mais pour moi, en fait, d'être lynchée publiquement à la télé,
01:51 c'est un début au cyber-bullying
01:53 puisque derrière, ça prend le relais sur les réseaux sociaux
01:55 et c'est une boucle sans fin, en fait.
01:56 C'est un harcèlement à 360.
01:58 Et c'est vrai que pour moi, j'ai été un peu la précurseuse de ça
02:00 dans le sens où vraiment, quand il y a eu 5000 plaintes auprès du CSA,
02:03 qui est aujourd'hui l'Arkom,
02:04 j'étais contente, je me disais peut-être qu'aujourd'hui,
02:06 on va arrêter de lyncher les gens gratuitement, en fait.
02:08 À ce moment-là, sur ce tournage, je le vis très mal.
02:10 Au point que mon corps, il a rejeté, il ne pouvait plus subir.
02:12 Donc, j'ai eu une alopécie diffuse et j'en ai parlé.
02:14 J'ai perdu tous mes cheveux, en fait.
02:16 Ça a été déjà une catastrophe pour moi en tant que femme
02:18 parce que l'alopécie, ça touche énormément de personnes.
02:20 On ne le sait pas forcément, mais c'est un choc émotionnel, en fait.
02:23 Et c'est vrai que j'ai vécu beaucoup, beaucoup de chocs
02:25 et beaucoup de traumatismes lors de ce tournage-là.
02:27 J'ai perdu ma voix, oui.
02:29 J'ai dû faire trois ans de réhabilitation vocale
02:31 parce que même aujourd'hui, j'ai un peu de stress, toujours.
02:33 Quand je vais me chanter devant des personnes,
02:35 alors que pourtant, je suis ancrée avec moi-même,
02:36 je sais que je chante bien, que je chante juste.
02:38 Mais c'est vrai que ça laisse toujours des séquelles.
02:40 Je me suis fait suivre, bien sûr, par une psychologue,
02:42 psychanalyste même, que je connaissais déjà à l'époque,
02:45 quand j'avais 20 ans.
02:46 Je ne regardais plus, en fait, les téléréalités du tout.
02:48 On va dire que sur les réseaux sociaux,
02:50 j'étais vraiment l'ombre de moi-même.
02:52 Je ne postais que des choses, on va dire, professionnelles
02:54 et je ne mettais plus du tout des choses de ma vie privée.
02:57 Je mettais mon sport, mon Starbucks, ma musique.
02:59 Voilà, c'est arrêté là.
03:00 Je ne voulais plus, en fait, qu'on puisse m'attendre
03:02 et qu'on puisse s'immiscer dans mon intimité.
03:03 Peu de gens au sable, mais j'ai passé un diplôme de psycho
03:05 parce que je suis passionnée par l'être humain
03:07 et je voulais comprendre aussi certains comportements.
03:09 J'avoue être un peu choquée
03:10 et je trouve que c'est très léger, en fait, on va dire,
03:12 parce que la première fois, on nous appelle des fois,
03:14 même si c'est trop loin, de se déplacer pour aller voir le psychologue.
03:16 Vous êtes OK, tout va bien, il n'y a rien de plus.
03:19 Et quand on sort d'une téléréalité, il n'y a aucun suivi.
03:22 Il n'y a aucun suivi du tout, même de la part de la production, en fait.
03:25 On est juste là pour se faire essorer s'il y a des bookings
03:27 ou des interviews à continuer de donner
03:29 parce qu'ils n'ont pas eu assez de contenu sur leur tournage.
03:31 Mais il n'y a rien de plus psychologique.
03:33 Et c'est vrai que pour moi, on peut vraiment briser quelqu'un.
03:35 Moi, je me suis vraiment sentie brisée dans ma vie.
03:37 Et aujourd'hui, c'est grâce à ce moment de ma vie
03:40 où j'ai dû trouver l'instinct de survie, où j'ai dû devenir Aurélie
03:43 et apprendre à aimer Aurélie parce que toute ma vie, j'avais fui Aurélie.
03:46 C'était la petite fille qui pleurait, on va dire, dans un coin, une pièce.
03:49 Et aujourd'hui, j'ai appris à l'aimer, j'ai appris à aller la chercher,
03:52 à la prendre par la main, à guérir mon enfant intérieur.
03:54 C'était important pour moi, mais c'est vrai que psychologiquement,
03:56 on n'a aucun suivi et pour moi, c'est scandaleux.
03:58 On devrait vraiment être pris en charge psychologiquement.
04:00 Mon regard aujourd'hui sur la téléréalité,
04:02 c'est que ça ne fonctionne plus parce que c'est allé trop loin
04:04 dans le trash à un moment donné, en fait.
04:06 Mais je pense que les enjouites, ça a été le début du navire
04:09 qui a sombré doucement, doucement, doucement, doucement.
04:11 Et je pense qu'aujourd'hui, les gens, ils ont besoin de divertissement.
04:13 La vie, elle est déjà tellement difficile.
04:14 On est déjà dans un climat anxiogène.
04:16 On est assaillie d'informations.
04:17 C'est vrai que le soir, on a envie de rigoler.
04:19 On a envie de choses qui soient légères.
04:21 On n'a pas envie de voir un bisutage à la télé de certaines personnes.
04:25 En fait, aujourd'hui, je vais super bien parce que déjà,
04:27 j'ai eu la chance de pouvoir écrire "Brisée".
04:29 Donc, après mon hospitalisation,
04:31 c'est ce qui a permis de mettre des mots sur des mots.
04:33 Et aussi le fait de pouvoir avoir ce témoignage de vie
04:36 qui permet d'aider les autres personnes, en fait.
04:38 Parce que tous les jours, je reçois énormément de messages
04:39 de personnes qui me disent qu'elles veulent mettre un terme à leur jour,
04:42 de parents qui me disent que leurs enfants sont harcelés,
04:44 avec qui je prends énormément de temps à converser sur les réseaux sociaux
04:47 parce que je prends au moins une heure tous les soirs pour répondre.
04:49 C'est important pour moi.
04:50 Les gens me donnent du temps, donc je leur donne aussi de mon temps.
04:52 Le fait de porter un message fort tel que le harcèlement
04:55 et la réparation par l'art, par exemple,
04:57 ou de porter une pétition pour ouvrir le premier centre de victimologie
05:00 à Montpellier contre le harcèlement,
05:01 ou même d'écrire à Brigitte Macron,
05:03 c'est mon feu brûlant.
05:04 C'est ce qui me permet de vivre, d'avoir ce second souffle,
05:07 cette énergie et d'aller mener des combats
05:09 parce qu'on est tous énormément de personnes à souffrir de ça, du harcèlement.
05:12 Et c'est vrai que pour moi, c'est un vrai sujet de société aujourd'hui.
05:15 Et je pense que j'ai toute ma place à prendre là-dedans
05:17 et c'est ce qui me fait vibrer.
05:18 Merci.

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